En architecture d'église,
la chaire désigne le mobilier situé en hauteur sur un mur ou un pilier, où se
tient le prédicateur durant une assemblée liturgique.
Jusqu'au XVIIe siècle, on
utilisait indifféremment les mots « chaire » ou « chaise », la distinction
entre les deux termes n'étant pas définitivement fixée à cette époque. Il
semblerait que le langage précieux de cette époque refusait les consonnes «
dures », considérées comme trop vulgaires.
En 1789 dans tous les villages de France, les paroissiens sont déroutés par les propos de leur curé. Réunis dans l’église, ils s’interrogent entre eux et ne comprennent pas. Les États généraux* ? Qui, dans l’auditoire, est capable de se souvenir de cette institution qui n’a pas été convoquée depuis plus d’un siècle et demi ? Le curé vient d’annoncer leur convocation par le roi Louis XVI. Et il l’a fait depuis sa chaire à prêcher.
De cette position, les curés diffusent traditionnellement les messages que le roi adresse
à son peuple. Puisque tous ses sujets ou presque assistent à la messe,
le souverain s’assure que ses décisions parviennent jusqu’au fin fond des provinces
de son royaume.
Au Moyen Âge, peu d’églises possèdent des chaires.
De plus elles sont placées différemment. Elles se trouvent à la limite du chœur
et de la nef, et donc en avant des fidèles.
Puis, au
XVIe siècle, le choc provoqué par la Réforme amène l’Église à revaloriser cette
tribune. Une partie de leurs ouailles ont déserté les églises. Le rôle du
clergé a été remis en cause et l’autorité du Pape reniée. Affaiblie et
contestée par cette crise, l’Église catholique se remet en question. De la pédagogie, les paroissiens en recevront
désormais chaque dimanche et jour de fête : pendant la messe, le curé leur
prêchera du haut de la chaire à prêcher. Chaire qu’on installera dans la nef,
au-dessus du public. De cette
position dominante, le prêtre pourvoira à la nourriture spirituelle de son
troupeau par un sermon. Tantôt en commentant un passage de l’Évangile,
tantôt en développant une leçon de morale chrétienne.
Cette promotion de la chaire à prêcher peut sembler
anodine. En fait, elle brise deux traditions multiséculaires. Longtemps
cantonné au chœur, le curé doit désormais, temporairement, se mêler aux fidèles
dans la nef. La deuxième rupture est linguistique. Jusque-là, le curé célébrait
la messe en latin sans que son public ne comprenne grand-chose. Dans la chaire,
il devra prêcher dans la langue locale (français ou dialecte). La pédagogie
passe par un langage compris par tous.
La chaire à prêcher est un outil de la
Contre-Réforme, ce mouvement catholique pour reconquérir les âmes aux XVIe et
XVIIe siècles.
Sauf exception, elle se trouve traditionnellement
dans la nef, côté nord, autrement dit à gauche en avançant vers le chœur. Elle
s’appuie contre un mur ou un pilier. Pour y accéder, le prêtre doit
généralement monter un escalier tournant ou droit. Quelques chaires
monumentales proposent deux escaliers.
L’élément principal de la chaire à prêcher est la
cuve. C’est là où se tient le prêtre. Dans son axe de vision, sur le mur
opposé, est généralement accroché un crucifix et dans certains édifices d’un
banc d’œuvre. La position surélevée du prêtre garantit que sa voix porte loin,
sans obstacles. Cette préoccupation acoustique explique la présence d’un dais
au-dessus du prédicateur. Il joue le rôle d’abat-voix. Remarquez la colombe qui
est souvent sculptée en dessous. Une évocation de la colombe du Saint-Esprit
censée inspirer les paroles du prêtre. D’autres sculptures peuvent orner la
cuve elle-même. On retrouve souvent la figuration des apôtres, car, comme eux,
le prêtre doit répandre l’enseignement du Christ.
