Le 10 février 1638, le roi Louis XIII déclarait
prendre la Vierge Marie pour protectrice de son Royaume.
Pour garder la mémoire de ce « Vœu », Louis XIII
s’engage à la mise en place dans la Cathédrale d’un nouveau maître-autel dédié
à la Vierge et à renouveler à chaque fête de l’Assomption ce vœu à l’issue
d’une procession.
Edit de Saint-Germain par lequel Sa Majesté le Roi Louis XIII a publié et ordonné la consécration du Royaume de France à la Très Sainte Vierge Marie sous le vocable de son Assomption
En l’an 1636, la Très Sainte Vierge Marie fit savoir
à la Révérende Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié (de Goulaine), religieuse
stigmatisée que Monsieur le Cardinal de Richelieu tenait en très haute estime,
qu’elle désirait que la France lui soit solennellement consacrée par le Roi.
L’année suivante, Sa Majesté le Roi Louis XIII, « dans le secret de son coeur
», consacra sa personne et son Royaume à Notre-Dame. Dans le même temps, par
tout le Royaume, montaient vers le Ciel d’ardentes prières pour qu’un Dauphin
fût donné à la France. Leurs Majestés elles-mêmes, multipliaient les prières,
les pèlerinages et les pieuses donations afin d’obtenir un héritier, attendu
depuis vingt-deux années.
La Sainte Mère de Dieu répondit en apparaîssant à un
religieux augustin du couvent de Notre-Dame des Victoires, dnt l’église venait
d’être fondée depuis peu par le Roi, en action de grâces pour la victoire sur
les protestants. La Très Sainte Vierge Marie demandait en particulier trois
neuvaines réalisées successivement en son sanctuaire de Cotignac en Provence, à
Notre-Dame de Paris et dans l’église Notre-Dame des Victoires.
Ces faits mystiques furent portés à la connaissance
de Sa Majesté la Reine Anne. Le religieux, frère Fiacre de Sainte-Marguerite,
acheva les trois neuvaines demandées par la Madone le 5 décembre 1637 et c’est
très exactement neuf mois après jour pour jour, le 5 septembre 1638, que naquit
le Dauphin Louis Dieudonné, futur Louis XIV.
Dès que la Reine fut certaine de sa grossesse, et
sans attendre la naissance pour savoir si l’enfant royal serait garçon ou
fille, Sa Majesté le Roi Louis XIII publia, le 10 février 1638, cet Edit de
Saint-Germain, acte officiel par le moyen duquel il fait connaître au Royaume
de France la consécration qu’il fait de sa personne, de sa couronne et de tout
son Royaume à Notre-Dame et promulgue la manière dont cette consécration devra
être solennellement renouvelée chaque année à la date du 15 août.
Louis, par la grâce de Dieu, Roi de
France et de Navarre,
à tous ceux qui ces présentes lettres verront,
salut.
Dieu, qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l’esprit qu’Il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial et de notre personne et de notre Etat, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne sans y voir autant d’effets merveilleux de Sa bonté que d’accidents qui nous menaçaient.
A ces causes, nous avons déclaré et déclarons
que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice
spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne,
notre Etat, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer
une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de
tous ses ennemis, que, soit qu’il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de
la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte
point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire.
Nous admonestons le sieur archevêque de Paris, et
néanmoins lui enjoignons, que tous les ans, le jour et fête de l’Assomption, il
fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la Grand’ Messe qui
se dira en son église cathédrale, et qu’après les vêpres dudit jour il soit
fait une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les
compagnies souveraines, et le corps de la ville, avec pareille cérémonie que
celle qui s’observe aux processions générales plus solennelles.
Exhortons pareillement tous les archevêques et
évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la
même solennité en leurs églises épiscopales, et autres églises de leurs
diocèses ; entendant qu’à ladite cérémonie les cours de parlement, et autres
compagnies souveraines, et les principaux officiers des villes y soient
présents.
Donné à Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de
février, l’an de grâce mil-six-cent-trente-huit, et de notre règne le
vingt-huitième.
