Chaque année, Troyes avait la réputation bien
établie de faire une « Fête de Jeanne d’Arc ». La journée était toujours
réussie, sinon, Troyes aurait manqué à sa réputation solidement établie. Pour
Troyes, c’était la « fête nationale ».
Prenons l’exemple de celle du 22 mai 1910, qui fut
particulièrement brillante et enthousiaste.
Comme tous les ans, l’empressement populaire
répondit avec élan au zèle des organisateurs et des organisatrices qui
s’ingéniaient chaque fois à rendre le programme de plus en plus attrayant.
Dans les grandes lignes, c’est d’ordinaire à peu
près le même plan : Messe solennelle, banquet, représentation populaire.
Cependant, cette année-là, il fut constaté quelques changements. Ainsi, le
salut fut donné à Saint-Jean plus rapproché de la salle du banquet que la
Cathédrale, et la représentation fut transportée au Cirque, pour éviter, autant
que possible, l’ennuyante nécessité de refuser des places.
Et, comme toute bonne fête à sa vigile, dès la
veille, Troyes célébrait sa « Bienheureuse » (elle avait été béatifiée en 1909,
et ne fut canonisée qu’en 1920), par un « Pavoisement » qui jetait sa note
éclatante et multicolore, le long de toutes nos rues, aux fenêtres et balcons
de très nombreuses maisons.
Le lendemain, tout Troyes prit des airs de grande
fête. Dès le matin, des artères avoisinant la gare, on voyait défiler les
sociétés musicales, les délégations diverses, les patriotes de la campagne qui
venaient réclamer leur part de la fête. Les commerçants troyens, même les «
moins religieux » trouvaient que la fête a du bon.
Mais c’est à la Cathédrale que les préparatifs
avaient été faits avec le plus de richesse et de profusion. Le Comité des Dames
de Jeanne d’Arc avait fait, comme tous les ans, décorer l’intérieur et le
portail de la cathédrale afin de donner à la cérémonie un cadre digne d’elle.
Des milliers de drapeaux et d’oriflammes furent placés tout le tour du chœur et
de la grande nef. Les écussons, trophées, armes, draperies, tableaux et
bannières se succédaient sans interruption. Au-dessus du maître-autel, l’image
de la Bienheureuse se détachait, auréolée de lumières, avec de nombreux
appareils à acétylène.
La messe pontificale était fixée à 10 heures, mais
la foule désireuse de bien voir et de bien entendre, devançait de beaucoup
l’heure officielle, et les commissaires eurent mille peines à faire respecter
les droits des porteurs de cartes et à les faire entrer en possession des
places qui leur avaient été réservées.
Pendant ce temps, les Sociétés de gymnastiques
défilaient de la rue Jeanne d’Arc à la Cathédrale, tandis que les confréries,
corporations, œuvres de jeunes gens… se groupaient sur la place Saint-Pierre,
et allaient bientôt se ranger en bon ordre aux abords de la sacristie.
Au signal donné par les trompettes du haut de la
tribune des orgues, le brillant cortège fit son entrée, précédant Nos Seigneurs
les Evêques, tandis que trompes, clairons et fanfares se répondaient. La
cérémonie fut très solennelle, avec 2 prélats (Mgr Marie-Etienne-Laurent
Monnier évêque de Troyes, et Mgr Touchet évêque d’Orléans), un clergé nombreux,
des personnalités de marque, comme ceux qui devaient présider les fêtes de
l’après-midi, dont le Général Chanoine, ministre de la guerre.
Les Sociétés musicales rivalisèrent de talent, dont
la Philarmonique de Chaource, la société Les enfants d’Essoyes, Les Trompes de
la Gauloise, Les Trompettes de Saint-Martin-de-Bossenay, les clairons et
tambours de l’Alerte, l’Avant-Garde, l’Alliance, la Jeanne d’Arc de Troyes,
l’Avenir de Celles, l’Alsace-Lorraine de Romilly, l’Union de Blignicourt et de
Rances, l’Alliance de Clérey, la Jeanne d’Arc de Saint-Julien, des Dierreys et
Messon, la Jeanne d’Arc de Brienne…
Toutes ces sociétés alternaient leurs harmonies avec
celles de l’orgue. Mgr Touchet, évêque d’Orléans, grand orateur, parla 1 heure,
et fut écouté avec un grand silence, malgré l’immensité de l’auditoire.
A midi 20, la foule sortit. Toutes les sociétés de
gymnastique et de musique défilèrent en bon ordre, au son des clairons, dans
les rues de la ville, puis déposèrent une couronne au pied du Monument des
Enfants de l’Aube (voir le chapitre) morts en 1870, pour la Patrie.
La Banquet : A midi et demi, plus de 500 hommes
prenaient place au banquet, salle de la Halle à la Bonneterie. Plus de 80
communes du département avaient envoyé leurs délégués. Une ovation fut faite au
jeune chef, puis eurent lieu plusieurs toast.
A Saint-Jean : Après tout banquet, il faut une
action de grâce. Elle eut lieu dans l’église Saint-Jean qui avait été décorée
pour la circonstance, et était remplie
de fidèles.
Au Cirque : Malgré les vastes proportions de
l’édifice, près de 1.000 personnes n’y purent pénétrer. Le général Chanoine
présidait. Plusieurs discours se succédèrent à nouveau, puis la représentation
annoncée commença. Les applaudissements ne manquèrent ni aux acteurs, ni aux
musiciens.
La conclusion fut faite par Monseigneur Touchet,
évêque d’Orléans : « C’est la consolidation de l’esprit d’union et de
fraternité qui doit régner parmi nous, c’est
l’accroissement dans les cœurs de l’amour de la Patrie, que Jeanne a
aimée au point d’en être la martyre, mais d’une Patrie fidèle à son passé
religieux, fidèle à son Dieu et à sa mission. Que le souvenir de ces belles
fêtes fortifie les uns et encourage les autres, et la journée aura été
fructueuse ».
Jusque vers 1970, la fête de Jeanne d’Arc à Troyes,
fut toujours l’objet d’un grand défilé ; aujourd’hui tout cela est du
passé.
voir : Jeanne d'Arc à Troyes
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