Pareillement à une grande partie du mobilier
religieux, l’ensemble est en bois, mais l’on en trouve également en pierre. Dans
beaucoup d’églises, on en a fait un meuble d’apparat. On le comprend d’autant
mieux que cet instrument de la Contre-Réforme fait parfois la réputation et la
carrière de leurs utilisateurs.
Sous Louis XIV et Louis XV, à Paris, on se bouscule
pour écouter les prédicateurs dans les églises paroissiales, mais aussi dans
les couvents et les chapelles. Assister à un sermon équivaut à une sortie au
théâtre. On est sûr d’avoir du spectacle et de l’émotion. Certains prédicateurs
sur jouent. Ils vocifèrent contre les impies, tapent du poing sur le rebord de
la chaire ; puis tamponnent leur front en sueur avec un mouchoir. À l’écoute
des sermons de Bossuet, certains
fidèles pleurent, sont transportés de joie, applaudissent. Les meilleurs dans
l’exercice, à l’exemple du père Bourdaloue, peuvent « se produire » devant le
roi et la Cour. Chaque année, une liste des dates, des lieux et des
prédicateurs est publiée. L’art du sermon a ses stars qui jouent à guichets
fermés au point qu’on ne peut plus entrer dans l’église.
Dans les campagnes les églises des villages
s’équipent en chaire à prêcher au cours des XVIIe et XVIIIe siècles ; les
évêques visitent les églises du diocèse et vérifient notamment l’application
des prescriptions de la Contre-Réforme. Ils en profitent pour contrôler si les
rituels sont bien accomplis.
Quand feu mon parrain prêchait du haut de son
perchoir, il était très écouté. Comme aurait dit mon aïeule la baronne de
Nicolas du Plantier : « La Champagne toute entière se déplaçait pour écouter
Jean à son balcon ».
Mais pourquoi diable avons-nous abandonné les
chaires à prêcher ? Le mouvement d’abandon commence au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale. Dans les années 1960-70, certaines chaires à prêcher sont
démontées, la position surplombante du
prédicateur ne convenait plus, pourtant, l’acoustique y était parfaite.
Au XIXe siècle, puis au XXe, elle gêne des paroissiens et des
prêtres eux-mêmes. Comme si l’Église catholique cherchait à manifester sa
domination sur l’auditoire. Au contraire, des prêtres cherchent, pour être plus
proches de leurs paroissiens, à prêcher à leur niveau. Aujourd’hui l’Ambon* a
remplacé la chaire. Le microphone et les techniques modernes font que le prêtre
n’a plus besoin de forcer la voix pour se faire entendre.
*L’Ambon
Du grec anabaïnein « monter ».
L’ambon est l’emplacement surélevé où montent ceux
qui, dans la liturgie, spécialement au cours de la messe, ont à faire une
lecture ; c’est là aussi que se place celui qui fait l’homélie ou qui doit
adresser la parole à l’assemblée. Dans l’antiquité, l’ambon était le lieu de la
Parole, réservé aux lecteurs et aux chantres. L’évêque et les prêtres
jouissaient de la liberté de s’adresser au peuple du haut de l’ambon, ou bien à
partir des marches de l’autel, ou bien encore de l’emplacement, surélevé lui
aussi, de leur siège. Tout ceci reste vrai à l’heure actuelle.
Au retour de l’Exil à Babylone, au jour de naissance
du Judaïsme et de la liturgie synagogale, il est fait mention d’une sorte
d’ambon : « Le scribe Esdras se tenait sur une estrade de bois, construite pour
la circonstance. Esdras ouvrit le livre au regard de tout le peuple — car il
dominait tout le peuple — et, quand il l’ouvrit, tout le peuple se mit debout.
Alors Esdras bénit Yahvé, le grand Dieu ; tout le peuple, mains levées,
répondit : Amen ! Amen ! puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant
Yahvé, le visage contre terre » (Ne 8, 4.5.6).
