Chrestien
naît à Troyes en 1135.
Ce
nom de Chrétien est aujourd’hui celui de Christian.
Il
étudie toutes les matières enseignées à cette époque, mais sans devenir prêtre. Sa culture
est vaste, ses œuvres témoignent d’une connaissance approfondie des poètes
latins Ovide et Virgile.
Il
demeure attaché au comte Baudouin VI, de Flandres, et à sa femme, Marie, fille
de Henri, comte de Champagne et de Marie de France, et à Philippe d’Alsace,
aussi comte de Flandre, tuteur du jeune roi de France, Philippe Auguste.
Après
la mort de son protecteur, il sert sa petite fille, Jeanne de Flandre.
Écrivain
d’un talent fécond et élégant, simple et varié, ses vers de huit syllabes,
rimant par couple, sont faciles et gracieux.
Il
est le plus estimé des trouvères pendant la seconde moitié du XIIe siècle, le
maître de la littérature courtoise dans la France de langue d’oïl, et le
premier romancier français.
Il
est l’auteur des meilleurs romans de la Table-Ronde : Perceval le Gallois,
Yvain ou le Chevalier au Lion, Guillaume d’Angleterre, Cligès chevalier de
la Table Ronde, Tristan ou le Roi Marc et la jeune Yseult, le Chevalier à
lespée, Lancelot du lac ou le Roman du Chevalier de la Charrette…
Erec
et Enide est le premier de ses 5 romans. Pour la 1ère fois, un récit d’une certaine ampleur (6.878
vers) est placé dans un cadre breton et s’ouvre sur la cour du roi Arthur,
réunie à Pâques dans le château de Caradigan. Il met en lumière le conflit
entre l’amour pour l’épouse et les devoirs du chevalier, et explore la manière
de le dépasser.
La
1ère partie du roman de Cligès raconte comment Alexandre, fils aîné
de l’empereur de Constantinople vient en Bretagne à la cour du roi Arthur.
Dans Le
chevalier au lion, l’on retrouve l’amour conjugal.
Un
savant anglais écrit à propos d’Yvain du Chevalier au lion : « Le
roman d’Yvain est un des grands chefs-d’œuvre de la littérature française. Œuvre
d’un auteur génial qui sait allier l’étude des caractères et des questions
morales à un récit merveilleusement bien conduit, et qui en même temps manie la
langue avec une rare maîtrise, Yvain nous charme encore aujourd’hui, comme il
charmait les auditeurs du XIIe siècle ».
Dédié
à la comtesse Marie de Champagne, Le chevalier de la charrette évoque
la passion amoureuse de Lancelot pour la reine Guenièvre, épouse infidèle du
roi Arthur. C’est le roman de l’amour adultère, où Lancelot, image d’un héros
attachant, expie un péché de lèse-amour.
C’est
pour plaire au roi de France Philippe-Auguste, qu’il compose son
roman Perceval ou le Conte du Saint Graal, 6.008 vers, dans
lequel l’amour s’élève jusqu’au mysticisme. C’est sans doute le plus fascinant
de ses romans. Il conte l’histoire de ce jeune garçon, élevé par sa mère, loin
du monde, au fond d’une forêt galloise, qui est ébloui lorsqu’il rencontre 5
chevaliers en armes et n’a plus qu’un souhait : aller à la cour du roi qui fait
de si beaux chevaliers.
C’est
Chrestien qui introduit le mystère du Graal dans le domaine de la littérature.
Son génie a été de puiser à pleines mains dans la matière celtique. Il est le
premier de France à situer ses romans à l’époque mythique du roi Arthur et à
donner une place fondamentale aux chevaliers de la Table Ronde. Il est sensible
à la poésie des vieux mythes et des anciennes légendes. Au cœur de ses récits
se trouvent l’aventure de la fontaine merveilleuse ou bien la singulière scène
du Graal.
Chrestien
de Troyes est aussi bien loué par tous les écrivains ses contemporains que par
ceux qui le suivent. On dit de lui qu’il fut « l’un des
fondateurs de la langue française, et qu’il la fit marcher d’un pas rapide dans
la voie du progrès où elle s’arrêta bientôt après lui. Il sut donner à notre
littérature ce cachet de naïveté spirituelle et gracieuse, qui depuis, l’ont distinguée ».
Le
professeur Norris J. Lacy, de l’Université du Kansas, reconnaît Chrestien de
Troyes comme le meilleur auteur de roman médiéval et celui à qui l’on
doit la première mise en œuvre littéraire de la légende arthurienne.
