NOTICE
SUR LA TRANSLATION
DES RELIQUES
DE S. YVED ET DE S.
VICTRICE
EN LA VILLE DE BRAINE
Par M. l’abbé Henri
CONGNET
DOYEN DU CHAPITRE DE
SOISSONS
(16 et 17 octobre
1865)
Les translations de reliques ont
toujours été, dans l’Église catholique, l’occasion de grandes solennités et
d’un nombreux concours d’ecclésiastiques et de fidèles ; les princes mêmes
de l’Eglise se faisaient un honneur d’y assister. Il est souvent arrivé que
Dieu, pour récompenser la foi et l’empressement des populations, y a manifesté
sa puissance par des miracles, dus à l’intercession des saints dont on vénérait
les ossements.
Les reliques qui sont conservées
à Braine, et dont nous allons nous occuper dans cette dissertation, sont celles
de saint Victrice et de saint Yved ou Évode, tous deux évêques de Rouen.
Saint Victrice est un des
pontifes qui, à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve, ont le plus
illustré l’église des Gaules. Devenu évêque de Rouen, il eut des rapports
d’amitié avec les saints les plus vénérés de son temps : saint Martin,
saint Ambroise et saint Paulin de Nole, etc. Il mourut vers l’an 407. Son corps
fut inhumé dans son église cathédrale.
Saint Yved ou Évode (Evodus) fut
un des successeurs de saint Victrice, et il occupa le siège de Rouen
probablement de 533 à 550. Dieu le favorisa du don des miracles. C’est aux
Andelys, où saint Yved était allé remplir, avec son zèle accoutumé, les
fonctions épiscopales, que le Seigneur l’appela à lui pour le récompenser de
ses travaux. Son corps fut transporté avec grande pompe dans la cathédrale de
Rouen.
Les ossements de ces deux
pontifes furent conservés à Rouen jusqu’au milieu du IXe siècle, époque où le
chapitre les retira de leur crypte pour les mettre en lieu de sureté ;
nous essayerons, dans cette courte dissertation, de répondre aux questions
suivantes :
1° A quelle occasion les reliques de saint Victrice et de
saint Yved ou Évode ont-elles été portées à Braine (1) ; et pourquoi cette
ville a-t-elle été choisie de préférence pour conserver ce précieux
dépôt ?
2° A-t-on des raisons suffisantes de penser que les reliques
soit de saint Yved, soit de saint Victrice, sont restées à Braine depuis le
milieu du IXe siècle jusqu’à l’époque de la révolution française ?
3° Que sont devenues les reliques de saint Yved depuis 1793
jusqu’à présent ?
4° Quelles sont les preuves que les reliques de saint
Victrice ont été conservées à Braine jusqu’à ce jour ?
5° A quelle occasion et comment s’est faite la nouvelle
translation et le partage desdites reliques, en 1865 ?
(1 (1) Depuis
1853, le conseil municipal de Braine réclame en vain de l’administration le
rétablissement de la véritable orthographe du nom, de cette ville. – Le
dictionnaire des postes écrit : Braisne. Il en est de même sur les murs de
la station du chemin de fer. – Cette orthographe est contraire à l’usage et à
l’étymologie, puisque le nom latin de cette localité est : Brana,
Brenna ou Brennacum, mots où l’s ne se trouve pas. – Voyez les bulletins
de la Société Archéologique de Soissons, tom VII, pages 60-98-104.
I
Pourquoi les reliques de saint
Victrice et de saint Yved ou Évode ont-elles été transportées à Braine vers le
milieu du IXe siècle ?
Quiconque a parcouru seulement
quelques volumes de l’histoire de l’Église catholique sait parfaitement
jusqu’où nos pères portaient la vénération pour les reliques des martyrs et des
saints confesseurs. Ils les recueillaient même au péril de leur vie ; et
quand une fois ils étaient parvenus à en obtenir quelques portions, ils
mettaient toute leur vigilance à les conserver, à les préserver de toute
avarie, et surtout à empêcher qu’elles ne fussent dérobées ou profanées.
Pour peu que l’on soit instruit
de la doctrine catholique au sujet des reliques, on conçoit cet empressement
pour honorer des corps qui ont renfermé des âmes si nobles et si sublimes, des
corps qui ont été l’instrument de tant d’actes de vertu et de charité.
L’humanité a toujours retiré des avantages réels du culte des reliques, entendu
et réglé selon l’esprit de l’Église. A la vue de ces fragiles débris de si
saints personnages, les plus imposantes figures de leur siècle, nous sentons
notre propre courage se fortifier ; nous sommes portés à marcher sur leurs
traces et à nourrir dans notre mémoire le souvenir de leurs vertus.
Ces idées, ces considérations
justifient suffisamment la sainte avidité de nos ancêtres pour s’assurer la
possession de quelques saintes reliques.
Or, au IXe siècle, des hordes
d’hommes inconnus et féroces s’abattent tout à coup sur la Neustrie ;
partout où ils passent, le pillage, l’incendie, le carnage les accompagnent.
Ils brisent les châsses pour s’emparer de l’argent, de l’or, des pierres fines
qui les entourent. – La cathédrale de Rouen a toutes raisons de craindre la
profanation des corps de pluseiurs de ses vénérés pontifes et choisit le moyen
le plus naturel pour les oustraire aux regardes de ces nouveaux barbares :
La terre de Braine avec son
château fort, s’est-on dit, appartient en propre (1) à l’église se Rouen (2) et
en est éloignée de plus soixante lieues. C’est un héritage que lui a légué un
de ses évêques, saint Ouen. Les soldats normands, jusqu’à présent, ne
paraissent pas songer à diriger de ce côté leurs incursions. – Après de mûres
réflexions, le chapitre de Rouen prit donc une détermination. Les corps de
saint Victrice et de saint Yve furent retirés de leur crypte et transportés à
Braine. – Tous les historiens (3) sont d’accord sur ce fait, dont on fixe la
date vers 841.
(1 (1) Brana
ecclesiae Rotomagensis juri subjacuit ad seculum X, quo intervallo nobilitata
fuit sacro B. Evodii pignore. (Gall. Christiana, t. IX, P. 489)
( 2(2) Le
domaine de Braine fut enlevé à l’Église de Rouen, en 931, par un comte nommé
Hugues.
(3 (3) Lecointe, Annales ecclesisstici ; -
Gallia christiana, t. IX et XI ; Bollandistes, t. IV, octob. Et t.II, august. ;- Pommeraye, Histoire des archevêques de Rouen ;
- Carlier, Histoire du Valois, t. I ;
Hugo, Annales Praemonstratenses, in-fol,
t. I ; - Baillet, Vies des
saints. Godescard, Vies des saints ;
Fallue, Histoire politique et religieuse
du diocèse de rouen, 4 vol. in-8 ; Longueval,
Histoire de l’église gallicane – Breviarium Rothomayense ; Giry, Vies des saints.
II
Nous avons les plus fortes
raisons de penser que depuis le milieu du IXe siècle jusqu’à la révolution
française les reliques de saint Yved ou Évode sont restées à Braine.
Les documents historiques ne nous
font pas défaut ; nous en trouvons d’incontestables qui se succèdent et
s’échelonnent de siècle en siècle, et témoignent clairement de la présence des
reliques de st Yved et de st Victrice à Braine. Parlons d’abord de celles de st
Yved.
Au commencement du XIIe siècle
(de 1130 à 1137), l’évêque de Soissons, Joslein de Vierzy, d’accord avec André
de Baudiment, seigneur de Braine, remplace les chanoines de la collégiale du
château, gardiens du corps de saint Yved, par des chanoines réguliers de
Prémontré ; et Agnès de Braine, sa femme, conçoit aussitôt le projet de
construire pour ces religieux une église plus vaste et plus majestueuse, afin
d’y placer le corps du glorieux pontife saint Yved ou Évode. Si elle-même n’a
pas eu le temps de mettre son projet à exécution, ses descendants auront à cœur
d’élever le temple magnifique, objet de tous ses vœux. Et, en effet, la
nouvelle église fut commencée vers 1180, par Agnès de Baudiment (1), et
consacrée en 1216.