Pour annoncer la Bonne Nouvelle, Jésus prend soin
d’être bien vu et entendu de tous, lors du Sermon sur la montagne ou à
l’occasion des prédications au bord du lac. C’est assis sur une éminence ou
dans une barque que Jésus prêche l’Évangile ; de même, dans l’antiquité
chrétienne, l’évêque prêche assis sur sa cathèdre, c’est-à-dire sur son siège
(chaire).
Chez les Juifs, les docteurs de la Loi ou les maîtres
en Israël enseignaient assis. Est-ce la raison pour laquelle on a longtemps
appelé « chaire » le lieu fort élevé, placé dans la nef, où les pasteurs
prenaient la parole, le plus souvent debout ? Une confusion a été faite entre
l’ambon et le siège du célébrant.
Depuis le Concile de Vatican II (1962-1965), le
prêtre ne monte plus en chaire pour prêcher ; il s’adresse à l’assemblée des
fidèles devant l’ambon.
« Le pupitre
placé dans l’église, c’est la vie des hommes parfaits, et on l’appelle ainsi
pour signifier en quelque sorte un pupitre public ou placé dans un lieu public
et exposé aux regards de tous. En effet, nous lisons ces mots dans les
Paralipomènes :
« Salomon fit une tribune d’airain, la plaça au
milieu du temple, et, se tenant debout dessus et étendant la main, il parlait
au peuple de Dieu. » Esdras fit aussi un degré de bois pour y parler, et
lorsqu’il y montait, il était élevé au-dessus de tout le peuple… On donne
encore à ce pupitre le nom d’analogium, parce qu’on y lit et qu’on y annonce la
parole de Dieu… On l’appelle aussi ambon, de ambiendo, entourer, parce qu’il
entoure comme d’une ceinture celui qui y monte. »
Les églises italiennes ont conservé des chaires à prêcher d’une époque assez ancienne, des XIIIe et XIVe siècles ; elles sont en pierre, ou plutôt en marbre, ou en bronze. Celle de la cathédrale de Sienne, qui date du XIIIe siècle est fort belle ; elle est portée sur des colonnes posées sur des lions, et son garde-corps est orné de bas-reliefs représentant la Nativité.
La chaire est exécutée entre 1265 et 1268. C'est l'un des joyaux du Duomo, ainsi que l'une des sculptures les plus importantes du XIIIe siècle italien.
Son
plan est octogonal. Quatre des huit colonnes aux angles reposent sur des lions
portant des colonnes, tandis que la colonne centrale sur un socle octogonal est
ornée de personnages figurant les arts libéraux et la philosophie. Les arcs
sont en plein cintre, avec des trèfles et, au-dessus des chapiteaux, des
figures en marbre représentant la Logique et les Vertus cardinales. Les
rainures des arcades portent des prophètes et des évangélistes.
Les
scènes représentées sur les panneaux principaux sont la Visitation et la
Nativité, l’Adoration des mages, la Présentation au temple et fuite en Égypte,
le Massacre des Innocents, la Crucifixion, le Jugement dernier, avec les élus
et les damnés.
L'escalier
et le pont d'accès ont été sculptés par Bernardino di Giacomo en 1536-1539, sur
une conception probable de Baldassarre Peruzzi avant l'année de sa mort (1536).
En France, aucune de nos anciennes églises n’a
conservé de chaires à prêcher, ou pupitres pouvant en tenir lieu, antérieurs au
XVe siècle.
