Braina en 931, Branna en 1095, Brana castellum en
1133, Brenna en 1125, Brana ad Vidulam. Braine est à quatre lieues au Nord-Est
de Soissons, faisant face à la Forêt de Retz, dans l'axe Vierzy-Craonne, pratiquement
à la limite du département de l'Aisne.
Braine est une terre ancienne chargée d'histoire au
croisement de l'antique voie gauloise puis romaine qui relie, à cette époque,
Milan au Nord de la Gaule Belgique, et de la voie dynastique reliant le pays
des Parisii à celui des Rèmes. Plusieurs auteurs ont cru reconnaître Braine
dans l'antique Bibrax de Jules César, mais de nos jours c'est l'Oppidum du
Vieux Laon qui est l'hypothèse retenue. Mais Braine est l'un des douze oppidums
du Soissonnais, dont parle César.
Braine est traversée par la route royale de Paris à
Reims, la route des Sacres.
Braine tient dans l'histoire une place honorable par
les nombreux souvenirs qu'y laissent les princes mérovingiens, dont elle est
une des résidences de prédilection. C'est la cour préférée de Clotaire Ier.
C'est là que Clotaire enfouit ses trésors, dont son fils Chilpéric s'empare
aussitôt après sa mort, et dont il distribue une partie aux principaux
seigneurs du pays, qui le proclament roi.
Braine devient la plaisance des rois mérovingiens.
Dans la grande salle du château de Braine se tient, en 580, le concile convoqué
pour examiner les accusations que Leudaste portent contre Grégoire de Tours.
La terre de Braine passe des rois mérovingiens dans
les mains du leude Authaire de Sancy qui sauve la vie de Clotaire II et devient
par reconnaissance seigneur de Braine, de Condé et de Sancy. Il est le père de
saint Ouen, évêque de Rouen, qui lègue cette terre à l'Eglise qu'il gouverne en 683.
Lorsque les Normands envahissent la Neustrie, le
clergé de Rouen fait transporter à Braine les objets les plus précieux de la
cathédrale et sa bibliothèque, l'une des plus riches de l'époque. Ils y sont
conservés pendant plus d'un siècle. Les annales des Bénédictins nous apprennent
qu'en 922 un clerc de Soissons va puiser à cette source des documents sur la
vie de saint Romain. Quelque temps après, une partie de la bibliothèque devient
la proie des flammes, et l'autre est pillée par les barbares. C'est aussi de
Rouen qu'est apporté le corps de l'évêque Evodius, ce qui fait mettre l'église
du lieu sous l'invocation de ce saint (saint Kvodius ou Yvad), Saint-Yved.
Le pays de Braine est devenu en 931 la propriété de
Hugues le Grand (898 - 956), duc des Francs,comte de Paris, père d'Hugues Capet,
qui le tient de l'évêque de Rouen. Flodoard rapporte qu'en 931, des fidèles
d'Herbert de Vermandois partent de Reims, prennent d'assaut le château de
Braine (castrum) et le détruisent. Hugues le Grand le fait reconstruire.
Ragenold, comte de Roucy, s'en empare à son tour en 949, et ne le rend à Hugues
le Grand que sur les instances du roi Louis d'Outremer. Le pays de Braine est
réuni au domaine de la couronne par l'avènement de Hugues Capet.
Thibaut le Grand, comte de Champagne (1102 - 1152), a une fille Agnès qui porte le comté de Braine en dot dans la maison de Baudement. L'abbaye de l'Ordre des prémontrés, dont il reste l'église, du nom de St Yved (Evodius), évêque de Rouen dont le corps y est enterré, est fondée en 1130 par André de Baudement.
Agnès de Baudement, comte de Braine (1130 - 1204),
épouse Robert, fils du roi Louis le Gros, frère de Louis VIII, et tige des
comtes de Dreux et de Braine. Ce prince agrandit l'abbaye de Saint-Yved, qui
est un des types les mieux caractérisés de l'architecture du XIIIe siècle. De
son côté la comtesse de Braine convertit de nombreuses familles juives au
catholicisme au XIIe siècle. Leur fils, Philippe de Dreux (1158 - 1217),
Évêque-comte de Beauvais, est élevé à la dignité de pair de France par
Philippe-Auguste.
Parmi les tombes que renferment le chœur et la nef
de l'église de Braine, plus de dix sont consacrées à des membres de la lignée
royale. Elles forment un des plus riches ornements de cette église, et lui
permettent de passer pour la succursale de Saint-Denis.
Braine est en 1205 le théâtre d'une horrible
exécution. Des gens, au nombre desquels figure un peintre alors célèbre, nommé
Nicolas Perrot, ayant été accusés d'hérésie, y sont brûlés en présence du comte
et de la comtesse de Braine.
Au début du XIIIe siècle, Robert II de Dreux, comte
de Braine y établit un château.
Quand la branche aînée de son illustre famille
s'éteint, la terre de Braine entre, en 1323, dans la maison de Roucy, qui n'est
certes pas d'origine royale, mais la plus puissante et peut-être la plus
ancienne du Laonnois. Simon de Roucy hérite du comté. Il joue un rôle important
sous le règne de Charles V qui l'envoie pour des besognes secrètes touchant son
honneur en certaines parties du royaume.
Cette ville est pillée par les Anglais en 1359. En
1414, Jeanne, comtesse de Roucy et Braine, dame de Montmirail, épouse le
damoiseau de Commercy. Ce Robert de Sarrebruck suit le parti bourguignon, à
l'inverse de la famille de sa femme, et son attitude attire sur la vallée de la
Vesle qui est très calme depuis les débuts de la guerre de Cent Ans, les hommes
d'armes, leurs ravages et leurs pillages. Braine est prise par les Bourguignons
en 1422. Les Royalistes s'en emparent l'année suivante; mais les Bourguignons
la leur reprennent peu de temps après. Robert se rapproche ensuite de la cause
française et le 24 juillet 1429, il est fait chevalier dans la cathédrale de
Reims par Charles VII, après son sacre et tandis que Jeanne d'Arc se tenait au
pied de l'autel. Par suite de nouveaux démêlés survenus entre la cour et le
comte de Roucy et de Braine, en 1435, le connétable attaque cette ville, mais
est repoussé.
Robert IV de la Marck, maréchal de France, est de
1537 à 1555 comte de Braine. Braine est prise par les protestants en 1567. En
1586, les habitants de Braine obtiennent du roi la permission de fermer de murs
la ville et le faubourg de Saint-Remi. Ces travaux leur coûtent 600 écus d'or.
Braine est de nouveau attaqué en 1590 par les Ligueurs, qui consentent
néanmoins à s'éloigner pour une somme de 200 livres ; ce qui ne les empêche
pas, trois ans après, de s'emparer par surprise de douze des plus riches
bourgeois de cette ville et de les mettre à rançon.
Braine est encore prise et pillée deux fois par les
Espagnols, en 1650 et 1652.
Le 8 mars 1689, Louise-Madeleine Eschalart de la
Marck, le plus grand parti de France, selon Mme de La Fayette, porte le comté
de Braine en dot à Henry de Durfort, duc de Duras et pair de France.
