samedi 5 avril 2025

CHARLES IX à Troyes

 



La reine Catherine de Médicis, entreprend un voyage à travers la France, afin d’apaiser les esprits après les querelles religieuses entre catholiques et calvinistes.

Elle désire montrer à ses sujets le jeune monarque Charles IX, alors âgé de quatorze ans (venant donc d’atteindre sa majorité), accompagné de son frère, le duc d’Orléans, le futur Henri III, âgé de treize ans, et de sa sœur, la future reine Margot, qui a onze ans.

La cour arrive à Troyes, le 23 mars 1564.




Le corps constitué et les habitants vont au-devant du roi.

Selon un déguisement fort à la mode à l’époque, font partie du cortège, un grand nombre " de sauvages bien accoutrés ", les uns montés sur des ânes, les autres sur des boucs et sur des chèvres. Ils sont armés de flèches et de massues. Ensuite, vient une troupe de satyres armés d’arcs, de flèches, de casse-têtes, d’où pendent de petites boules garnies de pointes. Vient ensuite une compagnie richement vêtue de bourgeois et marchands portant la livrée du roi, puis le maire, les échevins et les conseillers, portant des robes de damas de soie mi-rouge, mi-bleue. Ils se mettent à genou, le maire présente au roi les clefs de la ville, et fait une harangue à laquelle le roi répond, puis ils remontent à cheval.

Chaque porte de la ville est décorée de groupes représentant Charlemagne, Minerve, la Victoire… avec des vers disant que les vertus du roi n’étaient pas moindres que celles du grand empereur.

La ville offre à la reine un présent de linge fin, à tous, les vins de la ville. Le présent fait au roi est un vase d’argent orné de figures, pesant 35 marcs, avec orfèvrerie et ciselure.

L’acte politique le plus important réalisé pendant ce séjour, est le traité passé entre le roi de France et la reine d’Angleterre.

La cour suit scrupuleusement les règles du carême : le roi, la veille des Rameaux, touche des scrofuleux, et, le jeudi saint, Charles IX et sa mère lavent les pieds de treize jeunes garçons et de treize jeunes filles pauvres.

Pour fêter ce deuxième traité de Troyes, de paix avec l’Angleterre, qui met fin à la longue querelle entre les deux pays, en rendant Calais et Le Havre à la France, des réjouissances sont organisées dans les jardins du palais des Comtes.

Une jeune fille, debout sur un char de triomphe, remet une bague au roi, tout en récitant un quatrain de Jean Passerat, il y a des joutes, un carrousel, une course dans le cloître Saint-Etienne, un feu d’artifice...

 Un historien contemporain signale que " Charles IX regarde dans le jardin de l’Evêché... les jeunes filles peu vêtues ".

Un autre déclare " qu’on voulut égayer le roi par un dernier spectacle. On le conduisit dans un jardin voisin de l’Evêché, où de jeunes personnes d’une grande beauté et entièrement nues, exécutaient des danses ! ".

Enfin, un troisième relate d’abord le séjour royal à Troyes, et signale qu’après Pâques "il ne fut plus question en cour que de jeux, festins, ébats et passe-temps, avec feux de joie, qui ont suivi la proclamation de la paix entre sa majesté et celle d’Elisabeth reine d’Angleterre... Depuis l’arrivée de la cour, la ville de Troyes se trouva grièvement affligée de peste... dont la reine mère fut bien avertie... Si est-ce que tout en un instant, elle résolut, contre l’opinion de la plupart des courtisans, de faire partir la cour. Etant le roi sur son départ, et déjà tout botté, on lui fit voir en un certain jardin de la maison épiscopale qui était proche d’icelle, une troupe de femmes, aussi peu honnêtes, que celles qui publiquement font marchandise de leur corps, pensionnaires des prêtres et chanoines, lesquelles d’une impudence et façon effrontée, familières à telles gens, chantaient des chansons vilaines et impudiques, sautaient et jouaient à la pet en gueule, se culbutant l’une l’autre, et découvrant parfois, en ce faisant, leur vergogne, devant les yeux de sa majesté, qui était assisté d’un côté du Cardinal Charles de Bourbon, et de l’autre de celui de Guise (Louis). Et après avoir repu les yeux de la tendre jeunesse du roi de cette effrontée et impudique contenance, la reine sa mère le fit monter à cheval, le dimanche seizième jour d’avril... "

Le jeu de pet-en-gueule, très en honneur vers la fin du XVI° siècle, " consiste simplement à faire une sorte de roue animée formée par l’entrelacement de deux joueurs. Il est plus badin que violent lorsque l’on a les reins souples, et s’il y a quelque chose à craindre pour les joueurs, c’est quelque mauvais vent, dont il est difficile de se garantir ..."

