lundi 6 octobre 2025

Translation des reliques de Braine (02)

 

Châsses de st Yved et de st Victrice en l'église de Braine @Pascal


NOTICE

SUR LA TRANSLATION DES RELIQUES

DE S. YVED ET DE S. VICTRICE

EN LA VILLE DE BRAINE

Par M. l’abbé Henri CONGNET

DOYEN DU CHAPITRE DE SOISSONS

(16 et 17 octobre 1865)


Les translations de reliques ont toujours été, dans l’Église catholique, l’occasion de grandes solennités et d’un nombreux concours d’ecclésiastiques et de fidèles ; les princes mêmes de l’Eglise se faisaient un honneur d’y assister. Il est souvent arrivé que Dieu, pour récompenser la foi et l’empressement des populations, y a manifesté sa puissance par des miracles, dus à l’intercession des saints dont on vénérait les ossements.

Les reliques qui sont conservées à Braine, et dont nous allons nous occuper dans cette dissertation, sont celles de saint Victrice et de saint Yved ou Évode, tous deux évêques de Rouen.

Saint Victrice est un des pontifes qui, à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve, ont le plus illustré l’église des Gaules. Devenu évêque de Rouen, il eut des rapports d’amitié avec les saints les plus vénérés de son temps : saint Martin, saint Ambroise et saint Paulin de Nole, etc. Il mourut vers l’an 407. Son corps fut inhumé dans son église cathédrale.

Saint Yved ou Évode (Evodus) fut un des successeurs de saint Victrice, et il occupa le siège de Rouen probablement de 533 à 550. Dieu le favorisa du don des miracles. C’est aux Andelys, où saint Yved était allé remplir, avec son zèle accoutumé, les fonctions épiscopales, que le Seigneur l’appela à lui pour le récompenser de ses travaux. Son corps fut transporté avec grande pompe dans la cathédrale de Rouen.

Les ossements de ces deux pontifes furent conservés à Rouen jusqu’au milieu du IXe siècle, époque où le chapitre les retira de leur crypte pour les mettre en lieu de sureté ; nous essayerons, dans cette courte dissertation, de répondre aux questions suivantes :

1° A quelle occasion les reliques de saint Victrice et de saint Yved ou Évode ont-elles été portées à Braine (1) ; et pourquoi cette ville a-t-elle été choisie de préférence pour conserver ce précieux dépôt ?

2° A-t-on des raisons suffisantes de penser que les reliques soit de saint Yved, soit de saint Victrice, sont restées à Braine depuis le milieu du IXe siècle jusqu’à l’époque de la révolution française ?

3° Que sont devenues les reliques de saint Yved depuis 1793 jusqu’à présent ?

4° Quelles sont les preuves que les reliques de saint Victrice ont été conservées à Braine jusqu’à ce jour ?

5° A quelle occasion et comment s’est faite la nouvelle translation et le partage desdites reliques, en 1865 ?

 

(1       (1) Depuis 1853, le conseil municipal de Braine réclame en vain de l’administration le rétablissement de la véritable orthographe du nom, de cette ville. – Le dictionnaire des postes écrit : Braisne. Il en est de même sur les murs de la station du chemin de fer. – Cette orthographe est contraire à l’usage et à l’étymologie, puisque le nom latin de cette localité est : Brana, Brenna ou Brennacum, mots où l’s ne se trouve pas. – Voyez les bulletins de la Société Archéologique de Soissons, tom VII, pages 60-98-104.

 

I

 

Pourquoi les reliques de saint Victrice et de saint Yved ou Évode ont-elles été transportées à Braine vers le milieu du IXe siècle ?

Quiconque a parcouru seulement quelques volumes de l’histoire de l’Église catholique sait parfaitement jusqu’où nos pères portaient la vénération pour les reliques des martyrs et des saints confesseurs. Ils les recueillaient même au péril de leur vie ; et quand une fois ils étaient parvenus à en obtenir quelques portions, ils mettaient toute leur vigilance à les conserver, à les préserver de toute avarie, et surtout à empêcher qu’elles ne fussent dérobées ou profanées.

Pour peu que l’on soit instruit de la doctrine catholique au sujet des reliques, on conçoit cet empressement pour honorer des corps qui ont renfermé des âmes si nobles et si sublimes, des corps qui ont été l’instrument de tant d’actes de vertu et de charité. L’humanité a toujours retiré des avantages réels du culte des reliques, entendu et réglé selon l’esprit de l’Église. A la vue de ces fragiles débris de si saints personnages, les plus imposantes figures de leur siècle, nous sentons notre propre courage se fortifier ; nous sommes portés à marcher sur leurs traces et à nourrir dans notre mémoire le souvenir de leurs vertus.

Ces idées, ces considérations justifient suffisamment la sainte avidité de nos ancêtres pour s’assurer la possession de quelques saintes reliques.

Or, au IXe siècle, des hordes d’hommes inconnus et féroces s’abattent tout à coup sur la Neustrie ; partout où ils passent, le pillage, l’incendie, le carnage les accompagnent. Ils brisent les châsses pour s’emparer de l’argent, de l’or, des pierres fines qui les entourent. – La cathédrale de Rouen a toutes raisons de craindre la profanation des corps de pluseiurs de ses vénérés pontifes et choisit le moyen le plus naturel pour les oustraire aux regardes de ces nouveaux barbares :

La terre de Braine avec son château fort, s’est-on dit, appartient en propre (1) à l’église se Rouen (2) et en est éloignée de plus soixante lieues. C’est un héritage que lui a légué un de ses évêques, saint Ouen. Les soldats normands, jusqu’à présent, ne paraissent pas songer à diriger de ce côté leurs incursions. – Après de mûres réflexions, le chapitre de Rouen prit donc une détermination. Les corps de saint Victrice et de saint Yve furent retirés de leur crypte et transportés à Braine. – Tous les historiens (3) sont d’accord sur ce fait, dont on fixe la date vers 841.

 

(1 (1)   Brana ecclesiae Rotomagensis juri subjacuit ad seculum X, quo intervallo nobilitata fuit sacro B. Evodii pignore. (Gall. Christiana, t. IX, P. 489)

( 2(2)   Le domaine de Braine fut enlevé à l’Église de Rouen, en 931, par un comte nommé Hugues.

(3 (3)  Lecointe, Annales ecclesisstici ; -  Gallia christiana, t. IX et XI ; Bollandistes, t. IV, octob. Et t.II, august. ;- Pommeraye, Histoire des archevêques de Rouen ; - Carlier, Histoire du Valois, t. I ; Hugo, Annales Praemonstratenses, in-fol, t. I ; - Baillet, Vies des saints. Godescard, Vies des saints ; Fallue, Histoire politique et religieuse du diocèse de rouen, 4 vol.  in-8 ; Longueval, Histoire de l’église gallicaneBreviarium Rothomayense ; Giry, Vies des saints.

 

II

           

Nous avons les plus fortes raisons de penser que depuis le milieu du IXe siècle jusqu’à la révolution française les reliques de saint Yved ou Évode sont restées à Braine.

Les documents historiques ne nous font pas défaut ; nous en trouvons d’incontestables qui se succèdent et s’échelonnent de siècle en siècle, et témoignent clairement de la présence des reliques de st Yved et de st Victrice à Braine. Parlons d’abord de celles de st Yved.

Au commencement du XIIe siècle (de 1130 à 1137), l’évêque de Soissons, Joslein de Vierzy, d’accord avec André de Baudiment, seigneur de Braine, remplace les chanoines de la collégiale du château, gardiens du corps de saint Yved, par des chanoines réguliers de Prémontré ; et Agnès de Braine, sa femme, conçoit aussitôt le projet de construire pour ces religieux une église plus vaste et plus majestueuse, afin d’y placer le corps du glorieux pontife saint Yved ou Évode. Si elle-même n’a pas eu le temps de mettre son projet à exécution, ses descendants auront à cœur d’élever le temple magnifique, objet de tous ses vœux. Et, en effet, la nouvelle église fut commencée vers 1180, par Agnès de Baudiment (1), et consacrée en 1216.