Saint-Simon le présente comme un homme bien fait mais changé par la vie et les
débauches, fort aimé mais sans aucun esprit. Il meurt à 27 ans d'une petite
vérole et de beaucoup d'autres écrit le mémorialiste Micberth.
Avant la Révolution Braine dépend de l'intendance, des bailliage, élection et diocèse de Soissons. Il y a, à Braine, un prieuré de l'Ordre de Cluny dépendant de la Charité-sur-Loire. Il y a une paroisse sous l'invocation de saint Nicolas.
Au XIXe siècle une gendarmerie, puis un haras
national (1816 -1875) s'installent dans les bâtiments de l'Eglise vendus comme
biens nationaux à la Révolution.
Les ruines du château de Folie sont détruites lors
de la Première Guerre mondiale. Du Moyen Age, il subsiste également les restes
d'une maison à colombages et surtout l'église abbatiale de Saint-Yved.
L’Église
Saint-Yved de Braine, ancienne église
abbatiale prémontrée Saint-Yved
L’ancienne abbaye de Prémontré de Saint-Yved de
Braine, aujourd’hui principalement connue par le chœur de son église, constitue
un chef-d’œuvre du premier art gothique dit « classique ». Ce monument,
remarquable par sa rigueur architecturale et sa symétrie, est rehaussé d’une
tour-lanterne dont la majesté rivalise avec celle de la cathédrale de Laon.
L’abbatiale, reconstruite entre 1180 et 1210, s’inscrit dans le cadre d’une
fondation princière capétienne, initiée par Robert de Dreux, fils cadet du roi
Louis VI le Gros, et son épouse Agnès de Baudement, dame de Braine.
À partir de 1185–1190, c’est leur fille, Agnès II de
Braine, épouse de Robert de France, comte de Dreux, qui entreprend la
reconstruction de l’église abbatiale. Achevée probablement en 1208, elle est
solennellement consacrée le 31 août 1216 sous le double vocable de la Vierge et
de saint Yved. Le patronage princier explique la rapidité du chantier et la
grande homogénéité du monument, conçu dès l’origine comme une église abbatiale,
une nécropole dynastique et un sanctuaire de dévotion lié à la présence de
reliques.
L’implantation de chapelles à 45 degrés entre les
bras du transept et le chœur, disposition déjà observée à l’église bénédictine
de Saint-Vincent de Laon et à celle de Mons-en-Laonnois, sera reprise peu après
à l’abbatiale de Saint-Michel et à la chapelle du palais ducal de Dijon. Ce
parti architectural témoigne d’une circulation liturgique pensée pour les
processions et les cultes spécifiques.
Contiguë au château seigneurial, l’église abbatiale
devint la nécropole des comtes de Dreux et de Braine, véritable « Saint-Denis »
dynastique pour cette branche capétienne. Elle abritait un ensemble
exceptionnel de vitraux historiés ainsi qu’un riche programme sculpté narratif
réparti sur les trois portails du massif occidental. En 1501, une monumentale
flèche d’ardoises, baguée de couronnes de plomb, fut élevée au sommet de la
tour-lanterne, affirmant la verticalité et la puissance symbolique de
l’édifice. Au début du XVIe siècle, cette tour-lanterne fut surmontée d’une
flèche de pierre, détruite par la foudre en 1628 et remplacée peu après par un
dôme polygonal en pierre, surmonté d’une flèche charpentée.
L’église fut gravement dévastée durant les guerres
de Religion, puis lors de l’occupation des armées impériales en 1650, qui
ruinèrent plusieurs tombeaux seigneuriaux. En 1650 également, les tombeaux
orfévrés des comtes de Braine furent pillés par les troupes espagnoles de
Léopold de Habsbourg, causant des pertes irréversibles dans le patrimoine
funéraire de l’abbaye.
Du IXe siècle jusqu’à la Révolution française,
l’abbatiale fut dépositaire des reliques de saint Yved et de saint Victrice.
Leur translation vers la cathédrale de Rouen au XIXe siècle marque la fin d’un
cycle spirituel pluriséculaire. Transformée en église paroissiale en 1791, elle
est vidée de son mobilier en 1792 et 1793. Les statues et les tombeaux sont
détruits, ainsi que le jubé de pierre du XVIe siècle. En avril 1794, l’église
sert d’écurie pour un régiment de chasseurs logé dans le château. Une partie
des voûtes de la nef s’effondre en 1808, et l’édifice est à nouveau pillé par
les armées alliées en 1814. Les verrières médiévales sont dispersées, et une
partie est cédée à la cathédrale de Soissons en 1816. Menaçant ruine, le
couronnement de la tour-lanterne est détruit en 1819.
En 1824, le nouveau doyen de la paroisse, l’abbé Pierre-Nicolas Beaucamp, sollicite le rétablissement de l’église abritant les dépouilles princières, qu’il fait exhumer. Aussi, en 1828, est entreprise la restauration de l’« église royale de Saint-Yved », interrompue par la révolution de 1830 qui rend utopique tout projet de restitution intégrale. Les travaux sont repris en 1832 sous la conduite d’Antoine-Émile Gencourt, architecte de l’arrondissement de Soissons, qui fait supprimer le massif occidental et les quatre premières travées de la nef. L’église, redevenue paroissiale, est rendue au culte le 18 juillet 1837 sous le vocable de la Vierge et figure sur la première liste d’édifices classés au titre des Monuments historiques en 1840.
En 1877, Maurice Ouradou, gendre de Viollet-le-Duc,
construit un nouveau couronnement pour la tour-lanterne, surmonté d’un toit à
quatre pignons et d’une flèche évoquant celle disparue en 1628. Ce couronnement
sera anéanti par un incendie le 28 août 1944.
Après les dommages subis durant la Première Guerre
mondiale, le maître-verrier Jacques Gruber réalisa entre 1924 et 1929 une
remarquable série de 21 vitraux. Dans trois chapelles et sur la rose nord, il
reprit les codes esthétiques des verrières de la fin du XIXe siècle. En
revanche, il fit preuve d’une grande liberté formelle et chromatique dans le
chœur, la chapelle des fonts baptismaux et la rose sud. Parmi les œuvres les
plus significatives figurent la verrière du baptême du Christ, la rose du
transept sud illustrant les vertus de la Vierge Marie, et la baie de la
fontaine de vie du déluge.
En 1970, les Monuments Historiques procédèrent au
remontage, à l’intérieur de l’église, des éléments de l’ancien portail central
dédié à la Vierge, témoignant d’un souci de préservation et de restitution
patrimoniale.
