dimanche 17 novembre 2024

Chaires à Prêcher, Ambon,

 

Chaire de l'église de Bouillon (Belgique)

En architecture d'église, la chaire désigne le mobilier situé en hauteur sur un mur ou un pilier, où se tient le prédicateur durant une assemblée liturgique.

Jusqu'au XVIIe siècle, on utilisait indifféremment les mots « chaire » ou « chaise », la distinction entre les deux termes n'étant pas définitivement fixée à cette époque. Il semblerait que le langage précieux de cette époque refusait les consonnes « dures », considérées comme trop vulgaires.

En 1789 dans tous les villages de France, les paroissiens sont déroutés par les propos de leur curé. Réunis dans l’église, ils s’interrogent entre eux et ne comprennent pas. Les États généraux* ? Qui, dans l’auditoire, est capable de se souvenir de cette institution qui n’a pas été convoquée depuis plus d’un siècle et demi ? Le curé vient d’annoncer leur convocation par le roi Louis XVI. Et il l’a fait depuis sa chaire à prêcher.

De cette position, les curés diffusent traditionnellement les messages que le roi adresse à son peuple. Puisque tous ses sujets ou presque assistent à la messe, le souverain s’assure que ses décisions parviennent jusqu’au fin fond des provinces de son royaume.

Au Moyen Âge, peu d’églises possèdent des chaires. De plus elles sont placées différemment. Elles se trouvent à la limite du chœur et de la nef, et donc en avant des fidèles.

Puis, au XVIe siècle, le choc provoqué par la Réforme amène l’Église à revaloriser cette tribune. Une partie de leurs ouailles ont déserté les églises. Le rôle du clergé a été remis en cause et l’autorité du Pape reniée. Affaiblie et contestée par cette crise, l’Église catholique se remet en question.  De la pédagogie, les paroissiens en recevront désormais chaque dimanche et jour de fête : pendant la messe, le curé leur prêchera du haut de la chaire à prêcher. Chaire qu’on installera dans la nef, au-dessus du public. De cette position dominante, le prêtre pourvoira à la nourriture spirituelle de son troupeau par un sermon. Tantôt en commentant un passage de l’Évangile, tantôt en développant une leçon de morale chrétienne.

Cette promotion de la chaire à prêcher peut sembler anodine. En fait, elle brise deux traditions multiséculaires. Longtemps cantonné au chœur, le curé doit désormais, temporairement, se mêler aux fidèles dans la nef. La deuxième rupture est linguistique. Jusque-là, le curé célébrait la messe en latin sans que son public ne comprenne grand-chose. Dans la chaire, il devra prêcher dans la langue locale (français ou dialecte). La pédagogie passe par un langage compris par tous.

La chaire à prêcher est un outil de la Contre-Réforme, ce mouvement catholique pour reconquérir les âmes aux XVIe et XVIIe siècles.

Sauf exception, elle se trouve traditionnellement dans la nef, côté nord, autrement dit à gauche en avançant vers le chœur. Elle s’appuie contre un mur ou un pilier. Pour y accéder, le prêtre doit généralement monter un escalier tournant ou droit. Quelques chaires monumentales proposent deux escaliers.

L’élément principal de la chaire à prêcher est la cuve. C’est là où se tient le prêtre. Dans son axe de vision, sur le mur opposé, est généralement accroché un crucifix et dans certains édifices d’un banc d’œuvre. La position surélevée du prêtre garantit que sa voix porte loin, sans obstacles. Cette préoccupation acoustique explique la présence d’un dais au-dessus du prédicateur. Il joue le rôle d’abat-voix. Remarquez la colombe qui est souvent sculptée en dessous. Une évocation de la colombe du Saint-Esprit censée inspirer les paroles du prêtre. D’autres sculptures peuvent orner la cuve elle-même. On retrouve souvent la figuration des apôtres, car, comme eux, le prêtre doit répandre l’enseignement du Christ.

