Récipient destiné à contenir l’eau bénite utilisée
dans différents rituels chrétiens, le bénitier fait partie du mobilier
liturgique incontournable des lieux de culte, mais aussi des objets domestiques
du quotidien pendant des siècles.
Parmi les bénitiers liturgiques, l’on distingue le
bénitier fixe du bénitier portatif. Le bénitier fixe se place à l’entrée de
l’église ou de la chapelle, il permet
aux fidèles de se signer à leur arrivée dans les lieux. Le bénitier
portatif est un vase muni d’un pied utilisé pour les aspersions et bénédictions
rituelles. Il n’existe aucune prescription concernant sa forme et la qualité
sinon qu’il doit être doublé intérieurement d’une feuille d’étain ou de plomb
ou d’une cuve de faïence. L’eau bénite qu’il contient est répandue sur les
fidèles et les objets par un goupillon ; l’eau peut être aussi dispersée à
l’aide d’un rameau feuillu.
La distinction se prolonge sur le plan juridique :
les bénitiers fixes, scellés au sol, à un pilier ou un mur, « lorsqu’ils ne
peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou
détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés » (art. 525 C. Civ.)
appartiendront à la catégorie des immeubles par destination, par attache à
perpétuelle demeure, tandis que le bénitier portatif fait partie des biens
meubles (art. 528 C. Civ.).
La même distinction vaut pour les bénitiers
domestiques. Le vocabulaire patrimonial distingue les bénitiers des bénitiers
d’applique selon leurs dimensions. Les premiers sont « réservés » aux églises
tandis que les seconds correspondent à une « petite vasque appliquée et
accrochée au mur ou à un meuble, utilisée dans une sacristie ou chez un particulier
».
Le bénitier domestique désigne un récipient où est
conservée l’eau bénite. Des réserves d’eau bénite dans les maisons
particulières existent dès l’époque paléochrétienne. Au Moyen Âge, l’eau est conservée dans des seaux. Des récipients plus spécifiques se constituent à la
fin du XVe siècle, qui suivent les modes décoratives. Le
dosseret (partie verticale) se développe, il sert à une suspension murale, en
même temps qu’il permet un décor plus important et reflet des goûts de
l’époque. Dans d’autres civilisations christianisées, il existe des récipients
de formes différentes. Dans les provinces chinoises, les missionnaires notent
une énorme consommation d’eau bénite, que les fidèles viennent chercher dans
des « vases de porcelaine attachés au bras par un bracelet ».
Le prodigieux succès des bénitiers répond à un
recours très fréquent à l’eau bénite qu’il est essentiel d’avoir sous la main
en cas d’urgence, par exemple pour protéger contre un orage ou la grêle. L’eau
doit encore rester accessible en cas de maladie, sa vertu prophylactique étant
largement exploitée.
Du point de vue spirituel, les
indulgences attachées à l’eau bénite rendent son usage biquotidien :
un simple signe de croix double le nombre des jours d’indulgences obtenus s’il
est fait les doigts humides. Dans chaque maison, une réserve d’eau bénite est
conservée dans divers récipients. On a noté la présence constante des bénitiers
dans les chambres, près du lit. On en trouve de nombreuses représentations sur
des lithographies, des gravures, des peintures, comme Le viatique en
Vendée (François Brillaud, 1910) ou Les pauvres gens (Léonie
Humbert-Vignot, 1908) mais surtout sur de nombreux ex-voto.
Plus rarement, comme en Lorraine, le bénitier est
suspendu au chambranle de la porte de la chambre, orné, comme partout, de buis
béni ou de saule Marceau ; parfois une encoche est ménagée dans le
dosseret pour maintenir le rameau béni servant à disperser l’eau bénite.
Assez rarement en France, le bénitier figure dans la
salle commune, c’est le cas en Queyras. En Montbrisonnais, ils sont placés sur
la planche au-dessus de l’évier. En Pays basque, il existe des bénitiers
domestiques fixes, occupant une niche ou insérés dans le mur, comme dans les
églises. Les hauteurs moyennes s’échelonnent de 167 à 328 millimètres,
même si certaines maisons lorraines conservent un bénitier de plus grande
taille avec un important dosseret. Les plus grands des bénitiers domestiques
peuvent aussi servir dans les sacristies, rarement dans les églises.