[Le dimanche 17 septembre 1865, la ville de Braine
s’éveilla dans une ferveur inhabituelle. Dès les premières heures, les cloches
de l’abbatiale Saint-Yved sonnèrent à la volée, appelant les fidèles, les
curieux, les anciens et les enfants à se rassembler pour un événement que l’on
n’avait plus vu depuis des siècles : la translation solennelle des reliques de
Saint Yved et de Saint Victrice. Sous l’impulsion de l’abbé Henri Congnet,
prêtre érudit et passionné de mémoire chrétienne, cette cérémonie fut pensée
comme un acte de foi, mais aussi comme une restauration du lien entre la ville,
son histoire, et ses protecteurs spirituels. Les reliques, conservées
jusqu’alors dans des conditions modestes, furent extraites, purifiées,
préparées, puis déposées dans des châsses restaurées, dorées, ornées de
médaillons représentant les épisodes marquants de la vie des deux saints. On
avait convoqué les tailleurs, les menuisiers, les doreurs, les chantres, les
enfants de chœur, les confréries paroissiales, les prêtres des communes
voisines, et même quelques notables venus de Laon et de Soissons. La procession
s’élança depuis la chapelle basse, traversa les rues de Braine lentement, au
rythme des psaumes, des encensoirs balancés, des bannières claquant au vent.
Les fidèles suivaient en silence, certains pieds nus, d’autres tenant des
cierges, tous les regards tournés vers les châsses portées par les hommes du
village, comme on porterait un roi ou un martyr. À chaque carrefour, on
s’arrêtait pour une prière, une bénédiction, un chant repris par la foule. Les
fenêtres étaient garnies de draps blancs, les balcons fleuris, les enfants
hissés sur les épaules pour mieux voir. Une fois les reliques entrées dans
l’église, le silence fut total. L’abbé Congnet monta en chaire et prononça un
discours vibrant, mêlant histoire, théologie et émotion populaire. Il rappela
que Saint Yved, évêque de Rouen, avait été jadis le protecteur de la cité, que
ses reliques avaient traversé les siècles, les guerres, les pillages, et qu’il
revenait aujourd’hui, non pas comme une relique oubliée, mais comme une
présence vivante, une mémoire incarnée. Saint Victrice, lui aussi évêque de
Rouen, fut célébré pour sa résistance aux persécutions, son zèle missionnaire,
sa capacité à convertir par la parole et par l’exemple. Les reliques furent
déposées dans le chœur, sous les voûtes gothiques, dans une niche restaurée,
entourées de cierges, de fleurs, de chants latins. La messe fut dite avec
solennité, mais sans précipitation. On prit le temps. Le temps de regarder, de
comprendre, de ressentir. Le temps de transmettre. Car cette cérémonie n’était
pas seulement religieuse : elle était patrimoniale, historique, communautaire.
Elle rétablissait un lien rompu, elle redonnait à Braine sa vocation de
sanctuaire, de lieu de mémoire, de terre de transmission. Et lorsque les
cloches sonnèrent à nouveau, en fin d’après-midi, ce n’était plus pour appeler
: c’était pour sceller. Sceller une journée de renaissance, une journée de
fidélité, une journée où les morts avaient repris leur place parmi les vivants.]
Voir la notice de la Translation des
Reliques ICI
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Personnalités inhumées en l’abbaye (sans vestiges conservés)
Robert de France, comte de Dreux († 1188), et Agnès
de Baudement († 1204), son épouse.
Robert II de Dreux († 1218) et Yolande de Coucy (†
1222), son épouse.
Pierre Ier de Bretagne († 1250), duc de Bretagne.
Robert III de Dreux († 1234).
Robert IV de Dreux († 1282).
Cœur de Jean Ier de Dreux († 1249) et Marie de
Bourbon-Dampierre († 1274), son épouse.
Robert de Dreux, vicomte de Beu et de Châteaudun (†
1264), et Clémence de Châteaudun († 1259), son épouse.
Amé II de Sarrebruck-Commercy.
Robert II de Sarrebruck-Commercy.
Guillemette de Sarrebruck, comtesse de Braine, dame
de Montagu, épouse de Robert III de La Marck de Bouillon.
Françoise de Brézé (1518–1574), fille de Diane de
Poitiers, comtesse de Maulévrier, baronne de Mauny et de Sérignan, épouse de
Robert IV de La Marck, dit le Seigneur de Florange, duc de Bouillon, prince de
Sedan, comte de Braine et de Maulévrier, mort empoisonné en 1556 sur ordre de
l’empereur Charles Quint
Au
sujet des princes oubliés de Saint-Yved – Mémoire d’une nécropole capétienne
L’abbaye de Saint-Yved de Braine fut, du XIIe au
XVIe siècle, bien plus qu’un sanctuaire religieux : elle constitua une véritable
nécropole dynastique pour la branche cadette des Capétiens, les comtes de
Dreux, ainsi que pour plusieurs lignées alliées de haute noblesse. Si aucun
vestige funéraire ne subsiste aujourd’hui, les sources historiques permettent
de reconstituer l’importance politique, dynastique et symbolique de ces
inhumations.
Parmi les figures fondatrices, Robert de France,
comte de Dreux († 1188), fils du roi Louis VI le Gros, incarne le lien direct
entre la monarchie capétienne et l’abbaye. Son épouse, Agnès de Baudement (ou
de Baudemont) († 1204)), dame de Braine, apporte par son héritage territorial
le socle foncier de la fondation. Leur descendance perpétue cette vocation
funéraire : Robert II de Dreux († 1218), époux de Yolande de Coucy († 1222),
puis Robert III († 1234) et Robert IV († 1282), tous inhumés dans l’abbatiale,
illustrent la continuité d’un lignage princier enraciné dans le territoire
briard.
La présence du duc Pierre Ier de Bretagne († 1250),
mort lors de la septième croisade, témoigne du rayonnement de l’abbaye au-delà
du domaine de Dreux. Son inhumation à Braine, plutôt qu’à Rennes ou
Saint-Denis, souligne l’importance stratégique et affective de ce sanctuaire.
Le cœur de Jean Ier de Dreux († 1249), mort en Terre
Sainte, fut rapporté et inhumé aux côtés de son épouse Marie de
Bourbon-Dampierre († 1274), renforçant le caractère sacré et mémoriel du lieu.
D’autres membres de la famille, comme Robert de Dreux, vicomte de Beu et de
Châteaudun († 1264) et Clémence de Châteaudun († 1259), y furent également
ensevelis, consolidant le rôle de Saint-Yved comme centre funéraire de la
maison de Dreux.
Au tournant des XIVe et XVe siècles, l’abbaye
accueille les Sarrebruck-Commercy, seigneurs d’origine lorraine, dont Amé II et
Robert II, ainsi que Guillemette de Sarrebruck, comtesse de Braine et dame de
Montagu, épouse de Robert III de La Marck de Bouillon, prince du Saint-Empire.
Ces inhumations traduisent l’élargissement du rôle funéraire de l’abbaye à des
lignées princières transrégionales.
Enfin, au XVIe siècle, Françoise de Brézé
(1518–1574), fille de la célèbre Diane de Poitiers, y est inhumée. Comtesse de
Maulévrier, baronne de Mauny et de Sérignan, elle fut l’épouse de Robert IV de
La Marck, dit le Seigneur de Florange, duc de Bouillon, prince de Sedan, comte
de Braine et de Maulévrier. Ce dernier mourut empoisonné en 1556 sur ordre de
l’empereur Charles Quint, dans un contexte de tensions politiques entre la
France et le Saint-Empire.