Pareillement à une grande partie du mobilier religieux, l’ensemble est en bois, mais l’on en trouve également en pierre. Dans beaucoup d’églises, on en a fait un meuble d’apparat. On le comprend d’autant mieux que cet instrument de la Contre-Réforme fait parfois la réputation et la carrière de leurs utilisateurs.

Sous Louis XIV et Louis XV, à Paris, on se bouscule pour écouter les prédicateurs dans les églises paroissiales, mais aussi dans les couvents et les chapelles. Assister à un sermon équivaut à une sortie au théâtre. On est sûr d’avoir du spectacle et de l’émotion. Certains prédicateurs sur jouent. Ils vocifèrent contre les impies, tapent du poing sur le rebord de la chaire ; puis tamponnent leur front en sueur avec un mouchoir. À l’écoute des sermons de Bossuet, certains fidèles pleurent, sont transportés de joie, applaudissent. Les meilleurs dans l’exercice, à l’exemple du père Bourdaloue, peuvent « se produire » devant le roi et la Cour. Chaque année, une liste des dates, des lieux et des prédicateurs est publiée. L’art du sermon a ses stars qui jouent à guichets fermés au point qu’on ne peut plus entrer dans l’église.

Dans les campagnes les églises des villages s’équipent en chaire à prêcher au cours des XVIIe et XVIIIe siècles ; les évêques visitent les églises du diocèse et vérifient notamment l’application des prescriptions de la Contre-Réforme. Ils en profitent pour contrôler si les rituels sont bien accomplis.

Quand feu mon parrain prêchait du haut de son perchoir, il était très écouté. Comme aurait dit mon aïeule la baronne de Nicolas du Plantier : « La Champagne toute entière se déplaçait pour écouter Jean à son balcon ».

Mais pourquoi diable avons-nous abandonné les chaires à prêcher ? Le mouvement d’abandon commence au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1960-70, certaines chaires à prêcher sont démontées,  la position surplombante du prédicateur ne convenait plus, pourtant, l’acoustique y était parfaite.

Au XIXe siècle,  puis au XXe, elle gêne des paroissiens et des prêtres eux-mêmes. Comme si l’Église catholique cherchait à manifester sa domination sur l’auditoire. Au contraire, des prêtres cherchent, pour être plus proches de leurs paroissiens, à prêcher à leur niveau. Aujourd’hui l’Ambon* a remplacé la chaire. Le microphone et les techniques modernes font que le prêtre n’a plus besoin de forcer la voix pour se faire entendre.

Chaire à prêcher mobile - XVIe siècle - chapelle de st Léon

Chaire du XVe s. Collégiale Notre-Dame à Montréal (Yonne-89)

*L’Ambon 

Du grec anabaïnein « monter ».

L’ambon est l’emplacement surélevé où montent ceux qui, dans la liturgie, spécialement au cours de la messe, ont à faire une lecture ; c’est là aussi que se place celui qui fait l’homélie ou qui doit adresser la parole à l’assemblée. Dans l’antiquité, l’ambon était le lieu de la Parole, réservé aux lecteurs et aux chantres. L’évêque et les prêtres jouissaient de la liberté de s’adresser au peuple du haut de l’ambon, ou bien à partir des marches de l’autel, ou bien encore de l’emplacement, surélevé lui aussi, de leur siège. Tout ceci reste vrai à l’heure actuelle.

Au retour de l’Exil à Babylone, au jour de naissance du Judaïsme et de la liturgie synagogale, il est fait mention d’une sorte d’ambon : « Le scribe Esdras se tenait sur une estrade de bois, construite pour la circonstance. Esdras ouvrit le livre au regard de tout le peuple — car il dominait tout le peuple — et, quand il l’ouvrit, tout le peuple se mit debout. Alors Esdras bénit Yahvé, le grand Dieu ; tout le peuple, mains levées, répondit : Amen ! Amen ! puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant Yahvé, le visage contre terre » (Ne 8, 4.5.6).

