Église fortifiée Notre-Dame de l’Assomption
L’église est fondée au XIIe ou XIIIe siècle,
à l’époque où les moines défricheurs s’implantaient dans la région sous la
protection de l’évêque Barthélémy.
À partir du XVIe siècle, les guerres incessantes
(guerre de Cent Ans, guerres de religion, conflits avec l’Espagne) ont poussé
les habitants à fortifier leurs églises pour s’y réfugier. L’église a été
construite en grande partie – comme c’est typiquement le cas dans la région –
en briques rouges, les fondations et la partie inférieure du donjon carré sont
en grès. Celui-ci comportait autrefois trois niveaux, dont les deux derniers
étaient pourvue de meurtrières et de fenêtres. Il n’en reste rien aujourd’hui.
La date de 1714, scellée à l’extérieur sur le mur
sud de l’édifice à côté de deux cœurs décoratifs en briques émaillées, indique
l’année de l’agrandissement des collatéraux de l’église.
Elle est flanquée de quatre tours circulaires,
étrangement disposées par rapport à l’édifice. L’une est accolée au
clocher-donjon, et permettait d’une part d’accéder aux étages du donjon, et
d’autre part d’effectuer des tirs flanquant celui-ci. Les trois autres, du même
côté que la première, sont adossées au chœur. Il est assez rare que les tours
soient adossées au chœur. La plupart du temps, elles le sont à la nef.
Le clocher et le chœur sont inscrits aux Monuments
Historiques depuis 1927, et l’ensemble de l’église a été inscrit en 2021.
Donjon carré : Haut et étroit, il comprend trois
niveaux, dont une salle de refuge au-dessus du chœur, équipée d’une cheminée et
autrefois d’un four. Meurtrières et petites fenêtres permettaient aux
villageois de se défendre tout en restant à l’abri.
Voûtes du chœur : datent du XVIe siècle, ornées de
motifs floraux (feuilles de lierre) et royaux (fleurs de lys). Une poutre
maîtresse porte la date 1677, marquant la fin de la construction.
L’église renferme : deux sculptures remarquables des
XIVe et XVe siècles, l’une de Saint André et l’autre en calcaire polychrome de
Ste Marguerite d’Antioche.
Edifice fermé
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Il y avait longtemps que je n'avais pas écrit un petit texte rigolo, aujourd'hui c'est le jour, je vous livre mes délires :
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Dans les confins septentrionaux de l’Aisne, blottie
au creux des collines paisibles de la Thiérache, se dresse l’église
Notre-Dame-de-l’Assomption de Lavaqueresse, telle une sentinelle séculaire.
Édifiée dans les brumes des XIIe et XIIIe siècles, elle surgit à une époque où
la foi, portée par les pas lents des moines défricheurs, s’enracine au cœur des
bocages et des âmes. Mais c’est surtout au fil du XVIe siècle, âge
d’incertitude et de fer, que l’église s’arma de pierre et de prudence, répondant
au tumulte des guerres par une transformation en église fortifiée.
Son clocher-porche, massif et farouche, s’impose
d’emblée comme le bastion d’une foi sur la défensive. Percé de meurtrières, il
est flanqué de deux tours carrées, hautaines et silencieuses, qui enserrent la
façade comme les bras d’un géant endormi. Sur sa face sud, la pierre s’épanouit
en motifs de briques vernissées, fines arabesques géométriques dont l’éclat
tranche avec la rigueur défensive — témoignage d’un artisanat aussi fervent que
raffiné. Une inscription, gravée près du chœur, indique la date de 1714, clin
d’œil à un remaniement tardif.
Pénétrant dans le sanctuaire, le visiteur découvre
une nef humble, guidée vers un chœur voûté au XVIe siècle, dont les ogives
peintes déploient des feuilles de lierre et des fleurs de lys, comme si les
pierres priaient en silence. Une poutre maîtresse, datée de 1677, surplombe la
travée — colonne de bois noble qui porte en elle l’écho des siècles et des
prières oubliées.
Dans une haute salle aménagée au-dessus du chœur,
refuge ultime en cas de siège, les anciens avaient installé un four, une
cheminée, et de rares ouvertures d’où l’on pouvait défendre la foi à coups de
pierres et d’huile. Ainsi se conjuguent en un même lieu la protection de l’âme
et du corps.
Et là, trônant dans une alcôve baignée d’une lumière
presque divine, la statue de la Vierge à l’Enfant, éclairée par un puits de
lumière, semble offrir aux fidèles un regard à la fois maternel et souverain.
Plus qu’un lieu de culte, l’église de Lavaqueresse est un ouvrage de résistance
et de grâce, une muraille vivante où s’entrelaçaient l’espoir, la peur et la
foi.