Le texte auquel on donne
ordinairement le nom de Voeu de Louis XIII n’est pas à
proprement parler celui d’un voeu, mais il est plus exactement un édit, daté du
10 février 1638, par lequel le Souverain réglemente le renouvellement annuel de
cette consécration qui devra se faire par une procession solennelle, après la
célébration des vêpres de l’Assomption, dans toutes les églises et couvents du
Royaume, et à laquelle toutes les autorités religieuses et civiles devront
prendre part.
Ci-dessous la manière
dont doit être faite cette procession et le texte des oraisons qui doivent y
être récitées.
Ce que beaucoup trop de fidèles ignorent toutefois,
c’est que la Suprême Autorité de l’Eglise Catholique a sanctionné – presque
trois siècles plus tard, puisqu’il s’agit d’une lettre apostolique de Sa
Sainteté le Pape Pie XI publiée le 2 mars 1922 –, au
moyen d’un autre texte solennel, cette protection officielle de Notre-Dame de
l’Assomption sur la France.
Dans ce même décret pontifical, non seulement Notre-Dame
de l’Assomption était déclarée par l’Eglise patronne principale de la
France, mais en outre Sainte Jeanne d’Arc en était promue la
patronne en second (et non « secondaire » comme on le traduit de
manière très maladroite la plupart du temps).
Lettre Apostolique de Sa Sainteté le Pape Pie
XI
« Galliam, Ecclesiæ filiam primogenitam
»
Pour perpétuelle mémoire
Les Pontifes Romains Nos prédécesseurs ont toujours,
au cours des siècles, comblé des marques particulières de leur paternelle
affection la France, justement appelée Fille aînée de l’Eglise (*). Notre
prédécesseur de sainte mémoire, le pape Benoît XV, qui eut profondément à cœur
le bien spirituel de la France, a pensé à donner à cette nation, noble entre
toutes, un gage spécial de sa bienveillance.
En effet, lorsque, récemment, Nos Vénérables Frères
les cardinaux, archevêques et évêques de France, d’un consentement unanime, lui
eurent transmis par Notre Vénérable Frère Stanislas Touchet, évêque d’Orléans,
des supplications ardentes et ferventes pour qu’il daignât proclamer patronne
principale de la nation française la bienheureuse Vierge Marie reçue au ciel,
et seconde patronne céleste sainte Jeanne, Pucelle d’Orléans, Notre
prédécesseur fut d’avis de répondre avec bienveillance à ces pieuses requêtes.
Empêché par la mort, il ne put réaliser le dessein qu’il avait conçu. Mais à
Nous, qui venons d’être élevé par la grâce divine sur la Chaire sublime du
Prince des Apôtres, il Nous est doux et agréable de remplir le vœu de notre
très regretté prédécesseur et, par Notre autorité suprême, de décréter ce qui
pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur.
Il est certain, selon un ancien adage, que le
Royaume de France a été appelé le Royaume de Marie, et cela à juste titre. Car,
depuis les premiers siècles de l’Eglise jusqu’à notre temps, Irénée et Eucher
de Lyon, Hilaire de Poitiers, Anselme, qui, de France, passa en Angleterre
comme archevêque, Bernard de Clairvaux, François de Sales, et nombre d’autres
saints docteurs, ont célébré Marie et contribué à promouvoir et amplifier à
travers la France le culte de la Vierge Mère de Dieu. A Paris, dans la très
célèbre Université de Sorbonne, il est historiquement prouvé que dès le XIII°
siècle la Vierge a été proclamée conçue sans péché.
Même les monuments sacrés attestent d’éclatante
manière l’antique dévotion du peuple à l’égard de la Vierge : trente-quatre
églises cathédrales jouissent du titre de la Vierge Mère de Dieu, parmi
lesquelles on aime à rappeler comme les plus célèbres, celles qui s’élèvent à
Reims, à Paris, à Amiens, à Chartres, à Coutances et à Rouen. L’immense
affluence des fidèles accourant de loin chaque année, même de notre temps, aux
sanctuaires de Marie, montre clairement ce que peut dans le peuple la piété
envers la Mère de Dieu et plusieurs fois par an la basilique de Lourdes, si
vaste qu’elle soit, paraît incapable de contenir les foules innombrables des
pèlerins.