Pour annoncer la Bonne Nouvelle, Jésus prend soin d’être bien vu et entendu de tous, lors du Sermon sur la montagne ou à l’occasion des prédications au bord du lac. C’est assis sur une éminence ou dans une barque que Jésus prêche l’Évangile ; de même, dans l’antiquité chrétienne, l’évêque prêche assis sur sa cathèdre, c’est-à-dire sur son siège (chaire).

Chez les Juifs, les docteurs de la Loi ou les maîtres en Israël enseignaient assis. Est-ce la raison pour laquelle on a longtemps appelé « chaire » le lieu fort élevé, placé dans la nef, où les pasteurs prenaient la parole, le plus souvent debout ? Une confusion a été faite entre l’ambon et le siège du célébrant.

Depuis le Concile de Vatican II (1962-1965), le prêtre ne monte plus en chaire pour prêcher ; il s’adresse à l’assemblée des fidèles devant l’ambon.


Ambon - Notre-Dame de Paris - mobilier inauguré le 7 décembre 2024


Ambon à Solignac - fonte rouillée et bronze - (Limousin)


Ambon cathédrale ND - Le Puy en Velay (43)


 « Le pupitre placé dans l’église, c’est la vie des hommes parfaits, et on l’appelle ainsi pour signifier en quelque sorte un pupitre public ou placé dans un lieu public et exposé aux regards de tous. En effet, nous lisons ces mots dans les Paralipomènes :

« Salomon fit une tribune d’airain, la plaça au milieu du temple, et, se tenant debout dessus et étendant la main, il parlait au peuple de Dieu. » Esdras fit aussi un degré de bois pour y parler, et lorsqu’il y montait, il était élevé au-dessus de tout le peuple… On donne encore à ce pupitre le nom d’analogium, parce qu’on y lit et qu’on y annonce la parole de Dieu… On l’appelle aussi ambon, de ambiendo, entourer, parce qu’il entoure comme d’une ceinture celui qui y monte. »

 Les églises italiennes ont conservé des chaires à prêcher d’une époque assez ancienne, des XIIIe et XIVe siècles ; elles sont en pierre, ou plutôt en marbre, ou en bronze. Celle de la cathédrale de Sienne, qui date du XIIIe siècle est fort belle ; elle est portée sur des colonnes posées sur des lions, et son garde-corps est orné de bas-reliefs représentant la Nativité. 

Chaire de Nicola Pisano XIIIe siècle - Cathédrale de Sienne

La chaire est exécutée entre 1265 et 1268. C'est l'un des joyaux du Duomo,                                     ainsi que l'une des sculptures les plus importantes du XIIIe siècle italien.

Son plan est octogonal. Quatre des huit colonnes aux angles reposent sur des lions portant des colonnes, tandis que la colonne centrale sur un socle octogonal est ornée de personnages figurant les arts libéraux et la philosophie. Les arcs sont en plein cintre, avec des trèfles et, au-dessus des chapiteaux, des figures en marbre représentant la Logique et les Vertus cardinales. Les rainures des arcades portent des prophètes et des évangélistes.

Les scènes représentées sur les panneaux principaux sont la Visitation et la Nativité, l’Adoration des mages, la Présentation au temple et fuite en Égypte, le Massacre des Innocents, la Crucifixion, le Jugement dernier, avec les élus et les damnés.

L'escalier et le pont d'accès ont été sculptés par Bernardino di Giacomo en 1536-1539, sur une conception probable de Baldassarre Peruzzi avant l'année de sa mort (1536).


En France, aucune de nos anciennes églises n’a conservé de chaires à prêcher, ou pupitres pouvant en tenir lieu, antérieurs au XVe siècle.