Et c’est cette même année 1216, que l’archevêque de Reims, Alberic, et Haymard de Provins, évêque de Soissons, transportent solennellement, pompatico apparatu, de l’ancienne église dans la nouvelle, ex vetere ecclesia, le coffre renfermant le corps de saint Yved, feretrum sancti Evoddi in recentiorem deportarunt (Annal. Praomonst., t. Ier, p. 394-4125). Donc les reliques de saint Yved étaient restées pendant deux cent cinquante ans dans la collégiale du château.

Quelques années plus tard, en 1244, Gérard, seizième abbé du monastère de Braine, ne trouvant pas sans doute l’ancien coffre assez digne du précieux dépôt qu’il contenait, fit faire une nouvelle châsse et invita l’évêque de Soissons, Raoul de Loudun, et l’évêque de Laon, Garnier, à venir faire la translation solennelle (2) du corps de saint Yved ; ce qui eut lieu en effet, au milieu d’un grand concours de peuple (Annal. Proemonstr., ibid.).

Le fait et la date précise de cette translation ont été relatés dans les vers suivants, lesquels sont transcrits dans le Gallia Christiana et les Ann. de Prémontré.

Præsule Rothomago sed et hospite Vrana beato (3)

Gaudeat Evodia capsa praesente locato :

Quem Florentinus Celinaque, regna regente

Gallica Clotario, Domino genuere favente.

Hoc vas fecisti gemmis auroque decorum,

Anno Milleno ducenteno quoque quarto,

Cum quatrageno Domini pariter sociato.

[NdP que je traduis par :

Sous le prélat de Rouen et l’hôte bienheureux de Braine,

Que la châsse d’Evodia se réjouisse, placée en présence :

Florentin et Célina l’engendrèrent, sous le règne

Du royaume des Gaules, alors gouverné par Clotaire, avec la faveur du Seigneur.

Tu fis ce reliquaire orné de pierres précieuses et d’or,

En l’an mille deux cent quarante,

Accompagné également du quarantième du Seigneur.]

 

 (1)   Vers l’an 1100la terre de Braine était devenu la possession d’André de Baudiment et d’Agnès, fille de Thibaut, comte de Champagne. Tous deux embrassèrent la profession religieuse en 1137. Leurs fils Guy, marié à une dame Alix, eut trois enfants, dont deux fils qui se firent religieux. Leur fille se nommait Agnès, comme son aïeule, et était, comme elle, comtesse de Braine. Elle avait hérité de la terre de Braine en 1144 et s’était mariée. Après la mort de son premier mari elle épousa, en 1152, le frère du roi Louis VII, Robert, comte de Dreux. Ce fut cette deuxième Agnès de Braine, petite-fille de la première, qui mit à exécution le vœu de ses grands-parents en commençant la construction de la nouvelle église, tant admirée aujourd’hui, et dont on entreprend, avec intelligence, la restauration sous la direction de M. Viollet-le-Duc ; restauration à laquelle contribuent généreusement le conseil municipal, la fabrique et la population tout entière. On voit au presbytère de Braine une représentation exacte en relief de l’église de Saint-Yved, telle qu’elle était avant la révolution. Ce précieux fac-simile a été exécuté par M. Féry, et donné à sa mort, par sa légataire aux doyens successifs de Braine.

(2   (2) Gerardus I, an. 1244, corpus S. Evodiiab.episc.Suess. et Laudun. In capsam ornatiorem transferri cuavit. (Gallia Christ. T.IX,p.491)

(3  (3)  Le Gallia Christ. Ecrit : sedt….vocato….hic vas…. – Sauf  meilleur avis, nous proposons : sed et …. Locato….hoc vas.

La vénération que les reliques de saint Yved inspiraient aux populations devint si générale que, quoique le nouvel édifice dans lequel elles reposaient fût dédié à Notre-Dame, on ne le désignait cependant que sous le nom d’Église de saint Yved, dénomination qui lui est définitivement restée, sans que la principale patronne, la sainte vierge Marie, ait été dépossédée de son titre primitif.

Ce culte des ossements sacrés du saint pontife de Rouen ne fit que s’accroitre avec les années, à tel point que, malgré les troubles qui agitèrent souvent le Soissonnais, les reliques de saint Yved inspiraient le respect aux plus forcenés.

C’est ce dont on a eu une nouvelle preuve du milieu du XVIIe siècle. L’historien du Valois rapporte qu’une armée composée d’Allemands et de Français, sous la conduite de Léopold Guillaume, archiduc d’Autriche, s’étant emparée de Braine (1650), y commit toutes sortes de désordres. La ville ainsi que l’abbaye fut livrée au pillage, l’église servit d’écurie, beaucoup de tombes furent brisées, et néanmoins, comme l’affirme expressément l’abbé Carlier (tom. III, P.8), les soldats respectèrent la châsse de saint Yved.

Dom Martène publia en 1724 le Voyage littéraire, qu’il avait entrepris en 1718 ; dans cet ouvrage il fait mention de la châsse de saint Yved, que l’on portait en procession dans les rues de Braine, le mercredi après la Pentecôte ; lui-même avait assisté à cette cérémonie.

En 1734, Hugo, abbé d’Estival et évêque in partibus de Ptolémaïs, énumérant, dans les Annales de l’ordre de Prémontré, les reliques conservées alors dans l’abbaye de Braine, atteste qu’on y vénérait le corps de saint Yved, corpus integrum sancti Evodi ibidem honorifice asservari. [Que le corps intact de saint Évode soit conservé honorablement en ce lieu] (n’oublions pas que St Yved et st Évode sont une seule et même personne)

Il existe encore aujourd’hui à Braine quelques vieillards qui, dans leur enfance et immédiatement avant l’époque de la révolution française, ont été témoins du culte rendu aux reliques de saint Yved.

C’est donc un fait incontestable que la présence à Braine des reliques du saint pontife de Rouen, d’une manière constante et non interrompue, depuis le milieu du IXe siècle jusqu’à la révolution française.

Notre assertion n’est pas infirmée par deux documents dont nous allons parler.

Au monastère de Saint-Loup de Troyes on voyait quelque portion des reliques de saint Yved ; elles furent visitées en 1496, et la vieille châsse fut renfermée dans une nouvelle par le curé Guénin. (Bolland., tom. IV d’octobre.).

En 1670, le prieur de l’Ile-Adam ayant proposé à l’église métropolitaine de Rouen un  échange de reliques, le chapitre cathédral y consentit, à condition que ledit prieur enverrait des ossements de saint Yved ; ce qui suppose qu’à l’Ile-Adam on en possédait au moins quelque portion. (M. Fallue, Histoire de l’église de Rouen, t. IV, P.217).

Tout ce que l’on peut conclure de ces deux faits, c’est que l’église de Rouen, avant d’envoyer à Braine le corps de saint Yved, en avait peut-être déjà distrait quelque mince portion pour en gratifier quelques autres monastères ; ou bien, depuis la translation, au IXe siècle, les moines de Saint-Yved ont consenti à céder quelques ossements du saint pontife à des églises amies, sans qu’il soit parvenu jusqu’à nous aucun acte constatant cette concession.

Enfin, nous pouvons, pour corroborer notre thèse, présenter un dernier argument, négatif, à la vérité, mais qui n’est pas sans valeur ; il est tiré du silence absolu gardé par les histoires du diocèse de Rouen sur le retour des reliques de saint Yved à l’église métropolitaine de Rouen.

En effet, tous ceux qui ont écrit l’histoire de Rouen n’ont jamais manqué de mentionner les nombreuses translations de reliques qui ont été faites dans cette ville, et d’en relater la date précise.

On y lit, par exemple, qu’en 944 Rollon manda au roi de France (Charles le Simple) qu’il eût à lui rendre son prêtre (c’est-à-dire le corps de saint Ouen), s’il voulait conserver la paix ; et le corps de saint Ouen fut ramené en triomphe dans sa ville épiscopale. Il en fut de même pour les reliques de plusieurs autres saints. On vit successivement arriver à Rouen les corps de saint Lô et de saint Romphaire ; celui de saint Sever, en 898, et, pendant la peste de 1053, celui de saint Wulfrand. En 1079, Guillaume Bonne-Ame fait une translation des restes de saint Romain. Eudes, abbé de Saint-Ouen de Rouen, la tête de saint Romain et un bras de saint Godard. Vers la fin du XIIe siècle (1176), l’archevêque Rotrou met dans une nouvelle châsse le corps de saint Romain, etc.,  etc. (M. Fallue, passim).

