C’est sous le règne de Henri II que la ville de
Troyes atteint son apogée : on élève des églises, on les restaure, on les
décore de vitraux et de statues, on construit des hôtels en pierre et des
maisons en bois décorées de sculptures…
Toute une pléiade de peintres et de sculpteurs,
qu’on appelle alors des tailleurs d’image, est occupée à ces travaux.
L’italien Dominique Florentin célèbre à la fois
comme peintre, sculpteur, architecte et graveur, s’est fixé à Troyes, et c’est
à lui que l’échevinage demande " de conduire les ouvrages " pour
l’entrée de Henri II : 6 échafauds sur le parcours du cortège, une fontaine
décorée par 3 vertus, devant l’hôtel de ville, une porte de triomphe, ornée de
12 colonnes à chapiteaux sculptés sur l’Etape-au-Vin (Place Audiffred)…
On va rechercher le preux Hector et Atlas rangés
dans une grange après la visite du dernier roi, mais ils sont en très mauvais
état, et il faut " les raccoutrer ".
On construit un cheval, un Pégase, qui doit figurer
sur un échafaud en face de l’hôtel de la Cloche.
François Gentil, notre artiste au grand talent, est
chargé de réaliser le modèle du présent que l’on doit donner au roi.
Les rues sont garnies de lierre, d’écussons,
d’inscriptions placées sur des tableaux. On y voit l’arbre des 12 pairs,
accompagnés de leur écussons, un jardin rempli de bergers, au milieu desquels
se trouve le dieu Pan, et trois mannequins de bois représentant les enfants de
Henri II et de Catherine de Médicis : François (qui deviendra François II),
Elisabeth (qui épousera Philippe II roi d’Espagne), et Claude (qui devint
duchesse de Lorraine). Tous trois sont habillés et coiffés, afin " que
l’illusion fût plus complète ".
Enfin, un engin est installé, qui doit faire
descendre du haut de la porte du Beffroi, la belle fille chargée d’offrir au
roi et à la reine un lis d’argent et un cœur d’or.
Henri II, arrive à Troyes le 9 mai 1548 (il y reste
jusqu’au 14), accompagné de sa femme et d’un brillant cortège : Marguerite de
France, sœur du roi, le connétable de Montmorency, les ducs de Nevers, de Guise
et d’Aumale, les maréchaux de Saint-André et de la Mark, les cardinaux de
Lorraine, de Guise et de Chatillon, Madame la grande maréchale Diane de
Poitiers.
Le roi est
précédé et suivi de cinq compagnies d’archers de sa garde, de compagnies de
suisses attachées à sa personne et à celle de la reine, de son trompette, des
joueurs de fifre et de tambour, d’archers, du héraut d’armes, des huissiers,
des chambellans… enfin, de la foule des laquais du roi et de la reine.
Le roi est sous un dais de velours rouge et violet
brodé d’or de Chypre et d’argent.
Selon l’usage, les magistrats municipaux les
attendent, habillés de neuf, avec des robes de velours rouge et violet,
précédés de leurs sergents également habillés de neuf. Ils sont accompagnés de
4.000 hommes des compagnies bourgeoises avec leurs bannières. Selon l’usage,
" on costume et travestit à la moresque une compagnie de gens de pratique
et le prince des sots avec ses suppôts est travesti en sauvage. " Cette
double mascarade plut au roi qui " prit un plaisir extrême à en voir les
ébats."
Tous les enfants sur les échafauds, richement vêtus
des couleurs du roi et de la reine, les uns en noir et blanc, les autres en
blanc et vert, crient " Vive le Roi ! "
Les chanoines de Saint-Urbain, en surplis et en
chapes se tiennent sous le portail de leur église, et le chapitre de la
cathédrale, devant le portail.
L’affluence du peuple est immense, le succès de
l’entrée est tel que les courtisans la déclarèrent " triomphante et
magnifique, et qu’elle fut mise par eux comme la plus belle de toutes les
villes de France. "
On interdit de sonner les cloches de Saint-Pierre,
la maréchale de Saint-André étant malade et logée chez un chanoine sous
l’horloge de la cathédrale.
Comme toujours, la ville prodigue les présents de
vin aux grands seigneurs, les dons en argent aux archers, aux valets, à
certains officiers du roi et de la reine. Elle fait offrir des corbeilles de
gâteaux aux seigneurs qui passent devant l’hôtel de ville à leur entrée…
Du souvenir du passage de Henri II, il reste un
souvenir : dans le fronton du portail latéral septentrional de l’église
Saint-Nizier, est sculptée l’initiale de son nom, surmontée d’une couronne.
Dans la frise, sont également sculptés 3 H.
En mai 1549, craignant que l’empereur Charles-Quint
ne vienne troubler son royaume, Henri II revient à Troyes avec toute sa cour,
car notre ville lui parait la plus importante pour sa sécurité.