L’usage, à partir du XIIe siècle surtout, était, dans nos églises du Nord, de disposer à l’entrée des chœurs des jubés, sur lesquels on montait pour lire l’épître et l’Évangile et pour exhorter les fidèles, s’il y avait lieu. Toutefois ces prédications, avant l’institution des frères prêcheurs, ne se faisaient qu’accidentellement. Jacques de Vitry, écrivain du XIIIe siècle, dit :

 « que Pierre, chantre de Paris, voulant faire connaître les talents extraordinaires de Foulques, son disciple, le fit prêcher en sa présence et devant plusieurs habiles gens dans l’église de Saint-Severin ; et que Dieu donna une telle bénédiction à ses sermons, quoiqu’ils fussent d’un style fort simple, que même tous les sçavans de Paris s’excitoient les uns les autres à venir entendre le prêtre Foulques, qui preschoit, disoient-ils, comme un second saint Paul. Ces faits sont d’environ l’an 1180…»

Il est probable que, dans ces cas particuliers, les prédicateurs se plaçaient dans une chaire mobile disposée en quelque lieu de l’église pour la circonstance. La chaire n’était alors, qu’une petite estrade en bois fermée de trois côtés par un garde-corps recouvert sur le devant d’un tapis.

Chaire médiévale 

Mais, au XIIIe siècle, quand les ordres prêcheurs se furent établis pour combattre l’hérésie et expliquer au peuple les vérités du christianisme, la prédication devint un besoin auquel les dispositions architectoniques des édifices religieux durent obéir. Pour remplir exactement ces conditions, les dominicains, les jacobins entre autres, bâtirent des églises à deux nefs, l’une étant réservée pour le chœur des religieux et le service divin, l’autre pour la prédication. Alors les chaires devinrent fixes et entrèrent dans la construction. Elles formaient comme un balcon saillant à l’intérieur de l’église, porté en encorbellement, accompagné d’une niche prise aux dépens du mur, et ordinairement éclairée par de petites fenêtres ; on y montait par un escalier pratiqué dans l’épaisseur de la construction. La nef sud de la grande église du couvent des jacobins de Toulouse possédait, à son extrémité occidentale, une chaire de ce genre à laquelle on montait par un escalier s’ouvrant en dehors de l’église dans le petit cloître ; nous en avons vu encore les traces, quoique la saillie du cul-de-lampe eût été coupée et la niche bouchée. C’est ainsi qu’étaient disposées les chaires des réfectoires des monastères, destinées à contenir le lecteur pendant les repas des religieux. L’une des plus anciennes et des plus belles chaires de réfectoire qui nous soient conservées est celle de l’abbaye Saint-Martin-des-Champs à Paris.

On remarquera la disposition ingénieuse de l’escalier montant à cette chaire : pratiqué dans l’épaisseur du mur, il n’est clos du côté de l’intérieur que par une claire-voie ; mais pour éviter que la charge du mur au-dessus n’écrasât cette claire-voie, le constructeur a posé un arc de décharge A qui vient la soulager, et, afin que cet arc ne poussât pas à son arrivée en B, les deux premiers pieds-droits C C de la claire-voie ont été inclinés de façon à opposer une butée à cette poussée. Aujourd’hui on trouverait étrange qu’un architecte se permit une pareille hardiesse ; incliner des pieds-droits ! On lui demanderait d’user d’artifices pour obtenir ce résultat de butée sans le rendre apparent ; au commencement du XIIIe siècle, on n’y mettait pas autrement de finesses.

Gravure de l’intérieur du réfectoire du Prieuré St Martin des Champs vers 1870

En 1109, un morceau considérable de la vraie croix fut rapporté de Jérusalem à Paris par la voie de terre, en traversant la Grèce, la Hongrie, l’Allemagne et la Champagne. Il fut provisoirement déposé à Fontenet-sous-Louvre, puis transporté en grande pompe à Saint-Cloud pour y être gardé jusqu’au premier d’août, jour désigné pour sa réception solennelle dans la cathédrale de Paris. Il y eut une grande affluence de peuple dans la plaine de Saint-Denis pendant la translation de cette précieuse relique de Fontenet à Saint-Cloud, pour la voir passer. Depuis lors, tous les ans, le second mercredi du mois de juin, le morceau de la vraie croix était rapporté dans la plaine située entre la Chapelle, Aubervilliers et Saint-Denis, afin d’être exposé à la vénération des fidèles, trop nombreux pour pouvoir être reçus dans la cathédrale.

