Traité de Troyes intitulé au nom du roi d'Angleterre Henri V, 21 mai 1420
Arch. nat., AE/III/254 (J 646, n° 15)
En mai 1420, Henri V
d’Angleterre et le roi de France Charles VI signent le traité de Troyes, d’une
importance majeure dans l’histoire de France. Ce « honteux traité » entérine la
toute-puissance anglaise dans le cadre de la guerre de Cent Ans et met
grandement en péril la survie du royaume de France, qui, sans doute, aurait pu disparaître…
Si ce traité est une catastrophe pour le royaume, il est également un moment
charnière dans l’histoire de France. Le traité de Troyes a alimenté les pires
craintes, mais a aussi nourri les plus grands espoirs, ceux de voir les
Français « bouter les Anglais hors du royaume » comme le dira un peu plus tard
une certaine Jeanne d’Arc.
Au début du XVe siècle,
le royaume de France est dans une position bien délicate face à son homologue
anglais, emmené par le puissant Henri IV d’Angleterre, père du futur Henri V.
Henri IV est issu de la branche cadette des Plantagenêts, les Lancastre. Nous
sommes alors en pleine guerre de Cent Ans et l’Angleterre s’est rendue
maîtresse d’une importante partie du royaume de France. Les reconquêtes
amorcées sous Charles V ont laissé place à une instabilité chronique exacerbée
par un roi pris de folie, Charles VI, incapable de régner. Cependant, il faut
bien avoir en tête que la première crise de folie du roi intervient en 1392,
soit 12 ans après sa montée sur le trône. Si Charles VI mérite bien son
sobriquet de « fol », son règne ne peut en être résumé à cela. Bref, au début
des années 1400, le royaume est bel et bien gouverné par un roi instable. De
plus, en 1407, s’ouvre une guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, deux
partis qui se disputaient le pouvoir au Conseil du roi. Problèmes financiers,
guerre civile, roi incapable de régner, morale en baisse : le royaume de France
est sans doute au plus bas. Surtout, en 1413, Henri IV meurt et laisse le trône
à son fils, Henri V, ambitieux et impétueux, bien décidé à faire plier le
royaume de France.
En août 1415, le roi
anglais et ses 10 000 hommes environ débarquent en Normandie, à Harfleur. Après
plus d’un moins de siège, la ville tombe en septembre 1415. Henri V poursuit sa
lancée sur les côtes normandes, en direction du nord, sans doute avec le projet
de rejoindre Calais, déjà aux mains des Anglais. Une armée française menée par
le connétable Charles d’Albret le talonne sans pour autant ouvrir les
hostilités. Finalement, après quelques semaines de course-poursuite, les
troupes royales décident de barrer la route aux hommes de Henri V à Azincourt
fin octobre 1415. Le 25, la bataille est engagée. Les Français subissent une
violente défaite, sans n’avoir jamais pu dominer. La défaite entérine les
difficultés françaises et marque le temps de la suprématie anglaise, chapeautée
par le puissant monarque Henri V d’Angleterre.
Après la bataille, le
royaume de France continue sa descente aux enfers. L’empereur germanique signe
un traité à Canterbury en août 1416 avec Henri V, isolant toujours plus le
royaume de Charles VI. En parallèle, le duc de Bourgogne Jean Sans Peur mène un
jeu politique trouble. Il cherche une certaine forme de conciliation avec Henri
V mais aspire fondamentalement à reprendre Paris et, de fait, les rênes du
royaume de France. Entre 1417 et 1419, le roi de France se montre impuissant
face à des princes ambitieux et avides de pouvoir. Henri V mène une vaste
conquête de la Normandie, s’en rendant quasiment maître. Jean Sans Peur se
taille également quelques parts dans la région normande et, surtout, s’empare
de Paris dans la nuit du 28 au 29 mai 1418.
Le dauphin Charles,
futur Charles VII, est contraint de fuir et s’installe à Bourges. Jean Sans
Peur contrôle alors le royaume et par la même le couple royal. Le dauphin
essaye de négocier avec le puissant duc de Bourgogne, avec le projet secret de
s’en débarrasser. Le 10 septembre 1419, une entrevue est fixée à Montereau en
Seine-et-Marne. Jean Sans Peur tombe dans un guet-apens et est assassiné par
des troupes du dauphin. Stratagème réussi mais coup de force politique
dangereux. Ne digérant pas l’acte de Charles, les Bourguignons, rassemblés
autour du nouveau duc Philippe le Bon, se rangent du côtés des Anglais de Henri
V.