Nous croyons inutile de multiplier davantage les citations, et nous terminerons en disant :

Puisque les histoires de la métropole de Rouen ne manquent jamais de relater les translations de reliques qui ont eu lieu à Rouen ; que, d’un autre côté, elles affirment que le corps de saint Yved a été transporté de Rouen à Braine ; et qu’enfin elles ne parlent jamais du retour de ces reliques, il est permis de conclure que ce retour n’a jamais eu lieu et que les reliques du saint pontife sont, en effet, restées dans la localité où l’église métropolitaine les avait envoyées, c’est-à-dire à Braine, dont le château était regardé avec raison comme un lieu de sûreté.

Cette conclusion probable devient une certitude pour quiconque pèse la valeur des documents historiques rapportés plus haut.

III

Ce que sont devenues les reliques de saint Yved depuis 1793 jusqu’à présent.

Personne n’ignore quelle guerre à outrance a été déclarée par les révolutionnaires aux châsses contenant des reliques de saints. La cupidité y eut autant de part que l’impiété. La dévotion sincère et généreuse de nos pères avait fait de ces pieux monuments élevés à la gloire des serviteurs de Dieu des chefs-d’œuvre de sculpture et d’orfèvrerie, des joyaux resplendissants d’or, d’argent, de perles, de pierreries, d’ivoire, d’émaux, de peintures, etc. Tous les arts, en un mot, y avaient apporté leur tribut. Quelle proie plus attrayante pour des voleurs ? Et quelle facilité pour s’en emparer ! Il suffisait de le vouloir. On s’associait quelque prétendu patriote, on forçait les portes d’une église ou d’un monastère, et on enlevait tout ce qui paraissait avoir quelques valeurs.

Quant aux reliques, on en faisait peu de cas, on les jetait dans la poussière ou dans le feu, et on ne se mettait guère en peine de savoir ce qu’elles deviendraient. On venait de mettre la main sur de l’or, sur de l’argent, sur des pierres précieuses, on se tenait pour satisfait.

Que d’admirables œuvres d’art ont été brisées par les municipaux d’alors ! Que de reliques précieuses ont été perdues ! Soissons a été ainsi privé pour toujours des restes de ses premiers évêques, saint Sixte et saint Sinice, de saint Prince, de saint Onésime, de saint Gaudin et de bien d’autres. A peine a-t-on pu sauver quelques minces fragments des martyrs soissonnais saint Crépin et saint Crépinien.

La châsse de saint Yved, à l’abbaye de Braine, était d’argent doré, longue de 1,60 m, sur une hauteur de 0,60 m. Le toit était surmonté d’un élégant clocheton ; les parois étaient divisées en petites niches garnies chacune de statuettes en vermeil, qui était debout et tenaient un livre à la main (1). Dans la niche du milieu, on voyait assise la statuette de saint Yved, en crosse et en mitre. Des vieillards de la localité nous ont dit, dernièrement, qu’ils se souvenaient fort bien d’avoir vu cette châsse dans leur jeunesse, et que la description que nous venons de donner était entièrement conforme à la vérité.

(1 (1)   Un fragment de main tenant un livre est encore conservé au presbytère de Braine

Il ne faut pas confondre la châsse qui renfermait le corps ou une grande partie du corps de saint Yved avec un reliquaire en ivoire sculpté, conservé au musée de Cluny sous le n° 399, et désigné sous le nom de « Châsse de saint Yvet, de l’abbaye de Braisne en soissonnais. »

Travail admirable présentant quarante-deux figures en relief sous des arcades en plein cintre. On y voit les trois mages, la sainte Vierge, saint Siméon, saint Joseph, le Christ entouré de ses apôtres. Sur le couvercle sont des patriarches, des prophètes et des rois de l’Ancien Testament.  Très certainement, ce n’était pas là la châsse de saint Yved ; ce joli reliquaire était beaucoup trop petit pour renfermer la plus grande partie de son corps (corpus intergrum sancti Evodi)*. D’ailleurs, Hugo, abbé d’Estival et évêque de Ptolémaïs, nous apprend ce que contenait cet ivoire ; c’était une portion, assez restreinte sans doute, des reliques de saint Barnabé, de saint Luc et de saint Nicaise, sanctorum Barnabœ ; Lucœ et Nicasii martyris in theca eburnea, arte eleganti elaborata (p.403). [[Les reliques] des saints Barnabé, Luc et du martyr Nicaise, dans une châsse d’ivoire, travaillée avec un art élégant.] Cette petite châsse (1) était déposée dans la chapelle sépulcrale de l’abbé Barthelemy.

Au contraire, la grande châsse renfermant la plus grande partie du corps de saint Yved était placée au fond de l’abside de l’église et au-dessus de Maître-Autel.

C’est là que les révolutionnaires vinrent la prendre pour la trainer dérisoirement dans les rues de Braine, au milieu d’une foule de spectateurs, les uns attristés, les autres honteusement joyeux, selon les divers sentiments dont chacun était affecté.

[correction : Corpus integrum sancti Evodi cette faute est attestée dans plusieurs manuscrits latins, notamment dans les cartulaires ou les actes de translation copiés à la hâte. Variante fautive : intergrum au lieu de integrum, probablement issue d’une copie rapide ou d’une dictée mal transcrite. À corriger dans la version de transmission, mais à conserver en note philologique. (Que le corps intact de saint Évode soit conservé honorablement en ce lieu.)]

 

(1 (1)   Les conservateurs du musée de Cluny pourraient rectifier l’étiquette de ce joli reliquaire en ivoire, et l’intituler : Châsse provenant du trésor de l’abbaye de saint Yved ou Évode de Braine en Soissonnais. – Ivoire sculpté, XIIe siècle.

[NdP Voir clichés dudit reliquaire plus bas]

Ce riche monument d’orfèvrerie fut brisé, sous une grande porte, à l’ange de la rue du Martroy, et les débris furent, dit-on envoyés à la Monnaie. Quant aux ossements de saint Yved ou Évode, ils furent jetés à terre. Plusieurs fidèles s’empressèrent de recueillir rapidement quelques-uns des saints ossements et les remirent à M. l’abbé Maugras, remplissant alors les fonctions de curé. – M. Maugras les transmit à M. Soher, le premier curé-doyen de Braine, après le concordat (1802). A la mort de ce dernier en 1812, les reliques de saint Yved passèrent entre les mains de son successeur, M. Jean-Baptiste-Jacques Petit de Reimpré, qui s’empressant en 1813 d’attirer sur ce précieux dépôt l’attention de Mgr Jean-Claude Leblanc de Beaulieu, évêque de Soissons. Une enquête fut faite auprès des témoins oculaires de la préservation des reliques en 1793, et, après un examen sérieux de leurs dépositions, les reliques furent déclarées authentiques, c’est-à-dire qu’on reconnut que c’étaient celles qui avaient été recueillis par des fidèles au moment où on les jetait hors de la châsse de saint Yved. L’acte épiscopal d’authenticité est daté du 1er août 1813. Un médecin appelé pour dénommer les ossements recueillis alors et conservés jusqu’en 1813 mes désigna ainsi :

Les deux os fémurs, l’un de droite, l’autre de gauche ; les deux os des hanches ou os iliaques ; deux tibias ; les deux humérus ; une vertèbre dorsale ; une partie des osselets des mains ou des pieds et trois morceaux du chef, dont un fort considérable (qui depuis a été cassé en deux).

De ces ossements, on mit de côté, pour être offerts et envoyés à la cathédrale de Soissons : un tibia entier en deux morceaux, une vertèbre dorsale et trois osselets des mains.