« Au sortir de Notre-Dame, dit l’abbé Lebeuf, on passoit au cimetière de Champeaux, dit depuis des Innocens. Après une pause faite en ce lieu, et employée à quelques prières pour les morts, l’évêque commençoit la récitation du Pseautier qui étoit continuée jusqu’au lieu indiqué usque ad indictum. Là, après une antienne de la croix, l’évêque ou une autre personne en son nom, étant au haut d’une tribune dressée exprès, faisoit un sermon au peuple : après quoi le même prélat, aidé de l’archidiacre, donnoit la bénédiction à toute la multitude avec la croix apportée de Paris, se tournant d’abord à l’orient d’où cette relique est venue, puis au midi vers Paris, ensuite au couchant, et enfin au septentrion du côté de Saint-Denis… »

Cet exemple de prédication en plein air n’est pas le seul. Saint Bernard prêcha, monté sur une estrade, du haut de la colline de Vézelay, devant l’armée des croisés rassemblés dans la vallée d’Asquin, en présence de Louis le Jeune. La chaire du prédicateur n’était alors qu’une petite plate-forme sans garde-corps ; car, au milieu d’un vaste espace, en plein air, le prédicateur devait être vu en pied ; sa posture dans une boîte semblable à nos chaires eût été ridicule.

Les prédications en plein air étaient fréquentes au moyen âge et jusqu’au moment de la réformation. Les prédicateurs se retirèrent sous les voûtes des églises quand ils purent craindre de trouver parmi la foule assemblée des contradicteurs. Ceux qui se seraient permis de provoquer un scandale au milieu d’un champ ou sur une place publique, n’osaient et ne pouvaient le faire dans l’enceinte d’une église.

Nous trouvons encore des chaires élevées dans les cloîtres et cimetières pendant les XIVe et XVe siècles, et même sur la voie publique tenant à l’église. Le cloître de la cathédrale de Saint-Dié en contient une en pierre, placée vers le commencement du XVIe siècle. Ce petit monument est recouvert par un auvent également en pierre, destiné à garantir le prédicateur contre les ardeurs du soleil et surtout à rabattre la voix sur l’assistance : car, pour les chaires élevées en plein air ou dans les églises, on sentit bientôt la nécessité de suspendre au-dessus du prédicateur un plafond pour empêcher la voix de se perdre dans l’espace ; cet appendice de la chaire prit le nom d’abat-voix.

 

Cette rare chaire à prêcher extérieure a été aménagée dans le contrefort de la galerie nord du cloître. Elle a probablement servi lors des offices funèbres et quand était rendue la justice qu'exerçait le chapitre sur les terres lui appartenant.

Ce dispositif est rare, plus fréquent en Bretagne et aussi attesté dans l'ouest de la France (cathédrale de Saint-Lô ou Angers, cette dernière ayant disparue en 1683). Il connait quelques exemples en Alsace : à Saverne (église des Augustins), à Rouffach (13e siècle) ou encore à Bergholtzzell (16e siècle). Le propos fut parfois repris dans les églises de la Première reconstruction comme à Dontrien (Marne).

De part sa rareté, la chaire extérieure de Saint-Dié fut publiée par un dessin dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, d'Eugène Viollet-Le-Duc.


Saint Dié de nos jours


À l’un des angles de l’église Saint-Lô, sur la rue, on trouve encore une de ces chaires extérieures en pierre, dont la porte communique avec un escalier intérieur, et qui est recouverte d’un riche abat-voix terminé en pyramide. Cette chaire date de la fin du XVe siècle.

Église ND à Saint Lô


Chaire extérieure, cathédrale st Pierre et st Paul de Nantes


Les cathédrales de Besançon et de Strasbourg ont conservé des chaires en pierre de cette époque.