La Vierge en personne, trésorière de toutes les
grâces de Dieu, a semblé, par des apparitions répétées, approuver et confirmer
la dévotion du peuple français.
Bien plus, les princes et les chefs de la nation se
sont fait gloire longtemps d’affirmer et de défendre cette dévotion envers la
Vierge.
Converti à la vraie foi du Christ, Clovis
s’empresse, sur les ruines d’un temple druidique, de poser les fondements de
l’Eglise Notre-Dame, qu’acheva son fils Childebert.
Plusieurs temples sont dédiés à Marie par
Charlemagne. Les ducs de Normandie proclament Marie Reine de la nation. Le roi
saint Louis récite dévotement chaque jour l’office de la Vierge. Louis XI, pour
l’accomplissement d’un vœu, édifie à Cléry un temple à Notre-Dame. Enfin, Louis
XIII consacre le Royaume de France à Marie et ordonne que chaque année, en la
fête de l’Assomption de la Vierge, on célèbre dans tous les diocèses de France
de solennelles fonctions : et ces pompes solennelles, Nous n’ignorons pas
qu’elles continuent de se dérouler chaque année.
En ce qui concerne la Pucelle d’Orléans que Notre
prédécesseur a élevée aux suprêmes honneurs des saints, personne ne peut mettre
en doute que ce soit sous les auspices de la Vierge qu’elle ait reçu et rempli
la mission de sauver la France ; car d’abord, c’est sous le patronage de
Notre-Dame de Bermont, puis sous celui de la Vierge d’Orléans, enfin de la
Vierge de Reims, qu’elle entreprit d’un cœur viril une si grande oeuvre,
qu’elle demeura sans peur en face des épées dégainées et sans tache au milieu
de la licence des camps, qu’elle délivra sa patrie du suprême péril et rétablit
le sort de la France. C’est après avoir reçu le conseil de ses voix célestes
qu’elle ajouta sur son glorieux étendard le nom de Marie à celui de Jésus, vrai
Roi de France. Montée sur le bûcher, c’est en murmurant au milieu des flammes
en un cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu’elle s’envola au ciel.
Ayant donc éprouvé le secours évident de la Pucelle d’Orléans, que la France
reçoive la faveur de cette seconde patronne céleste : c’est ce que réclament le
clergé et le peuple, ce qui fut déjà agréable à Notre prédécesseur et qui Nous
plaît à Nous-mêmes.
C’est pourquoi, après avoir pris les conseils de nos
Vénérables Frères les cardinaux de la Sainte Eglise Romaine préposés aux Rites,
de Notre propre initiative, de science certaine et après mûre délibération,
dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par la force des présentes et à
perpétuité, Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de
Dieu, sous le titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie
comme principale patronne de toute la France auprès de Dieu, avec tous les
privilèges et les honneurs que comportent ce noble titre et cette dignité.
De plus, écoutant les vœux pressants des évêques, du
clergé et des fidèles des diocèses et des missions de la France, Nous déclarons
avec la plus grande joie et établissons l’illustre Pucelle d’Orléans, admirée
et vénérée spécialement par tous les catholiques de la France comme l’héroïne
de la religion et de la patrie, sainte Jeanne d’Arc, vierge, patronne en second
de la France, choisie par le plein suffrage du peuple, et cela encore d’après
Notre suprême autorité apostolique, concédant également tous les honneurs et
privilèges que comporte selon le droit ce titre de seconde patronne.
En conséquence, nous prions Dieu, auteur de tous
biens, que, par l’intercession de ces deux célestes patronnes, la Mère de Dieu
élevée au ciel et sainte Jeanne d’Arc, vierge, ainsi que des autres saints
patrons des lieux et titulaires des églises, tant des diocèses que des
missions, la France catholique, ses espérances tendues vers la vraie liberté et
son antique dignité, soit vraiment la fille première-née de l’Eglise Romaine ;
qu’elle échauffe, garde, développe par la pensée, l’action, l’amour, ses
antiques et glorieuses traditions pour le bien de la religion et de la patrie.