L’usage, à partir du XIIe siècle surtout, était,
dans nos églises du Nord, de disposer à l’entrée des chœurs des jubés, sur
lesquels on montait pour lire l’épître et l’Évangile et pour exhorter les
fidèles, s’il y avait lieu. Toutefois ces prédications, avant l’institution des
frères prêcheurs, ne se faisaient qu’accidentellement. Jacques de Vitry,
écrivain du XIIIe siècle, dit :
« que Pierre,
chantre de Paris, voulant faire connaître les talents extraordinaires de
Foulques, son disciple, le fit prêcher en sa présence et devant plusieurs
habiles gens dans l’église de Saint-Severin ; et que Dieu donna une telle
bénédiction à ses sermons, quoiqu’ils fussent d’un style fort simple, que même
tous les sçavans de Paris s’excitoient les uns les autres à venir entendre le
prêtre Foulques, qui preschoit, disoient-ils, comme un second saint Paul. Ces
faits sont d’environ l’an 1180…»
Il est probable que, dans ces cas particuliers, les prédicateurs se plaçaient dans une chaire mobile disposée en quelque lieu de l’église pour la circonstance. La chaire n’était alors, qu’une petite estrade en bois fermée de trois côtés par un garde-corps recouvert sur le devant d’un tapis.
Mais, au XIIIe siècle, quand les ordres prêcheurs se furent établis pour combattre l’hérésie et expliquer au peuple les vérités du christianisme, la prédication devint un besoin auquel les dispositions architectoniques des édifices religieux durent obéir. Pour remplir exactement ces conditions, les dominicains, les jacobins entre autres, bâtirent des églises à deux nefs, l’une étant réservée pour le chœur des religieux et le service divin, l’autre pour la prédication. Alors les chaires devinrent fixes et entrèrent dans la construction. Elles formaient comme un balcon saillant à l’intérieur de l’église, porté en encorbellement, accompagné d’une niche prise aux dépens du mur, et ordinairement éclairée par de petites fenêtres ; on y montait par un escalier pratiqué dans l’épaisseur de la construction. La nef sud de la grande église du couvent des jacobins de Toulouse possédait, à son extrémité occidentale, une chaire de ce genre à laquelle on montait par un escalier s’ouvrant en dehors de l’église dans le petit cloître ; nous en avons vu encore les traces, quoique la saillie du cul-de-lampe eût été coupée et la niche bouchée. C’est ainsi qu’étaient disposées les chaires des réfectoires des monastères, destinées à contenir le lecteur pendant les repas des religieux. L’une des plus anciennes et des plus belles chaires de réfectoire qui nous soient conservées est celle de l’abbaye Saint-Martin-des-Champs à Paris.
On
remarquera la disposition ingénieuse de l’escalier montant à cette chaire :
pratiqué dans l’épaisseur du mur, il n’est clos du côté de l’intérieur que par
une claire-voie ; mais pour éviter que la charge du mur au-dessus n’écrasât
cette claire-voie, le constructeur a posé un arc de décharge A qui vient la
soulager, et, afin que cet arc ne poussât pas à son arrivée en B, les deux
premiers pieds-droits C C de la claire-voie ont été inclinés de façon à opposer
une butée à cette poussée. Aujourd’hui on trouverait étrange qu’un architecte
se permit une pareille hardiesse ; incliner des pieds-droits ! On lui
demanderait d’user d’artifices pour obtenir ce résultat de butée sans le rendre
apparent ; au commencement du XIIIe siècle, on n’y mettait pas autrement de
finesses.
En 1109, un morceau considérable de la vraie croix
fut rapporté de Jérusalem à Paris par la voie de terre, en traversant la Grèce,
la Hongrie, l’Allemagne et la Champagne. Il fut provisoirement déposé à
Fontenet-sous-Louvre, puis transporté en grande pompe à Saint-Cloud pour y être
gardé jusqu’au premier d’août, jour désigné pour sa réception solennelle dans
la cathédrale de Paris. Il y eut une grande affluence de peuple dans la plaine
de Saint-Denis pendant la translation de cette précieuse relique de Fontenet à
Saint-Cloud, pour la voir passer. Depuis lors, tous les ans, le second mercredi
du mois de juin, le morceau de la vraie croix était rapporté dans la plaine
située entre la Chapelle, Aubervilliers et Saint-Denis, afin d’être exposé à la
vénération des fidèles, trop nombreux pour pouvoir être reçus dans la
cathédrale.
