Louis XII proclamé Père du peuple lors des
Etats-Généraux de 1506
Les fêtes données par la Ville au XVIe siècle pour
honorer l’entrée des rois de France ont eu un incontestable éclat. Elles
témoignent de l’accroissement de leur pouvoir et du respect qu’il inspire.
Le 21 juillet 1500, le trompette de l’échevinage
appelle les habitants. Le sergent crieur l’accompagne. De toutes parts, les
passants accourent : il est annoncé la convocation immédiate d’une assemblée
des habitants, pour entendre la lecture d’une lettre de Louis XII que les
fourriers viennent d’apporter. Tous les chefs de famille, soit nobles, soit
artisans, le bailli, le maire et les échevins, tous les notables, entourés
d’environ 500 habitants, s’empressent de se rendre au couvent des Jacobins,
pour apprendre que Louis XII annonce sa prochaine arrivée. Il attend des
ambassadeurs d’Allemagne qui doivent venir en grand nombre, et pour les
recevoir, il leur a donné rendez-vous à Troyes.
La lettre lue, il est décidé que les préparatifs
pour le recevoir commenceront le jour même. A midi, des notables se rendent
dans toutes les maisons pour marquer celles où l’on pourra loger les princes et
autres personnages qui accompagnent le roi.
Avant tout, l’on s’assure de l’état sanitaire, précaution
non superflue, en ces temps de peste. Un certificat affirmant que depuis un an,
il n’y a eu à Troyes aucun malade de la peste ou d’autre maladie contagieuse,
est signé des curés, des médecins et des chirurgiens. Mais, la peste sévissant
à l’entour, une garde est mise aux portes, avec la mission d’empêcher d’entrer
en ville les hommes qui viennent " des lieux où l’on meurt. "
Vient ensuite la question des approvisionnements.
Les boulangers doivent se fournir de bonne et blanche farine en quantité double.
On interdit de pêcher dans les rivières à deux lieues de distance. On invite à
son de trompe tous ceux qui ont " oisons, cochons, chapons, poulets et
autres volailles, et aussi foin, avoine, paille fruits et autres vivres, de les
apporter incontinent en ville pour les vendre. On leur promet de les bien payer
et contenter." Quant aux marchands, on leur interdit de renchérir leurs
vivres, sous peine de confiscation ou d’amende. On expulse les bouches
inutiles, les vagabonds, les mendiants : " Que tout homme qui n’a maison,
soit vagabonds, bélîtres, malades… et autres de petit état non natif de cette
ville, vident incontinent icelle ville, à peine d’être fouettés par les
carrefours et après, s’ils sont trouvés faisant le contraire, d’être pendus et
étranglés. "
De nombreuses ordonnances sont prises, concernant
l’entretien des rues. La plupart renferment des immondices… on ordonne aux
habitants de les mener à un quart de lieue de la ville, de curer les ruisseaux,
on ne veut plus que les teinturiers y jettent les débris de leur industrie, on
interdit à toutes personnes et même aux enfants l’usage qui existait encore de
faire ses besoins dans la rue du Bois, il faut supprimer les obstacles dans les
rues où le roi doit passer… Une ordonnance veut que l’on enlève sans délai les
" vieilles galeries, saillies, bancs et avancées sur rues ", car les
habitants vont s’entasser sur les galeries chancelantes et " en voie de
choir ou de tomber " pour voir passer le roi et son cortège. On fait
" relever le pavé dans les endroits défectueux ".
Un des premiers bienfaits de cette visite royale,
permettait à la ville d’être nettoyée.
" Il y avait en ce moment, une admirable
activité artistique à Troyes. " Un Hector, de taille gigantesque fut
construit à l’entrée de la porte du Beffroy, ainsi qu’un Samson. Des poulies
sont installées en haut, pour " faire dévaler une jeune fille chargée de
souhaiter la bienvenue au roi. "
On prévoit une fontaine où doit couler du vin blanc,
place du Marché au Blé (Jean Jaurès), plus deux Place de l’Hôtel de Ville. Près
de la porte de l’Hôtel-Dieu, trois grandes tours en bois avec des peintures.