Nous concédons ces privilèges, décidant que les
présentes Lettres soient et demeurent toujours fermes, valides et efficaces,
qu’elles obtiennent et gardent leurs effets pleins et entiers, qu’elles soient,
maintenant et dans l’avenir, pour toute la nation française, le gage le plus
large des secours célestes ; qu’ainsi il en faut juger définitivement, et que
soit tenu pour vain dès maintenant et de nul effet pour l’avenir tout ce qui
porterait atteinte à ces décisions, du fait de quelque autorité que ce soit, sciemment
ou inconsciemment. Nonobstant toutes choses contraires.
Pie pp. XI.
P. cardinal Gasparri, secrétaire d’Etat.
(*) En ce qui concerne l’expression « fille aînée de
l’Eglise » attribuée à la France, certains risquent de tomber des nues, d’être
décontenancés ou profondément peinés, pourtant c’est historiquement absolument
certain, l’expression « fille aînée de l’Eglise » attribuée à la France, a été
inventée au XIXème siècle.
Voilà déjà plusieurs années que j’ai cherché à
connaître l’origine de l’expression « fille aînée de l’Eglise » attribuée à la
France. Expression dont de nombreux catholiques français s’enorgueillissent et
dont, à l’occasion, ils font une espèce de slogan pour s’opposer à la
déchristianisation et aux lois impies.
Leur conviction sur ce point est quasi dogmatique,
s’appuyant en particulier sur les fameuses dernières phrases de l’homélie
prononcée par feu le Pape Jean-Paul II lors de la Messe célébrée le dimanche
1er juin 1980 au Bourget :
« Alors permettez-moi, pour conclure, de vous
interroger : France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton
baptême? Permettez-moi de vous demander : France, Fille de l’Eglise et
éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance
avec la Sagesse éternelle?… ».
D’aucuns d’ailleurs se sont étonnés ou attristés que
lors de ses autres voyages en France, et spécialement au mois de septembre 1996
à l’occasion des célébrations du seizième centenaire de la mort de Saint
Martin, à Tours, puis du quinzième centenaire du Baptême de Clovis, à Reims, le
pape Wojtyla n’ait pas réutilisé l’expression « fille aînée de l’Eglise » qui
eût pu alors sembler si adaptée…
Sa première utilisation est parfaitement datée :
c’est le Rd Père Henri-Dominique Lacordaire qui applique pour la première fois
de l’histoire l’expression « fille aînée de l’Eglise » à la France ; cela se
passait le 14 février 1841, à Notre-Dame de Paris, et c’était dans son « Discours sur la vocation de la nation
française ».
Le baron Hervé Pinoteau, historien dont le sérieux
n’a d’équivalent que la pointilleuse rigueur pour tout ce qui touche à la
symbolique de l’Etat français au cours des différents régimes, après de longues
et patientes recherches a pu l’attester (cf. « Le chaos français et ses signes
», PSR éditions – 1998).
Il est à noter que, après l’homélie du Bourget, le
pape Jean-Paul II ne l’utilisera plus, parce que les remarques respectueuses
d’historiens sérieux, jusqu’au sein même de la Curie Vaticane, remontèrent
jusqu’à lui afin de lui faire observer l’absence de fondements historiques à
cette expression.
La France n’est pas la première nation chrétienne
Un grand nombre de ceux qui pensent que la France est la « fille aînée de l’Eglise » le justifient en ajoutant que c’est parce que « la France a été la première nation baptisée » (ou bien « la première nation chrétienne ») ce qui est une erreur historique : le premier royaume dont le Roi se fit baptiser et fit du christianisme la religion de l’Etat, fut l’Arménie, en 301 ; vinrent ensuite l’Ethiopie, puis l’Empire Romain dans lequel le christianisme, déjà placé à un rang éminent depuis l’édit de Constantin (313), fut promu religion d’Etat par l’édit de Théodose le Grand, en 380.