Philippe
Ménard, professeur à l’Université de Paris Sorbonne, président de la section
française de la Société Internationale Arthurienne dit de Chrestien de Troyes :
« La
lucidité souriante, la délicatesse de touche avec laquelle il parsème ses
romans de traits plaisants, la discrétions élégante et le sens de la complexité
humaine, l’admirable écriture d’un artiste de grande classe, d’un véritable
styliste, l’alliance subtile d’idéalisation et de réalisme dans toute son œuvre,
la profondeur de certaines de ses analyses psychologiques, la poésie qui
illumine plusieurs de ses créations, l’équilibre de sa vision du monde pour
concilier les tensions contraires de l’amour et du devoir, de l’individu et de
la société, voilà les signes d’un talent exceptionnel, qui expliquent la vive
séduction des romans de Chrétien de Troyes sur les hommes de tous les
temps ».
Chrestien
de Troyes décède entre 1191 et 1195.
En
1875, le maire de Troyes donne son nom à la rue comprise entre la rue
Audiffred-Jouanique et la rue Hennequin, et en 1946, à toute la rue s’étendant
de la rue Hennequin à la place Saint-Pierre.
On
donne aussi le nom de Chrestien de Troyes au lycée situé dans le quartier des
Chartreux.
Mais,
les Troyens attendent toujours depuis 880 ans, qu'il ait un monument dans sa
ville natale !
Erec et Enide, écrit vers 1170, est le premier roman connu de
Chrétien de Troyes. Inspirée d'un "conte d'aventure", l''intrigue
souligne les oppositions entre les obligations du chevalier et celles de
l’amour. En faisant l'apologie du mariage, Chrétien de Troyes se pose en
adversaire de Tristan et Yseut et s'associe à la genèse du roman idyllique.
Trop épris de son épouse (Enide), Erec, délaisse ses devoirs de chevalier. La
rumeur publique le dénigre, l'accusant de récréantise. Le héros s’élance alors
en quête d’aventures.
Piqué par un soupir
d’Enide, Erec lui ordonne de le suivre, tout en défendant de lui adresser la
parole. Enide ne peut cependant s’empêcher d’avertir son mari lorsque le danger
se fait pressant. Erec se mesure à des brigands et à des géants lors de combats
de plus en plus redoutables. Malgré d'importantes blessures qui le font passer
pour mort, il triomphe du comte Galoain qui voulait contraindre Enide à
l'épouser. Son épouse lui manifeste alors toute l'intensité de son amour. Le
héros sort vainqueur de la plus périlleuse des épreuves : celle de « la Joie de
la Cour » où il met fin aux enchantements qui touchaient Mabonagrain, un chevalier
géant. Après la mort du roi Lac, père d’Erec, les deux époux sont couronnés
rois de la petite Bretagne à Nantes.
Le chapitre où le poète
raconte le départ de la fiancée Énide avec Érec est un des plus gracieux du
poème. La séparation est décrite d’une manière touchante :
Lipère et la mère altrest
(également)
La baisent sovent et menu
;
De plorer ne se sont tenu
:
Al départir plore li mère,
Plore li pucelle et li
père :
Tex est amors, tex est
natures,
Tex est pitiés de
noreture,
Plorer les faisoit li
pitiés,
Et la douçors et
l’amistiés
Qu’ils avoient de lor
enfant.
Un autre passage, est une
sorte d’épithalame, un peu hardi peut-être, quoique renfermé dans les limites
nécessaires ; il a de la grâce et de la fraîcheur. Les deux époux sont entrés
dans la chambre nuptiale :
Après le message des iels
Vient la dolçor, qui moult
valt miels,
Des baisers qui amor
atraient ;
Andui (tous deux) cele
dolçor assaient
Et lors coers dedens en
aboivrent,
Si qu’à peine s’en
dessoivrent.
Del baisiersfu li primiers
jeus.
Et l’Amor, qui est
entre-deux,
Fist la pucele plus
hardie,
Que rien ne s’est acoardie
;
Tot sofri ; quanque li
grevast.
Ainçois qu’ele se
relevast,
Ot perdu le nom de pucele
;
Al matin tu dame novele.
Cligès, rédigé vers 1176, allie habilement intrigues politiques et passions
amoureuses, univers arthurien et "byzantin", alors très apprécié.
Cligès, venu à la cour d'Arthur, doit défendre ses droits sur le trône de
Constantinople face à son oncle parjure.