« Au sortir de Notre-Dame, dit l’abbé Lebeuf, on
passoit au cimetière de Champeaux, dit depuis des Innocens. Après une pause
faite en ce lieu, et employée à quelques prières pour les morts, l’évêque
commençoit la récitation du Pseautier qui étoit continuée jusqu’au lieu indiqué
usque ad indictum. Là, après une antienne de la croix, l’évêque ou une autre
personne en son nom, étant au haut d’une tribune dressée exprès, faisoit un
sermon au peuple : après quoi le même prélat, aidé de l’archidiacre, donnoit la
bénédiction à toute la multitude avec la croix apportée de Paris, se tournant
d’abord à l’orient d’où cette relique est venue, puis au midi vers Paris,
ensuite au couchant, et enfin au septentrion du côté de Saint-Denis… »
Cet exemple de prédication en plein air n’est pas le
seul. Saint Bernard prêcha, monté sur une estrade, du haut de la colline de
Vézelay, devant l’armée des croisés rassemblés dans la vallée d’Asquin, en
présence de Louis le Jeune. La chaire du prédicateur n’était alors qu’une
petite plate-forme sans garde-corps ; car, au milieu d’un vaste espace, en
plein air, le prédicateur devait être vu en pied ; sa posture dans une boîte
semblable à nos chaires eût été ridicule.
Les prédications en plein air étaient fréquentes au
moyen âge et jusqu’au moment de la réformation. Les prédicateurs se retirèrent
sous les voûtes des églises quand ils purent craindre de trouver parmi la foule
assemblée des contradicteurs. Ceux qui se seraient permis de provoquer un
scandale au milieu d’un champ ou sur une place publique, n’osaient et ne
pouvaient le faire dans l’enceinte d’une église.
Nous trouvons encore des chaires élevées dans les
cloîtres et cimetières pendant les XIVe et XVe siècles, et même sur la voie
publique tenant à l’église. Le cloître de la cathédrale de Saint-Dié en
contient une en pierre, placée vers le commencement du XVIe siècle. Ce petit
monument est recouvert par un auvent également en pierre, destiné à garantir le
prédicateur contre les ardeurs du soleil et surtout à rabattre la voix sur
l’assistance : car, pour les chaires élevées en plein air ou dans les églises,
on sentit bientôt la nécessité de suspendre au-dessus du prédicateur un plafond
pour empêcher la voix de se perdre dans l’espace ; cet appendice de la chaire
prit le nom d’abat-voix.
Ce dispositif est rare, plus fréquent en Bretagne et
aussi attesté dans l'ouest de la France (cathédrale de Saint-Lô ou Angers,
cette dernière ayant disparue en 1683). Il connait quelques exemples en Alsace
: à Saverne (église des Augustins), à Rouffach (13e siècle) ou encore à
Bergholtzzell (16e siècle). Le propos fut parfois repris dans les églises de la
Première reconstruction comme à Dontrien (Marne).
De part sa rareté, la chaire extérieure de Saint-Dié fut publiée par un dessin dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, d'Eugène Viollet-Le-Duc.
À l’un des angles de l’église Saint-Lô, sur la rue, on trouve encore une de ces chaires extérieures en pierre, dont la porte communique avec un escalier intérieur, et qui est recouverte d’un riche abat-voix terminé en pyramide. Cette chaire date de la fin du XVe siècle.
Les cathédrales de Besançon et de Strasbourg ont conservé des chaires en pierre de cette époque.
Celle de Strasbourg particulièrement est d’une
excessive richesse et du travail le plus précieux. Son abat-voix (aujourd’hui
déposé) est couronné par une pyramide chargée de détails et découpures infinies
; ce monument est dans sa composition et ornementation, se rapprochant du style
adopté en Allemagne à la fin de l’ère ogivale. Bientôt on cessa de faire des
chaires en marbre ou en pierre ; on se contenta de les établir en bois, en les
adossant et les accrochant même parfois aux piliers.