Et c’est cette même année 1216,
que l’archevêque de Reims, Alberic, et Haymard de Provins, évêque de Soissons,
transportent solennellement, pompatico apparatu, de l’ancienne église dans la
nouvelle, ex vetere ecclesia, le coffre renfermant le corps de saint Yved,
feretrum sancti Evoddi in recentiorem deportarunt (Annal. Praomonst., t. Ier,
p. 394-4125). Donc les reliques de saint Yved étaient restées pendant deux cent
cinquante ans dans la collégiale du château.
Quelques années plus tard, en
1244, Gérard, seizième abbé du monastère de Braine, ne trouvant pas sans doute
l’ancien coffre assez digne du précieux dépôt qu’il contenait, fit faire une
nouvelle châsse et invita l’évêque de Soissons, Raoul de Loudun, et l’évêque de
Laon, Garnier, à venir faire la translation solennelle (2) du corps de saint
Yved ; ce qui eut lieu en effet, au milieu d’un grand concours de peuple
(Annal. Proemonstr., ibid.).
Le fait et la date précise de
cette translation ont été relatés dans les vers suivants, lesquels sont
transcrits dans le Gallia Christiana et les Ann. de Prémontré.
Præsule Rothomago sed
et hospite Vrana beato (3)
Gaudeat Evodia capsa
praesente locato :
Quem Florentinus
Celinaque, regna regente
Gallica Clotario,
Domino genuere favente.
Hoc vas fecisti
gemmis auroque decorum,
Anno Milleno
ducenteno quoque quarto,
Cum quatrageno Domini
pariter sociato.
[NdP que je
traduis par :
Sous le prélat de Rouen et l’hôte bienheureux de Braine,
Que la châsse d’Evodia se réjouisse, placée en présence :
Florentin et Célina l’engendrèrent, sous le règne
Du royaume des Gaules, alors gouverné par Clotaire, avec
la faveur du Seigneur.
Tu fis ce reliquaire orné de pierres précieuses et d’or,
En l’an mille deux cent quarante,
Accompagné également du quarantième du Seigneur.]
(2 (2) Gerardus
I, an. 1244, corpus S. Evodiiab.episc.Suess. et Laudun. In capsam ornatiorem
transferri cuavit. (Gallia Christ. T.IX,p.491)
(3 (3) Le Gallia Christ. Ecrit : sedt….vocato….hic vas…. – Sauf meilleur avis, nous proposons : sed et …. Locato….hoc vas.
La vénération que les reliques de
saint Yved inspiraient aux populations devint si générale que, quoique le
nouvel édifice dans lequel elles reposaient fût dédié à Notre-Dame, on ne le
désignait cependant que sous le nom d’Église de saint Yved, dénomination qui
lui est définitivement restée, sans que la principale patronne, la sainte
vierge Marie, ait été dépossédée de son titre primitif.
Ce culte des ossements sacrés du
saint pontife de Rouen ne fit que s’accroitre avec les années, à tel point que,
malgré les troubles qui agitèrent souvent le Soissonnais, les reliques de saint
Yved inspiraient le respect aux plus forcenés.
C’est ce dont on a eu une
nouvelle preuve du milieu du XVIIe siècle. L’historien du Valois rapporte
qu’une armée composée d’Allemands et de Français, sous la conduite de Léopold
Guillaume, archiduc d’Autriche, s’étant emparée de Braine (1650), y commit
toutes sortes de désordres. La ville ainsi que l’abbaye fut livrée au pillage,
l’église servit d’écurie, beaucoup de tombes furent brisées, et néanmoins,
comme l’affirme expressément l’abbé Carlier (tom. III, P.8), les soldats
respectèrent la châsse de saint Yved.
Dom Martène publia en 1724 le
Voyage littéraire, qu’il avait entrepris en 1718 ; dans cet ouvrage il fait
mention de la châsse de saint Yved, que l’on portait en procession dans les
rues de Braine, le mercredi après la Pentecôte ; lui-même avait assisté à
cette cérémonie.
En 1734, Hugo, abbé d’Estival et
évêque in partibus de Ptolémaïs,
énumérant, dans les Annales de l’ordre de Prémontré, les reliques conservées alors
dans l’abbaye de Braine, atteste qu’on y vénérait le corps de saint Yved, corpus
integrum sancti Evodi ibidem honorifice asservari. [Que le corps intact de saint Évode soit conservé
honorablement en ce lieu] (n’oublions pas que St Yved et st Évode sont une
seule et même personne)
Il existe encore aujourd’hui à
Braine quelques vieillards qui, dans leur enfance et immédiatement avant
l’époque de la révolution française, ont été témoins du culte rendu aux
reliques de saint Yved.
C’est donc un fait incontestable
que la présence à Braine des reliques du saint pontife de Rouen, d’une manière
constante et non interrompue, depuis le milieu du IXe siècle jusqu’à la
révolution française.
Notre assertion n’est pas
infirmée par deux documents dont nous allons parler.
Au monastère de Saint-Loup de
Troyes on voyait quelque portion des reliques de saint Yved ; elles furent
visitées en 1496, et la vieille châsse fut renfermée dans une nouvelle par le
curé Guénin. (Bolland., tom. IV d’octobre.).
En 1670, le prieur de l’Ile-Adam
ayant proposé à l’église métropolitaine de Rouen un échange de reliques, le chapitre cathédral y
consentit, à condition que ledit prieur enverrait des ossements de saint Yved ;
ce qui suppose qu’à l’Ile-Adam on en possédait au moins quelque portion. (M.
Fallue, Histoire de l’église de Rouen, t. IV, P.217).
Tout ce que l’on peut conclure de
ces deux faits, c’est que l’église de Rouen, avant d’envoyer à Braine le corps
de saint Yved, en avait peut-être déjà distrait quelque mince portion pour en
gratifier quelques autres monastères ; ou bien, depuis la translation, au
IXe siècle, les moines de Saint-Yved ont consenti à céder quelques ossements du
saint pontife à des églises amies, sans qu’il soit parvenu jusqu’à nous aucun
acte constatant cette concession.
Enfin, nous pouvons, pour
corroborer notre thèse, présenter un dernier argument, négatif, à la vérité,
mais qui n’est pas sans valeur ; il est tiré du silence absolu gardé par
les histoires du diocèse de Rouen sur le retour des reliques de saint Yved à
l’église métropolitaine de Rouen.
En effet, tous ceux qui ont écrit
l’histoire de Rouen n’ont jamais manqué de mentionner les nombreuses
translations de reliques qui ont été faites dans cette ville, et d’en relater
la date précise.
On y lit, par exemple, qu’en 944
Rollon manda au roi de France (Charles le Simple) qu’il eût à lui rendre son prêtre (c’est-à-dire le corps de
saint Ouen), s’il voulait conserver la paix ; et le corps de saint Ouen
fut ramené en triomphe dans sa ville épiscopale. Il en fut de même pour les
reliques de plusieurs autres saints. On vit successivement arriver à Rouen les
corps de saint Lô et de saint Romphaire ; celui de saint Sever, en 898,
et, pendant la peste de 1053, celui de saint Wulfrand. En 1079, Guillaume
Bonne-Ame fait une translation des restes de saint Romain. Eudes, abbé de
Saint-Ouen de Rouen, la tête de saint Romain et un bras de saint Godard. Vers
la fin du XIIe siècle (1176), l’archevêque Rotrou met dans une nouvelle châsse
le corps de saint Romain, etc., etc. (M.
Fallue, passim).
Nous croyons inutile de
multiplier davantage les citations, et nous terminerons en disant :
Puisque les histoires de la
métropole de Rouen ne manquent jamais de relater les translations de reliques
qui ont eu lieu à Rouen ; que, d’un autre côté, elles affirment que le
corps de saint Yved a été transporté de Rouen à Braine ; et qu’enfin elles
ne parlent jamais du retour de ces reliques, il est permis de conclure que ce
retour n’a jamais eu lieu et que les reliques du saint pontife sont, en effet,
restées dans la localité où l’église métropolitaine les avait envoyées,
c’est-à-dire à Braine, dont le château était regardé avec raison comme un lieu
de sûreté.