Plus puissant que
jamais, le roi d’Angleterre va alors passer à l’action. En octobre 1419, il
reçoit des envoyés du nouveau duc de Bourgogne et leur dévoile ses volontés :
devenir héritier du royaume de France après la mort de Charles VI, être régent
durant son vivant, et épouser la fille du roi, Catherine. La position de
Philippe est assez délicate. Il ne souhaite pas trahir le roi de France dont il
est le vassal et souhaite encore moins voir un roi anglais s’emparer du trône.
Néanmoins, se ranger du côté du roi signifierait reconnaître le dauphin
Charles, assassin de son père, comme héritier légitime du royaume. Et ça pour
Philippe, c’est également inconcevable. Le duc a le choix entre la peste et le
choléra. À contre coeur, il soutiendra Henri V, par honneur pour son père.
Le 24 décembre 1419, Philippe le Bon et Henri V concluent une alliance. Le royaume de France court doucement à sa perte. La reine de France est contrainte d’accepter les conditions du futur traité.
En mai 1420, Henri V arrive dans la ville de
Troyes, prêt à signer un traité historique, glorifiant d’un côté, dramatique de
l’autre. Après quelques âpres discussions avec le duc et la reine de France, le
traité est signé le 21 mai 1420, dans la cathédrale de Troyes.
Le 21 mai 1420 est conclu dans la cathédrale de Troyes, en
présence du roi de France Charles VI, du roi d’Angleterre Henri V et du duc de
Bourgogne Philippe le Bon, le traité instituant l’union des deux couronnes,
matérialisée le 2 juin par le mariage entre Henri V et Catherine de France dans
l’église Saint-Jean-au-Marché. Union bientôt symbolisée par la naissance
d'Henri VI, roi pour les deux couronnes. Celui-ci devient de fait l’héritier du
royaume de France au détriment du Dauphin, le futur Charles VII.
Le traité de Troyes est relativement clair et limpide, ne laissant que peu de place à l’interprétation. En signant le traité, Charles VI offre la main de sa fille au roi d’Angleterre et fait de lui son héritier directe et légitime. Le dauphin Charles est par la même occasion déshérité en raison du crime de Montereau. Jusqu’à la mort de Charles VI, Henri assurera la régence, le roi de France n’étant pas en mesure de régner. À la mort de Henri V, ce seront ses descendants qui se transmettront la couronne de France, puisqu’ils en seront désormais les souverains. Le traité ne provoque pas tant de secousses que cela dans la société française, a fortiori à Paris. À vrai dire, les sujets parisiens semblent être assez indifférents au fait que la couronne passe entre les mains des Anglais. Le quotidien ne change pas vraiment et les institutions restent en place.
Le traité est cependant assez compliqué à mettre en place et Henri V ne va pas tarder à rencontrer de grandes difficultés. Bien que le dauphin soit déshérité, il contrôle une très large partie du royaume et semble, de ce point du vue, plus puissant. Ses moyens financiers et militaires sont bien plus importants. Henri V en est conscient et se lance alors dans des conquêtes militaires pour gagner du territoire. Première cible, Montereau, en guise de symbole. Après un siège assez intense, la ville tombe le 1er juillet 1420. Le corps de Jean Sans Peur est récupéré et envoyé à Dijon, capitale du duché de Bourgogne. Le 17 novembre, Melun est prise. La suite des évènements va être assez compliquée pour Henri V. Il doit retourner en Angleterre, où ses sujets commencent à s’inquiéter d’être délaissés au profit du royaume de France nouvellement acquis. Pendant ce temps, le dauphin Charles ne rend pas les armes et livre une résistance féroce au roi d’Angleterre. Pourtant banni du royaume et déshérité, Charles est bien déterminé à chasser ce roi usurpateur du trône.