 

Chaire de la cathédrale saint Jean de Besançon

Celle de Strasbourg particulièrement est d’une excessive richesse et du travail le plus précieux. Son abat-voix (aujourd’hui déposé) est couronné par une pyramide chargée de détails et découpures infinies ; ce monument est dans sa composition et ornementation, se rapprochant du style adopté en Allemagne à la fin de l’ère ogivale. Bientôt on cessa de faire des chaires en marbre ou en pierre ; on se contenta de les établir en bois, en les adossant et les accrochant même parfois aux piliers.

Archives de la chaire de Strasbourg en 1890

La chaire de Strasbourg est un exemple de gothique flamboyant poussé à l’extrême. Une cinquantaine de statues la décorent, abordant de nombreux thèmes tels que les évangélistes, un cortège de huit figures d’apôtres, la crucifixion de Jésus-Christ entouré de sa mère Marie et de l’apôtre Jean ou encore sainte Barbe, saint Laurent et les anges portant les instruments de la Passion.

Cette chaire a été réalisée entre 1485 et 1487 pour Jean Geiler de Kaysersberg par le sculpteur et maître d’œuvre Hans Hammer et porte la date de 1485. Il signe son œuvre par un « H » qui se retrouve sur la rampe et sur la clef sous la corbeille. Des statuettes du XVIIIe siècle remplacent certaines qui ont été subtilisées. Le grand doyen de la cathédrale exigea à la même époque, la destruction de la frise jugée indécente qui courait à la base de la rampe. La chaire était recouverte jusqu’au début du XXe siècle par un grand abat-voix qui fut déposé.

La petite sculpture d’un chien est à remarquer sur la rampe des escaliers, qui rappellerait selon une légende, l’habitude du prêcheur Jean Geiler de Kaysersberg de venir accompagné de son chien. La réalité est que la sculpture du « petit chien de Geiler » est un clin d’œil au prédicateur dominicain (domini canis = le chien du Seigneur) venu de Bâle puis de Wurzbourg, Jean Geiler de Kaysersberg, institué prédicateur de la cathédrale de Strasbourg en 1478 et qui se distingua par une truculence quasi-rabelaisienne. Le petit chien triste est également l’emblème de Saint Alexis car il était le seul à avoir reconnu son maître.         (Nous ne verrons pas le petit chien l’escalier ayant disparu)


Chaire de la cathédrale ND de Strasbourg de nos jours


La chaire à prêcher du XIXe siècle

La chaire à prêcher de l’église de Sennecey-le-Grand (71) est ainsi décrite par le père Frédéric Curnier-Laroche, historien de l’art :

« Sur le dorsal, un médaillon représente le visage du Christ (c’est en son nom que le prédicateur s’adresse aux fidèles). Le peuple chrétien reçoit un enseignement (comme le figure la trompette de l’ange au sommet de l’abat-voix). L’annonce de la Bonne Nouvelle est basée sur les Évangiles. C’est pourquoi chaque face du garde-corps évoque un évangéliste accompagné de son symbole (Ez 1,1-28 ; Ap 4,1-11) : Matthieu et un ange (la forme humaine renvoyant à la généalogie des ancêtres de Jésus qui débute son évangile – Mt 1, 1-18), Marc et le lion (son évangile commence par la prédication de Jean-Baptiste qui annonce la venue du Messie avec la force du lion qui rugit dans le désert – Mc 1, 1-8), Luc et un taureau (puisqu’il parle du Temple de Jérusalem où cet animal était sacrifié), Jean accompagné d’un aigle (l’évangéliste scrutant le mystère divin sans en être aveuglé, comme l’aigle vole haut dans le ciel, face au soleil, sans être ébloui). D’autres symboles sont répartis sur les trois faces de l’abat-voix.