Enfin, une surprise pour frapper le roi : un énorme porc-épic (son emblème),
taillé dans un bloc " de pierre de Troyes ", son corps couvert de soies
de pourceau et de plumes. Le tout est accompagné d’écriteaux destinés à
recevoir des vers et des dictons….
Malheureusement, tous ces travaux, toutes ces
dépenses furent inutiles, car au mois d’août, on apprit que l’arrivée du roi
était retardée, puis le 19 septembre, annulée : " je sais bon gré aux
habitants de leurs préparatifs comme si j’avais eu l’occasion d’en profiter
"écrit Louis XII aux notables troyens. Cela n’empêche pas l’échevinage et
la population d’éprouver une déception réelle. Il fallut démolir les fontaines,
les charpentes, enlever les pieux des rues, démonter Hector et Samson… il y
avait eu des dépenses considérables : achat des présents et notamment les vins
que, suivant l’antique usage, on devait présenter au roi et aux seigneurs de sa
suite. On en donna à quelques grands personnages (chancelier, gouverneur de la
Champagne…) qui passèrent à Troyes à cette époque, plusieurs notables en
achetèrent, le reste fut vendu au public, mais en subissant des pertes
sensibles ! La ville avait en outre acheté du foin, de la paille et de
l’avoine. L’échevinage avait aussi commandé à l’un de nos réputés orfèvres, une
coupe en or, destinée au roi.
Le roi ne vint à Troyes qu’en avril 1510. Ce fut à
nouveau un branle-bas général. " 80 jeunes bourgeois, vêtus très magnifiquement
de soie, la tête couverte de toques rouges montés sur de chevaux bien harnachés
s’avancèrent jusqu’à St-Martin-ès-Vignes à la rencontre de Louis XII. Dans les
faubourgs, les habitants avaient dressé devant leurs maisons des tables, sur
lesquelles ils avaient placé du pain, du vin et des fruits. " Le roi était
accompagné d’une suite nombreuses de seigneurs, d’officiers et de serviteurs.
Quatre échevins portaient le dais qui devait l’abriter. A la porte du Beffroy,
on offrit au roi, un cœur d’or qui s’ouvrait pour laisser apparaître une fleur
de lys, plus un porc-épic en or écrasant un serpent. Le roi fut flatté de ces
présents, " mais surtout touché plus vivement par l’enthousiaste accueil
qui lui fut fait. "
Des fontaines, des emblèmes, des statues avaient été
dressées dans les carrefours comme en 1500. Toutes les rues qui conduisaient à
la cathédrale étaient tendues " de la plus belle tapisserie qu’on avait
trouvé ". Le peuple se pressait sur les galeries, aux fenêtres, aux
lucarnes, une foule émerveillée, enthousiaste se montrait, parée de ses plus
beaux habits de fête. Sur les gradins, plusieurs milliers d’enfants habillés à
la livrée du roi chantaient des vers à son honneur.
Louis XII s’avançait au son des cloches, au milieu
des cris de "Vive le roi " !
Les échevins " se multipliaient pour que les
approvisionnements ne vinssent point à manquer… engageant les boulangers à
faire du bon pain blanc, les bouchers à ne point renchérir leur chair,
stimulant les pêcheurs… " L’affluence ne diminua pas pendant les 15 jours
du séjour du roi.
La présence du roi était l’occasion pour faire
connaître les besoins de la ville, obtenir la confirmation de ses privilèges,
en demander de nouveaux : création d’une novelle foire (elle fut accordée du 7
au 22 mai), abolition de l’impôt de 12 deniers…
Louis XII laissa un souvenir durable de son passage,
contribuant à la construction de la tour de la cathédrale, en renouvelant un
droit d’un denier sur le minot de sel.
Le nom de " Père du Peuple " lui fut
donné.
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