Cette conclusion probable devient une certitude pour quiconque pèse la valeur des documents historiques rapportés plus haut.
III
Ce que sont devenues les reliques
de saint Yved depuis 1793 jusqu’à présent.
Personne n’ignore quelle guerre à
outrance a été déclarée par les révolutionnaires aux châsses contenant des
reliques de saints. La cupidité y eut autant de part que l’impiété. La dévotion
sincère et généreuse de nos pères avait fait de ces pieux monuments élevés à la
gloire des serviteurs de Dieu des chefs-d’œuvre de sculpture et d’orfèvrerie,
des joyaux resplendissants d’or, d’argent, de perles, de pierreries, d’ivoire,
d’émaux, de peintures, etc. Tous les arts, en un mot, y avaient apporté leur
tribut. Quelle proie plus attrayante pour des voleurs ? Et quelle facilité
pour s’en emparer ! Il suffisait de le vouloir. On s’associait quelque
prétendu patriote, on forçait les portes d’une église ou d’un monastère, et on
enlevait tout ce qui paraissait avoir quelques valeurs.
Quant aux reliques, on en faisait
peu de cas, on les jetait dans la poussière ou dans le feu, et on ne se mettait
guère en peine de savoir ce qu’elles deviendraient. On venait de mettre la main
sur de l’or, sur de l’argent, sur des pierres précieuses, on se tenait pour satisfait.
Que d’admirables œuvres d’art ont
été brisées par les municipaux d’alors ! Que de reliques précieuses ont
été perdues ! Soissons a été ainsi privé pour toujours des restes de ses
premiers évêques, saint Sixte et saint Sinice, de saint Prince, de saint
Onésime, de saint Gaudin et de bien d’autres. A peine a-t-on pu sauver quelques
minces fragments des martyrs soissonnais saint Crépin et saint Crépinien.
La châsse de saint Yved, à
l’abbaye de Braine, était d’argent doré, longue de 1,60 m, sur une hauteur de
0,60 m. Le toit était surmonté d’un élégant clocheton ; les parois étaient
divisées en petites niches garnies chacune de statuettes en vermeil, qui était
debout et tenaient un livre à la main (1). Dans la niche du milieu, on voyait
assise la statuette de saint Yved, en crosse et en mitre. Des vieillards de la
localité nous ont dit, dernièrement, qu’ils se souvenaient fort bien d’avoir vu
cette châsse dans leur jeunesse, et que la description que nous venons de
donner était entièrement conforme à la vérité.
(1 (1) Un fragment de main tenant un livre est encore conservé au presbytère de Braine
Il ne faut pas confondre la
châsse qui renfermait le corps ou une grande partie du corps de saint Yved avec
un reliquaire en ivoire sculpté, conservé au musée de Cluny sous le n° 399, et
désigné sous le nom de « Châsse de saint Yvet, de l’abbaye de Braisne
en soissonnais. »
Travail admirable présentant
quarante-deux figures en relief sous des arcades en plein cintre. On y voit les
trois mages, la sainte Vierge, saint Siméon, saint Joseph, le Christ entouré de
ses apôtres. Sur le couvercle sont des patriarches, des prophètes et des rois
de l’Ancien Testament. Très
certainement, ce n’était pas là la châsse de saint Yved ; ce joli reliquaire
était beaucoup trop petit pour renfermer la plus grande partie de son corps (corpus
intergrum sancti Evodi)*.
D’ailleurs, Hugo, abbé d’Estival et évêque de Ptolémaïs, nous apprend ce que
contenait cet ivoire ; c’était une portion, assez restreinte sans doute,
des reliques de saint Barnabé, de saint Luc et de saint Nicaise, sanctorum
Barnabœ ; Lucœ et Nicasii martyris in theca eburnea, arte eleganti
elaborata (p.403). [[Les reliques] des
saints Barnabé, Luc et du martyr Nicaise, dans une châsse d’ivoire, travaillée
avec un art élégant.] Cette petite châsse (1) était déposée dans la
chapelle sépulcrale de l’abbé Barthelemy.
Au contraire, la grande châsse
renfermant la plus grande partie du corps de saint Yved était placée au fond de
l’abside de l’église et au-dessus de Maître-Autel.
C’est là que les révolutionnaires
vinrent la prendre pour la trainer dérisoirement dans les rues de Braine, au
milieu d’une foule de spectateurs, les uns attristés, les autres honteusement
joyeux, selon les divers sentiments dont chacun était affecté.
[correction : Corpus integrum sancti Evodi cette
faute est attestée dans plusieurs manuscrits latins, notamment dans les
cartulaires ou les actes de translation copiés à la hâte. Variante fautive : intergrum au lieu de integrum,
probablement issue d’une copie rapide ou d’une dictée mal transcrite. À
corriger dans la version de transmission, mais à conserver en note
philologique. (Que le corps intact de saint Évode soit conservé honorablement
en ce lieu.)]
(1 (1) Les
conservateurs du musée de Cluny pourraient rectifier l’étiquette de ce joli
reliquaire en ivoire, et l’intituler : Châsse provenant du trésor de
l’abbaye de saint Yved ou Évode de Braine en Soissonnais. – Ivoire
sculpté, XIIe siècle.
[NdP Voir clichés dudit reliquaire plus bas]
Ce riche monument d’orfèvrerie
fut brisé, sous une grande porte, à l’ange de la rue du Martroy, et les débris
furent, dit-on envoyés à la Monnaie. Quant aux ossements de saint Yved ou
Évode, ils furent jetés à terre. Plusieurs fidèles s’empressèrent de recueillir
rapidement quelques-uns des saints ossements et les remirent à M. l’abbé
Maugras, remplissant alors les fonctions de curé. – M. Maugras les transmit à M.
Soher, le premier curé-doyen de Braine, après le concordat (1802). A la mort de
ce dernier en 1812, les reliques de saint Yved passèrent entre les mains de son
successeur, M. Jean-Baptiste-Jacques Petit de Reimpré, qui s’empressant en 1813
d’attirer sur ce précieux dépôt l’attention de Mgr Jean-Claude Leblanc de
Beaulieu, évêque de Soissons. Une enquête fut faite auprès des témoins
oculaires de la préservation des reliques en 1793, et, après un examen sérieux
de leurs dépositions, les reliques furent déclarées authentiques, c’est-à-dire
qu’on reconnut que c’étaient celles qui avaient été recueillis par des fidèles
au moment où on les jetait hors de la châsse de saint Yved. L’acte épiscopal d’authenticité
est daté du 1er août 1813. Un médecin appelé pour dénommer les
ossements recueillis alors et conservés jusqu’en 1813 mes désigna ainsi :
Les deux os fémurs, l’un de
droite, l’autre de gauche ; les deux os des hanches ou os iliaques ;
deux tibias ; les deux humérus ; une vertèbre dorsale ; une
partie des osselets des mains ou des pieds et trois morceaux du chef, dont un
fort considérable (qui depuis a été cassé en deux).
De ces ossements, on mit de côté,
pour être offerts et envoyés à la cathédrale de Soissons : un tibia entier
en deux morceaux, une vertèbre dorsale et trois osselets des mains.
Les ossements qui restèrent à
Braine, c’est-à-dire deux fémurs, deux os iliaques, deux humérus, une grande
partie des os de la tête, une partie des os des mains et des pieds, et quelques
fragments des côtes, furent aussitôt renfermés dans une châsse de bois et
scellés avec de la cire rouge. Mgr Leblanc de Beaulieu permit de les exposer à
la vénération publique (Procès-verbal du 1er août 1813). C’est à cette
même châsse que, depuis une vingtaine d’années, on a porté en procession,
chaque année, autour de la ville de Braine, le lundi de la Pentecôte.
(L’ancienne châsse était, de temps immémorial, portée en procession le mercredi
d’après la Pentecôte, jour anniversaire du miracle dit du vrai corps Dieu).
IV
Quelles sont les preuves que les
reliques de saint Victrice, évêque de Rouen, ont été conservées à Braine
jusqu’à présent ?