Ces sépultures, aujourd’hui disparues, formaient un ensemble funéraire exceptionnel, comparable à celui de Saint-Denis pour les rois de France. Leur destruction progressive — pillages, Révolution, guerres — a effacé les traces matérielles, mais non la mémoire historique. L’abbatiale de Saint-Yved demeure ainsi un lieu de mémoire silencieuse, où l’histoire des princes oubliés continue de résonner dans la pierre.
Sceaux
d’Agnès « Comtesse de Bar » attachés à une charte de 1158 cédant des terres à
l’église de « Sainte-Marie Mère de Dieu » à Braine
Voir : Les Seigneurs de Braine : ICI
Mobilier et vitraux de l’église de Braine
L’évolution du mobilier et du décor de l’ancienne
église abbatiale Saint-Yved reste partiellement méconnue. On suppose qu’un
enrichissement notable eut lieu au XVIIIe siècle, avant que le vandalisme révolutionnaire
ne provoque la destruction ou la dispersion des tombeaux médiévaux des comtes
de Braine, inhumés dans la chapelle Saint-Denis, ainsi que du jubé de pierre
commandé par l’abbé Michel Coupson entre 1531 et 1540. Les verrières médiévales
furent également dispersées peu après, et une partie fut cédée à la cathédrale
de Soissons en 1816.
Lors de la réouverture de l’église au culte en 1837,
le mobilier de l’ancienne église paroissiale Notre-Dame fut transféré dans
l’abbatiale : maître-autel, deux autels secondaires, quatre crédences, clôture
de chœur, fonts baptismaux, chaire à prêcher, autel de saint Sébastien. Tout au
long du XIXe siècle, les aménagements se succèdent : autels secondaires dédiés
à la Vierge et à saint Yved, nouveaux fonts baptismaux, stalles, chemin de
croix, orgue et buffet d’orgue. Les autels des deux chapelles biaises nord sont
alors dédiés à la Vierge et au Saint-Sacrement (aujourd’hui chapelle des fonts
baptismaux), ceux des chapelles biaises sud au Sacré-Cœur (anciennement à saint
Nicolas, puis à saint Sébastien) et à saint Yved (anciennement à saint Denis).
Des verrières archéologiques à personnages et à
médaillons sont réalisées au troisième quart du XIXe siècle, probablement par
Louis-Charles Auguste. Après les dommages de la Première Guerre mondiale, la
parure vitrée est entièrement reconstituée, tandis qu’une partie du mobilier
endommagé ou détruit est remplacée selon les dessins des architectes Lucien
Sallez et Robert Chaleil (chaire à prêcher, autel du Sacré-Cœur).
En 1939, le sculpteur Ernest Sédiey, engagé sur le
chantier de Mont-Notre-Dame, reconstitue la neuvième station du chemin de croix
détruite, et livre deux bénitiers ainsi qu’une statue de Vierge de Pitié en
1942. Trois cloches, fondues à partir des débris des cinq cloches détruites
lors de l’incendie du clocher en 1944, sont réalisées par Joseph Granier et
consacrées en 1963. Un autel conforme à la nouvelle liturgie est placé dans la
partie antérieure du chœur après le concile de Vatican II. Enfin, la reconstitution
du portail central de l’ancienne abbatiale, en 1970, au revers de la façade
occidentale moderne, entraîne la dépose de l’orgue et de son buffet.
Les
verrières de Jacques Gruber (1929–1934)
Le peintre-verrier nancéen Jacques Gruber réalise
entre 1929 et 1934 un ensemble de 21 verrières figurées, en remplacement des
vitraux du XIXe siècle détruits durant la Grande Guerre. Ce cycle
iconographique, réparti dans les baies 1 à 14, 100 à 104, 117 et 118, couvre
les grands thèmes de la foi chrétienne : vie de la Vierge, vie du Christ,
baptême, vie de saint Remi, saints de l’église de Braine, Christ en majesté,
Vierge en majesté.
Les verrières des trois chapelles biaises (baies 5 à
10, 12 et 14), ainsi que la rose du bras nord du transept (baie 117), font
référence au vitrail médiéval, en hommage aux verrières archéologiques
disparues. Elles adoptent une composition traditionnelle en quadrilobes
superposés, entourés d’ornementations végétales. À l’inverse, les autres baies
présentent une liberté formelle et chromatique typique du vitrail de
l’entre-deux-guerres, avec abolition du cadre narratif et intégration de
citations religieuses comme éléments de composition.
Dans le chœur (baies 1 à 4), Gruber illustre le
Sermon sur la montagne, tel que relaté par saint Matthieu et saint Luc, avec
les Béatitudes transcrites dans les baies 2 et 4. Les inscriptions y sont
précises et poétiques :
« Heureux les pauvres en esprit », « Elle n’a pas
croulé, elle était bâtie sur le roc », « Le filet prend des poissons de toutes espèces
», etc.
La chapelle de la Vierge (baies 5, 7, 9) présente
des scènes de sa vie ; celle du Sacré-Cœur (baies 6, 8, 10) illustre la vie du
Christ. La chapelle des fonts baptismaux (baies 11 et 13) évoque la liturgie du
baptême et des passages bibliques liés aux fleuves du paradis, au baptême du
Christ, à la fontaine de vie et au déluge universel. Les inscriptions latines y
abondent :
« CEON/PHISON/EUPHRATE/TIGRE/RETROSUS EST
JORDANUS/SICUT CERVI AD FONTES »
[NdP :
« Le
Cion, le Phison, l’Euphrate et le Tigre — le Jourdain remonte à la source, comme
les cerfs vers les fontaines. » «
Sicut cervi ad fontes » [NdP : (variation du verset du Psaume 42:2
(Vulgate)) Comme le cerf soupire après les eaux vives, ainsi mon âme soupire
après toi, ô Dieu. »], « Sursum corda / Habemus ad Dominum ». [NdP (Cette
formule est extraite du dialogue d’ouverture de la Préface dans la liturgie
eucharistique chrétienne (rite latin). Elle marque le passage vers la
sanctification du rite, l’élévation intérieure, et la communion spirituelle.)
»Élevons nos cœurs. / Nous les tournons vers le Seigneur. »]
La chapelle Saint-Yved (baies 12 et 14) est
consacrée à saint Remi, patron de l’ancien prieuré-cure de Braine, à saint
Norbert, fondateur de l’ordre de Prémontré, ainsi qu’à saint Yved et saint
Victrice, évêques de Rouen dont l’église conserva les reliques.
Les baies hautes du chœur (100 à 104) représentent
la Crucifixion, le Christ entouré des prophètes et des apôtres, et des motifs
décoratifs. La rose nord (baie 117) montre le Christ en majesté, entouré du
tétramorphe, des douze apôtres et des vingt-quatre rois de l’Ancien Testament.
La rose sud (baie 118) figure la Vierge en majesté, rayonnante au centre d’une
ronde d’anges portant les phylactères des litanies mariales :
CAUSA NOSTRAE LAETITIA/VIRGO CLEMENS/CONSOLATRIX
AFFLICTORUM/SEDES SAPIENTIAE/SALUS INFIRMORUM/MATER CHRISTI/AUXILIUM
CHRISTIANORUM/VIRGO PRAEDICANDA/REGINA PACIS/MATER PURISSIMA/ROSA MYSTICA/MATER
ADMIRABILIS.