Journal d’un Pèlerin, l’an de grâce 1678
« Le seizième jour du mois d’août, mes pieds,
écorchés par les routes poudreuses de l’Avesnois, me conduisirent jusqu’au
hameau de Lavaqueresse. Le ciel, ce matin-là, semblait lavé par les larmes des
anges, et dans ce silence suspendu, j’aperçus, dressée comme une vigie au
milieu des champs paisibles, l’église de Notre-Dame-de-l’Assomption.
Jamais je ne vis demeure de prière si farouche et
pourtant si noble. Son clocher carré, percé d’étranges ouvertures — que les
gens du cru nomment meurtrières — me parut autant une tour de guet qu’un appel
au ciel. On m’apprit qu’elle fut bâtie voici plusieurs siècles, dès le XIIe, et
qu’au XVIe, quand les brigands et les soldats étranglaient la région, on la
fortifia pour en faire un refuge sacré.
Je m’approchai de la façade méridionale, où les
briques vernissées dessinaient des croix et des losanges, rouges comme le sang
des martyrs. Là, gravée dans la pierre, l’année 1714 – que d’aucuns disent
commémorer de récents travaux. Mais c’est en entrant que mon âme chancela.
Sous les voûtes peintes du chœur, j’eus l’étrange
sentiment que les pierres elles-mêmes priaient. Des fleurs de lys et des
pampres de lierre ornaient les clés de voûte, délicatement rehaussées de
couleurs fanées. Un ancien me montra une poutre de bois, datée de 1677, encore
suintante d’encens et de mémoire.
Mais le plus étonnant fut cette pièce secrète,
perchée au-dessus du chœur, où les habitants jadis se terraient. Il y avait là
un four, une cheminée, et des lucarnes de combat… curieuse chapelle où le pain
de guerre se mêlait au pain du ciel.
Avant de repartir, je m’agenouillai devant la Vierge
à l’Enfant, dont la lumière venue du dôme semblait tracer une auréole vivante
autour de son visage de mère. Je n’avais jamais vu lumière si douce, ni pierre
si courageuse.
J’ignorais encore que cette halte deviendrait pour
moi l’une des plus précieuses. L’église de Lavaqueresse ne m’abrita pas
seulement du vent — elle alluma en moi une paix que même la route n’a jamais
fait taire. »
Maintenant une version romanesque :
La jeune
paysanne (printemps 1715) « On dit que cette église, c’est comme une mère pour
nous — solide, protectrice, silencieuse. Moi, j’y suis née juste après la fin
des derniers grands travaux, quand ils ont inscrit "1714" au-dessus
du chœur. Quand j’entre, je regarde toujours la Vierge avec l’Enfant. Elle
brille là-haut dans la lumière, comme si Dieu lui-même avait percé le toit pour
nous offrir un peu de chaleur. Parfois, j’y monte, là-haut, dans la salle des
secrets où mes grands-parents se cachaient quand les Espagnols passaient. Il
reste un four et une cheminée… et un silence plus profond que la nuit. »
Le soldat égaré (été 1592) « J’avais fui les
combats, perdu dans les terres froides de la Thiérache, lorsque je vis cette
forteresse étrange — clocher droit comme la hampe d’un étendard. Je m’y
réfugiai, croyant trouver pierre et repos. Mais j’y trouvai bien plus : des
prières gravées dans la voûte, des fleurs de lys et de lierre peintes là, comme
un jardin secret au-dessus de moi. J’ai dormi sous la poutre datée de 1677 —
qu’elle existât déjà ou non ce jour-là, je ne saurais dire. Tout était silence,
sauf mon cœur. Cette église n’était pas un bastion : c’était un pardon. »
Le curé (automne 1679) « Chaque dimanche, je lève
les yeux vers cette poutre maîtresse, érigée il y a deux ans — 1677, une date
bénie. Je bénis les fidèles, mais c’est l’église qui les console. Ses murs
parlent. Ses meurtrières murmurent les récits de la peur. J’ai vu le chœur
s’orner de fresques aux motifs de lys et de lierre, tel un manteau royal tombé
sur les épaules d’un saint. Et dans la salle haute, au-dessus de l’autel, se
dresse encore le vieux four. Les anciens y faisaient leur pain et leurs
prières. Ici, foi et feu se confondent. »
Le fermier octogénaire (fin XIXᵉ siècle) « Je ne
sais plus marcher bien loin, mais chaque fois que mes petits-enfants me portent
jusqu’à l’église, je retrouve l’enfance. Les pierres n’ont pas changé. Le
porche est toujours là, droit, sévère. Les briques brillent encore sous le
soleil comme autrefois. Quand j’étais enfant, on disait que les ancêtres
veillaient depuis là-haut, depuis la salle du clocher. Moi, je veille d’en bas
— et je leur parle en silence. »
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L’église renferme : deux sculptures
remarquables des XIVe et XVe siècles, l’une de Saint André et l’autre en
calcaire polychrome de Ste Marguerite d’Antioche.