Les reliques de saint Victrice ont été, au IXe siècle,
apportées de Rouen à Braine en même temps que celles de saint Yved ; tous
les historiens s’accordent sur ce point. On les déposa d’abord dans l’église du
prieuré de Saint-Rémi de Braine (1). Agnès, femme de Robert de Dreux,
donna : 1° Une portion des ossements de saint Victrice à l’église
paroissiale de Saint-Nicolas de Braine (Procès-verbal de Mgr Lefebure de
Laubrière, évêque de Soissons de 1732 à 1738).
2° Une portion à l’abbaye de Saint-Yved (ibid.).
3° On sait aussi qu’au commencement du XIIe siècle, un bras
de saint Victrice fut porté au monastère de la Charité-sur-Loire (Nièvre),
monastère auquel fut soumis plus tard le prieuré de Saint-Remi de Braine (Ex
chronic. Mss. Richardi Monachi. Lebeuf, Recueil de divers écrits).
4° Dans la suite, on prit dans la châsse de l’église
paroissiale de Saint-Nicolas de Braine quelques ossements de saint Victrice,
qui furent donnés tant aux Célestins de Soissons qu’aux religieuse de l’abbaye
royale de Notre-Dame de la même ville de Soissons (Procès-verbal de M. de
Laubrière). Et, en effet, l’histoire de l’abbaye par D. Germain, au chapitre « L’Isle
des saintes reliques » on lit : « Un ossement de saint
Victrice, archevêque de Rouen, dans un coffre d’or enrichi de pierres
précieuses. » (page 403).
Ces libéralités de faveur avaient tant soit peu diminué le saint dépôt de Braine, qui resta dès lors moins considérable que celui de saint Yved. On ignore ce que sont devenus ces ossements donnés à diverses églises.
(1 (1) Les auteurs du Gallia christiana se trompent en disant : Corpus S. Victricii Branam fuerat IX sec., depositumque in ecclesia tunc S. Remigii, nunc S. Evodii dicta. [Le corps de saint Victrice avait été à Braine au IXe siècle, et déposé dans l’église alors appelée Saint-Remi, aujourd’hui dite Saint-Évode]. L’église de Saint-Remi était située dans le faubourd de Braine, du côté du chemin de Soissons. L’église de Saint-Yved est située au côté opposé, à l’autre bout de Braine. En aucun temps l’église Saint-Remi n’a changé son nom en celi de Saint-Yved. – Quiconque veut écrire l’histoire ferai bien de visiter les lieux dont il doit parler !
Quant aux ossements de saint
Victrice, dont il s’agit en ce moment de rechercher et de reconnaitre
l’identité et l’authenticité, ce sont ceux qui, avant la révolution, étaient
vénérés dans l’église paroissiale de Saint-Nicolas de Braine.
Nous avons sur cette question un
document certain, existant encore aujourd’hui. Nous l’avons tenu entre nos
mains ; et, après l’avoir lu, nous en avons nous-même fait une copie, afin
de conserver un témoignage authentique des soins minutieux que prenait en ce
temps-là l’autorité épiscopale avant de déclarer l’authenticité d’une relique.
Ce document est une enquête et un procès-verbal fort détaillés, sur douze pages
écrites sur parchemin. L’évêque de Soissons, Mgr Lefebure de Laubrière,
Conseiller du Roi en tous ses conseils et d’honneur en tous les parlements du
royaume, se transporta au presbytère de saint Nicolas, accompagné de MM. De
Laubrière et Chauvelin, ses grands vicaires et tous deux docteurs en théologie,
pour procéder à l’enquête et entendre les témoins au sujet des reliques de
saint Victrice. Les séances durèrent trois jours, et le procès-verbal en est le
résumé.
On y lit :
1° Que les témoins requis étaient tous natifs de Braine, et
âgés de soixante-dix à quatre-vingts ans, ce qui fait remonter leur déposition
personnelle, et de visu, au milieu du XVIIe siècle. Mais il faut reculer de
deux siècles en arrière si l’on veut les considérer également comme témoins
auriculaires, ne déposant que ce qu’ils ont entendu dire bien des fois à leurs
pères et à leurs aïeux.
C’est qu’en effet, ils
affirmèrent qu’ils avaient appris de leurs ancêtres, par audition de père en
fils, que les reliques de saint Victrice avaient toujours été honorées à
Braine, de temps immémorial, et que de tout temps elles avaient attiré un grand
concours de fidèles qui faisaient toucher des linges à sa châsse, dans
l’espérance d’obtenir la guérison des malades par l’intercession de saint
Victrice.
2° Que le prieur et le sous-prieur de saint Yved, après
avoir mis la main ad pectus [contre la poitrine], attestèrent que depuis
plusieurs siècles les chanoines réguliers de Prémontré de Braine ont été et
sont encore dans l’usage de se rendre en corps à l’église de saint Nicolas le
jour de la fête de saint Victrice, d’y chanter une messe très solennelle (ritu
majori triplici) [par un triple rituel
majeur] et de faire, en portant la châsse de saint Victrice, une
procession autour de l’église.
3° Qu’on présenta à Mgr de Laubrière une copie collationnée
d’un règlement du 3 juillet 1531 où l’on détermine à quoi on doit employer les
offrandes qui se font à la châsse de saint Victrice ; ce qui suppose
nécessairement la présence de cette châsse et des reliques du saint qui y sont
enfermées.
4° Que Mgr Languet de Gercy, évêque de Soissons de 1745 à
1731, prélat fort instruit, membre de l’Académie française et du Conseil
d’État, ayant, pendant son épiscopat, examiné lui-même la châsse de saint
Victrice, loin d’avoir conçu aucun doute sur l’authenticité de ses reliques,
avait contribué de ses deniers à ‘acquisition d’une nouvelle châsse, et avait
ensuite ordonnée une quête à ce sujet.
5° Qu’il est de notoriété publique que les reliques de saint
Victrice, envoyées de Rouen à Braine vers le milieu du IXe siècle, ont été, dès
le XIIe, transportées dans l’église paroissiale de Saint Nicolas de la même
ville, par les soins d’Agnès, comtesse de Braine, et que depuis ce temps, elles
y ont toujours été en grande vénération et honneur.
6° Qu’un médecin et deux chirurgiens, ayant été appelés par
Mgr de Laubrière, trouvèrent dans la châsse cinq ossements qu’ils dénommèrent
ainsi : un os de la cuisse, un tibia, un péroné, une omoplate et le coccyx
(on soupçonne qu’ils auront dit un coxa).
7° Que Mgr de Laubrière, jugeant, d’après les raisons
ci-dessus exposées, que l’authenticité desdites reliques et ossements était
suffisamment constatée, les a transférés de l’ancienne châsse de bois dans une
autre boite de bois de sapin, sur les mêmes linges et étoffes sur lesquels ils
reposaient auparavant, fit chanter une Te Deum et ordonna une procession où
l’on porterait la chasse de saint Victrice à l’abbaye de Saint-Yved. Il régla
ensuite que, pour conserver le souvenir de ce qu’il venait de faire, on ferait
chaque année, dans l’office, mémoire de cette translation. – Voilà pourquoi le
rit soissonnais avait fixé la fête de saint Victrice au 5 mai.
[NdP Le rit est un terme qui
désigne un ensemble de règles et de cérémonies pratiquées dans un cadre
religieux ou culturel. Il peut s'agir de pratiques codifiées, souvent de
caractère sacré ou symbolique, destinées à susciter l'engagement émotionnel des
participants]
Telles sont les preuves
péremptoires que les reliques de saint Victrice existaient à Braine dans
l’église de Saint-Nicolas avant la Révolution et de temps immémorial.
Néanmoins, à ces preuves, ce
semble, si palpables, on oppose le sentiment de deux auteurs fort graves :
le bénédictin Dom Pommeraye et les savants bollandistes :
« La châsse de saint Victrice, dit Pommeraye, tomba
entre les mains des hérétiques, qui firent pareil traitement à ses ossements
sacrés qu’ils avaient fait à quantité d’autres, les ayant jetés au feu, où ils
furent consumés et réduits en centres. » (Histoire des archevêques de
Rouen, édité en 1667).
