Le May, offrande de la corporation des orfèvres
Le 1er mai 1449, la corporation des orfèvres
parisiens inaugure l’offrande du May à Notre-Dame de Paris. Leur forme évolua :
arbre décoré de rubans, tabernacle orné de scènes bibliques de 1482 à 1604,
puis de 1606 à 1629, tabernacle de forme triangulaire dans lequel s’insère
directement (sur l’une de ses faces) un tableau peint sur bois, appelé « petit
may ».
Les
actes des apôtres
Avec la Renaissance, la peinture religieuse de grand
format apparait dans les églises. A Paris, au XVIIe siècle, de grands retables
peints décorent les maîtres-autels. A partir de 1630, de grandes toiles de plus
de trois mètres de hauteur, illustrant les actes des apôtres, remplacent les
petits Mays. Par ailleurs, le cinquième livre du Nouveau Testament rassemble
les récits concernant Les Actes des Apôtres, écrits par saint Luc. Ils relatent
l’activité missionnaire des premiers disciples de Jésus.
En définitive, le thème des toiles, choisi en
collaboration avec les chanoines de la cathédrale, invite les peintres à
soumettre leurs esquisses.
Une
opportunité pour les peintres
D’abord placés devant l’autel de la Vierge, les
grands Mays, se retrouvent accrochés aux piliers de la nef centrale. Au fur et
à mesure que la collection s’agrandit, la localisation des Mays change. Il est
possible de les retrouver dans les chapelles, les arcades du chœur ou du
déambulatoire. Les artistes choisis sont généralement des membres de l’Académie
royale de peinture et de sculpture fondée en 1648. Cependant, la commande d’un
May est un honneur convoité. La réalisation appartient souvent aux jeunes
peintres, au talent prometteur. A une époque où les musées n’existent pas,
l’exposition d’une œuvre dans la cathédrale leur procure l’opportunité d’une
exposition publique permanente. De ce fait, ces commandes prennent la forme
d’un concours et une véritable émulation anime les peintres. Ils y accordent
donc un soin particulier pour parfaire leur réputation. Les collectionneurs
cherchent également à en acquérir l’esquisse ou à en commander une seconde
version.
Une
série de tableaux partiellement conservée
En 1708, la dissolution de la corporation des
orfèvres est due à difficultés financières. De fait, les commandes cessent.
C’est pourquoi, les révolutionnaires saisissent les grands Mays, comme les
autres biens ecclésiastiques, en 1793. Sur soixante-treize tableaux commandés
par la confrérie entre 1630 et 1707, seuls cinquante et un se retrouvent encore
au musée Petits-Augustins ou au Louvre. Dans l’ensemble, la production
picturale à Paris au XVIIe siècle reste emblématique de la l’excellence.
Finalement, l’évolution du goût permettent à certaines peintures de prospérer,
alors que certaines, négligées par la critique, se font oublier.
Puisqu’au XIXe siècle, le décor est jugé encombrant
et désuet, lors des restaurations, Eugène Viollet-le-Duc ne retient que
quelques œuvres pour décorer des chapelles de la cathédrale. Les autres
tableaux sont répartis ailleurs en France entre des églises, le Musée du
Louvre, et les musées des Beaux-Arts en région, où ils sont exposés.
Œuvres
présentées dans les chapelles de Notre Dame, avant l’incendie de 2019 :
La
Descente du Saint-Esprit par Jacques Blanchard – 1634
Le May de 1634 peint par Jacques Blanchard illustre
le thème de la Pentecôte. Dans les textes, cinquante jours après Pâques,
l’esprit de Dieu, symbolisé par des langues de feu, souffle sur les apôtres.
Les
apôtres sont rassemblés autour de Marie, assise à droite. Ils manifestent leur
surprise à la vue des langues de feu qui se posent sur leurs têtes. Une
architecture de style grec, garnie de colonnes ioniques, sert de décor. La
composition est campée en croix, la variété des attitudes et des émotions
rendent la scène dynamique.
Jacques Blanchard a 34 ans lorsqu’il peint cette toile.
La critique reconnait en lui le talent d’un peintre prometteur. Blanchard a
retenu de son voyage en Italie la leçon des maîtres italiens : il intègre avec
subtilité les jeux de lumières sur les différents plans de la composition.
Saint
Pierre guérissant les malades de son ombre par Laurent de la Hyre – 1635
Le May de 1635, peint par Laurent de La Hyre caractérise la peinture classique française en vogue à Paris dans les années 1630-1640. Le thème est tiré des « Actes des apôtres ».