Alis, frère d’Alexandre et
oncle de Cligès, convoite le trône de Constantinople. Il conclut un accord avec
son frère, qui lui conteste ce pouvoir. Alexandre règne de fait, tandis qu’Alis
est autorisé à garder la couronne. Mais il reçoit l’interdiction de se marier,
afin qu’à sa mort, le trône revienne à Cligès, héritier d'Alexandre venu
apprendre la chevalerie à la cour du roi Arthur. Après la mort d'Alexandre,
Alis oublie sa promesse. Il se fiance à Fenice, fille de l’empereur
d’Allemagne. Toutefois elle tombe éperdument amoureuse de Cligès. Grâce à deux
breuvages magiques concoctés par sa nourrice Thessala, la jeune femme échappe à
Alis. Après s’être fait passer pour morte, elle rejoint Cligès, qui lui avait
déclaré son amour. Informé de la tromperie, Alis poursuit Fenice et son neveu
jusque chez Arthur, où une immense armée s'est levée face à la trahison de
l'oncle. Ce dernier meurt et les deux amants se marient.
Extrait :
Cil qui fist d’Erec et
d’Enide,
Et les comandemanz d’Ovide
Et l’art d’amors an romans
mist,
Et le mors de l’espaule
fist,
Del roi Marc et d’Ysalt la
blonde,
Et de la hupe et de
l’aronde
Et del rossignol la
muance,
.I. novel conte rancomance
D’un vaslet qui an Grece
fu
Del linage le roi Artu.
Mes ainz que de lui rien
vos die,
Orroiz de son pere la vie,
Dom il fu et de quel
linage.
Tant fu preuz et de fier
corage
Que por pris et por los
conquerre
Ala de Grece an
Engleterre,
Qui lors estoit Bretaigne
dite.
Ceste estoire trovons
escrite,
Que conter vos vuel et
retraire,
En.i. des livres de l’aumaire
Monseignor saint Pere a
Biauvez ;
De la fu li contes estrez
Qui tesmoingne l’estoire a
voire,
Por ce fet ele mialz a
croire.
Par les livres que nos
avons
Les fez des anciens savons
Et del siegle qui fu
jadis.
Ce nos ont nostre livre
apris,
Le Chevalier de la Charrette est rédigé de 1177 à 1181, en même temps que le Chevalier au lion. Ce roman inachevé de Chrétien de Troyes est régi par une composition binaire qui oppose la cour d’Arthur et le royaume de Gorre, Lancelot et Gauvain, raffinement courtois et humiliation, lyrisme et burlesque. Le cœur de l'œuvre est occupé par l'amour adultère du héros, Lancelot, pour la femme du roi Arthur. Cet amour est durement gagné par une série d'épreuves et de soumissions.
Après un duel contre le sénéchal Keu,
Méléagant, qui retenait déjà un grand nombre des sujets du roi Arthur, enlève
la reine Guenièvre. Gauvain, en se lançant à sa poursuite, rencontre un
chevalier, victorieux d'un groupe d'adversaires qui s'élance lui aussi au
secours de la reine. Au château du ravisseur, Gauvain et Lancelot (puisqu'il
s'agit de lui) triomphent des épreuves. Mais Guenièvre leur échappe, emmenée
par Méléagant dans le pays de Gorre. Pour la retrouver, les deux chevaliers
choisissent des ponts différents. Non sans hésiter, Lancelot accepte de
s’humilier en montant dans la charrette d'infamie d’un nain. Il devient ainsi
le Chevalier de la Charrette.
Lancelot subit encore plusieurs épreuves : des
demoiselles tentatrices, des passages périlleux. Il soulève la pierre de son
propre tombeau. Le héros parvient finalement au pays de Gorre, où Méléagant le
provoque en duel. Le combat qui tournait à l’avantage de Lancelot est
interrompu. Il est convenu que les deux adversaires s’affronteront, à nouveau,
dans un an, à la cour d’Arthur. Guenièvre accueille froidement le chevalier,
lui reprochant sa brève hésitation. Mais leur amour mutuel leur est révélé
quand chacun apprend, d’une fausse rumeur, la mort de l’autre. Lancelot se
soumet désormais aux volontés de la reine. Avec Gauvain, ils rejoignent la cour
d’Arthur. Lancelot, saisi en cours de route, est emprisonné par Méléagant dans
une tour murée. Il est délivré à temps pour affronter, au jour convenu, son
adversaire, dont il tranche la tête.
Dans le prologue du Chevalier de la Charette,
le poète déclare qu'il tient la matière et le sens de son roman de Marie de
Champagne et que lui-même n'y a mis que son attention et sa peine.