La chaire de Strasbourg est un exemple de gothique flamboyant poussé à l’extrême. Une cinquantaine de statues la décorent, abordant de nombreux thèmes tels que les évangélistes, un cortège de huit figures d’apôtres, la crucifixion de Jésus-Christ entouré de sa mère Marie et de l’apôtre Jean ou encore sainte Barbe, saint Laurent et les anges portant les instruments de la Passion.
Cette chaire a été réalisée entre 1485 et 1487 pour
Jean Geiler de Kaysersberg par le sculpteur et maître d’œuvre Hans Hammer et
porte la date de 1485. Il signe son œuvre par un « H » qui se retrouve sur la
rampe et sur la clef sous la corbeille. Des statuettes du XVIIIe siècle
remplacent certaines qui ont été subtilisées. Le grand doyen de la cathédrale
exigea à la même époque, la destruction de la frise jugée indécente qui courait
à la base de la rampe. La chaire était recouverte jusqu’au début du XXe siècle
par un grand abat-voix qui fut déposé.
La petite sculpture d’un chien est à remarquer sur
la rampe des escaliers, qui rappellerait selon une légende, l’habitude du
prêcheur Jean Geiler de Kaysersberg de venir accompagné de son chien. La
réalité est que la sculpture du « petit chien de Geiler » est un clin d’œil au
prédicateur dominicain (domini canis = le chien du Seigneur) venu de Bâle puis
de Wurzbourg, Jean Geiler de Kaysersberg, institué prédicateur de la cathédrale
de Strasbourg en 1478 et qui se distingua par une truculence quasi-rabelaisienne.
Le petit chien triste est également l’emblème de Saint Alexis car il était le
seul à avoir reconnu son maître.
(Nous ne verrons pas le petit chien l’escalier ayant disparu)
La
chaire à prêcher du XIXe siècle
La chaire à prêcher de l’église de Sennecey-le-Grand
(71) est ainsi décrite par le père Frédéric Curnier-Laroche, historien de l’art
:
« Sur le dorsal, un médaillon représente le visage
du Christ (c’est en son nom que le prédicateur s’adresse aux fidèles). Le
peuple chrétien reçoit un enseignement (comme le figure la trompette de l’ange
au sommet de l’abat-voix). L’annonce de la Bonne Nouvelle est basée sur les
Évangiles. C’est pourquoi chaque face du garde-corps évoque un évangéliste
accompagné de son symbole (Ez 1,1-28 ; Ap 4,1-11) : Matthieu et un ange (la
forme humaine renvoyant à la généalogie des ancêtres de Jésus qui débute son
évangile – Mt 1, 1-18), Marc et le lion (son évangile commence par la
prédication de Jean-Baptiste qui annonce la venue du Messie avec la force du
lion qui rugit dans le désert – Mc 1, 1-8), Luc et un taureau (puisqu’il parle
du Temple de Jérusalem où cet animal était sacrifié), Jean accompagné d’un aigle
(l’évangéliste scrutant le mystère divin sans en être aveuglé, comme l’aigle
vole haut dans le ciel, face au soleil, sans être ébloui). D’autres symboles
sont répartis sur les trois faces de l’abat-voix.
Au centre, deux ancres de marine s’entrecroisent.
Depuis les premiers temps chrétiens, l’ancre est l’emblème de la confiance en
Dieu, d’autant plus que l’épître aux Hébreux utilise cette métaphore : Dans
l’espérance qui nous est proposée, nous avons comme une ancre de l’âme, sûre et
ferme, et qui pénètre par-delà le rideau du Temple, là où Jésus est entré pour
nous en précurseur… (He 6,19). Ici, le cadavre d’un serpent (évocation des
attaques du Mal) vient s’y enrouler, alors que jaillissent un sarment de vigne
et un épi de blé, symboles de l’Eucharistie. L’ensemble est surmonté d’une
petite gloire : de ses rayons jaillit un triangle (image de la Sainte Trinité).