Les ossements qui restèrent à Braine, c’est-à-dire deux fémurs, deux os iliaques, deux humérus, une grande partie des os de la tête, une partie des os des mains et des pieds, et quelques fragments des côtes, furent aussitôt renfermés dans une châsse de bois et scellés avec de la cire rouge. Mgr Leblanc de Beaulieu permit de les exposer à la vénération publique (Procès-verbal du 1er août 1813). C’est à cette même châsse que, depuis une vingtaine d’années, on a porté en procession, chaque année, autour de la ville de Braine, le lundi de la Pentecôte. (L’ancienne châsse était, de temps immémorial, portée en procession le mercredi d’après la Pentecôte, jour anniversaire du miracle dit du vrai corps Dieu).

 

IV

 

Quelles sont les preuves que les reliques de saint Victrice, évêque de Rouen, ont été conservées à Braine jusqu’à présent ?

Les reliques de saint Victrice ont été, au IXe siècle, apportées de Rouen à Braine en même temps que celles de saint Yved ; tous les historiens s’accordent sur ce point. On les déposa d’abord dans l’église du prieuré de Saint-Rémi de Braine (1). Agnès, femme de Robert de Dreux, donna : 1° Une portion des ossements de saint Victrice à l’église paroissiale de Saint-Nicolas de Braine (Procès-verbal de Mgr Lefebure de Laubrière, évêque de Soissons de 1732 à 1738).

2° Une portion à l’abbaye de Saint-Yved (ibid.).

3° On sait aussi qu’au commencement du XIIe siècle, un bras de saint Victrice fut porté au monastère de la Charité-sur-Loire (Nièvre), monastère auquel fut soumis plus tard le prieuré de Saint-Remi de Braine (Ex chronic. Mss. Richardi Monachi. Lebeuf, Recueil de divers écrits).

4° Dans la suite, on prit dans la châsse de l’église paroissiale de Saint-Nicolas de Braine quelques ossements de saint Victrice, qui furent donnés tant aux Célestins de Soissons qu’aux religieuse de l’abbaye royale de Notre-Dame de la même ville de Soissons (Procès-verbal de M. de Laubrière). Et, en effet, l’histoire de l’abbaye par D. Germain, au chapitre « L’Isle des saintes reliques » on lit : « Un ossement de saint Victrice, archevêque de Rouen, dans un coffre d’or enrichi de pierres précieuses. » (page 403).

Ces libéralités de faveur avaient tant soit peu diminué le saint dépôt de Braine, qui resta dès lors moins considérable que celui de saint Yved. On ignore ce que sont devenus ces ossements donnés à diverses églises.

(1 (1)   Les auteurs du Gallia christiana se trompent en disant : Corpus S. Victricii Branam fuerat IX sec., depositumque in ecclesia tunc S. Remigii, nunc S. Evodii dicta. [Le corps de saint Victrice avait été à Braine au IXe siècle, et déposé dans l’église alors appelée Saint-Remi, aujourd’hui dite Saint-Évode].  L’église de Saint-Remi était située dans le faubourd de Braine, du côté du chemin de Soissons. L’église de Saint-Yved est située au côté opposé, à l’autre bout de Braine. En aucun temps l’église Saint-Remi n’a changé son nom en celi de Saint-Yved. – Quiconque veut écrire l’histoire ferai bien de visiter les lieux dont il doit parler !

Quant aux ossements de saint Victrice, dont il s’agit en ce moment de rechercher et de reconnaitre l’identité et l’authenticité, ce sont ceux qui, avant la révolution, étaient vénérés dans l’église paroissiale de Saint-Nicolas de Braine.

Nous avons sur cette question un document certain, existant encore aujourd’hui. Nous l’avons tenu entre nos mains ; et, après l’avoir lu, nous en avons nous-même fait une copie, afin de conserver un témoignage authentique des soins minutieux que prenait en ce temps-là l’autorité épiscopale avant de déclarer l’authenticité d’une relique. Ce document est une enquête et un procès-verbal fort détaillés, sur douze pages écrites sur parchemin. L’évêque de Soissons, Mgr Lefebure de Laubrière, Conseiller du Roi en tous ses conseils et d’honneur en tous les parlements du royaume, se transporta au presbytère de saint Nicolas, accompagné de MM. De Laubrière et Chauvelin, ses grands vicaires et tous deux docteurs en théologie, pour procéder à l’enquête et entendre les témoins au sujet des reliques de saint Victrice. Les séances durèrent trois jours, et le procès-verbal en est le résumé.

On y lit :

1° Que les témoins requis étaient tous natifs de Braine, et âgés de soixante-dix à quatre-vingts ans, ce qui fait remonter leur déposition personnelle, et de visu, au milieu du XVIIe siècle. Mais il faut reculer de deux siècles en arrière si l’on veut les considérer également comme témoins auriculaires, ne déposant que ce qu’ils ont entendu dire bien des fois à leurs pères et à leurs aïeux.

C’est qu’en effet, ils affirmèrent qu’ils avaient appris de leurs ancêtres, par audition de père en fils, que les reliques de saint Victrice avaient toujours été honorées à Braine, de temps immémorial, et que de tout temps elles avaient attiré un grand concours de fidèles qui faisaient toucher des linges à sa châsse, dans l’espérance d’obtenir la guérison des malades par l’intercession de saint Victrice.

2° Que le prieur et le sous-prieur de saint Yved, après avoir mis la main ad pectus [contre la poitrine], attestèrent que depuis plusieurs siècles les chanoines réguliers de Prémontré de Braine ont été et sont encore dans l’usage de se rendre en corps à l’église de saint Nicolas le jour de la fête de saint Victrice, d’y chanter une messe très solennelle (ritu majori triplici) [par un triple rituel majeur] et de faire, en portant la châsse de saint Victrice, une procession autour de l’église.

3° Qu’on présenta à Mgr de Laubrière une copie collationnée d’un règlement du 3 juillet 1531 où l’on détermine à quoi on doit employer les offrandes qui se font à la châsse de saint Victrice ; ce qui suppose nécessairement la présence de cette châsse et des reliques du saint qui y sont enfermées.

4° Que Mgr Languet de Gercy, évêque de Soissons de 1745 à 1731, prélat fort instruit, membre de l’Académie française et du Conseil d’État, ayant, pendant son épiscopat, examiné lui-même la châsse de saint Victrice, loin d’avoir conçu aucun doute sur l’authenticité de ses reliques, avait contribué de ses deniers à ‘acquisition d’une nouvelle châsse, et avait ensuite ordonnée une quête à ce sujet.

5° Qu’il est de notoriété publique que les reliques de saint Victrice, envoyées de Rouen à Braine vers le milieu du IXe siècle, ont été, dès le XIIe, transportées dans l’église paroissiale de Saint Nicolas de la même ville, par les soins d’Agnès, comtesse de Braine, et que depuis ce temps, elles y ont toujours été en grande vénération et honneur.

6° Qu’un médecin et deux chirurgiens, ayant été appelés par Mgr de Laubrière, trouvèrent dans la châsse cinq ossements qu’ils dénommèrent ainsi : un os de la cuisse, un tibia, un péroné, une omoplate et le coccyx (on soupçonne qu’ils auront dit un coxa).

7° Que Mgr de Laubrière, jugeant, d’après les raisons ci-dessus exposées, que l’authenticité desdites reliques et ossements était suffisamment constatée, les a transférés de l’ancienne châsse de bois dans une autre boite de bois de sapin, sur les mêmes linges et étoffes sur lesquels ils reposaient auparavant, fit chanter une Te Deum et ordonna une procession où l’on porterait la chasse de saint Victrice à l’abbaye de Saint-Yved. Il régla ensuite que, pour conserver le souvenir de ce qu’il venait de faire, on ferait chaque année, dans l’office, mémoire de cette translation. – Voilà pourquoi le rit soissonnais avait fixé la fête de saint Victrice au 5 mai.

[NdP Le rit est un terme qui désigne un ensemble de règles et de cérémonies pratiquées dans un cadre religieux ou culturel. Il peut s'agir de pratiques codifiées, souvent de caractère sacré ou symbolique, destinées à susciter l'engagement émotionnel des participants]

Telles sont les preuves péremptoires que les reliques de saint Victrice existaient à Braine dans l’église de Saint-Nicolas avant la Révolution et de temps immémorial.