Le Royaume des Francs arrive en quatrième position
(peut-être même seulement cinquième parce que la date de 496 n’est pas
historiquement certaine et qu’il serait possible que la conversion au
catholicisme du Roi des Burgondes Saint Sigismond soit antérieure à celle de
Clovis).
La France n’est donc pas la première nation
chrétienne de l’univers, mais le peuple Franc est le premier – parmi les
peuples barbares païens qui ont mis fin à l’Empire Romain d’Occident – à avoir
été baptisé dans la foi de Nicée (les autres peuples barbares étaient chrétiens
avant les Francs mais professaient l’hérésie arienne). Pendant ce temps-là,
l’Empire Romain d’Orient, dont la capitale était Byzance-Constantinople,
demeurait l’héritier de l’Empire chrétien théodosien, et il le demeurera
jusqu’en 1453.
La seule mention ancienne de cette expression ne concerne pas la France
Pendant les presque treize siècles de Royauté
française, depuis Clovis jusqu’à la grande révolution, c’est-à-dire pendant
tout le temps où elle fut un Royaume officiellement catholique, JAMAIS la
France n’a été appelée « fille aînée de l’Eglise », ni par aucun Pontife Romain,
ni par aucun de ses Rois, ni par aucun de ses juristes, ni par aucun de ses
sujets !
La seule et unique occasion où l’expression « fille
aînée de l’Eglise » s’est trouvée dans la bouche d’un dignitaire ecclésiastique
sous l’Ancien Régime, fut en février 1564 et elle n’était pas pour désigner la
France, mais la Reine Catherine de Médicis : c’était lorsque le nonce
apostolique, Prospero di Santa Croce, la salua alors qu’il venait traiter avec
elle de l’application des décrets du Concile de Trente au Royaume de France
(bien que son fils Charles IX eût été déclaré majeur l’année précédente et
qu’elle ne fut plus officiellement régente elle continuait à exercer la réalité
du pouvoir).
C’est le Roi de France qui est le « Fils aîné »
Moins d’un siècle plus tôt, précisément le 19
janvier 1495, l’expression « Fils aîné de l’Eglise » apparaît pour la première
fois dans l’histoire, et elle désigne le Roi de France par la bouche d’un Pape.
Dans des circonstances difficiles, le Pape Alexandre
VI accueillit le Roi Charles VIII et ses troupes, sur le chemin de Naples. Le
Souverain français déclara : « Saint-Père, je suis venu pour faire obédience à
Votre Sainteté comme ont eu accoutumée de faire mes prédécesseurs, Rois de
France ». Le Pape, prenant de sa main gauche la main droite du Roi, lui
répondit en l’appelant son « Fils aîné ».
Depuis déjà plusieurs siècles, le Roi de France
était appelé « Sa Majesté Très Chrétienne ». Antérieurement à ce 19 janvier
1495, on trouve sous la plume des Pontifes Romains, lorsqu’ils écrivent aux
Rois de France, les expressions « cher Fils », « Fils très cher », ou encore
parfois « Fils de prédilection » mais, je le redis, l’expression « Fils aîné »
ne remonte pas au-delà d’Alexandre VI.
On la retrouve ensuite le 21 avril 1505 lorsque,
dans un consistoire, l’ambassadeur du Roi Louis XII présente son Souverain à
Jules II en ces termes : « Premier Fils du Saint-Siège par la naissance ». Ce
titre sera également évoqué le 11 décembre 1515 lors de l’entrevue de Bologne
qui vit la rencontre de Léon X et de François 1er.