Extrait :
LI ROMANS DE LA CHARRETE
PAR
CHRESTIEN DE TROYES et GODEFROI DE LEIGNI
Puis que ma dame de Chanpaigne
Vialt que romans à feire
anpraigne,
Je l’anprendrai moult
volentiers,
Come cil qui est suens
antiers
De quanqu’il peut el monde
feire,
Sanz rien de losange avant
treire.
Mes tex s’an poist
antremetre
Qui i volsist losenge
metre,
Si déist, et jel’
tesmoignasse,
Que ce est la dame qui
passe
Totes celes qui sont
vivanz,
Si con li funs passe les
vanz
Qui vante en Mai ou en
Avril.
Par foi, je ne sui mie cil
Qui vuelle losangier sa
dame.
Dirai je : tant com une
jame
Vaut de pailes et de
sardines
Vaut la Contesse de reïnes
?
Naie voir je n’en dirai
rien,
S’est il voirs maleoit gré
mien ;
Mes tant dirai-ge que
mialz oevre
Ses comandemanz an cest
oevre
Que sans nè painne que g’i
mete.
Del chevalier de la
charrete
Comance Crestiens son
livre ;
Matière et san li done et
livre
La Contesse, et il
s’antremet
De panser, que guères n’i
met
Fors sa painne et
s’antancion.
Le Chevalier au lion (1177-1181) est, dans l’œuvre de Chrétien de
Troyes, le roman de l’équilibre. Il délaisse le caractère énigmatique des
épreuves d’Erec et Enide, la préciosité de Cligès et les obscurités du
Chevalier de la Charette. Son intrigue est pourtant fondée sur la folie du
protagoniste qui désespère de reconquérir la confiance de son épouse.
Interpellé par l’histoire
de la Fontaine-qui-bout, défendue par un mystérieux chevalier rouge, Yvain
décide de tenter l’aventure. Il déchaîne une tempête en versant un peu d’eau
sur le perron de la fontaine, avant d'en blesser mortellement le gardien.
Poursuivant celui-ci jusque dans son château, Yvain y est fait prisonnier mais
est sauvé par Lunette, la suivante de la chatelaine. Rendu invisible grâce à un
anneau magique, il s'éprend de la dame du lieu, Laudine, qu'il vient de rendre
veuve. Par l'intercession de Lunette, il l'épouse rapidemment.
Yvain est rappelé à ses
devoirs de chevalier par Gauvain. Avec la permission de Laudine, il part en
quête de tournois mais dépasse le délai d'une année imposé par son épouse.
Laudine envoie alors une messagère pour reprendre l’anneau qu’elle lui avait
confié. Comprenant qu'il a perdu l'amour de son épouse, le chevalier sombre
dans la folie. Il s'enfuit, hirsute et nu, dans la forêt. Une demoiselle
charitable le guérit de sa démence, grâce à un onguent. Il s'attache
l’affection d’un lion, en le sauvant des attaques d’un serpent, et se fait
désormais connaître comme le Chevalier au Lion. Le héros triomphe ensuite d'
une série d’épreuves. Il délivre notamment Lunette du bûcher. Arrivé au terme
de son périple, il déclenche la tempête à la Fontaine-qui-bout. Laudine se
désole qu’aucun protecteur ne se présente et appelle de ses vœux le Chevalier
au Lion, devenu fameux. Celui-ci ne consent à venir, qu’à la condition
d'obtenir le pardon de sa dame.
Extrait :
Li boins roys Artus de
Bretaigne,
La qui proeche nous
ensengne
Que nous soions preus et
courtois,
Tint court si riche conme
rois
A chele feste qui tant
couste,
C’on doit nonmer le Penthecouste.
Li rois fu a Cardœil en
Gales ;
Aprés mengier, parmi les
sales,
Li chevalier
s’atropelerent
La ou dames les apelerent
Ou damoiseles ou pucheles.
Li un recontoient
nouveles,
Li autres parloient
d’Amours,
Des angousses et des
dolours
Et des grant biens qu’en
ont souvant
Li desiple de son couvant,
Qui lors estoient riche et
gens ;
Mais il y a petit des
siens,
Qui a bien pres l’ont tuit
laissie,
S’en est Amours mout
abaissie ;
Car chil qui soloient amer
Se faisoient courtois
clamer,
Que preu et largue et
honnorable ;
Mais or est tout tourné a
fable,
Car tiex y a qui riens
n’en sentent,
Dïent qu’il ayment et si
mentent,
Et chil fable, menchongne
en font
Qui s’en vantent et droit
n’i ont.