Séquence mariale (Baie 118)
[Cause de notre joie/Vierge clémente / Consolatrice
des affligés / Siège de la sagesse / Salut des malades / Mère du Christ /
Secours des chrétiens / Vierge digne d’être proclamée / Reine de la paix / Mère très pure / Rose mystique / Mère
admirable]
La baie 5 porte le nom de la famille donatrice
Rouillon-Riffaut, et la baie 4 est signée J. Gruber, scellant ainsi l’œuvre
dans la mémoire du lieu.
L'aigle-lutrin fait partie de l'ameublement usuel du chœur des églises paroissiales au 17e et surtout au 18e siècle. La forme de celui de Braine, dont le pied est formé de trois ailerons soulignés de fleurons, incite à le dater de la fin du 17e ou du début du 18e siècle, par comparaison avec certaines pièces un peu plus tardives, au caractère rocaille plus affirmé (souplesse de la forme, exubérance du décor). L'église abbatiale Saint-Yved ayant été vidée de son mobilier sous la Révolution, l'aigle lutrin fait probablement partie des éléments acquis lors de la réouverture au culte de l'église en 1837, ou transférés à cette occasion depuis l'ancienne église du prieuré Notre-Dame. limite 17e siècle 18e siècle
L'aigle en ronde-bosse aux ailes déployées, symbole de saint Jean l’Évangéliste, supporte le pupitre. Il se tient sur un globe couronnant le pied formé de trois ailerons reposant sur trois pattes de lions.
- Banc de
célébrant XVIIIe
Le banc d'officiant épouse la forme d'un
autel-tombeau de style rocaille. Il fait probablement partie du mobilier
transféré de l'ancienne église paroissiale Notre-Dame, ou fût acquis après la
réouverture de l'église Saint-Yved au culte en 1837.
Châsses de saint Yved et de saint Victrice,
1835
Les deux reliquaires épousent la forme très répandue
d'une chapelle en bâtière, dont les parois sont ajourées de baies cintrées
(trois sur chacun des longs côtés, une sur chacun des petits), fermées de
vitres de verre pour laisser voir les reliques. Trois oculi quadrilobés sur
chaque pente de la couverture permettent également de voir à l'intérieur des
reliquaires. h = 64 ; l = 77 ; la = 40.
Grille :
Clôture de chœur XVIIIe
Cette grille en fer forgé de style rocaille est un
bel exemple de clôture de chœur du milieu du 18e siècle. Acquise en 1803, pour
l'ancienne église du prieuré Notre-Dame, devenue église paroissiale après le
Concordat, elle a été déplacée à Saint-Yved en 1833 en prévision de la
réouverture de l'église au culte. Elle provient peut-être de l'ancienne église
abbatiale dont le mobilier a été détruit ou dispersé sous la Révolution, en ce
cas il s'agirait probablement du seul élément de mobilier d'Ancien Régime de
l'ancienne église abbatiale à y être revenu. Placée à l'entrée du chœur
jusqu'au début du 20e siècle, elle a probablement été fixée après la Première
Guerre mondiale contre la paroi de la première travée du bas-côté nord où elle
se trouve toujours.
La porte à deux battants est encore munie de ses étroits
dormants latéraux et de son couronnement. Les éléments de tôle, traités en
relief et dorés, sont assemblés par soudures et rivets.
Portes en ferronnerie à deux battants, fer, en
plusieurs éléments forgé, repoussé, peint, doré, décor en relief, décor
rapporté : h = 391 ; la = 227.
Dalle
funéraire de Marie de Dreux – 1775
La dalle de forme carrée est scellée dans le sol de
la chapelle Saint-Nicolas, devant l'autel. L'épitaphe en occupe toute la
surface. h = 83 ; la = 81.
CY
GIST/MADAME MARIE DE DREUES FILLE [DE]/MONSEIGNEUR ARCHEMBAUD DE BOURBON/PRIEZ
POUR S'AME/ELLE TRÉPASSA A LA/VIGILE ST BARTHÉLEMY EN L'AN DE
GRACE/MCCLXXIV/SON TOMBEAU A ÉTÉ TRANSPORTE CY A COTE/POUR LA DÉCORATION DE
L’ÉGLISE/L'AN 1775.
Décor
du portail central de l'ancienne façade occidentale (linteau, tympan, voussure)
XIIe-XIIIe
La restauration de l'ancienne église abbatiale
Saint-Yved, menée à partir de 1832, s'est traduite par la suppression de la
façade et des quatre premières travées de la nef. Une nouvelle façade-écran a
été élevée avec un nouveau portail orné des débris de la voussure et des
coussinets de l'ancien portail central, qui datait de la construction de
l'édifice. C'est alors qu'ont été dispersés dans l'église les principaux
éléments du décor sculpté du portail central, tandis que le musée de Soissons
recueillait un des deux anges encadrant le Couronnement de la Vierge au tympan
du portail central, ainsi que le tympan du portail latéral nord figurant la
Descente aux limbes et l'Enfer. Lors de l'exposition "Cathédrales"
présentée au musée du Louvre, à Paris, de février à mai 1962, la réunion des
trois figures du tympan, ainsi que du roi et de la sibylle de la voussure, fut
si convaincante qu'il fut alors envisagé de reconstituer au revers de la façade
occidentale moderne l'ancien portail avec les éléments originaux du linteau, du
tympan et de la voussure, les deux coussinets figurant des anges ainsi que
trois colonnettes des ébrasements. L'entreprise a été menée à bien en 1970 sous
la conduite de Maurice Berry, architecte en chef des Monuments historiques.
Reconnu dès le 19e siècle comme une œuvre majeure de la sculpture gothique, cet
ensemble s'inspire directement des portails des cathédrales de Senlis et de
Laon et s'apparente au style de l'enluminure contemporaine (notamment le
psautier d'Ingeburge, Chantilly, musée Condé) par l'élégance des figures qui
présentent les qualités de ce que l'on nomme habituellement le "style
1200".
Le portail montre le Couronnement de la Vierge au
tympan, encadré à l'origine de deux anges, dont seul celui de droite a
subsisté. La Dormition de la Vierge du linteau devait être complétée par
l'Assomption. L'Arbre de Jessé, déployé sur la voussure, complétait les quatre
statues-colonnes de prophètes dans les ébrasements, dont seule une tête a
subsisté, fixée au 19e siècle sur le corps du gisant de Marie de Châtillon
(musée de Soissons).
Tympan
du portail central : le Couronnement de la Vierge XIIe-XIIIe
Après la dispersion des sculptures du portail
occidental au 19e siècle, les figures de la Vierge et du Christ avaient pris
place dans des niches de part et d'autre du chœur de l'église ; tandis que
l'ange était déposé au musée de Soissons (inv. 93.7.2506). Après avoir figuré à
l'exposition "Cathédrales" en 1962 (cat. 45 et 46), le Couronnement
de la Vierge a été replacé sur le portail central reconstitué en 1970.
