Troyes, capitale de la province de la Champagne devait tenir son rang avec un Hôtel de Ville monumental. Les Troyens voulaient un édifice de haute tenue, qui leur fasse honneur.
A partir du milieu du XIV° siècle, les habitants de
Troyes élisent donc en assemblée générale, un conseil municipal pour
administrer les affaires de la ville : ils se réunissent pour cela chaque année
en la Salle royale, au mois de septembre ou d’octobre. A partir de 1429, les
habitants de Troyes réorganisent leur administration municipale. Le conseil
fait tenir soigneusement un registre de ses délibérations, et délègue ses
pouvoirs à des commissions, qui se réunissent, à partir de 1431, dans des
locaux loués à cet effet, et où l’on trouve la chambre des comptes, l’écritoire
de la ville, la chambre des œuvres, et où seront installés à demeure le
secrétariat et les archives. La maison louée se situe près de la collégiale
Saint-Urbain, chez Laurent Tournier. Le prix annuel du loyer est de six livres
tournois. Cette maison est désignée sous le nom de chambre de l’Echevinage et
aussi d’Hôtel de ville. On y place une cloche pour l’appel aux assemblées. La
ville de Troyes est très fière de la grosse cloche (posée en 1432) Marie la
Bourgeoise, qui a une grande renommée dans tout le royaume, et qu’elle doit à
sa grosseur et à sa beauté, et de sa fille la grosse Marie (en 1462). Convoquée
le 20 novembre 1494, l’Assemblée Générale des habitants autorise Edmond le
Boucherat, maire de Troyes, à se porter acquéreur, au nom de la ville, de
l’hôtel de Jeanne de Mesgrigny, veuve de feu Jean Molé et d’Edmone de
Mesgrigny, femme de Simon Griveau (Jeanne et Edmone étaient filles de Jean de
Mesgrigny, en son vivant receveur des aides à Troyes). L’acquisition se fait
moyennant 2.770 livres tournois.
Cet hôtel occupait l’emplacement de l’Hôtel de ville
actuel. Construit au XIV° siècle, il est en très mauvais état, et tombe en
ruine. Cette vieille bâtisse, croule de toute part, et est indigne de la ville
de Troyes. Sa reconstruction s’impose au plus vite. Depuis le XVI° siècle, elle
abrite la juridiction consulaire (notre Tribunal de Commerce), puis la Justice
de Paix s’y installe. On pense alors au déplacement de cet édifice : peut-être
dans le Quartier-Bas, « par-dessus le canal, ou à l’emplacement de
l’Hôtel-Dieu… et le vieil Hôtel de Ville pourrait recevoir l’Hôtel des Postes…
».
Ce n’est qu’en 1511, que le conseil se résout à
faire reconstruire à neuf l’Hôtel-de-ville. Mais cette résolution n’est suivie
que d’une restauration de l’ancien hôtel de Mesgrigny. La façade, en bois, est
alors revêtue d’une peinture « honneste », et les armoiries de la ville,
placées au pignon, sont remises à neuf. Sur cette façade, et selon le goût de
l’époque, on inscrit cette belle devise
: « Pax huic et omnibus habitantibus in ea ! » (Paix à cette demeure et à tous
ceux qui habitent en elle).
En 1524 Les restes calcinés du Beffroi ayant été
démolis, l’assemblée traditionnelle de la Saint-Barnabé le 11 juin, a lieu dans
la Salle du roi, ancien Palais des Comtes, siège du bailliage. La sonnerie de
la cloche du Beffroi, brûlée, est remplacée par celle de l’abbaye
Notre-Dame-aux-Nonnains, complétée par une convocation au son de trompe. Dans
les années suivantes, c’est d’abord la cloche de l’église Saint-Jean qui
remplit le même office, puis de nouveau celle de Notre-Dame-aux-Nonnains, dont
le sonneur reçoit cinq sous de la municipalité. Lors de cette assemblée
générale, la ville décide qu’une petite maison serait construite sur les ruines
du Beffroi, pour que « Jehan Ploton, garde du Beffroi, puisse faire sa
demorance doresnavant au regard à sa vieillesse et au bon service qu’il a afict
par cy devant icelle ville ». C’est tout ce qui renaîtra des cendres sur la
plate-forme du Beffroi.
Une reconstruction de l’Hôtel de Mesgrigny s’impose, mais la ville manque de deniers. La guerre que livre Louis XII dans les Alpes, et le désastre de Pavie avec toutes ses conséquences, obligent notre ville à verser des milliers de livres au royaume. De plus, le terrible incendie de 1524 a fait que 3 000 ménages ont été sans abri. Alors, comment trouver des fonds pour restaurer cet Hôtel qui menace de s’effondrer ? Comme le signale Lucien Weil, de la Société Académique de l’Aube, «... construire, soigner, réparer et au pied levé nourrir des armées, sans disposer jamais des ressources nécessaires, c’est en ce XVI° siècle tourmenté, une charge redoutable que celle de maire et d’échevin de la ville de Troyes. Il y faut de l’habileté, des nerfs solides, passablement de courage et d’oubli de soi. Les maires ne baissent jamais les bras ». En 1616, on agite pour la première fois la question de reconstruire l’Hôtel de ville. Le 16 avril, le conseil de ville, autorisé par le roi, étudie le moyen de faire une levée de deniers ou de recourir à des dons particuliers, et de choisir un plan pour édifier un nouvel Hôtel de ville, en remplacement de celui qui n’est plus habitable. On choisit l’emplacement du vieil Hôtel de ville, augmenté du terrain d’une maison située au coin de la ruelle Daude (emplacement maintenant occupé en partie par l’aile droite de l’Hôtel-de-ville). Le 2 juin 1624, le maire Joseph de Vienne présente au Conseil trois projets pour la reconstruction de l’Hôtel de ville. Le projet choisi est celui d’un jeune artiste, Louis Noblet, venu de Rome (où il était pensionnaire du roi), architecte du roi de Pologne, qui est adopté le 8 juillet par l’échevinage. L’édifice sera colossal, au milieu des maisons de bois recouvertes de chaume. La façade sera allongée au maximum, de solides fondations seront prévues... un dôme couronnera le tout. Le devis s’élève à 73.000 livres.