HENRI
IV
De toutes les entrées de souverains qui ont eu lieu
à Troyes, celle de Henri IV est celle qui a laissé le plus de souvenirs.
Elle ne doit pas sa notoriété à la nouveauté,
l’éclat, la magnificence des fêtes que l’échevinage donne à cette occasion.
Elle le doit surtout aux vitraux où le dernier des grands peintres-verriers de
Troyes, Linard Gonthier, a tracé, d’un pinceau agile et brillant, les
principaux épisodes du passage à Troyes du premier roi de la dynastie des
Bourbons.
Linard Gonthier peint, pour la compagnie des
arquebusiers, quatre panneaux sur lesquels il retrace ces épisodes, et que l’on
peut admirer dans la grande salle de l’ancienne bibliothèque, rue du Musée.
Le séjour de Henri IV à Troyes le 30 mai 1595, n’a
pas le caractère solennel et joyeux des séjours que Charles VIII, Louis XII,
Henri II et Charles IX y firent.
Le roi de Navarre n’est pas encore entièrement
maître du royaume de France, et c’est en allant poursuivre les Espagnols en
Bourgogne (où il les bat), que Henri IV traverse Troyes.
Prévenu de cette visite, le maire décide de préparer
au roi une entrée convenable, malgré l’endettement de la ville de plus de 80.000
écus.
2.000 écus sont nécessaires pour en couvrir les
dépenses, et le maire et les échevins sont obligés d’avancer une partie des
fonds, de faire appel à la générosité des habitants et de s’engager à
rembourser au bout de 6 mois, les sommes qu’on voudrait bien leur prêter.
On fait nettoyer les rues et les abords de la ville,
on fait enlever les immondices qui se trouvent dans les rues où le roi doit
passer…
On fait élever 8 échafauds sur le parcours, de la
porte du beffroi à l’évêché, avec des écussons, des guirlandes, des chapeaux de
triomphe…
Des filles et garçons, de 5 à 10 ans "
proprement habillés et bien ajustés " sont placés sur les échafauds, avec
mission de crier " Vive le roi " aussitôt qu’il paraîtra…
Sur d’autres échafauds, il y a les chantres,
musiciens, symphonistes, ménétriers, joueurs de viole et d’autres instruments…
Grâce au vitrail de Linard Gonthier, nous pouvons
reconstituer cette visite.
Le 30 mai, le roi arrive revêtu de sa cuirasse, il
tient de sa main droite son bâton de commandement et porte son chapeau ombragé
de plumes bleues et blanches, il est sur son cheval blanc caparaçonné de bleu.
La porte du Beffroi, par laquelle tous les rois sont
entrés à Troyes au XVI° siècle, est précédée de deux ponts-levis et flanquée de
deux grosses tours.
Au-dessus du porche sont peintes en couleurs,
rehaussées d’or, les armes de la ville, soutenues par deux anges.
Le maire et les échevins, suivant l’usage, mettent
un genou en terre devant le roi, et le maire lui présente les clés de la ville.
De toutes parts, le peuple se presse pour voir le
roi, montant même sur les toits !
Place de l’hôtel de ville, s’élève un arc de
triomphe orné de statues dorées…
Quatre canons font entendre leurs salves…
Une jeune fille, sur un char traîné par deux chevaux
blancs, s’avance vers le roi et lui offre un cœur d’or fleurdelisé.
Le roi se rend à la cathédrale où il est reçu par
l’évêque, qui a été son confesseur et est son grand aumônier.
Henri IV prend place dans l’oratoire qui lui a été
dressé dans le chœur.
Ses armes sont peintes sur une toile semée de fleurs
de lys.
Agenouillé, le roi entend le Te Deum, puis il se
dirige vers l’évêché où des appartements lu ont été préparés.
Henri IV est satisfait de recueillir les témoignages
de fidélité d’une grande ville qui vient de se rallier à sa cause.
Il est suivi de 1.500 hommes d’armes, et se dirige,
dès le 31 mai, vers Dijon. En effet, son départ est précipité, en raison
d’heureuses nouvelles reçues, Dijon s’étant déclaré en sa faveur.
Il n’a même pas eu le temps de demander aux
habitants de Troyes, l’argent dont il a besoin. Mais dès le lendemain de son
départ, le bailli de Troyes réunit le corps de ville et les plus notables
bourgeois pour leur demander de prêter au roi une somme de 20.000 écus. Les
habitants en offrent 10.000, et le maire est chargé de répartir à titre
d’emprunt forcé, le solde, sur les " aysés " de la ville.
Le séjour rapide de Henri IV à Troyes prend une importance qu’il n’a pas eu à son origine, quand les arquebusiers recommandent à Linard Gonthier d’en faire le sujet de ses peintures. Ils veulent ainsi attester leur fidélité au roi Louis XIII, en exaltant le fondateur de sa dynastie.
Très beau reportage Pascalou. Merci du partage de ces pages d'Histoire de France
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