Vie
de saint Vorles
Le pays faisait partie de la Burgonderie, possession
de Gontran, petit-fils de Clovis. Du point de vue religieux, le Châtillonnais
et ses environs virent se développer assez rapidement le christianisme :
Florentin qui fut décapité au IIIème siècle dans le Duesnois, Jean de Réôme
fondateur du monachisme en Bourgogne, Seine qui s'établit dans la forêt de
Cestre, puis Valentin et Vorles au VIe siècle.
Dès la fin du Ve siècle un premier réseau paroissial
s'établit, relais de l'église-mère du diocèse de Langres, dans les zones
rurales. C'est ainsi que Vorles, issu selon la tradition d'une noble et
illustre famille, pratiquant vertu et chasteté, charité et justice, méprisant
les honneurs, fut simple prêtre de la paroisse de Marcenay. Sa renommée se
répandit au loin, et le roi Gontran, ayant entendu vanter les mérites de
Vorles, se rendit près du prêtre lors d'un voyage et voulut entendre la messe. C'est
là que se produisit le miracle décrit ci-dessous
Selon la tradition, Vorles mourut le 16 juin 591.
Son corps fut mis dans un sarcophage placé sous le chœur de l'église de
Marcenay, dans une crypte dans laquelle sourd périodiquement une source.
Peu de temps après 591, le roi Gontran fit don à
l'abbaye Notre-Dame de salle à Bourges du domaine qui prit le nom de "
Terre de saint Vorles ", et qui comprenait les deux villages de Marcenay
et de Bissey la Pierre.
À partir du IXe siècle, il fallut faire face aux
incursions des normands. Partout on mettait à l'abri les reliques des saints.
En 868, Isaac, évêque de Langres, décida de transférer de Marcenay les reliques
de saint Vorles pour les mettre à l'abri dans la chapelle castrale de
Châtillon.
Cette translation répondait à plusieurs objectifs :
outre la mise à l'abri des invasions, cela devait permettre à l'évêque de mieux
contrôler le culte du saint, en prévenir les déviances, tout en l'imposant
officiellement. Ainsi reconnu, le saint pouvait prendre place parmi les saints
renommés du diocèse.
C'est à un autre évêque, Brun de Roucy que revint la
charge de donner aux reliques de saint Vorles, une église digne d'elles :
l'église Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine (21).
Devenues protectrices à la fois de Marcenay et de Châtillon, les reliques opérèrent de nouveaux miracles. On les invoquait, surtout dans cinq cas. Cinq tableaux exposés dans l'église Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine résumaient les domaines où le saint pouvait protéger la communauté, être l'intercesseur entre Dieu et les hommes. Ils sont intitulés : "guerre, famine, peste, infirmité, prières"
Saint Vorles pouvait guérir les cas de folie, ainsi
que les paralytiques ou les gens perclus de rhumatismes. Il pouvait aussi
arrêter la peste ou le choléra, et selon les circonstances, afin d'éviter la
famine, faire pleuvoir ou faire cesser la pluie. Pour bénéficier de ses
bienfaits, des processions furent organisées jusqu'en 1793 à Châtillon ou entre
Châtillon et Marcenay essentiellement, plus rarement à Plaines, renouvelant à
chaque fois la communion du châtillonnais avec le saint en assurant la cohésion
sociale.
Les reliques pouvaient avoir aussi assez de
puissance pour arrêter la guerre ou le brigandage ; c'est ainsi que lors du
concile d'Airy, les reliques de saint Vorles, alliées à celles d'autres saints
venus là pour la circonstance furent sollicitées pour rétablir la paix dans le
pays.
Mais rien ne pouvait se faire sans la foi et les
prières. Ce n'est qu'à cette condition que la protection de saint Vorles
pouvait agir, par exemple pour sauver un soldat en 1741 en Bohême, qui sur le
point d'être pendu et invoquant saint Vorles, fut sauvé par deux gentilshommes
châtillonnais étonnés d'entendre prononcer ce nom. On pouvait aussi compter sur
saint Vorles pour protéger les habitations. Au début XIXème, la statue du
saint, à laquelle chaque année on attachait un bouquet de fleurs bénies lors de
la fête Dieu, retint seule la poutre centrale d'une maison.