À gauche, un calice surmonté d’une hostie repose contre les tables de la Loi,
les Évangiles et deux crucifix. Sur l’un d’eux, nous retrouvons le serpent
vaincu. A droite nous est présentée une évocation de l’amour divin
miséricordieux à travers le Sacré-Cœur de Jésus (tel que le décrivit sainte
Marguerite-Marie Alacoque après ses visions de Paray-le-Monial) d’où
jaillissent deux rameaux de feuillages, de fleurs et de grenades éclatées, ce
fruit représentant l’Église (ecclesia – communauté des croyants). La grenade
peut aussi symboliser la prêtrise (elle porte des fruits riches dans sa peau
dure) ou le Christ lui-même (les plaies de la Passion). »
Chaire
à prêcher église saint Pantaléon à
Troyes (Aube-10)
En 1826, l'architecte Victor Bert dessina plusieurs projets de chaire à prêcher pour l'église, allant du meuble monumental, posé au sol, à deux montées convergentes et important décor sculpté, à la formule effilée suspendue à un pilier. C'est cette dernière proposition, sans doute la moins coûteuse, qui fut retenue.
Par la suite, la fabrique désira donner un peu plus
d'ampleur au projet de cuve polygonale en ajoutant un côté. L’œuvre n'aurait
été achevée qu'en 1832.
Matériaux : chêne taillé Mesures : h : 185 la : 200 pr : 270
Représentations : ornement végétal ; feuille de
laurier ; pomme de pin
Ensemble de projets pour la chaire de Saint-Pantaléon
Par Victor Bert – 1826
4 dessins : crayon, encre et aquarelle sur calque.
1. Projet de chaire monumentale à deux montées, 29 x
22 cm ;
2. Projet à une montée, élévation côté escalier,
27,5 x 17,2 cm ;
3. Projet à une montée, élévations de face et de
profil, 47 x 31 cm ;
4. Projets à une montée, plans (AD Aube : 25 J 28).
Le règne de Louis XVI (1774-1792)
Le 10 mai 1774, Louis XV meurt des suites de la
petite vérole, accablé par la vindicte populaire. Louis XVI, son petit-fils,
alors âgé de dix-neuf ans, lui succède sur le trône. Selon la tradition, il est
sacré à Reims le 11 juin 1775 lors d’une cérémonie fastueuse. Sous son règne,
le pouvoir ne parvient pas à réformer le système économique, social et
politique de la France. En 1789, pour faire face aux difficultés financières du
régime, le roi est contraint de convoquer les États généraux. La prise de la
Bastille ouvre la voie d’une révolution populaire. Les privilèges et le droit
féodal sont abolis. La Constitution, votée en 1791, instaure un nouveau type de
monarchie, avec Assemblée législative. Mais Louis XVI abuse de son droit de
veto et finit par quitter secrètement Paris avant d’être pris à Varennes.
Suspecté de soutenir l’Autriche, qui entre en guerre contre la France, le roi
est soumis à la pression de la rue jusqu’à son arrestation, le 10 août 1792.
Inculpé pour trahison, il est jugé coupable, condamné à mort et guillotiné le
21 janvier 1793. Longtemps considéré comme un martyr ou comme un traître, Louis
XVI est aujourd’hui décrit comme un honnête homme dépassé par les événements.
La convocation des États généraux (1789)
Sous l’Ancien Régime, les États généraux sont des
assemblées extraordinaires qui réunissent des représentants de toutes les
provinces appartenant aux trois ordres de la société : clergé, noblesse et
tiers état. Ils sont convoqués par le roi pour traiter d’une crise politique,
d’une guerre, d’une question militaire ou fiscale.