Le thème du secours porté aux malades rappelle la charité de l’Église et l’Hôtel-Dieu, à proximité de la cathédrale. En effet, il s’agit d’un lieu d’hospice pour les pauvres et les malades. Le teint blafard de la femme morte, évoque également les épidémies de peste qui sévissent en France vers 1630.
Laurent de la Hyre (1606-1656)
De la Hyre traduit son goût de l’antiquité et de la
culture classique par le décor antique de ses œuvres. Sa palette se caractérise
par une harmonie de couleurs claires et pures. A Paris, il se présente comme un
jeune peintre prometteur lorsque la confrérie lui commande le May de 1635. Finalement,
le tableau trouve sa place dans le transept nord de la cathédrale. L’engouement
autour de son œuvre lui permet alors d’accéder à une nouvelle commande :
l’illustration de La conversion de saint Paul.
La
Conversion de saint Paul par Laurent de la Hyre – 1637
Le May de 1637, peint par Laurent de La Hyre,
raconte un épisode de la vie de saint Paul. Alors qu’il est un soldat romain
qui persécute les chrétiens, il est saisi de la vision du Christ sur la route
de Damas.
Pour
interpréter la soudaine conversion de Saül, Laurent de la Hyre illustre le
moment où le Christ lui apparait dans le ciel et lui dit : « Saül, Saül,
pourquoi me persécutes-tu ? ». D’abord, le Christ est représenté dans le ciel,
en haut à gauche. Renversé au sol, Paul est en tenue de légionnaire romain.
Ainsi, il regarde le Christ, ébloui. Un soldat cherche à le relever tandis que
la forte lumière aveugle l’escorte. D’autre part, la composition campe
solidement entre jeux de spirales et lignes obliques. Les attitudes agitées des
personnages offrent une grande dynamique à la scène. Dans l’ensemble, la grande
expressivité des émotions met en lumière l’esprit baroque. La lumière
éblouissante au milieu d’un ciel orageux accentue l’effet dramatique.
Le
Centurion Corneille aux pieds de saint Pierre par Aubin Vouet – 1639
Le May de 1639, représente le moment où Pierre
arrive à Césarée à la rencontre de Corneille. Le centurion se prosterne et
Pierre lui dit « Lève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi ». Ce tableau est
peint par Aubin Vouet.
Le
peintre choisit de retenir le dernier verset du récit : « Lève-toi. Je ne suis
qu’un homme, moi aussi. » Au milieu, à droite, l’apôtre Pierre relève le
centurion, prosterné. Ainsi, la famille de Corneille se place symboliquement du
côté gauche, le côté proscrit. Une femme, tenant un enfant, pointe son doigt
vers Pierre. Comme dans le texte, des frères de Jaffa se tiennent près de lui.
Par ailleurs, les grandes colonnes du second plan rappellent les piliers de la
cathédrale. Il s’agit d’un lien symbolique pour les fidèles entre l’histoire
passée et le lieu présent, dans lequel ils se trouvent. Ce tableau illustre
l’intérieur de la chapelle Saint-Pierre.
Aubin Vouet (1595-1641)
Aubin Vouet se spécialise dans les grandes peintures
mythologiques et religieuses. Quant à son voyage à Rome, il lui apprend la
leçon de Caravage : éclairage puissant, palette aux coloris vifs et grands
drapés rythmant la scène. Comme son frère Simon Vouet, peintre attitré de Louis
XIII, il dessine des compositions où il prête au sujet plus d’emphase, notamment
en surélevant les personnages. Tombé dans l’oubli, il bénéficie pourtant à son
époque d’une solide réputation. Il est l’un des premiers peintres à recevoir la
commande du May de Notre-Dame ; honneur renouvelé à trois reprise en 1632, 1639
et 1640.
La
Prédication de saint Pierre à Jérusalem par Charles Poerson – 1642
Le May de 1642 est un tableau peint par Charles
Poërson. Il représente saint Pierre, prédicateur à Jérusalem. D’après saint
Luc, dans Les Actes des Apôtres, Pierre proclame : « Détournez-vous de cette
génération tortueuse, et vous serez sauvés ».
La
scène illustre le verset 40, lorsque Pierre interpelle son auditoire en leur
disant « Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés ».
Le peintre évoque subtilement la « génération tortueuse » par les colonnes
antiques tordues, en forme de S, et l’homme craintif de dos qui s’y accroche et
se contorsionne. Campé au milieu de la composition, saint Pierre lève les bras.