En 1940, un châtillonnais fit le vœu que, si sa maison
n'était pas détruite, il ferait tous les ans, à pied, le pèlerinage de
Châtillon à Marcenay, le jour de la saint Vorles. Le vœu s'étant réalisé, il
fit le pèlerinage chaque année avec sa femme ; celle-ci ayant des difficultés,
les années passant, à marcher, il continua le pèlerinage en la poussant dans un
fauteuil roulant.
Au XIXème siècle, la " dent de saint Vorles
" conservée dans l'église, aidait les jeunes enfants dont les dents
poussaient. Aujourd'hui encore, à Marcenay, une statue de saint Vorles est
conservée chaque année dans une famille abritant de jeunes enfants, le tirage
au sort ayant lieu lors de la messe du 16 juin.
Une (mauvaise) légende, enfin, est attribuée à saint
Vorles : si la commune de Marcenay ne possède aucune forêt alors que les
communes limitrophes en ont, c'est parce que le saint les a jouées aux dés avec
saint Valentin et a perdu.
La
légende de saint Vorles
Le roi Gontran arriva un jour de fête à Marcenay où
le saint faisait l'office de pasteur…
Il prit à dessein la matinée pour donner à sa
dévotion le contentement d'assister à la messe de saint Vorles avec toute sa
cour. Le saint commença ce divin mystère dans un tempérament d'humilité et de
majesté…
Il avait déjà lu le saint évangile et s'approchait
du temps de la consécration, quand il devint immobile comme une statue de
marbre et privé de l'usage de tous ses sens, de même que si son âme eut fait
divorce avec son corps et qu'elle s'en fut envolée dans le ciel.
Il demeura une heure entière en cette extase entre
l'admiration et le désir du roi et de ses gens…
Le voilà donc qui retourne, lui qui n'était pas
sorti de là, et qui achève la messe avec autant de présence d'esprit que si
rien ne lui fut arrivé. La messe achevée, le roi ne lui donna pas le loisir de
faire un peu d'actions de grâces : à peine a-t-il mis bas ses habits
sacerdotaux qu'il lui demande ce qu'il a fait une heure durant pendant qu'il
était immobile à l'autel.
Était-ce une extase? Était-ce une faiblesse de cœur
?
Bref, il le presse si fort que le saint homme, qui
n'avait pas appris à mentir ni à dissimuler, lui dit tout franc
« Sire, j'étais allé secourir un pauvre innocent que
le feu eût dévoré, si je ne fusse accouru ; maintenant, grâce à Dieu,
l'incendie est éteint et l'enfant en assurance.
- Quel enfant dit le roi, quel feu, quel incendie,
en quel lieu ?
- Les habitants de Plaines répondit saint-Vorles
(c'est le bourg distant de Marcenay de trois lieues), étaient allés ouïr la
messe à Mussy, quand le diable, par un juste mais secret jugement de Dieu, a
mis le feu dans une maison du village où personne n'était demeuré qu'un petit
enfant, dans son berceau, qui eût été la victime innocente de cet incendie, si
Dieu ne m'eût fait voir en esprit le danger où était cette petite créature. Au
même temps, je m'y suis transporté*, j'ai délivré l'enfant et conservé le
village. Voilà, Sire, ce qui a fait la messe plus longue qu'elle n'eut été sans
cela. »
Chacun s'étonna au récit de cette merveille ;
quelques gaillards qui font gloire d'être incrédules disent avec un branlement
de tête : croyez le porteur. Le roi, qui n'entend pas raillerie, dépêche
sur-le-champ des personnes affidées pour voir et s'informer sur les lieux de la
vérité du fait.
Les envoyés trouvent des poutres encore toutes
fumantes dans la maison, le petit enfant sain et vivant, le père et la mère,
qui étaient retournés de Mussy, joyeux du salut de leur fils et des restes de
leur maison conservée, qui cherchaient partout saint Vorles pour le remercier,
parce que quelques villageois les assuraient qu'ils avaient vu le saint entrer
courageusement dans la flamme et la fumée, tirer l'enfant hors du danger,
arrêter soudainement l'activité du feu par sa présence.
Texte du R.P. Legrand (1651) d'après Aganon,
chanoine de l'abbaye Notre-Dame de Châtillon (vers 1040)
* Ce phénomème s'appelle: Bilocation ou
décorporation
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