Face à une situation politique et financière catastrophique, Louis XVI se voit
contraint de convoquer les États généraux, qui n’avaient pas été réunis depuis
1614. Eux seuls peuvent décider la levée de nouveaux impôts et engager la
réforme du pays. Leur ouverture à Versailles, le 5 mai 1789, marque le début de
la Révolution française. Plus de mille cent députés se massent dans la salle à
colonnes spécialement construite pour l’occasion. Le roi, entouré de la reine
et des princes du sang, trône au fond sous un dais majestueux. Il ouvre la
séance par un discours sans ambition. Suivent des paroles sans volonté de
réformes.
Etats
généraux 1789
DISCOURS
DU
ROI,
Prononcé le 5 mai 1789, jour où Sa Majesté a fait l’ouverture
des Etats-Généraux
Messieurs,
Ce jour que mon cœur attendoit depuis long-temps est
enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la Nation à laquelle
je me fais gloire de commander.
Un long intervalle s’étoit écoulé depuis les
dernieres tenues des Etats-généraux ; et quoique la convocation de ces
assemblées parût être tombée en désuétude, je n’ai pas balancé à rétablir un
usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la
Nation une nouvelle source de bonheur.
La dette de l’Etat, déjà immense à mon avénement au
trône, s’est encore accrue sous mon regne : une guerre dispendieuse, mais
honorable, en a été la cause ; l’augmentation des impôts en a été la suite
nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition.
Une inquiétude générale, un desir exagéré
d’innovations, se sont emparés des esprits, et finiroient par égarer totalement
les opinions, si on ne se hâtoit de les fixer par une réunion d’avis sages et
modérés.
C’est dans cette confiance, Messieurs, que je vous
ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu’elle a déjà été justifiée par les
dispositions que les deux premiers Ordres ont montrées à renoncer à leurs
privileges pécuniaires. L’espérance que j’ai conçue de voir tous les Ordres
réunis de sentiments concourir avec moi au bien général de l’Etat, ne sera
point trompée.
J’ai déjà ordonné dans les dépenses des
retranchements considérables ; vous me présenterez encore à cet égard des idées
que je recevrai avec empressement : mais malgré la ressource que peut offrir
l’économie la plus sévere, je crains, Messieurs, de ne pouvoir pas soulager
tous mes sujets aussi promptement que je le desirerois. Je ferai mettre sous
vos yeux la situation exacte des finances ; et quand vous l’aurez examinée, je
suis assuré d’avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour
y établir un ordre permanent, et affermir le crédit public. Ce grand et
salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans, et sa
considération au dehors, vous occupera essentiellement.
Les esprits sont dans l’agitation ; mais une
assemblée des représentants de la Nation n’écoutera sans doute que les conseils
de la sagesse et de la prudence. Vous aurez jugé vous-mêmes, Messieurs, qu’on
s’en est écarté dans plusieurs occasions récentes ; mais l’esprit dominant de
vos délibérations répondra aux véritables sentiments d’une Nation généreuse, et
dont l’amour pour ses Rois a toujours fait le caractere distinctif :
j’éloignerai tout autre souvenir.
Je connois l’autorité et la puissance d’un Roi juste au milieu d’un peuple fidele et attaché de tout temps aux principes de la Monarchie : ils ont fait la gloire et l’éclat de la France ; je dois en être le soutien, et je le serai constamment.
Mais tout ce qu’on peut attendre du plus tendre
interêt au bonheur public, tout ce qu’on peut demander à un Souverain, le
premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l’espérer de mes
sentiments.
Puisse, Messieurs, un heureux accord régner dans
cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et
le prospérité du royaume ! C’est le souhait de mon cœur, c’est le plus ardents
de mes vœux, c’est enfin le prix que j’attends de la droiture de mes intentions
et de mon amour pour mes peuples.
Mon Garde des Sceaux va vous expliquer plus
amplement mes intentions ; et j’ai ordonné au Directeur général des finances de
vous en exposer l’état.
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