Les bollandistes, au tome II du
mois d’août (édité en 1734 ou 1735), après avoir dit que le corps de saint
Victrice a été porté à Braine, corpus ejus Brennam translatum,
ajoutent qu’il a été brûlé en 1561 par les hérétiques, combustum anno 1561 ab
iconomachis.
Qui ne voit que, dans l’espèce, ces deux autorités ont peu
de valeur ? Les bollandistes paraissent avoir adopté de confiance et sans
vérification l’opinion du bénédictin D. Pommeraye.
On peut sans doute les excuser
d’avoir ignoré à Anvers ce qui se passait à Braine l’année même où ils
composaient ou commençaient à éditer leu deuxième tome du mois d’août (de 1733
à 1735). Néanmoins, si, avant l’impression, ils avaient eu la bonne pensée
d’écrire à Braine, ils auraient appris ce que pensait des reliques de saint
Victrice l’évêque diocésain, le célèbre M. Languet, qui, après les avoir
examinées lui-même, avait contribué de ses deniers à l’achat d’une nouvelle
châsse, comme nous l’avons déjà dit.
Quant à Dom Pommeraye, il
écrivait soixante-six ans avant l’enquête de Mgr de Laubrière ; et il est
bien probable qu’il s’est contenté de répéter des ouï-dire, sans prendre la
peine d’écrire aux religieux prémontrés de Braine, qui l’auraient exactement
renseigné sur ce point important.
Les auteurs du Gallia
christiana, dans le tome XIe, publié en 1759, se sont bien gardés
d’adopter le sentiment de Pommeraye et des bollandistes sur l’incinération
prétendue des reliques de saint Victrice. Après avoir cité, ironiquement sans
doute, le sens du passage des jésuites d’Anvers : In cineres redactum est, ex
eruditis bollandis, anno 1561, a furentibus calvinistis, [Il fut réduit en cendres, selon les érudits
bollandistes, en 1561, par les calvinistes furieux.] ils reprennent
d’abord les savants hagiographies sur la date : melius dicendum fuisset,
ann. 1532 [Il aurait été préférable de dire : en
1532.] ; et ensuite ils combattent l’opinion de la destruction des
reliques de saint Victrice par le feu, en citant un long passage de la
dissertation de l’un des hommes les plus instruits sur les détails de
l’histoire de France, l’abbé Le Beuf, chanoine et sous-chantre de l’Eglise
d’Auxerre. Dans un Recueil de divers écrits pour servir d’éclaircissements à l’histoire de
France, se fondant sur la connaissance qu’il avait de l’enquête de Mgr
de Laubrière, et en faisant allusion à la phrase des bollandistes : Corpus
sancti Vitricii combustum ab iconomachis ann. 1561, déclare leur
assertion non fondée : at rumor iste falso nititur fundamento quoad
sancti Victricii corpus integrum. Quinque nimirum inter grandiora ossa corporis
sancti prœsulis apud Branam, sub altari ecclesiœ parolchialis Sancti Nicolai,
etiam a bellorum istorum temporibus asservata sunt in sarcophago ligneo (ibid.). [Le corps de saint Vitricius fut brûlé par les
iconoclastes en 1561, selon leur affirmation non fondée : car cette rumeur
repose sur une base fausse en ce qui concerne le corps intact de saint
Vitricius. En effet, cinq des plus grands ossements du corps du saint évêque
ont été conservés à Braine, sous l’autel de l’église paroissiale Saint-Nicolas,
même depuis le temps de ces guerres, dans un sarcophage en bois (ibid.).] Les
calvinistes, qui saccagèrent le prieuré de Saint-Remi, ont peut-être brûlé les
ossements du saint pontife qui y étaient conservés ; mais les cinq
ossements qui étaient sous l’autel de l’église de Saint-Nicolas ont été
certainement préservés. Ce sont ceux que nous avons décrits ci-dessus.
L’objection tirée de Pommeray et
des bollandistes croule donc d’elle-même, faute de fondements solides.
Aussi, nous ne doutons pas que les
savants et consciencieux continuateurs des Acta Sanctorum n’aient à cœur de
rectifier l’erreur de leurs devanciers, aussitôt qu’ils en trouveront
l’occasion.
Que sont devenues les reliques de
saint Victrice depuis leur reconnaissance faite par Mgr de Laubrière en 1733,
jusqu’à présent ?
De 1733 à 1793, la nouvelle
châsse en bois de sapin, scellée par Mgr de Laubrière, a été vue et vénérée constamment
par tous les habitants de Braine. Ainsi l’ont attesté beaucoup de personnes qui
résidaient à Braine avant 1793. Ainsi l’attestent encore des vieillards qui ont
survécu jusqu’à ce jour.
A l’époque désastreuse de 1793, le curé constitutionnel Maugras, desservant alors laparoisse, a recueilli précisément les cinq ossements décrits par les médecins et chirurgien nommés dans le procès-verbal de Mgr de Laubrière. M. Maugras les a transmis à M. Soher, curé-doyen de Braine, de 1802 à 1812. A la mort de ce dernier, M. Petit de Reimpré, son successeur, en fit reconnaitre l’authenticité par Mgr Leblanc de Beaulieu, le 1er août 1813, et céda à la cathédrale de Soissons un fémur et un tibia. Les autres ossements de saint Victrice, au nombre de trois, furent renfermés et scellés dans une châsse de bois, et jusqu’en 1865 ils y sont restés tels que les avait placés Mgr de Beaulieu et M. Petit de Reimpré, curé-doyen de Braine.
V
Quelles circonstances ont
déterminé à faire une nouvelle translation des reliques de saint Yved et de
saint Victrice, et à céder à l’église de Rouen une partie de ces précieux
ossements ?
Le hasard ou plutôt un heureux
concours de diverses circonstances ont tout naturellement amené l’église
métropolitaine de Rouen à demander à Braine quelque portion des reliques de ses
deux pontifes, saint Victrice et saint Yved ou Évode.
Deux ecclésiastiques, l’un
soissonnais (1) et ayant habité Braine dans son enfance, l’autre rouennais (2),
se rencontrent fortuitement, il y a quelques années, dans une maison tierce.
C’était chez M. l’abbé Lequeux, chanoine de la métropole de Paris. – La
conversation s’engage, on entre en connaissance, puis on se sépare. – En 1863,
M. l’abbé Vincent est appelé à Braine pour y prêcher, le lendemain de la
Pentecôte, à l’occasion de la procession commémorative du miracle du Vrai
corps Dieu, procession dans laquelle on porte la châsse de saint Yved.
– L’orateur, en faisant l’éloge du saint pontife, félicite la ville de Braine
de posséder les reliques de deux grands évêques de Rouen ; mais remarquant
la vétusté de leurs châsses, il exhorte les fidèles à contribuer par leurs
pieuses largesses à l’acquisition de châsses plus convenables. Ces paroles
frappent le doyen. « Si la métropole de Rouen, dit-il, voulait bien nous
venir en aide pour l’acquisition de nouveaux reliquaires, Mgr de Soissons
consentirait peut-être à rendre à l’église métropolitaine de Rouen quelques
portions des reliques de ses saints pontifes ». – M. Vincent se rappelle
alors le savant et intéressant Rouennais avec lequel il s’était entretenu à
Paris. Il lui écrit. – Quinze jours après, M. l’abbé Malais était à Braine,
visitant les reliques de saint Yved et de saint Victrice. De Retour à Rouen, il
négocie l’affaire ; M. le chanoine Robert s’en fait le patron très actif
et très intelligent. Deux châsses magnifiques et d’un prix élevé, produit des
offrandes de Son Éminence le cardinal de Bonnechose et de plusieurs membres de
son clergé, sont envoyés en présent à Braine, et l’on prend jour pour vérifier
l’authenticité et opérer le partage des précieux ossements de saint Victrice et
de saint Yved.