L’année 1422 marque un
tournant majeure, à la fois dans le récit des évènements qui suivent le traité,
mais aussi dans le cadre plus général de la guerre de Cent Ans. Le 31 août,
contre toute attente, Henri V meurt. La surprise est totale, puisque l’on
voyait mal ce jeune roi vigoureux mourir avant Charles VI, fou et relativement
âgé. Toujours est-il qu’un tel scénario n’avait pas vraiment été imaginé lors
de la signature du traité de Troyes. On pourrait se dire que les clauses du
traité soient ainsi caduques. Non, pas vraiment. On pourrait imaginer que la
succession des Valois reprennent ainsi normalement. Non plus. Tout se passe dans
une relative indifférence. Henri VI, fils du défunt roi d’Angleterre, est
destiné à prendre les rênes du royaume de France à la mort de Charles VI. Seul
bémol, il n’a que neuf mois. C’est alors l’un des frères du roi, Jean, duc de
Bedford, qui assurera la régence. Le 21 octobre 1422, ce qui devait arriver
arriva : Charles VI rend à son tour son dernier souffle. La France est
désormais anglaise, aux mains du régent de Bedford.
Malgré tout, Charles,
toujours réfugié à Bourges, continue de résister face à l’adversaire anglais.
Les incursions armagnacs en territoire contrôlé par les anglais sont de plus en
plus fréquentes et le duc de Bedford n’a clairement pas les moyens de lutter
contre ces provocations. L’espionnage, notamment à Paris, inquiète grandement le
régent, qui, malgré son imposante stature et sa confiance inébranlable, semble
bien fragile. Pour renforcer sa position, le régent va se rapprocher du duc de
Bourgogne, qu’il sait être le personnage le plus important de toute cette
affaire. En décembre 1422, le duc de Bedford épouse la soeur de Philippe de
Bon, Anne, synonyme d’un rapprochement entre les deux hommes. À cette alliance
se ralliera ensuite le duc de Bretagne, Jean V.
Charles VII, que l’on
peut appeler ainsi malgré qu’il ne soit pas sacré, est le véritable ennemi de
Jean de Bedford. Celui que l’on surnomme « le roi de Bourges » prétend avoir
des droits sur le royaume qui lui avait été pourtant retirés depuis le traité
de Troyes. Il contrôle quasiment tout le sud de la France actuelle, autrement
dit la majeure partie du royaume. Il est un personnage mystérieux, inquiet,
solitaire et introverti. Charles préfère, et espère, négocier plutôt que faire
la guerre, bien qu’il ait, sur le papier, un avantage net.
Surtout, Charles VII a
un autre atout, qu’il ignore encore. Face à l’occupation anglaise, un sentiment
national est en train de naître dans les rangs armagnacs, un fervent
patriotisme teinté de la volonté de chasser les Anglais d’une terre qui n’est
pas la leur. Une identité française franchement délimitée s’oppose à la culture
anglaise. Tout au long de sa reconquête du royaume, Charles VII et ses hommes
seront animés de ce sentiment patriotique, de ce sursaut national, après des
années de mollesse face à l’ennemi anglais. Plusieurs années après le traité de
Troyes, en 1429, la reconquête du royaume est lancée à vive allure, dans le but
de « bouter les Anglais hors de France », selon les mots de l’artisane de ce
sursaut national, Jeanne d’Arc.
Le traité de Troyes, ce
« honteux traité » disait-on, est un moment majeur de l’histoire de France. Par
ce traité, Charles VI remet les clefs du royaume entre les mains du roi
d’Angleterre Henri V. Situation aussi inédite que dramatique. Le traité de
Troyes ponctue une longue période de déclin du royaume de France dans le cadre
de la guerre de Cent Ans, un déclin qui ne pouvait durer éternellement. Avec du
recul, nous pouvons considérer que les terribles conséquences du traité ont,
entre autres, permis l’émergence d’un sentiment national, d’une identité française
naissante face au royaume d’Angleterre, ou du moins des prémices d’un tel
phénomène. La suite est celle de la reprise en mains du royaume par Charles
VII, officiellement sacré en juillet 1429 en la cathédrale de Reims grâce à
l’ambitieuse Jeanne d’Arc, qui deviendra la bête noire des Anglais.
Les dates :
1380 : Charles VI est
sacré roi de France.
1413 : Arrivée de Henri
V sur le trône d’Angleterre.
1415 : Bataille
d’Azincourt et défaite française.
28-29 mai 1418 : Le duc
de Bourgogne Jean Sans Peur s’empare de Paris.
Septembre 1419 :
Assassinat du duc de Bourgogne à Montereau, orchestré par le dauphin Charles.
24 décembre 1419 :
Alliance entre Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et Henri V d’Angleterre.
21 mai 1420 : Signature
du traité de Troyes.
31 août 1422 : Mort du
roi Henri V
21 octobre 1422 : Mort
du roi Charles VI.
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