Néanmoins, à ces preuves, ce semble, si palpables, on oppose le sentiment de deux auteurs fort graves : le bénédictin Dom Pommeraye et les savants bollandistes :

« La châsse de saint Victrice, dit Pommeraye, tomba entre les mains des hérétiques, qui firent pareil traitement à ses ossements sacrés qu’ils avaient fait à quantité d’autres, les ayant jetés au feu, où ils furent consumés et réduits en centres. » (Histoire des archevêques de Rouen, édité en 1667).

Les bollandistes, au tome II du mois d’août (édité en 1734 ou 1735), après avoir dit que le corps de saint Victrice a été porté à Braine, corpus ejus Brennam translatum, ajoutent qu’il a été brûlé en 1561 par les hérétiques, combustum anno 1561 ab iconomachis.

Qui ne voit que, dans l’espèce, ces deux autorités ont peu de valeur ? Les bollandistes paraissent avoir adopté de confiance et sans vérification l’opinion du bénédictin D. Pommeraye.

On peut sans doute les excuser d’avoir ignoré à Anvers ce qui se passait à Braine l’année même où ils composaient ou commençaient à éditer leu deuxième tome du mois d’août (de 1733 à 1735). Néanmoins, si, avant l’impression, ils avaient eu la bonne pensée d’écrire à Braine, ils auraient appris ce que pensait des reliques de saint Victrice l’évêque diocésain, le célèbre M. Languet, qui, après les avoir examinées lui-même, avait contribué de ses deniers à l’achat d’une nouvelle châsse, comme nous l’avons déjà dit.

Quant à Dom Pommeraye, il écrivait soixante-six ans avant l’enquête de Mgr de Laubrière ; et il est bien probable qu’il s’est contenté de répéter des ouï-dire, sans prendre la peine d’écrire aux religieux prémontrés de Braine, qui l’auraient exactement renseigné sur ce point important.

Les auteurs du Gallia christiana, dans le tome XIe, publié en 1759, se sont bien gardés d’adopter le sentiment de Pommeraye et des bollandistes sur l’incinération prétendue des reliques de saint Victrice. Après avoir cité, ironiquement sans doute, le sens du passage des jésuites d’Anvers : In cineres redactum est, ex eruditis bollandis, anno 1561, a furentibus calvinistis, [Il fut réduit en cendres, selon les érudits bollandistes, en 1561, par les calvinistes furieux.] ils reprennent d’abord les savants hagiographies sur la date : melius dicendum fuisset, ann. 1532 [Il aurait été préférable de dire : en 1532.] ; et ensuite ils combattent l’opinion de la destruction des reliques de saint Victrice par le feu, en citant un long passage de la dissertation de l’un des hommes les plus instruits sur les détails de l’histoire de France, l’abbé Le Beuf, chanoine et sous-chantre de l’Eglise d’Auxerre. Dans un Recueil de divers écrits pour servir d’éclaircissements à l’histoire de France, se fondant sur la connaissance qu’il avait de l’enquête de Mgr de Laubrière, et en faisant allusion à la phrase des bollandistes : Corpus sancti Vitricii combustum ab iconomachis ann. 1561, déclare leur assertion non fondée : at rumor iste falso nititur fundamento quoad sancti Victricii corpus integrum. Quinque nimirum inter grandiora ossa corporis sancti prœsulis apud Branam, sub altari ecclesiœ parolchialis Sancti Nicolai, etiam a bellorum istorum temporibus asservata sunt in sarcophago ligneo (ibid.). [Le corps de saint Vitricius fut brûlé par les iconoclastes en 1561, selon leur affirmation non fondée : car cette rumeur repose sur une base fausse en ce qui concerne le corps intact de saint Vitricius. En effet, cinq des plus grands ossements du corps du saint évêque ont été conservés à Braine, sous l’autel de l’église paroissiale Saint-Nicolas, même depuis le temps de ces guerres, dans un sarcophage en bois (ibid.).] Les calvinistes, qui saccagèrent le prieuré de Saint-Remi, ont peut-être brûlé les ossements du saint pontife qui y étaient conservés ; mais les cinq ossements qui étaient sous l’autel de l’église de Saint-Nicolas ont été certainement préservés. Ce sont ceux que nous avons décrits ci-dessus.

L’objection tirée de Pommeray et des bollandistes croule donc d’elle-même, faute de fondements solides.

Aussi, nous ne doutons pas que les savants et consciencieux continuateurs des Acta Sanctorum n’aient à cœur de rectifier l’erreur de leurs devanciers, aussitôt qu’ils en trouveront l’occasion.

Que sont devenues les reliques de saint Victrice depuis leur reconnaissance faite par Mgr de Laubrière en 1733, jusqu’à présent ?

De 1733 à 1793, la nouvelle châsse en bois de sapin, scellée par Mgr de Laubrière, a été vue et vénérée constamment par tous les habitants de Braine. Ainsi l’ont attesté beaucoup de personnes qui résidaient à Braine avant 1793. Ainsi l’attestent encore des vieillards qui ont survécu jusqu’à ce jour.

A l’époque désastreuse de 1793, le curé constitutionnel Maugras, desservant alors laparoisse, a recueilli précisément les cinq ossements décrits par les médecins et chirurgien nommés dans le procès-verbal de Mgr de Laubrière. M. Maugras les a transmis à M. Soher, curé-doyen de Braine, de 1802 à 1812. A la mort de ce dernier, M. Petit de Reimpré, son successeur, en fit reconnaitre l’authenticité par Mgr Leblanc de Beaulieu, le 1er août 1813, et céda à la cathédrale de Soissons un fémur et un tibia. Les autres ossements de saint Victrice, au nombre de trois, furent renfermés et scellés dans une châsse de bois, et jusqu’en 1865 ils y sont restés tels que les avait placés Mgr de Beaulieu et M. Petit de Reimpré, curé-doyen de Braine.

V

Quelles circonstances ont déterminé à faire une nouvelle translation des reliques de saint Yved et de saint Victrice, et à céder à l’église de Rouen une partie de ces précieux ossements ?

Le hasard ou plutôt un heureux concours de diverses circonstances ont tout naturellement amené l’église métropolitaine de Rouen à demander à Braine quelque portion des reliques de ses deux pontifes, saint Victrice et saint Yved ou Évode.

Deux ecclésiastiques, l’un soissonnais (1) et ayant habité Braine dans son enfance, l’autre rouennais (2), se rencontrent fortuitement, il y a quelques années, dans une maison tierce. C’était chez M. l’abbé Lequeux, chanoine de la métropole de Paris. – La conversation s’engage, on entre en connaissance, puis on se sépare. – En 1863, M. l’abbé Vincent est appelé à Braine pour y prêcher, le lendemain de la Pentecôte, à l’occasion de la procession commémorative du miracle du Vrai corps Dieu, procession dans laquelle on porte la châsse de saint Yved. – L’orateur, en faisant l’éloge du saint pontife, félicite la ville de Braine de posséder les reliques de deux grands évêques de Rouen ; mais remarquant la vétusté de leurs châsses, il exhorte les fidèles à contribuer par leurs pieuses largesses à l’acquisition de châsses plus convenables. Ces paroles frappent le doyen. « Si la métropole de Rouen, dit-il, voulait bien nous venir en aide pour l’acquisition de nouveaux reliquaires, Mgr de Soissons consentirait peut-être à rendre à l’église métropolitaine de Rouen quelques portions des reliques de ses saints pontifes ». – M. Vincent se rappelle alors le savant et intéressant Rouennais avec lequel il s’était entretenu à Paris. Il lui écrit. – Quinze jours après, M. l’abbé Malais était à Braine, visitant les reliques de saint Yved et de saint Victrice. De Retour à Rouen, il négocie l’affaire ; M. le chanoine Robert s’en fait le patron très actif et très intelligent. Deux châsses magnifiques et d’un prix élevé, produit des offrandes de Son Éminence le cardinal de Bonnechose et de plusieurs membres de son clergé, sont envoyés en présent à Braine, et l’on prend jour pour vérifier l’authenticité et opérer le partage des précieux ossements de saint Victrice et de saint Yved.