Mais, l’édifice est toujours fermé alors qu’il devrait-être
ouvert, de fait j’ai écrit un petit mot pour les édiles de la commune :
« Lettre à Messieurs les Gardiens du Néant
(écrite d’un banc, face à une porte obstinément fermée)
Messieurs,
Je n’ai jamais prétendu être un homme de grand rang,
encore moins de sainteté, mais j’ai toujours cru qu’un modeste curieux, animé
du fol espoir de contempler des statues annoncées, avait le droit d’ouvrir une
porte sans invoquer César ou le Saint-Esprit.
Or quelle ne fut point ma surprise, ce jour d’été,
de me heurter, non point à une hérésie, mais à une serrure. L’église, vantée
sur vos parchemins digitaux — Monumentum, cette Cythère virtuelle — m’annonçait
des merveilles sculptées, des chefs-d’œuvre d’un art touchant au divin. Et que
trouvai-je ? Une façade hostile, un silence ecclésiastique et, pour toute
consolation, l’absence photographique des saintes idoles promises.
Je vous en félicite ! Il faut une science bien
supérieure à la mienne pour parvenir à ne pas montrer ce qui existe, et à ne
pas ouvrir ce qui devrait l’être. Vous avez inventé le patrimoine quantique :
les statues sont là, mais seulement si personne ne regarde.
Je conçois qu’il est épuisant, en un siècle saturé
d'emplois du temps et de réglementations jubilatoires, de laisser une clef à la
disposition du peuple. Après tout, il serait fâcheux qu’un citoyen désire
contempler son héritage sans rendez-vous préalable, certificat de curiosité et
autorisation du saint conseil municipal.
Je prends donc humblement congé de votre portail
fermé, messieurs les intendants de l’invisibilité, non sans vous remercier de
cette expérience spirituelle : car quoi de plus mystique que d’adorer ce qu’on
ne peut voir ?
Votre
serviteur contrarié, mais toujours impertinent, Un certain pèlerin moderne,
Alias P. de Lavaqueresse, Hérétique de l’accès libre et martyr du patrimoine
muet.
Je vais créer un Ordre :
Ordre
Très Serré des Églises Fermées & des Fidèles Frustrés (O.T.S.É.F.F.)
Devise : Porta clausa, ira sacra.
Blason : Une clé rouillée sur fond de vitrail
éteint, flanquée de deux statues absentes et d’un guide touristique désabusé.
Grades de l’ordre :
Chevalier du Battant Inaccessible – pour qui a
essayé trois fois d’ouvrir la même porte.
Commandeur du Rendez-vous Impossible – pour les
victimes des « horaires sur demande » qui n’aboutissent jamais.
Grand Chanoine de la Photographie Invisible – pour
ceux qui ont pleuré devant des pages Monumentum sans images.
Archidiacre du Soupir Patrimonial – pour ceux qui
murmurent « encore fermée » à chaque clocher croisé.
Rituel d’entrée : Réciter à voix basse, devant toute
église fermée : “Je jure fidélité à la
clef manquante et à l’horaire approximatif. Je défendrai le patrimoine
invisible, les statues recluses et les brochures mal imprimées.”
Hymne
Solennel de l’Ordre Très Serré des Églises Fermées & des Fidèles Frustrés
(à entonner sur un ton grave, devant toute porte close, main sur le cœur ou sur
la poignée)
Couplet I Ô Sainte Porte, éternelle verrouillée, Toi
qui défies le pèlerin zélé, Tu gardes tes pierres, statues oubliées, Et la
lumière de vitraux camouflés.
Refrain 🔑 Clé perdue, mais cœur vaillant,
Nous marchons, joyeux et grommelants. Devant l’église aux volets clos, Nous
chantons l’accès… en écho.
Couplet II Les guides muets, les horaires fuyants,
Les statues absentes, les silences pesants. Mais nous, fidèles au portail du
savoir, Jurons d’attendre sans trop d’espoir.
Refrain 🔒 Clé rouillée, mais foi solide,
Nous affrontons le portail timide. À chaque cloche qu’on n’entend pas, On boit
le vin de notre tracas.
Pont liturgico-sarcastique (parlé) Et si d’aventure,
ô miracle d’un jour, La porte s’ouvre… on hurlera “Par quel détour ?” Mais
fiers, les larmes dans la voix, On dira : “Enfin… la nef est à moi.”