Par-dessus tout, ce seront les Rois Bourbon qui
s’enorgueilliront de ce titre de « Fils aîné de l’Eglise » que nul, ni dans
l’Eglise ni dans la société civile, ne leur contestera : Henri IV le
revendiquait dès avant sa conversion ; Louis XIV en obtiendra d’Alexandre VII
la mention dans le traité de Pise du 12 février 1664 (*) ; et lors de la
Restauration Louis XVIII s’adressera à Léon XII en ces termes : « Animé des
mêmes intentions que les Rois, mes prédécesseurs, je me plais de déclarer à
Votre Sainteté qu’en ma qualité de Fils aîné de l’Eglise je regarde comme un
devoir de justifier ce titre glorieux… »
Sainte Pétronille, fille aînée de Saint Pierre, protectrice des Rois de France
Depuis Pépin le Bref et le Pape Etienne II, le
patronage spécial de Sainte Pétronille, dont la tradition fait la fille aînée
de Saint Pierre, a été accordé à la dynastie royale franque. Etienne II avait
même écrit à Pépin et à ses deux fils, Charles (futur Charlemagne) et Carloman
en faisant parler Saint Pierre lui-même pour leur donner le nom de « fils
adoptifs ».
Dans l’actuelle basilique de Saint Pierre au
Vatican, l’autel de Sainte Pétronille demeure aujourd’hui une « chapelle » dédiée
à la prière pour la France.
Du
« Fils aîné » à la « fille aînée » ?
Arrivé à ce point de nos explications, nous pouvons
très légitimement nous demander pourquoi le Rd Père Lacordaire s’est autorisé
un tel « glissement » : prendre l’expression traditionnelle qui désigne la
personne sacrée du Roi, pour l’attribuer à la « nation » (l’idée même de
nation, telle qu’elle est aujourd’hui comprise, étant pétrie par l’idéologie
révolutionnaire!) ?
La première explication est liée au contexte
historique : en février 1841, il n’y avait plus en France de « Fils aîné de
l’Eglise ». La révolution de 1830 avait chassé de France la branche aînée des
Bourbons ; Charles X, dernier Roi à avoir reçu l’onction du Sacre, était mort
en exil ; l’héritier légitime du trône était son fils, Louis XIX de droit, qui
portait en exil le titre de comte de Marnes ; le trône avait été usurpé par le
duc d’Orléans, imprégné d’esprit voltairien et traître à la conception
traditionnelle de la monarchie française, Louis-Philippe, auquel il eût été
risible de décerner les titres de « Très Chrétien » et de « Fils aîné de
l’Eglise »…
La seconde explication tient à la personnalité et
aux convictions du Père Lacordaire lui-même qui, indépendamment de ses talents
de prédicateur, de ses vertus et de la restauration de l’Ordre de
Saint-Dominique, n’en demeure pas moins un des premiers représentants et
propagateurs des erreurs du « catholicisme libéral », pénétré par les
pernicieuses influences de la révolution. Il ne faut point dès lors s’étonner
de le voir exalter la « nation » et lui transposer les prérogatives des
Souverains sacrés.
Non
possumus !
C’est la raison pour laquelle, nonobstant toutes les
« bonnes intentions » (celles-là même qui peuvent paver l’enfer) de ceux qui,
dans le sillage du Père Lacordaire prétendent aujourd’hui défendre « la
civilisation chrétienne » en reprenant pour le compte de « la France »
l’expression « fille aînée de l’Eglise », je n’hésite pas à affirmer haut et
fort qu’elle constitue à proprement parler une usurpation, que je réprouve de
toutes mes forces!
Pendant longtemps, j’ai moi-même cru – comme
beaucoup – que cette expression était ancienne, vénérable et juste : mais,
après ces recherches, que je vous ai ici résumées, et la découverte de sa
véritable histoire, je m’insurge au nom de la Vérité et au nom de la Légitimité
contre son emploi, qui ne peut que – de manière subreptice et insidieuse –
contribuer à instiller les erreurs du nationalisme, forme dévoyée et
révolutionnaire de l’amour naturel de la Patrie (en vérité la Patrie est la «
terre des pères », avec ce qu’elle porte d’héritage et de devoirs, elle n’est
pas cette « patrie » idéologique exaltée par l’hymne fanatique et sanguinaire
que l’on connaît)...