Au centre, deux ancres de marine s’entrecroisent. Depuis les premiers temps chrétiens, l’ancre est l’emblème de la confiance en Dieu, d’autant plus que l’épître aux Hébreux utilise cette métaphore : Dans l’espérance qui nous est proposée, nous avons comme une ancre de l’âme, sûre et ferme, et qui pénètre par-delà le rideau du Temple, là où Jésus est entré pour nous en précurseur… (He 6,19). Ici, le cadavre d’un serpent (évocation des attaques du Mal) vient s’y enrouler, alors que jaillissent un sarment de vigne et un épi de blé, symboles de l’Eucharistie. L’ensemble est surmonté d’une petite gloire : de ses rayons jaillit un triangle (image de la Sainte Trinité). À gauche, un calice surmonté d’une hostie repose contre les tables de la Loi, les Évangiles et deux crucifix. Sur l’un d’eux, nous retrouvons le serpent vaincu. A droite nous est présentée une évocation de l’amour divin miséricordieux à travers le Sacré-Cœur de Jésus (tel que le décrivit sainte Marguerite-Marie Alacoque après ses visions de Paray-le-Monial) d’où jaillissent deux rameaux de feuillages, de fleurs et de grenades éclatées, ce fruit représentant l’Église (ecclesia – communauté des croyants). La grenade peut aussi symboliser la prêtrise (elle porte des fruits riches dans sa peau dure) ou le Christ lui-même (les plaies de la Passion). »





Chaire à prêcher  église saint Pantaléon à Troyes (Aube-10)

 En 1826, l'architecte Victor Bert dessina plusieurs projets de chaire à prêcher pour l'église, allant du meuble monumental, posé au sol, à deux montées convergentes et important décor sculpté, à la formule effilée suspendue à un pilier. C'est cette dernière proposition, sans doute la moins coûteuse, qui fut retenue.

Par la suite, la fabrique désira donner un peu plus d'ampleur au projet de cuve polygonale en ajoutant un côté. L’œuvre n'aurait été achevée qu'en 1832.

Matériaux : chêne taillé  Mesures : h : 185 la : 200 pr : 270

Représentations : ornement végétal ; feuille de laurier ;  pomme de pin

 Ensemble de projets pour la chaire de Saint-Pantaléon

Par Victor Bert – 1826

4 dessins : crayon, encre et aquarelle sur calque.

1. Projet de chaire monumentale à deux montées, 29 x 22 cm ;

2. Projet à une montée, élévation côté escalier, 27,5 x 17,2 cm ;

3. Projet à une montée, élévations de face et de profil, 47 x 31 cm ;

4. Projets à une montée, plans (AD Aube : 25 J 28).


Ville de Troyes. Eglise St-Pantaléon.
Projet de chaire à prêcher [plan, élévation] / Victor Bert. 18 décembre 1826.
1 dessin. : encre et aquarelle ; 44 x 29 cm (AD Aube : 25 J 28).

Chaire de l'église st Pantaléon - Troyes (Aube-10)

Vue d'ensemble, on remarque qu'à st Pantaléon la chaire est à droite


Le règne de Louis XVI (1774-1792)



Le 10 mai 1774, Louis XV meurt des suites de la petite vérole, accablé par la vindicte populaire. Louis XVI, son petit-fils, alors âgé de dix-neuf ans, lui succède sur le trône. Selon la tradition, il est sacré à Reims le 11 juin 1775 lors d’une cérémonie fastueuse. Sous son règne, le pouvoir ne parvient pas à réformer le système économique, social et politique de la France. En 1789, pour faire face aux difficultés financières du régime, le roi est contraint de convoquer les États généraux. La prise de la Bastille ouvre la voie d’une révolution populaire. Les privilèges et le droit féodal sont abolis. La Constitution, votée en 1791, instaure un nouveau type de monarchie, avec Assemblée législative. Mais Louis XVI abuse de son droit de veto et finit par quitter secrètement Paris avant d’être pris à Varennes. Suspecté de soutenir l’Autriche, qui entre en guerre contre la France, le roi est soumis à la pression de la rue jusqu’à son arrestation, le 10 août 1792. Inculpé pour trahison, il est jugé coupable, condamné à mort et guillotiné le 21 janvier 1793. Longtemps considéré comme un martyr ou comme un traître, Louis XVI est aujourd’hui décrit comme un honnête homme dépassé par les événements.