Louis XIII accorde à la ville 30 000 livres, à
prendre sur les recettes de Louis Berthault, fermier des impôts, du produit de
la vente du sel, et qui n’est en fait qu’une avance à valoir sur les rentrées.
La démolition de l’hôtel de Mesgrigny est alors ordonnée. Le 8 juillet, le
maire Joseph de Vienne (écuyer, seigneur de Saint-Benoît-sur-vanne, conseiller
du roi), par procuration de M. le duc de Nevers, gouverneur de la province de
Champagne, pose la première pierre de l’édifice actuel. C’est le seul édifice
de style Louis XIII de l’Aube de cette époque. Il y a 2 jours de festivités, au
bruit de l’artillerie, composée de canons, fauconneaux, arquebuses à croc,
tambours, fifres et trompettes. Les travaux débutent dès le lendemain et l’on
ne compte pas moins de 21 maçons aidés de 26 manouvriers. Dans les fondations
sont déposées, le 17 juillet, les armoiries du duc de Nevers, et le lendemain
18, celles de M. de Praslin, lieutenant général au gouvernement de Champagne,
celles du baron Largentier, celles du procureur du roi, M. de la Fertey, et du
maire, M. de Vienne.
En 1625, le rez-de-chaussée de l’Hôtel-de-Ville est
achevé, mais les travaux sont bloqués, en raison de difficultés financières :
33 000 livres ont été dépensées, mais 12 000 autres sont nécessaires pour
achever la construction.
Le 12 octobre 1646, l’hôtel de ville n’est que commencé, et « apparavant que d’avoir vu le parachef », les anciens bâtiments doivent être démolis et ne sont pas habitables. Pour ce motif, les assemblées générales se font aux Cordeliers et chaque maire déclare que cet état de choses est un déshonneur pour la ville, capitale de province. Les bâtiments ne sont presque terminés qu’en 1672, mais ce n’est qu’en octobre 1699 que les travaux reprennent, sous la direction de Pierre Cottard qui dresse les plans d’achèvement, le maire étant alors Nicolas Vauthier : «…Un escalier monumental donnera accès à la salle d’apparat, l’immeuble sera couronné par un comble à la Mansard, un campanile dominera le centre de la composition…». 30 000 livres, destinées à la réparation des remparts, sont employées à la reprise des travaux, et à amener l’Hôtel de Ville en l’état où nous le voyons aujourd’hui dans sa partie centrale.
Des aménagements seront encore faits jusqu’en 1703. « Il a fallu, pour terminer les bâtiments, 46 années de rivalités, de tiraillements ridicules et de misères publiques ». Dans la salle du conseil municipal, il y a un médaillon sculpté par Girardon, de Louis XIV, en marbre blanc, « orné de couronnes, de festons, de médailles, de drapeaux, et de tous les accompagnements convenables au conquérant et au pacificateur », présenté officiellement le 3 septembre 1687.
La niche centrale abrite avant la Révolution, l’effigie de Louis XIV couronné par la Victoire, et foulant à ses pieds l’hydre de l’hérésie. Le soubassement de cette niche, portait quatre vers latins, dont voici la traduction : « C’est celui que la victoire entoure de toutes ses faveurs. Il étendit ses droits sur la terre et sur mer, et, par lui, la religion, seule véritable, triomphe de tant d’ennemis. La ville, attachée à la vieille foi religieuse, lui consacre ce monument ».
En
1793, la statue du roi est brisée et la figure remplacée par la statue de la
Liberté coiffée de son bonnet phrygien, tenant un drapeau de la main droite et
la main gauche appuyée sur le trophée romain.La Restauration change les
attributs, et du bonnet fait un casque, elle transforme ainsi la Liberté en une
Minerve, la Déesse de la sagesse, des Arts et de la Guerre. L’inscription
ancienne des quatre vers latins est remplacée par ce distique : MINERVE FERME
ENFIN LE TEMPLE DE LA GUERRE, LA JUSTICE ET LA PAIX VONT REGNER SUR LA TERRE.
Depuis 1869, on peut lire: « Unité, indivisibilité
de la République. Liberté, égalité, fraternité ou la mort ».Seule une autre
mairie en France porte cette inscription. La municipalité Argence,
bonapartiste, juge l’Hôtel de Ville trop modeste, et élabore un projet
ambitieux, avec statue de l’Empereur, et 2 niches devant abriter 4 statues des
plus grands parmi les plus méritants de notre histoire. Survient la guerre de 1870-1871,
et le beau projet est par terre. Lors des conseils municipaux, un vote démolit
l’Hôtel de Ville, un autre à une autre séance le reconstruit !
En 1913, l’ancien édifice est classé monument
historique.
Ayant reçu tous nos Présidents de la République, il fait toujours bonne figure, et préside honorablement la vie de la cité.
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