Le bénitier est de si bonne vente que bien peu de
fabriques de céramique négligent ce produit, d’autant qu’elles conçoivent des
objets religieux voisins comme à Sarrebourg et Forbach. Comme pour l’ensemble
de la céramique, la fabrication augmente aux XVIIIe et XIXe siècles.
La vente est souvent effectuée par des colporteurs ambulants, dans des foires
et dans le commerce habituel. L’écoulement fléchit avec l’urbanisation et la
déchristianisation, la date de rupture étant, comme souvent, la Seconde Guerre
mondiale.
Le déclin est accéléré par l’épuisement ou
l’éloignement des sites argileux, par le renchérissement du bois, par la
concurrence des chemins de fer qui désertifie les routes nationales
commerçantes et par le déclin général de l’artisanat. Seule la Bretagne
conserve sa faïence stannifère, disparue partout ailleurs ; le bénitier est le
cadeau rituel du retour de Pardon. Le style breton se singularise face à
l’industrialisation. Notamment à Locmaria les bénitiers continuent à se vendre
sur place puis reviennent au goût du jour avec la tendance esthétique
archaïsante et, dès lors, leur diffusion devient nationale.
La céramique est de loin le matériau le plus répandu
aux XVIIIe et XIXe siècles, susceptible de
répondre aux plus pauvres des clients, comme aux plus riches qui préfèrent la
porcelaine. Il existe cependant des quantités d’autres matériaux propres à
satisfaire ce programme relativement simple : une cuve imperméable et un
décor vertical comportant une perforation de suspension. On trouve des
bénitiers en métal — précieux ou non —, joaillerie, ivoire, pierre dure,
marbre, albâtre, onyx, nacre, verre, bois, cristal, os, corne, étoffe… ensuite
viennent les matériaux industriels du XXe siècle.
Les bénitiers en verre, souvent blanc, tiennent une place à part. Les premiers repérés en France proviennent de Lorraine (1536). L’influence vénitienne s’implante et demeure, en particulier au XVIIIe siècle. Les fabriques les plus connues sont à Nevers, Orléans, en Margeride, à Chaillot à Paris, en Alsace (Brünstadt), en Normandie et en Hautes-Pyrénées (à Gourgues, dont les bénitiers sont cependant jugés médiocres), en Argonne (dans le Binois), dans le Périgord et l’Agenais. Certains musées français ont une importante collection de bénitiers en verre (Bordeaux, Clermont, Aurillac, Châlons-sur-Marne, Mulhouse, Angers, Montrottier…).
Il existe des bénitiers insérés au pied d’un
retable, dit retable-bénitiers, constituant comme un petit autel ou lieu de
dévotion portatif. En région confolentaise et en Montbrisonnais, on trouve des
cruchons en grès, percés dans leur flanc d’un trou permettant tout juste le
passage de l’index, on y plonge le doigt avant la prière. À Ligron, on fabrique
les deux sortes de bénitiers, appelées « à cuve ouverte », la plus
habituelle, l’autre, dont on conserve un exemplaire de 1765, est appelé
« à cuve fermée », d’un accès étroit, souvent en biais, laissant
passer quelques doigts seulement. Ces dispositions dénotent un souci d’économie
et d’hygiène : ne mouiller que le doigt utile et préserver l’eau des
pollutions.
L’essentiel du décor est en général situé sur un
dosseret en forme de plaque, mais parfois constitué par une sculpture. La plus
simple est une croix. Ce type qui réunit deux objets en un seul, un crucifix
et un bénitier, ne semble pas très courant. Les dosserets comportent de très
nombreux motifs décoratifs variés, des arbres, des fleurs, des décors
géométriques, des enfants, des têtes d’ange, le Christ, la Vierge, le
Sacré-Cœur de Jésus ou celui de Marie, des anges gardiens, des saints. Les
bénitiers patronymiques existent partout, mais on ne peut préciser leur succès
réel.
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