Les trois figures ont été replacées pour former le
tympan du portail.
Dimensions totales du tympan : h = 195 ; la = 370 ;
pr = 27. Dimensions du haut-relief du Christ : h = 180, la = 80. Dimensions du
haut-relief de la Vierge : h = 180, la = 80. Dimensions du haut-relief de
l'ange : h = 162, la = 94.
Iconographies : Couronnement de la Vierge, de
trois-quarts, assis, Bible, Vierge Christ, ange, de profil, en pied, encensoir
La scène s'inscrit sous une arcature trilobée que
soutiennent deux colonnes (une seule subsiste). Deux anges en pied flanquaient
les deux figures centrales (une partie de l'un d'eux se distingue à gauche de
la Vierge), tandis que la scène était encadrée de deux anges thuriféraires dont
seul celui de droite subsiste.
État de conservation : manque, œuvre
recomposée, traces de peinture
Précision état de conservation :
Des traces de polychromie ancienne subsistent sur
les vêtements des personnages. Les mains de la Vierge et la main droite de l'ange
ont été brisées. L'ange de gauche, manquant, n'a pu être replacé.
Linteau
du portail central : Dormition XIIe
Formant la partie gauche du linteau du portail déposé au 19e siècle, la Dormition a longtemps servi de devant d'autel dans la chapelle du Saint-Sacrement, avant d'être intégré dans la reconstitution du portail occidental en 1970. Accompagnée à l'origine de l'Assomption, cette œuvre est à rapprocher, par son style, du linteau du portail de l'église collégiale de Mantes dont la construction de la façade occidentale débuta vers 1198.
La scène reprend l'iconographie classique de la
Dormition, la Vierge mise au tombeau par douze apôtres qui l'entourent.
Voussure
du portail central : Arbre de Jessé XIIe
Les éléments de l'Arbre de Jessé qui ornait la
voussure du portail ont été déposés et dispersés au 19e siècle. Tandis que
vingt claveaux étaient remontés, avec les coussinets, sur le portail de la
nouvelle façade occidentale, le roi de Juda et la sibylle de Cumes étaient
fixés sur le revers du mur sud du bras sud du transept et ont été présentés à
l'exposition "Cathédrales" en 1962 (cat 47 et 48). L'ensemble des
figures ont été intégrées sur la voussure lors de la reconstitution du portail
en 1970.
La moitié des éléments (22 sur 44) formant l'arbre de
Jessé a été replacée sur la voussure du nouveau portail. Les deux figures d'un
roi de Juda et de la sibylle de Cumes sont superposées au troisième rang à
gauche.
Dimensions de chaque claveau : h = 82 ; la = 54.
Iconographies arbre de Jessé, de face, assis,
couronne, globe, Sibylle de Cumes Roi de Juda, ornement végétal, acanthe,
arabesque, frise
Selon l'iconographie traditionnelle, les claveaux
représentent chacun une figure de la généalogie du Christ inscrite dans un
décor végétal en forme de 8. Le roi de Juda devait tenir un globe dans la main
gauche, tandis que la sibylle de Cumes, apparentée aux prophètes dans l'arbre
de Jessé, lève la main gauche dans l'attitude de l'oracle.
Manques, traces de peinture, quelques éléments, dont
le globe du roi, ont été brisés.
Maître-autel
et son tabernacle XVIIIe
Le maître-autel en forme d'autel-tombeau, surmonté
de son tabernacle, est représentatif des autels galbés qui se diffusent en
France à partir du deuxième quart du 18e siècle. Ses dimensions assez
imposantes ainsi que la qualité de son décor sculpté, qui l'apparente au
maître-autel de l'église de Serches, peuvent laisser penser qu'il était destiné
à l'origine à un sanctuaire important, église abbatiale ou collégiale. La
partie antérieure de l'autel est aujourd'hui fixée, comme le tabernacle, sur un
bâti de maçonnerie moderne, ce qui indique bien un remontage probable du 19e
siècle.
L'autel et le tabernacle sont peints en blanc. Le
décor en relief est doré. Le devant d'autel et le tabernacle sont fixés sur un
bâti de maçonnerie moderne. La table d'autel en bois est également moderne. Le
tabernacle est flanqué de deux ailerons à volutes. L'ensemble est fixé sur un
degré en calcaire moderne.
Le devant d'autel est orné d'une Mise au tombeau en
relief doré dans un cartouche. Le cadre qui délimite le panneau antérieur,
comme les chutes aux angles du meuble, sont soulignés de rinceaux. La porte du
tabernacle est ornée de la figure du Bon Pasteur. Les parois sont soulignés de
rinceaux et de chutes végétales.
Chapelle
des Fonts Baptismaux
Elément
de poutre de gloire (groupe sculpté) : Calvaire XVIe
Ces trois figures de Calvaire ont probablement été
fixées au 19e siècle sur l'autel de la chapelle des fonts baptismaux. Elles
proviennent d'une des nombreuses poutres de gloire placées au 16e siècle à
l'entrée du chœur des églises paroissiales. Si elles ne proviennent pas du
décor de l'ancienne église abbatiale, elles correspondent peut-être aux trois
statues de même sujet mentionnées dans l'église paroissiale Notre-Dame en 1817.
Le Christ a été fixé en 1960 sur une croix moderne
élevée à l'arrière du tabernacle. Son revers est plat. Il est entouré, sur le
gradin, par les figures de la Vierge à gauche et de saint Jean l’Évangéliste à
droite, dont le revers est sculpté.
Dimensions du Christ : h = 131 ; la = 145 ; pr = 25.
Dimensions de la Vierge : h = 117, la = 32, pr = 29. Dimensions de saint Jean
l’Évangéliste : h= 123, la = 38, pr = 29.
Fonts
baptismaux (cuve baptismale à infusion) et leur couvercle XIXe
Le fût cantonné de quatre colonnes repose sur une base hexagonale. La cuve de plan quadrilobé est coiffée d'un couvercle conique en cuivre jaune.
h = 100 ; d = 80. Dimensions du couvercle = h = 50,
d = 50.
Sur la cuve, sont figurés les symboles des
évangélistes dans des écoinçons, sur fond de frise de rinceaux ajourés.
Tétramorphe, aigle de saint Jean, boeuf de saint Luc, homme de saint Matthieu,
lion de saint Marc
Sculptures
Animaux musiciens XIIe-XIIIe
Ces animaux musiciens font probablement partie du décor sculpté original de l'ancienne église abbatiale, dont ils devaient orner les pignons du massif occidental détruit à partir de 1832. Tout en illustrant les arts libéraux, et particulièrement la musique qui devait tenir une place de choix parmi les activités des chanoines, ces quatre sculptures sont une belle évocation du bestiaire du Moyen Âge classique, entre réalisme et fantastique. A l'instar de quatre autres animaux musiciens qui figurent toujours sous leur dais sur les pignons du transept, ils ont été placés au sommet d'une colonne sur les quatre pignons de la tour-lanterne reconstruits en 1877 sous la conduite de Maurice Ouradou : le singe à l'ouest, le bélier à l'est, le lion au nord et le loup au sud. Après l'incendie de 1944, les quatre animaux et leur chapiteau moderne leur servant de socle ont été déposés à l'intérieur de l'église. Les huit pièces, ainsi que d'autres éléments lapidaires classés, ont été déposés au musée de Soissons en 1962. D'après une photographie d'époque, le lion avait déjà perdu sa tête lors de son installation sur la tour-lanterne.