M. Henri Congnet, doyen du
chapitre de Soissons, et M. Barthélemy Delaplace, chanoine official, secrétaire
général de l’évêché, sont délégués par l’Ordinaire pour ouvrir les châsses, en
présence du curé-doyen de Braine, M. l’abbé Lecomte, chanoine du chapitre
impérial de Saint-Denis, entouré de plusieurs ecclésiastiques, de plusieurs
membres du conseil de fabrique, des membres de la confrérie de saint Yved et
d’un docteur en médecine, M. Benoit. Les sceaux sont rompus. On découvre sous
les coussins sur lesquels reposaient les reliques, les procès-verbaux de Mgr
Leblanc de Beaulieu, du 1er août 1813, et, en outre, dans la châsse
de saint Victrice, le procès-verbal (en douze pages in-4° sur parchemin) de
l’enquête faite en 1733 par Mgr Lefebure de Laubrière. Les ossements sont
retirés un à un parle docteur Benoit, qui les dénomme au fur et à mesure, et
tout est trouvé conforme à la teneur des procès-verbaux ; les reliques tant
de saint Victrice que de saint Yved sont identiquement les mêmes que celles qui
ont été déclarées authentiques en 1813 par Mgr Leblanc de Beaulieu.
On procède ensuite au
partage ; nous en donnerons le détail un peu plus bas.
Cependant
toutes les démarches avaient été faites, au nom de Mgr l’évêque de Soissons
pour obtenir que Son Éminence le cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen,
vint présider en personne la cérémonie de la remise des reliques de ses
bienheureux prédécesseurs, saint Victrice et saint Yved. M. l’abbé Lecomte
avait même fait à cette intention le voyage de Rouen. Enfin, le cardinal,
surmontant tous les obstacles, arriva directement à Braine (3) par le chemin de
fer, le lundi 16 octobre. Mgr l’évêque de Soissons vint le rejoindre à la gare.
Le soir même, les deux prélats se rendirent en procession du presbytère à
l’église.
Dans l’allocution adressée à Son Éminence le cardinal de Bonnechose, M. Lecomte, curé-doyen, a fait ressorti les rapports qui se trouvent établis depuis le Ve siècle entre l’église de Rouen et l’église de Soissons.
(1 (1) M.
l’abbé Vincent, missionnaire apostolique.
(2 (2) M.
Malais, curé de Saint-Martin-Église, au diocèse de Rouen.
(3 (3) M.
Leblanc, maire de la ville de Braine, avait préparé un appartement pour Mgr le
cardinal et Son Éminence fut reçue d’une manière splendide. – Mgr de Soissons
prit son logement au presbytère.
« Un de vos plus illustres
prédécesseurs, a dit M. Lecomte, saint Ouen, est né dans cette contrée, au
château de Sancy ; une fontaine du pays porte encore son nom. Le château
et la terre de Braine lui ont appartenu, et par son testament ils sont devenus
une des possessions de l’Eglise de Rouen ; et c’est à cette heureuse
circonstance que nous devons le bonheur d’avoir reçu en dépôt les saints
ossements qu’il va nous être donné de toucher et de vénérer. L’abbaye de Sant-Médard
de Soissons fut aussi dépositaire du chef de saint Romain et du corps de saint
Godard ; mais, moins heureuse que l’abbaye de Braine, elle dut rendre ces
saints dépôts à l’église de Rouen. Rappellerai-je encore d’autres titres
d’union entre les deux églises ? Mgr de Fitz-James, évêque de Soissons,
fut sacré dans la cathédrale de Rouen, dont il était grand vicaire. Mgr Leblanc
de Beaulieu, qui scella de son sceau les châsses que vont remplacer les
nouvelles, dut arroser de ses larmes les ossements qu’il y déposa et qui lui
rappelaient des années qu’il regretta toujours (1). Mgr de Simony, de si sainte
mémoire, se consacra pendant dix ans au ministère des campagnes à Monterollier
et à Saint-Martin-Osmonville, paroisses du diocèse de Rouen. Enfin, mon
prédécesseur, M. Nicolas-Pierre Beaucamp, que je suis heureux de nommer dans
cette circonstance, vint du même diocèse pour nous conserver ce temple majestueux
et en solliciter la restauration, etc.,etc. »
(1 (1) M.
Leblanc de Beaulieu, ancien génovéfain et vicaire de Saint-Léger de Soissons,
était curé de Saint-Séverin à Paris, lorsqu’il fut nommé, en 1799, évêque
métropolitain constitutionnel de la Seine-Inférieure. Il pleura jusqu’à sa mort
cet acte schismatique, et mena la vie la plus édifiante pendant les
vingt-quatre ans qu’il gouverna le diocèse de Soissons, après le concordat de
1801.
M. Lecomte termina son discours
en indiquant rapidement les bienfaits et les merveilles dont la ville de Braine
était redevable à la présence des reliques de saint Yved et de saint Victrice.
On lut ensuite au peuple
rassemblé dans l’église les procès-verbaux de la reconnaissance et du partage
des reliques.
Les portions que Braine devait conserver furent déposées
dans les deux splendides châsses données par l’église de Rouen.
Dans celle de saint Yved, on a
renfermé : un fragment d’humérus, un fémur entier, un os iliaque entier,
deux morceaux de crâne, cinq osselets des mains et des pieds.
Dans celle de saint Victrice, une
omoplate, un péroné et la tête d’un fémur rendue par la cathédrale de Soissons.
On y a ajouté un fragment
d’humérus provenant de la spoliation d’une châsse de saint Victrice, ayant
appartenu à l’abbaye de Saint-Yved. M. Beaucamp avait donné ce fragment à M.
l’abbé Vincent, qui le restitue aujourd’hui à l’église de Braine.
Après la bénédiction du très saint Sacrement, le chanoine curé-doyen de Braine, ayant pris successivement dans ses mains les ossements de saint Yved (1) et de saint Victrice (2), enveloppés dans la soie blanche, se présenta devant le trône de Mgr de Bonnechose, et le pria d’accepter, pour son église métropolitaine, ces ossements sacrés de deux de ses bienheureux prédécesseurs que lui offrait l’église de Braine, heureuse d’avoir pu conserver intact le précieux dépôt qui lui avait été confié il y a tant de siècles. Mgr le cardinal, touché jusqu’aux larmes d’avoir le bonheur de tenir sans ses mains les ossements de ses saints prédécesseurs, les baisa avec respect en présence de tous les fidèles, très édifiés de sa Foi et de sa Piété.
(1 (1) De
saint Yved : un os iliaque, un fémur, entier, les deux tiers d’un humérus
et deux fragments de crâne.
(2 (2) De saint Victrice : un os iliaque.
Le lendemain, mardi, Mgr
Jean-Jules Dours, évêque de Soissons, célébra pontificalement la grand’messe,
pendant laquelle Son Éminence adressa à l’assemblée une instructive et
touchante exhortation.
La cérémonie de l’offrande offrit
une particularité qui surprit agréablement la plupart des fidèles réunis
dans l’église. Au milieu de la longue
file des confrères de Saint-Yved et de Saint-Victrice marchait lentement,
tenant un cierge à la main, une femme de très petite stature et paraissant fort
avancée en âge. Elle-même avait demandé instamment à présenter le pain bénit au
jour solennel de la translation des reliques dans les nouvelles châsses.