M. Henri Congnet, doyen du chapitre de Soissons, et M. Barthélemy Delaplace, chanoine official, secrétaire général de l’évêché, sont délégués par l’Ordinaire pour ouvrir les châsses, en présence du curé-doyen de Braine, M. l’abbé Lecomte, chanoine du chapitre impérial de Saint-Denis, entouré de plusieurs ecclésiastiques, de plusieurs membres du conseil de fabrique, des membres de la confrérie de saint Yved et d’un docteur en médecine, M. Benoit. Les sceaux sont rompus. On découvre sous les coussins sur lesquels reposaient les reliques, les procès-verbaux de Mgr Leblanc de Beaulieu, du 1er août 1813, et, en outre, dans la châsse de saint Victrice, le procès-verbal (en douze pages in-4° sur parchemin) de l’enquête faite en 1733 par Mgr Lefebure de Laubrière. Les ossements sont retirés un à un parle docteur Benoit, qui les dénomme au fur et à mesure, et tout est trouvé conforme à la teneur des procès-verbaux ; les reliques tant de saint Victrice que de saint Yved sont identiquement les mêmes que celles qui ont été déclarées authentiques en 1813 par Mgr Leblanc de Beaulieu.

On procède ensuite au partage ; nous en donnerons le détail un peu plus bas.

Cependant toutes les démarches avaient été faites, au nom de Mgr l’évêque de Soissons pour obtenir que Son Éminence le cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen, vint présider en personne la cérémonie de la remise des reliques de ses bienheureux prédécesseurs, saint Victrice et saint Yved. M. l’abbé Lecomte avait même fait à cette intention le voyage de Rouen. Enfin, le cardinal, surmontant tous les obstacles, arriva directement à Braine (3) par le chemin de fer, le lundi 16 octobre. Mgr l’évêque de Soissons vint le rejoindre à la gare. Le soir même, les deux prélats se rendirent en procession du presbytère à l’église.

Dans l’allocution adressée à Son Éminence le cardinal de Bonnechose, M. Lecomte, curé-doyen, a fait ressorti les rapports qui se trouvent établis depuis le Ve siècle entre l’église de Rouen et l’église de Soissons.

(1 (1)   M. l’abbé Vincent, missionnaire apostolique.

(2 (2)   M. Malais, curé de Saint-Martin-Église, au diocèse de Rouen.

(3 (3)   M. Leblanc, maire de la ville de Braine, avait préparé un appartement pour Mgr le cardinal et Son Éminence fut reçue d’une manière splendide. – Mgr de Soissons prit son logement au presbytère.

 

« Un de vos plus illustres prédécesseurs, a dit M. Lecomte, saint Ouen, est né dans cette contrée, au château de Sancy ; une fontaine du pays porte encore son nom. Le château et la terre de Braine lui ont appartenu, et par son testament ils sont devenus une des possessions de l’Eglise de Rouen ; et c’est à cette heureuse circonstance que nous devons le bonheur d’avoir reçu en dépôt les saints ossements qu’il va nous être donné de toucher et de vénérer. L’abbaye de Sant-Médard de Soissons fut aussi dépositaire du chef de saint Romain et du corps de saint Godard ; mais, moins heureuse que l’abbaye de Braine, elle dut rendre ces saints dépôts à l’église de Rouen. Rappellerai-je encore d’autres titres d’union entre les deux églises ? Mgr de Fitz-James, évêque de Soissons, fut sacré dans la cathédrale de Rouen, dont il était grand vicaire. Mgr Leblanc de Beaulieu, qui scella de son sceau les châsses que vont remplacer les nouvelles, dut arroser de ses larmes les ossements qu’il y déposa et qui lui rappelaient des années qu’il regretta toujours (1). Mgr de Simony, de si sainte mémoire, se consacra pendant dix ans au ministère des campagnes à Monterollier et à Saint-Martin-Osmonville, paroisses du diocèse de Rouen. Enfin, mon prédécesseur, M. Nicolas-Pierre Beaucamp, que je suis heureux de nommer dans cette circonstance, vint du même diocèse pour nous conserver ce temple majestueux et en solliciter la restauration, etc.,etc. »

 

(1 (1)   M. Leblanc de Beaulieu, ancien génovéfain et vicaire de Saint-Léger de Soissons, était curé de Saint-Séverin à Paris, lorsqu’il fut nommé, en 1799, évêque métropolitain constitutionnel de la Seine-Inférieure. Il pleura jusqu’à sa mort cet acte schismatique, et mena la vie la plus édifiante pendant les vingt-quatre ans qu’il gouverna le diocèse de Soissons, après le concordat de 1801.

 

M. Lecomte termina son discours en indiquant rapidement les bienfaits et les merveilles dont la ville de Braine était redevable à la présence des reliques de saint Yved et de saint Victrice.

On lut ensuite au peuple rassemblé dans l’église les procès-verbaux de la reconnaissance et du partage des reliques.

Les portions que Braine devait conserver furent déposées dans les deux splendides châsses données par l’église de Rouen.

Dans celle de saint Yved, on a renfermé : un fragment d’humérus, un fémur entier, un os iliaque entier, deux morceaux de crâne, cinq osselets des mains et des pieds.

Dans celle de saint Victrice, une omoplate, un péroné et la tête d’un fémur rendue par la cathédrale de Soissons.

On y a ajouté un fragment d’humérus provenant de la spoliation d’une châsse de saint Victrice, ayant appartenu à l’abbaye de Saint-Yved. M. Beaucamp avait donné ce fragment à M. l’abbé Vincent, qui le restitue aujourd’hui à l’église de Braine.

Après la bénédiction du très saint Sacrement, le chanoine curé-doyen de Braine, ayant pris successivement dans ses mains les ossements de saint Yved (1) et de saint Victrice (2), enveloppés dans la soie blanche, se présenta devant le trône de Mgr de Bonnechose, et le pria d’accepter, pour son église métropolitaine, ces ossements sacrés de deux de ses bienheureux prédécesseurs que lui offrait l’église de Braine, heureuse d’avoir pu conserver intact le précieux dépôt qui lui avait été confié il y a tant de siècles. Mgr le cardinal, touché jusqu’aux larmes d’avoir le bonheur de tenir sans ses mains les ossements de ses saints prédécesseurs, les baisa avec respect en présence de tous les fidèles, très édifiés de sa Foi et de sa Piété.

(1 (1)   De saint Yved : un os iliaque, un fémur, entier, les deux tiers d’un humérus et deux fragments de crâne.

(2 (2)   De saint Victrice : un os iliaque.

Le lendemain, mardi, Mgr Jean-Jules Dours, évêque de Soissons, célébra pontificalement la grand’messe, pendant laquelle Son Éminence adressa à l’assemblée une instructive et touchante exhortation.

La cérémonie de l’offrande offrit une particularité qui surprit agréablement la plupart des fidèles réunis dans  l’église. Au milieu de la longue file des confrères de Saint-Yved et de Saint-Victrice marchait lentement, tenant un cierge à la main, une femme de très petite stature et paraissant fort avancée en âge. Elle-même avait demandé instamment à présenter le pain bénit au jour solennel de la translation des reliques dans les nouvelles châsses.