Chacun des quatre animaux se détache du bloc de
parement dans lequel il est sculpté, et qui épouse encore en sa partie
supérieure la forme cintrée de l'oculus du pignon de la tour-lanterne sous
lequel il était fixé jusqu'en 1944. Ils ont été sciés en deux parties lors de
leur dépose.
Chaque animal, représenté de face et accroupi, joue
d'un instrument de musique : le singe de la viole, le bélier de la flûte, le
loup de la cornemuse, et le lion de la harpe.
Œuvres déposées et mutilées : La tête du lion,
la flûte du bélier ainsi que la plupart des extrémités des membres antérieurs
ont disparu.
Après le vol des deux têtes de gargouilles en 1960,
cet ensemble a été déposé au musée de Soissons en 1962, ainsi que les vestiges
des gisants de Simon de Roucy et de Marie de Châtillon.
Statue (grandeur nature) : Vierge à l'Enfant XIIe
La Vierge à l'Enfant en majesté, placée aujourd'hui dans la niche axiale de l'abside et pourvue d'une tête moderne, présente les mêmes qualités plastiques (élégance de la ligne, travail du drapé) que les figures du Couronnement de la Vierge provenant du portail central de l'ancienne église abbatiale. Datant, comme ces dernières, de la fin du 12e ou du début du 13e siècle, elle provient probablement elle-aussi du décor de la façade occidentale de l'ancienne église abbatiale détruite à partir de 1832, peut-être comme couronnement de gâble, comme aux cathédrales de Laon, de Bourges ou de Chartres.
Sculpture, revers plat, calcaire, en plusieurs
éléments, blanc taillé, poli, peint, polychrome
h = 166 ; la = 87 ; pr = 52. Vierge à l'Enfant, de
face, assis, couronne
État de conservation : manque, traces de
peinture, partie remplacée. La statue présente des traces de polychromie
ancienne bleue et rouge. La tête est moderne.
Tombeau
(gisants) de Simon de Roucy et Marie de Châtillon XIVe-XVe
Vue du gisant de Marie de Châtillon, auquel a été fixée une tête (de prophète ?) provenant du portail occidental.
Dans la seconde moitié du 14e siècle, Simon de
Roucy, comte de Braine, fait aménager dans le bras sud du transept de l'église
abbatiale et la chapelle biaise qui le prolonge à l'est, une chapelle funéraire
familiale sous le vocable de Saint-Denis. Son fils Jean de Roucy, évêque et duc
de Laon de 1386 à 1418, fait élever cinq tombeaux pour ses parents, ses frères,
sa sœur et ses neveux. Le monument funéraire de Simon de Roucy et de Marie de
Châtillon, décédés respectivement en 1392 et en 1396, a probablement été
réalisé peu après leur disparition à l'initiative de leur fils. Il est relevé ainsi
que l'ensemble des tombeaux seigneuriaux de Braine pour l'érudit et antiquaire
Roger de Gaignières à la fin du 17e ou au début du 18e siècle. Ces dessins,
conservés depuis le 19e siècle à la Bodleian Library d'Oxford (Royaume-Uni) ont
été copiés sur calque par l'érudit local Stanislas Prioux au milieu du 19e
siècle, ce qui permet d'en connaître l'aspect. D'après cette source, les gisants
des deux époux étaient sculptés en calcaire polychrome, à l'exception des mains
et des visages en albâtre. Ils reposaient avec leur dais sculptés et armoriés
sur une dalle de marbre noir bordée de l'épitaphe gravée en écriture gothique.
Le dessin de Gaignières permet également de restituer assez fidèlement
l'épitaphe et les armoiries. En effet, tous ces monuments funéraires ont été
détruits sous la Révolution, à l'exception des pieds du gisant de Simon de
Roucy (ou de celui de son fils Hugues de Roucy, décédé en 1395) et du corps du
gisant de Marie de Châtillon. Ce dernier, mutilé, a été affublé dès le 19e
siècle d'une tête de vieillard barbu. D'après certaines comparaisons
iconographiques et stylistiques, notamment avec les portails des cathédrales de
Laon et de Senlis, cette tête provient vraisemblablement d'une des quatre
statues-colonnes de prophètes placées dans les ébrasements du portail central
de la façade occidentale de l'ancienne église abbatiale. Les deux vestiges du
tombeau sont en dépôt au musée de Soissons depuis 1962.
Seuls subsistent aujourd'hui le corps du gisant de
Marie de Châtillon et les pieds du gisant probable de Simon de Roucy.
Taille de pierre, marbrerie, sculpture, calcaire, en
plusieurs éléments, blanc taillé, peint, polychrome, décor en relief, marbre,
monolithe, noir taillé, poli, gravé
Dimensions du corps du gisant de Marie de Châtillon
: h = 31 ; l = 146 ; la = 44. Dimensions des pieds du gisant de Simon de Roucy
: h = 26, l = 26, la = 46.
Iconographies :
personnage
historique, lion homme, de face, en pied, prière, armure, ornement animal
personnage
historique, chien femme, de face, en pied, prière, ornement animal
Selon le dessin de la collection Gaignières, le gisant de Simon de Roucy était revêtu de l'armure articulée et de la cotte armoriée du chevalier, un lion héraldique à ses pieds. Le dessin du tombeau de Hugues de Roucy montre un gisant semblable à celui de son père, et pose ainsi le problème de l'attribution des pieds subsistants. Le gisant de Marie de Châtillon est revêtu d'une longue robe et d'un manteau armorié. Ses pieds reposent sur deux chiens adossés. Le corps mutilé de la statue a été affublé d'une tête de prophète provenant probablement du portail occidental.
Inscriptions
& marques
dates, dédicace, épitaphe, armoiries gravées sur l'œuvre,
français, latin, connu par document
Précision
inscriptions
Cy gist hault et puissant prince monseigneur simon conte de roucy [et] de braine qui trepassa en son chastel du bois les roucy en l'an de grace mil ccc iiii xx [et] douze le mardy xviiie jour de fevrier./Cy gist tres haulte et puissante dame madame marie de chatillon contesse des dis lieux et/fe[m]me du dit monseigneur le conte qui trepassa en lan de grace mil ccc iiiixx [et] xvi le xie jour davril Et leur fit faire cette sépulture rev[er]ens pere en dieu monseigneur/jehan de roucy par la grace de Dieu evesque [et] duc de laon conte danisy per de france leur fils. Armoiries de Simon de Roucy (sculptées et peintes sur le dais et sur la cotte) : d'or au lion d'azur ; armoiries de Marie de Châtillon (sculptées et peintes sur le dais et sur le manteau) : parti, à dextre d'or au lion d'azur (Roucy), et à senestre palé de gueules et componé d'azur et d'argent, au chef d'or à un alérion de gueules (Châtillon).