Mais pour parler de chix
qui furent,
Laissons chix qui en vie
durent,
Qu’encor vaut mix, che
m’est avis,
Un courtois mors c’uns
vilains vis.
Perceval ou Le conte du Graal écrit dans les dernières années de la vie de
Chrétien de Troyes, 1180-1181, ce roman inachevé, écrit sous le commandement de
Philippe d’Alsace, introduit une matière devenue mythique : celle du Graal. La
quête du héros prédestiné, Perceval, issu d'une lignée sainte consacrée au
graal, n’est plus amoureuse, mais spirituelle.
Perceval, qui vivait à
l’écart du monde avec sa mère, ébloui par l'éclat des chevaliers, décide de se
rendre à la cour d’Arthur. Il rejoint le château de Gonemant de Goort, qui lui
enseigne l’art de la chevalerie et la courtoisie. Après un exploit au château
de Beaurepaire, il s’initie à l’amour auprès de Blanchefleur. En route pour
retrouver sa mère, il fait halte dans un mystérieux château, celui du Roi
Pêcheur dans lequel il voit passer le fameux cortège du Graal. Défilent devant
lui un jeune homme portant une lance, une belle demoiselle tenant un Graal et
une autre qui apporte un tailloir d’argent. Suivant l'éducation reçue chez
Gonemant, Perceval ne pose aucune question.
Le lendemain, sa cousine
lui apprend que son silence a causé la perte du châtelain et du royaume. Ce
mutisme est dû au péché dont il entaché pour avoir laissé sa mère mourir de
chagrin. Après une contemplation rêveuse du visage de Blanchefleur dessiné dans
la neige par quelques gouttes de sang, Perceval retourne à la cour du roi
Arthur. Là-bas une demoiselle hideuse propose aux chevaliers présents des
aventures extraordinaires. Mais le jeune homme n’a de cesse de percer le secret
du Graal. Après avoir suivi un temps les aventures de Gauvain, la narration se
concentre de nouveau sur Perceval. Désireux de faire pénitence, il se rend chez
un ermite à qui il confesse la faute commise dans le château au Graal. L’ermite
lui dévoile alors le secret de ce vase : il contient une seule hostie qui
suffit à maintenir en vie le père du Roi Pécheur, frère de l’ermite et de la
mère de Perceval. Après avoir reçu l’absolution et la communion des mains de son
oncle, Perceval poursuit ses aventures au château des Reines.
Chrétien de Troyes laisse
à sa mort un mystérieux roman inachevé, poursuivi par ses successeurs, pour
donner naissance à une œuvre monumentale de 60 000 vers dans certains
manuscrits.
Extrait :
Qui petit seme petit
quialt,
et qui auques recoillir
vialt
an tel leu sa semance
espande
que fruit a cent dobles li
rande ;
car an terre qui rien ne
vaut,
bone semance i seche et
faut.
Crestiens seme et fet
semance
d’un romans que il
ancomance,
et si le seme an si bon
leu
qu’il ne puet estre sanz
grant preu,
qu’il le fet por le plus
prodome
qui soit an l’empire de
Rome.
C’est li cuens Phelipes de
Flandres,
qui mialz valt ne fist
Alixandres,
cil que l’an dit qui tant
fu buens.
Mes je proverai que li
cuens
valt mialz que cist ne
fist asez,
car il ot an lui amassez
toz les vices et toz les
max
dont li cuens est mondes
et sax.
Li cuens est tex que il
n’escote
vilain gap ne parole
estote,
et s’il ot mal dire
d’autrui,
qui que il soit, ce poise
lui.
Li cuens ainme droite
justise
et leauté et Sainte
Iglise,
et tote vilenie het ;
s’est plus larges que l’an
ne set,
qu’il done selonc
l’Evangile,
sanz ypocrisye et sanz
guile,
qui dit : « Ne saiche ta
senestre
le bien, quant le fera la
destre. »
Cil le saiche qui le
reçoit,
et Dex, qui toz les segrez
voit
et set totes les
repostailles
qui sont es cuers et es
antrailles.
L’Evangile, por coi dit
ele :
« Tes biens a ta senestre
cele ? »
La senestre, selonc
l’estoire,
senefie la vainne gloire
qui vint de fause ypocrisie.
Lancelot traversant le pont de l'épée.
Atelier d'Evrard d'Espinques.
Centre de la France (Ahun), vers 1475
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