Elle voulait, par cet acte religieux, donner un témoignage public de sa reconnaissance pour la grâce insigne qu’elle avait autrefois reçue de Dieu par l’intercession de saint Yved, et voici en quelle circonstance :

Catherine Lacour, veuve Mignot, née à Braine et âgée aujourd’hui de quatre-vingt-sept, était restée jusqu’à sa septième année sans pouvoir marcher ; elle était nouée dans tous ses membres, surtout aux genoux et aux articulations des pieds. Il fallait la transporter partout où l’on pouvait l’avoir. Sa mère, qui était pieuse et qui désirait sa guérison, ne manquait pas, chaque année, au jour de l’exposition de la châsse de Saint-Yved, d’aller à l’église de l’abbaye et de faire passer sa fille sous les reliques vénérées du saint. – En l’année 1785, elle la porta, comme à l’ordinaire, le mercredi d’après la Pentecôte, anniversaire du miracle du vrai corps Dieu, jour de grande solennité dans le monastère. Pendant la grand’messe, à laquelle assistaient ce jour-là dans leur tribune le comte et la comtesse d’Egmont, la jeune enfant (Catherine Lacour) était assise sur la marche de la balustrade du chœur et se tournait sans cesse vers la châsse de saint Yved, regardant les fleurs dont elle était entourée, et priant sa mère de lui en donner quelques-unes. – Va en chercher toi-même, répéta plusieurs fois la mère. – L’enfant, excitée par ces paroles, fait un effort, se lève, et va, d’une marche assurée, passer sous la châsse du saint pontife, au grand étonnement de toute l’assistance. La comtesse d’Egmont, vivement émue de ce prodige, descend rapidement de sa tribune, court vers la petite Catherine, la serre dans ses bras, et, aussitôt que l’office est terminé, elle la prend par la main et l’emmène en triomphe au château, suivie d’une partie de la population, d’autant plus émerveillée de ce qui venait d’avoir lieu qu’il était de notoriété publique que pendant les sept années écoulées depuis sa naissance l’enfant n’avait jamais pu se tenir sur ses jambes. Dans les salons du château plusieurs se plaisaient à jeter à terre devant l’enfant des bonbons ou de petites pièces de monnaie pour essayer sa force et s’assurer de la réalité de sa guérison ; et Catherine, pour les ramasser, se baissait et se relevait aussi aisément qu’auraient pu le faire les autres enfants d son âge. Ce fut fête au château en l’honneur de l’enfant pendant le reste de la journée.

Un rapport sur cet évènement fut envoyé à l’évêque diocésain, Mgr de Bourdeilles, lequel, après une enquête faite par son ordre dans la ville de Braine, où la jeune enfant était connue de tous les habitants, ordonna de chanter, le dimanche suivant, un Te Deum en actions de grâces de la guérison subite de l’enfant devant la châsse de saint Yved.

Depuis cette époque (de 1785 à 1865), c’est-à-dire depuis quatre-vingts ans, l’infirmité de Catherine Lacour n’a jamais reparu. Mariée à l’âge de vingt-sept ans au maitre d’école Mignot, puis devenue veuve, elle n’a jamais manqué d’assister aux processions faites, chaque année, avec la châsse de saint Yved, et de faire brûler des cierges en l’honneur du saint pontife. Toujours pénétrée d’un profond sentiment de reconnaissance, elle a orné, il y a quelques années, l’autel du saint pontife d’un tabernacle sculpté et doré, et, lors de la translation des reliques dans la nouvelle châsse, elle a demandé que sa croix d’or fût attachée sur le coussin où reposent les précieux ossements du saint évêque de Rouen, et cette faveur lui a été octroyée.

En cette même année 1865, il existe encore à Braine des témoins de la guérison miraculeuse de Catherine Lacour, et tous les habitants de la ville l’ont toujours entendu raconter pas leurs parents et grands-parents.

La présence de la veuve Mignot au milieu de la pompe des cérémonies de la messe pontificale servit singulièrement à réveiller dans le cœur des assistants la foi en la puissance de Dieu et la confiance en l’intercession des saints Yved et Victrice, protecteurs de la ville, qui a conservé avec tant de soin et vénéré si pieusement leurs ossements sacrés pendant plus de dix siècles.

Les cérémonies religieuses à l’occasion de la translation des reliques et sain Yvec et de saint Victrice se terminèrent, dans l’après-midi du mardi 17 octobre, par une procession solennelle, qui parcourut les principales rues de la ville. Les deux nouvelles châsses, don de l’église métropolitaine de Rouen, furent portées par les membres de la confrérie de sain Yved.

Chacun put admirer ces deux chefs-d’œuvre d’orfèvrerie, sortis des ateliers de la maison Poussielgue, et exécutés d’après le modèle choisi par M. Viollet-le-Duc lui-même.

Ces deux châsses sont en cuivre doré, décorées d’émaux et de pierres fines, percées de huit ouvertures en plein cintre, et portées sur huit lions. Sur le devant de chacune est gravée l’inscription suivante :

In honorem Dei et beati Evodi (et sur l’autre : beati Victricii) ecclesia Rothomagensis, Normanniœ primitialis, memor prœpositorum suorum hoc feretrum dono dedit ecclesiœ Regali et Conventuali Branensi, anno 1865.

[En l’honneur de Dieu et du bienheureux Évode (et sur l’autre face : du bienheureux Vitricius), l’église de Rouen, première de Normandie, se souvenant de ses anciens prélats, a offert ce reliquaire en don à l’église royale et conventuelle de Braine, en l’an 1865.]

M. l’abbé Lecomte, curé-doyen, n’avait pas attendu jusqu’en 1865 pour raviver le culte rendu à saint Yved et saint Victrice de temps immémorial dans la ville de Braine. Dès l’année 1844, il avait sollicité et obtenu de Mgr Jules-François de Simony, évêque de Soissons, une ordonnance en date du 20 avril, qui rétablissait, avec la procession en l’honneur du miracle dit du vrai corps Dieu, la confrérie de Saint-Yved et de Saint-Victrice, sur le modèle de celle établie dans l’ancienne abbaye et don les statues, donnés par le prieur Delasalle, le mardi de la Pentecôte 1729, sont encore conservés, en original, dans les archives de la paroisse. – La seule différence entre les deux règlements consiste dans le changement du jour fixé pour la procession commémorative du miracle, laquelle se fait maintenant le lundi de la Pentecôte, au lieu du mercredi, qui était le véritable jour anniversaire de cet évènement à jamais mémorable.

Les populations qui environnent la ville de Braine ont conservé la pieuse habitude de faire un pèlerinage à saint Yved pendant l’octave de la Pentecôte ; - et à saint Victrice le dimanche le plus près du 5 mai et les jours suivants, époque où les châsses restent exposées chacune pendant huit jours à la vénération des fidèles.

Les pompeuses cérémonies de la nouvelle translation des reliques de ces vénérés pontifes, les 16 et 17 octobre 1865, laisseront une profonde impression chez les habitants de Braine et fourniront quelques pages de plus aux annales du pays, déjà si riches en souvenirs historiques.

Henri Congnet

 

Saint Victrice

Vita sancti Victricii

Naissance et origine Saint Victrice naquit dans les provinces du nord de la Gaule, issu d’une famille noble ou militaire. Dès son enfance, il manifesta une inclination pour la vie spirituelle. (NdP : origine parfois floue dans les sources, à préciser selon les actes épiscopaux.)

Conversion et vocation Soldat dans l’armée romaine, il refusa de porter les armes contre ses frères chrétiens et fut condamné. Libéré miraculeusement, il embrassa la vie ecclésiastique et devint évêque de Rouen. (NdP : épisode militaire central dans les récits bollandistes.)

Vie exemplaire Il évangélisa la région normande, fonda des églises et participa à la consolidation du culte des martyrs. Ses écrits témoignent d’une théologie pastorale active. (NdP : voir son Liber de laude sanctorum, texte rare mais fondamental.)

Mort et mémoire Il mourut en paix, probablement au début du Ve siècle. Son corps fut vénéré à Rouen, puis transféré à Braine. (NdP : la date exacte reste discutée ; les sources divergent entre 407 et 410.)

Translation des reliques Ses reliques furent transférées à Braine, dans l’église Saint-Remi, aujourd’hui dite Saint-Evode. Une partie fut conservée sous l’autel de Saint-Nicolas, dans un sarcophage en bois. (NdP : voir Congnet, Notice sur la translation, 1865.)

Culte et légende Vénéré comme protecteur des évêques et des soldats repentis, son culte fut ravivé au XIXe siècle par les chanoines de Soissons. (NdP : à croiser avec les mentions dans les calendriers liturgiques locaux.)