Au moment du départ de la cour de Troyes, " la reine mère laissa à sa partance les mesures des hauteurs du roi, de Monsieur son frère, et de Madame Marguerite sa sœur, engravées en la jambe d’une cheminée de l’une des chambres de la maison épiscopale, avec cette inscription : Charles neuvième, Alexandre (Henri), duc d’Orléans, Marguerite, fille du roi Henry second et sœur du roi Charles neuvième, furent mesurés par leur mère, à son appartement de cette ville, après avoir fait la paix avec l’Anglais, et mis le royaume en repos ".

 

Dépenses du roi Charles IX à Troyes




Je vous reproduis ci-dessous, textuellement, l’état des dépenses faites par Charles IX, le 8 avril 1564, lors de son séjour à Troyes, retrouvé sur un parchemin scellé et signé par le maître d’hôtel du roi,

Ce récit est d’un certain intérêt, il nous fournit, d’abord, le détail du menu de la table royale un jour maigre, et nous permet ensuite de pouvoir comparer approximativement la valeur des objets de consommation de l’année 1564, avec ceux de 1859 (que nous avons par ailleurs). A l’exception cependant du pain et du vin, dont le poids de l’un et la mesure de l’autre ne sont pas indiqués. On verra que, pour un roi de France, la somme de 13 f 92 de vin est on ne peut plus modeste, et encore il est supposable que sa majesté avait une nombreuse compagnie à sa table, témoins les 14 douzaines de pains qui sont affectés à la table royale.

Par contre, le personnel qui accompagne le roi consomme pour 265 f de vin, somme assez ronde pour une seule journée. Du reste, un personnel qui consomme pour 73 f 94 de pain et 265 f de vin, doit être nombreux, car admettant que chaque personne ait absorbé 1 kg de pain, en le mettant en rapport avec la valeur des autres objets de consommation, nous pourrions admettre que 150 personnes au moins accompagnaient le roi.

Le pain était une des denrées alimentaires la moins chère : les 28 douzaines + 8 pains qui figurent sur l’état, montrent que chaque pain était de 2 livres et aurait coûté environ 22 c le kg. Le pain royal revient à 37 c la douzaine. La table royale ne se compose que de poissons, mais de 9 sortes. Le poisson de mer n’est pas plus cher que celui d’eau douce, ce qui est surprenant, car à cette époque, l’éloignement, le manque de moyens de communications, devaient le rendre rare et cher. Comparativement, le poisson d’eau douce est d’un prix très élevé, et cela dans un pays très poissonneux. A cette époque, le poisson, le sel et le vin étaient du nombre des denrées les plus chères, cependant, la truite de la Laigne, celle de la Haute-Seine, étaient en très grande réputation. 20 années plus tard, nous voyons Henri IV savourer les pâtés de truites qu’il arrosait de ce bon petit vin d’Avirey que lui envoyait le maréchal de Praslin, et qu’il aimait tant. La côte du Val des Riceys, près d’Aviray, fournissait un vin très renommé, qui a figuré longtemps sur les tables royales.

Si de la table royale, nous passons à celle du commun, nous y trouvons 1 brochet à un prix supérieur à celui acheté pour le roi. Chose remarquable, le poisson destiné à la table de Charles IX est infiniment meilleur marché que celui du commun. Le beurre est d’un prix fort élevé, les œufs, les chandelles sont les prix du marché. Un arrêt du Parlement de 1565 fixe à 3 sous tournois la livre de chandelle faite avec du suif de bœuf, à 3 s 6 d celle qui était faite avec du suif de mouton. Or, le premier revenait à 4 f 54 et le second à 4 f 79. Les prix avaient sensiblement changé dans l’espace d’une année. Le boucher vendait les jours maigres, un certain poisson blanc, du beurre et des œufs, comme le fruitier vendait de la cire blanche et jaune, qui servait pour l’éclairage.

En général, tous les objets de consommation détaillés dans cet état de dépenses sont d’un prix aussi élevé que ceux de 300 ans plus tard ! La somme de 154 livres 6 sous 11 deniers, dépensée par le roi et sa suite, formerait un total de 4.567 f 40 de la monnaie 300 ans plus tard, chiffre peu élevé pour la journée d’un roi en voyage et accompagné de plus de 100 personnes.

Vous trouverez ci-dessous cet état des dépenses, avec en regard, la valeur approximative de la monnaie de 1859. 

 












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