Mgr
Jean Dieudonné Bonnard
(*) Et l’on
sait que lorsque Sainte Marguerite-Marie recevra de Notre-Seigneur des messages
destinés au Grand Roi, en 1689, Jésus dira en parlant de Louis XIV : « Va dire
au Fils aîné de Mon Sacré-Coeur… »
Les
étapes du Vœu en Province
A
la chapelle des Pénitents bleus de Toulouse (1632)
Marié à l’âge de 14ans en 1615, Louis XIII avait 31
ans en 1632. Il fut le premier roi de France à être membre de la confrérie des
Pénitents bleus. En 1622, il envoya l’évêque de Pamiers, Mgr d’Esparbès de
Lussan, poser à Toulouse la première pierre de la nouvelle chapelle des
Pénitents bleus (aujourd’hui sanctuaire Saint-Jérôme). Il y vint avec son
épouse, le 26 octobre 1632 et, depuis la Tribune royale, fit un vœu solennel à
la Vierge pour obtenir un successeur à la Couronne de France.
Aux
Minimes d’Abbeville (juillet 1637)
En 1500, André de Rambures, Sénéchal de Ponthieu, fonda le couvent des minimes. C'est dans leur église que Louis XIII consacra son royaume à la vierge en 1638. Malheureusement, la Révolution a entièrement détruit le couvent et l'église. Aujourd'hui, à l'emplacement même de ce couvent se trouve Notre-Dame de France en hommage à la consécration du royaume de France à la vierge, avec une magnifique statue de De Roze représentant la vierge à l'enfant.
Les neuvaines à Notre-Dame de Grâces de Cotignac (27 octobre 1637)
Le 27 octobre 1637, un mine, le frère Fiacre, pendant qu’il priait, reçut une révélation intérieure : la reine Anne d’Autriche devait demander publiquement trois neuvaines de prières à la Sainte Vierge adressées à l’Église Notre-Dame-de-Grâces de Cotignac (Var), alors un fils lui serait donné. Informée de cette prédiction, Anne d’Autriche continua les neuvaines commencées par frère Fiacre le 8 novembre 1637. Les neuvaines furent achevées le 5 décembre suivant.
Neuf mois plus tard exactement, le 5
septembre 1638, naissait Louis-Dieudonné à Saint-Germain-en-Laye.
Le
vœu de Louis XIII 10 février 1638
Pour remercier la Vierge, en novembre 1637, un texte était soumis au Parlement de Paris ; il y fut adopté puis signé par le Roi le 10 février 1638, en son château de St Germain en Laye.
Par ce texte, Louis XIII décidait de consacrer le royaume de France à Notre-Dame. C’est le fameux « Vœu de Louis XIII » en remerciement de la grossesse de son épouse Anne d’Autriche après vingt-trois ans de mariage.
De par ce vœu, Louis XIII instaurait les processions du 15 août durant lesquelles les sujets devaient prier Dieu et la Vierge pour les heureux succès du roi. En outre, chaque église du royaume se devait, dans la mesure où l’église elle-même n’était pas sous le patronage de la vierge, de consacrer sa chapelle principale à la Reine des Cieux.
Louis XIII promit enfin d’élever un nouveau maitre-autel dans la cathédrale
Notre-Dame de Paris, ainsi que d’offrir un nouveau groupe sculpté à la
cathédrale.
Vœu
de Louis XIII – ND de Paris en 2017
Décédé prématurément cinq ans plus tard, le roi n'a
pas le temps de matérialiser la deuxième partie de son vœu concernant
Notre-Dame de Paris. C'est son fils Louis XIV qui le réalise plus de soixante
ans après.
De 1708 à 1725, Robert de Cotte remanie complètement
le chœur de la cathédrale, masquant les ogives par des arcades en plein cintre
qui ne sont plus au goût du jour. De part et d'autre du maître-autel, des
statues d'ange en bronze sont placées, ainsi que celles des deux rois, Louis
XIII par Guillaume Coustou (à droite) et Louis XIV sculpté par Antoine Coysevox
(à gauche). Une pietà de Nicolas Coustou est placée derrière le maître-autel.