Elle voulait, par cet acte
religieux, donner un témoignage public de sa reconnaissance pour la grâce
insigne qu’elle avait autrefois reçue de Dieu par l’intercession de saint Yved,
et voici en quelle circonstance :
Catherine Lacour, veuve Mignot,
née à Braine et âgée aujourd’hui de quatre-vingt-sept, était restée jusqu’à sa
septième année sans pouvoir marcher ; elle était nouée dans tous ses
membres, surtout aux genoux et aux articulations des pieds. Il fallait la
transporter partout où l’on pouvait l’avoir. Sa mère, qui était pieuse et qui
désirait sa guérison, ne manquait pas, chaque année, au jour de l’exposition de
la châsse de Saint-Yved, d’aller à l’église de l’abbaye et de faire passer sa
fille sous les reliques vénérées du saint. – En l’année 1785, elle la porta,
comme à l’ordinaire, le mercredi d’après la Pentecôte, anniversaire du miracle
du vrai
corps Dieu, jour de grande solennité dans le monastère. Pendant la
grand’messe, à laquelle assistaient ce jour-là dans leur tribune le comte et la
comtesse d’Egmont, la jeune enfant (Catherine Lacour) était assise sur la
marche de la balustrade du chœur et se tournait sans cesse vers la châsse de
saint Yved, regardant les fleurs dont elle était entourée, et priant sa mère de
lui en donner quelques-unes. – Va en chercher toi-même, répéta plusieurs fois
la mère. – L’enfant, excitée par ces paroles, fait un effort, se lève, et va,
d’une marche assurée, passer sous la châsse du saint pontife, au grand
étonnement de toute l’assistance. La comtesse d’Egmont, vivement émue de ce
prodige, descend rapidement de sa tribune, court vers la petite Catherine, la
serre dans ses bras, et, aussitôt que l’office est terminé, elle la prend par
la main et l’emmène en triomphe au château, suivie d’une partie de la
population, d’autant plus émerveillée de ce qui venait d’avoir lieu qu’il était
de notoriété publique que pendant les sept années écoulées depuis sa naissance
l’enfant n’avait jamais pu se tenir sur ses jambes. Dans les salons du château
plusieurs se plaisaient à jeter à terre devant l’enfant des bonbons ou de
petites pièces de monnaie pour essayer sa force et s’assurer de la réalité de
sa guérison ; et Catherine, pour les ramasser, se baissait et se relevait
aussi aisément qu’auraient pu le faire les autres enfants d son âge. Ce fut
fête au château en l’honneur de l’enfant pendant le reste de la journée.
Un rapport sur cet évènement fut
envoyé à l’évêque diocésain, Mgr de Bourdeilles, lequel, après une enquête
faite par son ordre dans la ville de Braine, où la jeune enfant était connue de
tous les habitants, ordonna de chanter, le dimanche suivant, un Te
Deum en actions de grâces de la guérison subite de l’enfant devant la
châsse de saint Yved.
Depuis cette époque (de 1785 à
1865), c’est-à-dire depuis quatre-vingts ans, l’infirmité de Catherine Lacour
n’a jamais reparu. Mariée à l’âge de vingt-sept ans au maitre d’école Mignot,
puis devenue veuve, elle n’a jamais manqué d’assister aux processions faites,
chaque année, avec la châsse de saint Yved, et de faire brûler des cierges en
l’honneur du saint pontife. Toujours pénétrée d’un profond sentiment de
reconnaissance, elle a orné, il y a quelques années, l’autel du saint pontife
d’un tabernacle sculpté et doré, et, lors de la translation des reliques dans
la nouvelle châsse, elle a demandé que sa croix d’or fût attachée sur le
coussin où reposent les précieux ossements du saint évêque de Rouen, et cette
faveur lui a été octroyée.
En cette même année 1865, il
existe encore à Braine des témoins de la guérison miraculeuse de Catherine
Lacour, et tous les habitants de la ville l’ont toujours entendu raconter pas
leurs parents et grands-parents.
La présence de la veuve Mignot au
milieu de la pompe des cérémonies de la messe pontificale servit singulièrement
à réveiller dans le cœur des assistants la foi en la puissance de Dieu et la
confiance en l’intercession des saints Yved et Victrice, protecteurs de la
ville, qui a conservé avec tant de soin et vénéré si pieusement leurs ossements
sacrés pendant plus de dix siècles.
Les cérémonies religieuses à
l’occasion de la translation des reliques et sain Yvec et de saint Victrice se
terminèrent, dans l’après-midi du mardi 17 octobre, par une procession
solennelle, qui parcourut les principales rues de la ville. Les deux nouvelles
châsses, don de l’église métropolitaine de Rouen, furent portées par les
membres de la confrérie de sain Yved.
Chacun put admirer ces deux
chefs-d’œuvre d’orfèvrerie, sortis des ateliers de la maison Poussielgue, et
exécutés d’après le modèle choisi par M. Viollet-le-Duc lui-même.
Ces deux châsses sont en cuivre
doré, décorées d’émaux et de pierres fines, percées de huit ouvertures en plein
cintre, et portées sur huit lions. Sur le devant de chacune est gravée
l’inscription suivante :
In honorem Dei et beati Evodi (et sur l’autre : beati Victricii)
ecclesia Rothomagensis, Normanniœ primitialis, memor prœpositorum suorum hoc
feretrum dono dedit ecclesiœ Regali et Conventuali Branensi, anno 1865.
[En l’honneur de Dieu et du
bienheureux Évode (et sur l’autre face : du bienheureux Vitricius), l’église de
Rouen, première de Normandie, se souvenant de ses anciens prélats, a offert ce
reliquaire en don à l’église royale et conventuelle de Braine, en l’an 1865.]
M. l’abbé Lecomte, curé-doyen,
n’avait pas attendu jusqu’en 1865 pour raviver le culte rendu à saint Yved et
saint Victrice de temps immémorial dans la ville de Braine. Dès l’année 1844,
il avait sollicité et obtenu de Mgr Jules-François de Simony, évêque de
Soissons, une ordonnance en date du 20 avril, qui rétablissait, avec la
procession en l’honneur du miracle dit du vrai corps Dieu, la confrérie de
Saint-Yved et de Saint-Victrice, sur le modèle de celle établie dans l’ancienne
abbaye et don les statues, donnés par le prieur Delasalle, le mardi de la
Pentecôte 1729, sont encore conservés, en original, dans les archives de la
paroisse. – La seule différence entre les deux règlements consiste dans le
changement du jour fixé pour la procession commémorative du miracle, laquelle
se fait maintenant le lundi de la Pentecôte, au lieu du mercredi, qui était le
véritable jour anniversaire de cet évènement à jamais mémorable.
Les populations qui environnent
la ville de Braine ont conservé la pieuse habitude de faire un pèlerinage à
saint Yved pendant l’octave de la Pentecôte ; - et à saint Victrice le
dimanche le plus près du 5 mai et les jours suivants, époque où les châsses
restent exposées chacune pendant huit jours à la vénération des fidèles.
Les pompeuses cérémonies de la
nouvelle translation des reliques de ces vénérés pontifes, les 16 et 17 octobre
1865, laisseront une profonde impression chez les habitants de Braine et
fourniront quelques pages de plus aux annales du pays, déjà si riches en
souvenirs historiques.
Henri Congnet
Saint Victrice
Vita sancti Victricii
Naissance et origine Saint Victrice naquit dans les
provinces du nord de la Gaule, issu d’une famille noble ou militaire. Dès son
enfance, il manifesta une inclination pour la vie spirituelle. (NdP : origine
parfois floue dans les sources, à préciser selon les actes épiscopaux.)
Conversion et vocation Soldat dans l’armée romaine, il
refusa de porter les armes contre ses frères chrétiens et fut condamné. Libéré
miraculeusement, il embrassa la vie ecclésiastique et devint évêque de Rouen.
(NdP : épisode militaire central dans les récits bollandistes.)
Vie exemplaire Il évangélisa la région normande, fonda
des églises et participa à la consolidation du culte des martyrs. Ses écrits
témoignent d’une théologie pastorale active. (NdP : voir son Liber de laude
sanctorum, texte rare mais fondamental.)
Mort et mémoire Il mourut en paix, probablement au début
du Ve siècle. Son corps fut vénéré à Rouen, puis transféré à Braine. (NdP : la
date exacte reste discutée ; les sources divergent entre 407 et 410.)
Translation des reliques Ses reliques furent transférées
à Braine, dans l’église Saint-Remi, aujourd’hui dite Saint-Evode. Une partie
fut conservée sous l’autel de Saint-Nicolas, dans un sarcophage en bois. (NdP :
voir Congnet, Notice sur la translation, 1865.)
Culte et légende Vénéré comme protecteur des évêques et
des soldats repentis, son culte fut ravivé au XIXe siècle par les chanoines de
Soissons. (NdP : à croiser avec les mentions dans les calendriers liturgiques
locaux.)