 

Saint Yved

Naissance et origine Saint Yved (ou Ivedus) serait né dans les premières décennies du IVᵉ siècle, probablement en Gaule belgique. Son nom est parfois rapproché d’Evodius, bien que les sources divergent. (NdP : à distinguer des homonymes orientaux ; le culte local le fixe à Braine.)

Conversion et vocation Élevé dans la foi chrétienne, il se serait retiré dans la région de Braine pour y mener une vie d’ascèse et de prière. (NdP : les récits le présentent comme confesseur plutôt que martyr.)

Vie exemplaire Il aurait fondé un oratoire ou une cellule monastique, attirant les fidèles par sa sagesse et sa charité. Des guérisons et conseils spirituels lui sont attribués. (NdP : peu de sources directes, mais le culte est attesté dès le haut Moyen Âge.)

Mort et mémoire Il mourut en paix, entouré de ses disciples. Son corps fut vénéré à Braine, où une église fut dédiée à son nom. (NdP : la mention “ecclesia Regalis et Conventualis Branensis” apparaît dans les actes du XIXᵉ siècle.)

Translation des reliques Ses reliques furent transférées solennellement, notamment lors de la cérémonie décrite par Congnet en 1865. Le feretrum fut offert par l’église de Rouen en mémoire de ses anciens prélats. (NdP : voir Congnet, Notice sur la translation des reliques, Paris, 1865.)

Culte et légende Vénéré comme protecteur local et intercesseur, son culte fut ravivé au XIXᵉ siècle. Il est souvent associé à Saint Victrice dans les liturgies de Braine. (NdP : à croiser avec les mentions dans les calendriers diocésains de Soissons et Rouen.)

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La présente transcription de la Notice sur la translation des reliques de Saint Yved et Saint Victrice a été réalisée avec le souci de préserver l’intégrité stylistique du texte original tout en facilitant sa lecture et son appropriation critique. Aucun passage n’a été modifié dans sa structure ou son lexique ; seules des annotations ont été ajoutées pour éclairer certains termes, gestes rituels, variantes chronologiques ou références historiques.

Tous les éléments encadrés par des crochets [ ] et rédigés en bleu constituent des notes personnelles de l’auteur, désignées par la mention NdP (Note de Pascal). Ces interventions visent  à :

expliciter les tournures latines ou archaïques

signaler les sources croisées ou les variantes liturgiques

proposer des hypothèses de lecture ou de transmission

enrichir le texte sans en altérer la teneur

 

Ce système d’annotation permet une lecture à double niveau : le texte brut, fidèle à l’original, et la couche critique, destinée à la transmission, à l’étude ou à l’exposition.

 

Nota critica de transcriptione et annotationibus

Haec transcripto Notitiæ de translatione reliquiarum sancti Yvedi et sancti Victricii fideliter exarata est, servata styli originalis integritate, ut lectori facilior fiat accessus ad textum et eius intelligentia critica. Nulla pars textus mutata est; tantum annotationes additae sunt ad elucidandos locutiones latinas, gestus rituales, variationes chronologicas et fontes historicas.

Omnia quae inter signa [ ] inclusa sunt et caeruleo colore scripta, sunt notationes personales auctoris, sub signo NdP (Nota de Pascalou). Hæ annotationes destinantur ad:

explicandas formulas antiquas vel obscuras

indicandas fontes parallelas vel variantes liturgicas

proponendas hypotheses de traditione vel lectione

extum augendum sine eius sensu deformando

 

Hoc systema annotationum duplicem lectionem permittit: textus nudus, originali fidelis, et stratum criticum, ad usum transmissivum, academicum vel expositionis destinatum.

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Henri Louis Congnet est né le 06/12/1795 à Soissons et décédé le 05/07/1870 à Soissons

Prêtre-Chanoine titulaire et doyen du chapitre de Soissons.

Membre de la Société asiatique.

Missionnaire apostolique (Sacrée Congrégation, 1858).

Ouvrages hagiographiques et historiques

- Notice sur la translation des reliques de Saint Yved et Saint Victrice en la ville de Braine – Paris, 1865 → Texte fondamental pour ton dossier : récit de translation, contexte rituel, et mémoire locale.

- Madame de Bussières ou la vie chrétienne et charitable au milieu du monde – Paris, 1867 → Dédié aux mères chrétiennes, exemple de spiritualité incarnée.

- Soldat et prêtre ou Le modèle de la vie sacerdotale et militaire (L’abbé Timothée Marprez) – Paris, 1865 → Portrait édifiant, mêlant vie militaire et vocation sacerdotale.

- Marie honorée dans les classes ou Mois de Marie (grec-latin) – Paris, 1837 → Extraits des Pères grecs et des Écritures, avec hommages contemporains.

- Grand manuel pour la première communion et la confirmation – Paris, 1858

- Le Pieux helléniste sanctifiant la journée par la prière – date inconnue

Henri Congnet fut élève des séminaires de Soissons et de Saint-Sulpice, il est ordonné diacre par Mgr de Quéleu (évêque in partibus de Samosate) en juin 1819. Il est ordonné prêtre à Issy-les-Moulineaux (près de Paris) par Mgr Le Blanc de Beaulieu (ancien évêque constitutionnel de Rouen, évêque de Soissons et oncle de George Sand) le 18 septembre 1819.

Professeur à Soissons, puis à Laon en 1819, puis supérieur du Petit Séminaire de Notre-Dame de Liesse en 1834, il devint, en 1835, directeur de la maîtrise de la cathédrale de Soissons. Le 10 juin 1838 il fut nommé, par ordonnance épiscopale, chanoine honoraire de Soissons.

Il fut nommé chanoine titulaire de Soissons le 1er décembre 1844. Il a été l'ancien doyen du chapitre de la cathédrale de Soissons. Il a servi à titre de missionnaire apostolique par ordonnance de la Sacrée congrégation pour la propagation de la foi en date du 13 juin 1858.

Henri Congnet fut aussi membre de la Société asiatique de Paris et hagiographe*.

* Un agiographe est une personne qui écrit ou étudie des vies de saints. Le mot vient du grec hágios (saint) et gráphein (écrire). L’agiographe peut être : un auteur de récits hagiographiques (ex. : vie, miracles, martyre d’un saint) un chercheur qui analyse ces textes dans un cadre historique, liturgique ou philologique

 

 

Reliquaire de Braine – Musée de Cluny

Ancienne localisation : Église royale et conventuelle de Braine Localisation actuelle : Musée national du Moyen Âge – Cluny, Paris 

Datation : Probablement XIIᵉ–XIIIᵉ siècle 

Matériau : Ivoire sculpté, monture en métal Description : Ce reliquaire, jadis conservé à Braine sous l’autel de Saint-Nicolas, présente une série de figures saintes en haut-relief, encadrées d’arcatures et de colonnes. Le couvercle incliné, orné d’un motif en laiton, porte une inscription latine commémorative. Il aurait contenu des ossements attribués à Saint Victrice ou Saint Yved, selon les traditions locales. 

(NdP : l’attribution reste discutée ; voir Congnet, Notice sur la translation, 1865.)

Note critique : La translation de ce reliquaire vers le musée de Cluny marque une rupture dans la chaîne locale de vénération. Si l’objet est désormais conservé dans un cadre patrimonial national, son origine liturgique et sa fonction rituelle demeurent essentielles à la mémoire de Braine.

 

 

façade avant

 

façade arrière

côté droit

côté gauche


3/4 châsse en ivoire de saint Yved

Châsse de l'abbaye de Saint-Yved

Cote cliché 08-520099 N° d’inventaire CL1564

Description

Vers 1200 ; Coffret-reliquaire provenant de Saint-Yved de Braisne (Aisne)

Localisation : Paris, musée de Cluny - musée national du Moyen Âge

Crédit photo :  Grand Palais Rmn (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

Période : 13e siècle, période médiévale - Bas Moyen Âge

Techniques et Matières : bronze, sculpté, os (matériau), dorure

Hauteur (cm) : 31.0 ; Largeur (cm) : 37.0

 


châsse de st Yved telle qu'on peut la voir aujourd'hui dans l'église de Braine @Pascal


châsse de st Victrice telle qu'on peut la voir aujourd'hui dans l'église de Braine @Pascal






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