État
de conservation : œuvre mutilée
Le corps du gisant de Marie de Châtillon et les
solerets du gisant de Simon de Roucy, appuyés sur un lion couché, sont les
seuls vestiges connus du tombeau.
Descente
aux limbes XIIe-XIIIe
Portail latéral
Après la destruction du massif occidental et des
quatre premières travées de la nef de l'église à partir de 1832, une partie du
décor sculpté a été recueillie par le musée de Soissons. Le tympan illustrant
la Descente aux limbes et l'Enfer (inv. 93.7.2492) était jusqu'alors encastré
dans le mur de la tribune de l'orgue, mais il ornait probablement à l'origine
un des portails latéraux de la façade occidentale. Le traitement pittoresque de
l'Enfer rappelle les scènes de même sujet provenant du jubé de la cathédrale de
Bourges, probablement contemporain, mais avec une plus grande intensité
dramatique. La procession des damnés et la figure du Christ, en revanche, sont
représentées avec plus de rigueur qui annonce les figures du jubé de Notre-Dame
de Paris, daté de la deuxième décennie du 14e siècle. Le manque de cohérence
entre les deux scènes, formées de blocs découpés et assemblés à une époque
récente, peut laisser penser à une autre origine, comme un jubé. Comme
l'ensemble du décor sculpté original de l'ancienne église abbatiale Saint-Yved,
le tympan se place dans la mouvance stylistique de la cathédrale de Laon,
caractéristique de la manière classique des années 1200. L’œuvre a été
présentée en 1962 à l'exposition "Cathédrales" au musée du Louvre à
Paris (n° 100), avec des éléments du portail central.
h = 200 ; la = 252 ; pr = 40.
La scène occupant environ le quart inférieur droit
du tympan représente la Descente aux limbes, avec la figure du Christ à droite
qui se penche sur la procession menée par Adam et Eve suivis de trois
personnages représentant les Patriarches et les Justes. A leurs pieds, le
Diable est allongé et enchaîné. La scène de l'Enfer occupe la majeure partie de
l'espace. Les damnés représentés par leurs vices (avarice, luxure, perfidie)
sont amenés et jetés par des diables dans la marmite placée dans la gueule du
Léviathan. Au sommet de la composition est placée une tête de diable avalant
une victime, tandis qu'un reptile borde la partie supérieure gauche.
Le tympan est formé de huit blocs de calcaire réunis
par du ciment. Des éléments manquent sur la partie supérieure droite, et
certains éléments ont été martelés. Des traces de peinture originale sont
visibles.
L’ancien
portail de l’église de saint Yved de Braine
(Portail roman disparu)
Localisation originelle : Façade occidentale de
l’église Saint-Yved, Braine (Aisne) Datation : Fin du XIIᵉ siècle (vers
1180–1200) Destruction : Démonté au XIXᵉ siècle lors de restaurations ;
éléments dispersés ou perdus Source principale : Amédée Boinet, L’ancien
portail de l’église Saint-Yved de Braine, Congrès archéologique de France, 78ᵉ
session, 1911, publié en 1912
Portail roman à voussures multiples, encadré de
colonnes engagées
Matériaux : Calcaire local, sculpture en haut-relief
Éléments conservés : Quelques fragments signalés
dans les archives diocésaines, non exposés (NdP : aucune photographie connue ;
reconstitution uniquement textuelle.)
Tympan – Description iconographique
Sujet central : Christ en majesté, assis sur un
trône, entouré du tétramorphe (les quatre Vivants de l’Apocalypse : ange, lion,
taureau, aigle). Le Christ bénit de la main droite et tient le Livre dans la
gauche, deux anges thuriféraires encadrent la scène, les ailes déployées
Registre inférieur : Les douze apôtres en frise,
identifiables par leurs attributs (clés, rouleaux, épées) [NdP : composition
proche du portail de Saint-Denis, mais avec stylisation champenoise.] Archivolte et voussures, motifs : Palmettes, rinceaux, entrelacs végétaux,
petits personnages bibliques dans les voussures internes (Daniel, Jonas, Moïse)
Inscription latine : HIC PORTALIS DEDICATUS EST IN HONORE SANCTI YVVED ET SANCTUS VICTRICIV CAMPO DOMINI GODRFC ABBATIS
Chapiteaux historiés : Sacrifice d’Abraham, Lutte de
Jacob avec l’ange, Chute d’Adam et Ève
Piédroits : Sculptures de saints locaux, dont Saint
Yved en habit monastique (NdP : iconographie rare ; Saint Yved représenté comme
confesseur et non martyr.)
Fonction
liturgique et symbolique
Le portail marquait l’entrée rituelle vers le
sanctuaire contenant les reliques. Il servait de point de départ aux
processions lors des translations et fêtes patronales (voir Congnet,
Notice sur la translation, 1865, pour les gestes rituels liés au portail.)
Note
critique
[La disparition du portail constitue une perte
majeure pour la mémoire liturgique et artistique de Braine. Sa reconstitution,
fondée sur les relevés d’Amédée Boinet, permet de restituer partiellement le
geste sculpté et la théologie visuelle du lieu. ]
Reconstitution graphique du portail occidental de
l’église Saint-Yved, tel qu’il apparaissait à la fin du XIIᵉ siècle, avant sa
disparition au XIXᵉ siècle. Le tympan représente le Christ en majesté, assis
sur un trône, bénissant de la main droite et tenant le Livre de vie dans la
gauche. Il est entouré des quatre Vivants de l’Apocalypse (ange, lion, taureau,
aigle) et de deux anges thuriféraires.
Sous le tympan, une frise montre les douze apôtres,
chacun identifiable par ses attributs et son attitude. Les archivoltes sont
ornées de figures bibliques, de rinceaux végétaux et de motifs géométriques.
Les chapiteaux historiés des colonnes latérales illustrent le sacrifice
d’Isaac, la lutte de Jacob avec l’ange, et la chute d’Adam et Ève.
L’inscription latine, reconstituée selon les relevés
d’Amédée Boinet (1912), mentionne la dédicace du portail à Saint Yved et Saint
Victrice, sous l’abbatiat de Godefroi.
HIC PORTALIS DEDICATUS EST IN HONORE SANCTI YVVED ET
SANCTUS VICTRICIV CAMPO DOMINI GODRFC ABBATIS.
[« Ce portail est dédié en l’honneur de saint Yved
et de saint Victrice, dans le champ du Seigneur, sous l’abbatiat de Godfric. »]
[NdP : Cette reconstitution repose sur les
descriptions textuelles du Congrès archéologique de France, 78ᵉ session, et sur
les annotations critiques insérées dans le dossier. Elle ne prétend pas
restituer l’original avec exactitude, mais propose une lecture transmissive du
geste sculpté.]
Tous les éléments encadrés par des crochets [ ]
constituent des notes personnelles.
Ces interventions visent à :
expliciter
les tournures latines ou archaïques
signaler
les sources croisées ou les variantes liturgiques
proposer
des hypothèses de lecture ou de transmission
enrichir
le texte sans en altérer la teneur