Dernier Refrain (avec ferveur mystico-burlesque) 📜 Clé absente,
âme présente, À l’Ordre on jure allégeance fervente. Devant l’église que nul ne
voit, C’est nous, les fous, les gardiens de la Foi.
“Porta
Clausa Est” – Cantique solennel de l’Ordre (à psalmodier très lentement, avec
la voix grave d’un moine privé de visite) Grégorien
Porta...
clau-sa est...
et
nos... vi-an-tes sumus...
Sta-tu-ae...
non vi-sae...
ne-que
i-mages... su-per monumentum...
Sed
spe... per-du-ra-mus...
in
nocte... muse-orum...
Kléééé...
ru-i-da... ohhhhh...
ne
nos in te-nébris desérere...
A-men...
In frus-tra... A-men.
« La porte est fermée, > et nous sommes les
errants. > Les statues ne sont pas vues, > ni les images sur Monumentum.
> Pourtant nous gardons l’espérance, > dans la nuit des musées. > Ô
clé rouillée, > ne nous abandonne pas dans les ténèbres. > Amen… en
miettes… amen. »
N’étant pas avare j’ai écrit ce chant en
latin :
I
Porta
clausa manet,
nos
viatores exspectamus in vano.
Murus
tacet, imago latet,
sicut
sancta verba sine voce.
Refrain
Clavis
abscondita, spes perdurans,
Ecclesiae
desertae nos amamus.
Non
intramus, sed veneramur,
ante
fores tamquam altare clausum.
II
Officia
tacent, horaria fallunt,
statuae
laudantur, sed non monstrantur.
Populus
quaerit, aedes negant,
in
atrio solis speramus lumen.
Refrain
Clavis
abscondita, spes perdurans,
Ecclesiae
desertae nos amamus.
Non
intramus, sed veneramur,
ante
fores tamquam altare clausum.
Finalis
Benedictionis
Fiat
voluntas claudendi,
sed
cor nostrum pateat.
Et
si porta non panditur,
pandatur
saltem imaginatione.
Amen
et lamentabilem.
« La porte reste fermée, nous les voyageurs
attendons en vain. Le mur se tait, l’image se cache, comme des paroles saintes
sans voix.
La clé est perdue, mais l’espérance persiste ; nous
aimons les églises désertes. Nous n’y entrons point, mais nous les vénérons,
devant la porte comme un autel clos.
Que la volonté de fermer soit faite, mais que notre
cœur demeure ouvert. Et si la porte ne s’ouvre, qu’elle s’ouvre au moins par
l’imaginaire… Amen, et c’est bien triste. »
Livret Solennel des Églises Fermées, à feuilleter à
la lueur d’une lampe frontale devant un portail clos :
ORDINARIUM
PORTAE CLAUSAE Rite abrégé du pèlerin frustré
🕯
Préambule
“Ce livret
est destiné aux âmes égarées dans les chemins de pierre et d’indifférence. Nul
besoin d’être théologien : seule la faculté de râler avec élégance et de rêver
à ce qu’on ne peut voir est requise.”
1. Profession de Foi Patrimoniale
“Je crois en
la cloche que je n’ai pas entendue, en la nef que l’on devine entre les lattes,
en la statue derrière la porte, et en la brochure à jamais périmée.”
2.
🎶 Hymne
de l’Ordre
[cf. « Porta Clausa Est » — page précédente, à
entonner avec ferveur monocorde]
3. Litanie des Excuses Municipales
Seigneur,
prête-nous l’oreille…— Mais la mairie répond : “Personne n’a la clé.” “Revenez aux heures d’ouverture, le mardi
entre 11h23 et 11h27 (sauf jours fériés).”
“C’est la paroisse qui gère ça, je crois.” > — “On a perdu le
trousseau pendant la pandémie…”
Tous : Ad patres !
4.
Calendrier
des Espérances Déçues
Mardi de l’illusion cléricale
Jeudi de la grille obstinée
Vendredi du panneau “Ouvert” mais sans effet
Samedi de la plainte polie au service du
patrimoine
5.
Rite
de l’entrée fictive
(À faire
devant la porte close, paume sur le bois) “Je te vois sans te voir, je t’aime sans
t’avoir, ô toi, sanctuaire du peut-être, je reviendrai.”
📌 Postface
: “Si d’aventure un jour, un guide apparaissait, une clé tintait, une poignée
cédait — alors qu’on allume les cierges de la victoire et qu’on entonne un Te
Deum en chantant faux mais joyeux.”
Édition limitée, que je vais relier en cuir fatigué
avec rubans frangés et signets imaginaires. Je vais le faire imprimer chez
Gutenberg-Saboté Éditions !