Le chanoine Antoine de La Porte (1627-1710) avait
obtenu du roi l'autorisation de financer sur sa fortune personnelle six grandes
peintures à l'huile retraçant la vie de la Vierge, pour être installées
au-dessus des stalles du chœur. Après sa mort survenue en 1710 ce sont huit
tableaux qui seront exécutés par les grands peintres du siècle :
Charles
de La Fosse (1630-1716) réalise :
L'Adoration des Bergers (ou La Nativité),
1715 (musée du Louvre) ;
L'adoration des Mages, 1715 (musée du Louvre) ;
Louis
de Boullogne (1654-1733) peint :
Le Repos pendant la fuite en Egypte, 1715 (musée des
Beaux-Arts d'Arras) ;
La présentation au Temple, 1715 (musée du Louvre) ;
Jean
Jouvenet (1644-1717) exécute :
La Visitation de la Vierge, 1716
(Notre-Dame, Paris) ; Inacessible depuis l'incendie de 2019
Antoine
Coypel (1661-1722) réalise :
Jésus parmi les docteurs, 1717 (chapelle des
Pénitents Blancs, Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne)) ;
L'Assomption de la Vierge, 1717 (œuvre perdue, mais
dont le Louvre garde des dessins préparatoires) ;
Claude
Guy Hallé (1652-1736), produit :
L'Annonciation, 1717 (Louvre, Paris).
Le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, a réintroduit la procession pour faire mémoire du vœu de Louis XIII, le 15 août 1988.
Depuis cette date, à l'issue de la procession, un évêque relit solennellement le texte du vœu royal.
En 2022, l’évêque de Chartres, a renouvelé le vœu de
Louis XIII et la consécration de la France à Marie lors de la procession du 15
août.
J’ai eu l’honneur de pouvoir rencontrer Jean-Marie
Lustiger à quelques reprises ; il est né Aron Lustiger le 17 septembre 1926 à Paris et y est mort Jean-Marie le 5 août 2007.
Il est un Juif converti,
et en tant que tel, il œuvrera beaucoup en faveur du rapprochement entre
Catholiques et Juifs.
Quelque 2.000 personnes se sont massées sous un ciel
gris, sur le parvis de la cathédrale alors que la messe, retransmise à
l'extérieur sur écran géant, a été célébrée dans la cathédrale où 3.000
personnes avaient pris place dont 500 prêtres, 50 évêques et 16 cardinaux.
Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et
successeur de Mgr Lustiger, a prononcé l'homélie. Le cardinal Paul Poupard a
ensuite lu un message du pape Benoît XVI. Puis, Maurice Druon, secrétaire
perpétuel de l'Académie française, (à laquelle appartenait Mgr Lustiger depuis
1995) , a prononcé un discours.
«
Tout est possible à Dieu » (Mt 19,26)
Au terme de la célébration du 10 août à Notre-Dame
de Paris, le cercueil du cardinal Jean-Marie Lustiger a été déposé dans le
caveau des archevêques avec le coffret contenant de la terre de Terre Sainte. Une
plaque commémorative a été apposée dans la Cathédrale Notre-Dame de Paris à la
demande du cardinal Lustiger avec le texte suivant :
« Je suis né juif. J’ai reçu le nom de mon
grand-père paternel, Aron. Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis
demeuré juif comme le demeuraient les Apôtres. J’ai pour saints patrons Aron le
Grand Prêtre, saint Jean l’Apôtre, sainte Marie pleine de grâce. Nommé 139e
archevêque de Paris par Sa Sainteté le pape Jean-Paul II, j’ai été intronisé
dans cette cathédrale le 27 février 1981, puis j’y ai exercé tout mon
ministère. Passants, priez pour moi. »
— † Aron Jean-Marie cardinal Lustiger, Archevêque de
Paris
Plaques mémorielles du jardin Aron Jean-Marie
Lustiger à l’abbaye Sainte-Marie de la Résurrection d'Abu Gosh en Israël.
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