Ainsi vêtu de jaune, il représente l’espérance. D’un côté, il pointe le ciel de
sa main gauche. Tandis que de sa main droite il semble bénir la foule d’un
geste protecteur. Au premier plan, à droite, une femme étendue au sol retient
son nourrisson. Elle semble frappée d’une lumière divine, allégorie de la lumière
de Dieu qui protège la mère et l’enfant. Vêtue de bleu, elle symbolise la
couleur donnée traditionnellement au vêtement de Marie à cette époque. Le
tableau se trouve dans la chapelle Saint-Pierre.
Charles
Poërson (1609-1667)
Charles Poërson est l’élève de Simon Vouet, peintre
du roi Louis XIII et très réputé à Paris vers 1630-1640. Le sens du mouvement,
le jeu des mains et les draperies peints par Vouet sont de grandes influences
pour Poërson. Les sculptures de Michel Ange inspirent également les torses
musclés de ses œuvres, notamment « l’esclave rebelle » (Musée du Louvre).
L’œuvre appartient alors aux collections de Richelieu, où Charles Poërson a pu
la voir. Michel Ange sculpte ce marbre dans une période de grands troubles
politiques à Rome. Ainsi, il interprète cette période dans son œuvre par le
maniérisme de l’attitude. Par résonance politique, l’œuvre évoque les troubles
politiques subis par Louis XIII et Richelieu à la même époque pour lutter
contre le protestantisme et rivalités européennes.
Le
Crucifiement de saint Pierre par Sébastien Bourdon – 1643
La corporation des orfèvres parisiens commande à
Sébastien Bourdon le May de 1643. Il représente le martyr de saint Pierre
crucifié la tête en bas selon son souhait.
Le
peintre place la scène du crucifiement essentiellement au centre du tableau.
Les jeux d’obliques de la composition donnent une impression d’agitation pour
interpréter le désordre ambiant à Rome à cette époque. De même, la statue
antique qui vacille souligne ce désordre, en parallèle à la chute de l’empire
romain. Les attitudes et postures des personnages montrent également un certain
déséquilibre. L’éclairage puissant centré sur Pierre, et les bourreaux de
droite, accentue l’effet théâtral et dramatique de la scène. En bas à gauche,
Marcel ou Apulée, disciple de Pierre, se vêt comme les chanoines. Il lui parle
et le conforte alors sur la pérennité de son engagement. Du reste, un ange dans
le ciel présente une couronne de fleurs. Cette couronne alignée avec le visage
de saint Pierre symbolise le lien spirituel de la foi, entre la terre et le
ciel.
Sébastien
Bourdon (1616-1671)
Sébastien Bourdon est un jeune peintre de 27 ans
lorsqu’il reçoit la commande du May de Notre Dame. Il est arrivé à Paris à 23
ans après un voyage à Rome où il étudie les grands maîtres de la peinture. Il
séduit sa clientèle parisienne grâce à sa palette colorée et à la complexité de
ses compositions.
Le Crucifiement de saint André par Charles Le Brun – 1647
Premiers disciples de Jésus avec son frère Pierre,
le vieil homme est crucifié sur ordre du proconsul Egéas vers l’an 60.
Le
peintre représente la scène en deux registres. En haut, le proconsul Égéas,
assis à son tribunal, vient d’ordonner la mort d’André, lié sur la croix par
les pieds et les mains. Les bourreaux arrachent ses vêtements et le préparent
au supplice, tandis que les soldats dispersent la foule qui proteste. André est
crucifié sur une croix en forme de X qui porte depuis le Moyen Age le nom de
croix de saint André. Ce signe est d’ailleurs bien connu des chrétiens.
Pour identifier facilement l’apôtre, le peintre
représente saint André dans une attitude d’exaltation. En d’autres termes, bras
et jambes écartés rappelant la forme en X de la croix de son martyr. Le vieil
homme invoque alors le ciel où un angelot lui montre les palmes, symboles de
gloire, dont les cieux l’honorent. Malgré la profusion des personnages, Le Brun
dégage une lecture simple de la scène grâce à une lumière franche posée sur le
saint martyr et l’ange.
Charles
Le Brun (1619-1690)
Charles Le Brun s’est formé dans l’atelier de Simon
Vouet, peintre du May de 1640, La délivrance de saint Pierre. Après quatre
années passées à Rome à étudier les grands maîtres, il retourne à Paris en
1646. Nommé dès l’année suivante Peintre et Valet de chambre du Roi. A la même
période, il reçoit la commande de ce May de 1647.