 

La convocation des États généraux (1789)


Sous l’Ancien Régime, les États généraux sont des assemblées extraordinaires qui réunissent des représentants de toutes les provinces appartenant aux trois ordres de la société : clergé, noblesse et tiers état. Ils sont convoqués par le roi pour traiter d’une crise politique, d’une guerre, d’une question militaire ou fiscale.
Face à une situation politique et financière catastrophique, Louis XVI se voit contraint de convoquer les États généraux, qui n’avaient pas été réunis depuis 1614. Eux seuls peuvent décider la levée de nouveaux impôts et engager la réforme du pays. Leur ouverture à Versailles, le 5 mai 1789, marque le début de la Révolution française. Plus de mille cent députés se massent dans la salle à colonnes spécialement construite pour l’occasion. Le roi, entouré de la reine et des princes du sang, trône au fond sous un dais majestueux. Il ouvre la séance par un discours sans ambition. Suivent des paroles sans volonté de réformes.


Etats généraux 1789


DISCOURS

DU ROI,

Prononcé le 5 mai 1789, jour où Sa Majesté a fait l’ouverture des Etats-Généraux

 

Messieurs,

Ce jour que mon cœur attendoit depuis long-temps est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la Nation à laquelle je me fais gloire de commander.

Un long intervalle s’étoit écoulé depuis les dernieres tenues des Etats-généraux ; et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n’ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la Nation une nouvelle source de bonheur.

La dette de l’Etat, déjà immense à mon avénement au trône, s’est encore accrue sous mon regne : une guerre dispendieuse, mais honorable, en a été la cause ; l’augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition.

Une inquiétude générale, un desir exagéré d’innovations, se sont emparés des esprits, et finiroient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtoit de les fixer par une réunion d’avis sages et modérés.

C’est dans cette confiance, Messieurs, que je vous ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu’elle a déjà été justifiée par les dispositions que les deux premiers Ordres ont montrées à renoncer à leurs privileges pécuniaires. L’espérance que j’ai conçue de voir tous les Ordres réunis de sentiments concourir avec moi au bien général de l’Etat, ne sera point trompée.

J’ai déjà ordonné dans les dépenses des retranchements considérables ; vous me présenterez encore à cet égard des idées que je recevrai avec empressement : mais malgré la ressource que peut offrir l’économie la plus sévere, je crains, Messieurs, de ne pouvoir pas soulager tous mes sujets aussi promptement que je le desirerois. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances ; et quand vous l’aurez examinée, je suis assuré d’avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y établir un ordre permanent, et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans, et sa considération au dehors, vous occupera essentiellement.

Les esprits sont dans l’agitation ; mais une assemblée des représentants de la Nation n’écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. Vous aurez jugé vous-mêmes, Messieurs, qu’on s’en est écarté dans plusieurs occasions récentes ; mais l’esprit dominant de vos délibérations répondra aux véritables sentiments d’une Nation généreuse, et dont l’amour pour ses Rois a toujours fait le caractere distinctif : j’éloignerai tout autre souvenir.

 Je connois l’autorité et la puissance d’un Roi juste au milieu d’un peuple fidele et attaché de tout temps aux principes de la Monarchie : ils ont fait la gloire et l’éclat de la France ; je dois en être le soutien, et je le serai constamment.

Mais tout ce qu’on peut attendre du plus tendre interêt au bonheur public, tout ce qu’on peut demander à un Souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l’espérer de mes sentiments.

Puisse, Messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et le prospérité du royaume ! C’est le souhait de mon cœur, c’est le plus ardents de mes vœux, c’est enfin le prix que j’attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples.

Mon Garde des Sceaux va vous expliquer plus amplement mes intentions ; et j’ai ordonné au Directeur général des finances de vous en exposer l’état.

 




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