Saint Yved
Naissance et origine Saint Yved (ou Ivedus) serait né
dans les premières décennies du IVᵉ siècle, probablement en Gaule belgique. Son
nom est parfois rapproché d’Evodius, bien que les sources divergent. (NdP : à
distinguer des homonymes orientaux ; le culte local le fixe à Braine.)
Conversion et vocation Élevé dans la foi chrétienne, il
se serait retiré dans la région de Braine pour y mener une vie d’ascèse et de
prière. (NdP : les récits le présentent comme confesseur plutôt que martyr.)
Vie exemplaire Il aurait fondé un oratoire ou une cellule
monastique, attirant les fidèles par sa sagesse et sa charité. Des guérisons et
conseils spirituels lui sont attribués. (NdP : peu de sources directes, mais le
culte est attesté dès le haut Moyen Âge.)
Mort et mémoire Il mourut en paix, entouré de ses
disciples. Son corps fut vénéré à Braine, où une église fut dédiée à son nom.
(NdP : la mention “ecclesia Regalis et Conventualis Branensis” apparaît dans
les actes du XIXᵉ siècle.)
Translation des reliques Ses reliques furent transférées
solennellement, notamment lors de la cérémonie décrite par Congnet en 1865. Le
feretrum fut offert par l’église de Rouen en mémoire de ses anciens prélats.
(NdP : voir Congnet, Notice sur la translation des reliques, Paris, 1865.)
Culte et légende Vénéré comme protecteur local et
intercesseur, son culte fut ravivé au XIXᵉ siècle. Il est souvent associé à
Saint Victrice dans les liturgies de Braine. (NdP : à croiser avec les mentions
dans les calendriers diocésains de Soissons et Rouen.)
La présente transcription de la Notice sur la translation
des reliques de Saint Yved et Saint Victrice a été réalisée avec le souci de
préserver l’intégrité stylistique du texte original tout en facilitant sa
lecture et son appropriation critique. Aucun passage n’a été modifié dans sa
structure ou son lexique ; seules des annotations ont été ajoutées pour
éclairer certains termes, gestes rituels, variantes chronologiques ou
références historiques.
Tous les éléments encadrés par des crochets [ ] et
rédigés en bleu constituent des notes personnelles de l’auteur, désignées par
la mention NdP (Note de Pascal). Ces interventions visent à :
expliciter
les tournures latines ou archaïques
signaler
les sources croisées ou les variantes liturgiques
proposer
des hypothèses de lecture ou de transmission
enrichir
le texte sans en altérer la teneur
Ce système d’annotation permet une lecture à double
niveau : le texte brut, fidèle à l’original, et la couche critique, destinée à
la transmission, à l’étude ou à l’exposition.
Nota critica de transcriptione et annotationibus
Haec transcripto Notitiæ de translatione reliquiarum
sancti Yvedi et sancti Victricii fideliter exarata est, servata styli
originalis integritate, ut lectori facilior fiat accessus ad textum et eius
intelligentia critica. Nulla pars textus mutata est; tantum annotationes
additae sunt ad elucidandos locutiones latinas, gestus rituales, variationes
chronologicas et fontes historicas.
Omnia quae inter signa [ ] inclusa sunt et caeruleo
colore scripta, sunt notationes personales auctoris, sub signo NdP (Nota de
Pascalou). Hæ annotationes destinantur ad:
explicandas
formulas antiquas vel obscuras
indicandas
fontes parallelas vel variantes liturgicas
proponendas
hypotheses de traditione vel lectione
extum augendum
sine eius sensu deformando
Hoc systema annotationum duplicem lectionem permittit:
textus nudus, originali fidelis, et stratum criticum, ad usum transmissivum,
academicum vel expositionis destinatum.
______________
Henri Louis Congnet est
né le 06/12/1795 à Soissons et décédé le 05/07/1870 à Soissons
Prêtre-Chanoine
titulaire et doyen du chapitre de Soissons.
Membre de la
Société asiatique.
Missionnaire apostolique (Sacrée Congrégation, 1858).
Ouvrages
hagiographiques et historiques
- Notice sur la translation des reliques de Saint Yved et
Saint Victrice en la ville de Braine – Paris, 1865 → Texte fondamental pour ton
dossier : récit de translation, contexte rituel, et mémoire locale.
- Madame de Bussières ou la vie chrétienne et charitable au
milieu du monde – Paris, 1867 → Dédié aux mères chrétiennes, exemple de
spiritualité incarnée.
- Soldat et prêtre ou Le modèle de la vie sacerdotale et
militaire (L’abbé Timothée Marprez) – Paris, 1865 → Portrait édifiant, mêlant
vie militaire et vocation sacerdotale.
- Marie honorée dans les classes ou Mois de Marie
(grec-latin) – Paris, 1837 → Extraits des Pères grecs et des Écritures, avec
hommages contemporains.
- Grand manuel pour la première communion et la confirmation
– Paris, 1858
- Le Pieux helléniste sanctifiant la journée par la prière –
date inconnue
Henri Congnet fut élève des séminaires de Soissons et de
Saint-Sulpice, il est ordonné diacre par Mgr de Quéleu (évêque in partibus de
Samosate) en juin 1819. Il est ordonné prêtre à Issy-les-Moulineaux (près de Paris)
par Mgr Le Blanc de Beaulieu (ancien évêque constitutionnel de Rouen, évêque de
Soissons et oncle de George Sand) le 18 septembre 1819.
Professeur à Soissons, puis à Laon en 1819, puis supérieur
du Petit Séminaire de Notre-Dame de Liesse en 1834, il devint, en 1835,
directeur de la maîtrise de la cathédrale de Soissons. Le 10 juin 1838 il fut
nommé, par ordonnance épiscopale, chanoine honoraire de Soissons.
Il fut nommé chanoine titulaire de Soissons le 1er décembre
1844. Il a été l'ancien doyen du chapitre de la cathédrale de Soissons. Il a
servi à titre de missionnaire apostolique par ordonnance de la Sacrée
congrégation pour la propagation de la foi en date du 13 juin 1858.
Henri Congnet fut aussi membre de la Société asiatique de
Paris et hagiographe*.
* Un agiographe est une personne
qui écrit ou étudie des vies de saints. Le mot vient du grec hágios (saint) et
gráphein (écrire). L’agiographe peut être : un auteur de récits hagiographiques
(ex. : vie, miracles, martyre d’un saint) un chercheur qui analyse ces textes
dans un cadre historique, liturgique ou philologique
Reliquaire de Braine – Musée de Cluny
Ancienne localisation : Église royale et conventuelle de Braine Localisation actuelle : Musée national du Moyen Âge – Cluny, Paris
Datation : Probablement XIIᵉ–XIIIᵉ siècle
Matériau : Ivoire sculpté, monture en métal Description : Ce reliquaire, jadis conservé à Braine sous l’autel de Saint-Nicolas, présente une série de figures saintes en haut-relief, encadrées d’arcatures et de colonnes. Le couvercle incliné, orné d’un motif en laiton, porte une inscription latine commémorative. Il aurait contenu des ossements attribués à Saint Victrice ou Saint Yved, selon les traditions locales.
(NdP :
l’attribution reste discutée ; voir Congnet, Notice sur la translation, 1865.)
Note critique : La translation de ce reliquaire vers le
musée de Cluny marque une rupture dans la chaîne locale de vénération. Si
l’objet est désormais conservé dans un cadre patrimonial national, son origine
liturgique et sa fonction rituelle demeurent essentielles à la mémoire de
Braine.
Châsse de l'abbaye de Saint-Yved
Cote cliché
08-520099 N° d’inventaire CL1564
Description
Vers 1200 ;
Coffret-reliquaire provenant de Saint-Yved de Braisne (Aisne)
Localisation : Paris, musée de Cluny -
musée national du Moyen Âge
Crédit photo : Grand Palais Rmn (musée de Cluny - musée
national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi
Période : 13e siècle, période médiévale
- Bas Moyen Âge
Techniques et Matières : bronze,
sculpté, os (matériau), dorure
Hauteur (cm)
: 31.0 ; Largeur (cm) : 37.0