Saint Paul rend aveugle le faux prophète Barjesu et convertit le proconsul Sergius
par Nicolas Loir – 1650
L'épisode
est tiré du chapitre XIII des "Actes des apôtres" (versets 8-12).
Alors qu'il était à Paphos, sur l'île de Chypre, prêchant la parole de Dieu
devant le proconsul Sergius Paulus, saint Paul fut interrompu et contredit par
le magicien Barjésus (appelé aussi Élymas) ; il fit appel à l’Esprit Saint et
rendit temporairement aveugle le faux prophète. Suite à ce miracle, le
proconsul se convertit au christianisme.
La
Lapidation de saint Étienne par Charles Le Brun – 1651
Ce May, offert par la corporation des orfèvres à
Notre-Dame en 1651 est peint par Charles Le Brun. Il représente le martyr de
saint Etienne tel que décrit dans les Actes des Apôtres.
Avant
tout, le tableau représente le moment où Étienne est traîné hors de la ville de
Jérusalem. Son martyr a supposément lieu à la Porte de Damas. On l’observe,
étendu sur le sol, les bras écartés, lapidé par ses bourreaux. Alors qu’un
autre groupe, assiste à la scène. Le jeune Saül fait référence à Saül de Tarse
convertit sur le chemin de Damas à Jérusalem (cf La Conversion de saint Paul de
1637). Dans le ciel, des anges portent Dieu le Père et le Christ. Le Christ
porte ainsi sa croix et tend la main vers le jeune martyr qui le contemple.
Charles
Le Brun (1619-1690)
Charles Le Brun a reçu la commande de ce May de
1647. Toutefois, lorsqu’il peint ce tableau en 1651, sa réputation est déjà
solide. Grâce à Mazarin, il vient d’entrer au service de Louis XIV après avoir
fondé en 1648 l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Le tableau se trouve
dans la chapelle saint Éloi, patron des orfèvres, dont la corporation finance
les Mays de Notre Dame. De cette manière, ils rendent hommage autant au premier
martyr chrétien qu’à l’illustre artiste du roi.
La
Flagellation de saints Paul et Silas par Louis Testelin – 1655
Tableau
conservé dans des réserves hors de la cathédrale
Saint
André tressaille de joie à la vue de son supplice par Gabriel Blanchard – 1670
Tableau
conservé dans des réserves hors de la cathédrale
Le
Prophète Agabus prédisant à saint Paul ses souffrances à Jérusalem par Louis
Chéron – 1687
Le May de 1687 illustre le thème de la confiance et de la foi de saint Paul. Face à Agabus, disciple de Jésus, qui prédit sa mort il répond « je suis prêt ». Le tableau est peint par le Louis Chéron.
Agabus,
assis au centre de la composition, lève le bras droit vers la colombe, symbole
du Saint-Esprit. Il prédit à Paul son futur martyr. Paul se situe à gauche de
la composition, au milieu de quatre disciples, dont l’un se lamente à ses
pieds. Toutefois, son attitude est paisible, les bras ouverts en signe
d’acception. Ce geste interprète le texte de saint Luc « je suis prêt ».
D’autre part, il indique de sa main gauche la ceinture liée au pied d’Agabus
par laquelle il est prêt à mourir en martyr. A droite, un groupe de femmes
exprime leurs émotions à l’annonce de la prédication. La lecture de la
composition est claire et lisible. Bien que Agabus soit au centre de la scène,
l’artiste rappelle que le principal protagoniste de la scène est saint Paul
qu’il vêt de rouge, couleur du rang des cardinaux et du sang des martyrs.
Louis
Chéron (1660-1725)
Louis Chéron, un peintre parisien, honoré par deux
fois du Prix de Rome en peinture. A Rome, il étudie Raphaël et le maniérisme
italien. En effet, on retrouve l’influence de Raphaël dans l’architecture
classique du fond de la scène et la monumentalité des personnages aux amples
drapés, tel qu’il a pu les voir dans les Chambres de Vatican. Le maniérisme
s’exprime à travers les couleurs acides et sombres à droite de la composition.
Il a vingt-sept ans lorsqu’il livre sa commande. La chapelle Notre-Dame de
Guadalupe accueille son May, malgré un succès de courte durée. D’origine
protestante, l’exiler à Londres lui est inévitable. En revanche, c’est dans
cette ville qu’il gagne sa renommée. Plus tard, son enterrement a lieu l’église
Saint-Paul de Covent Garden.
Les fils de Sceva battus par le démon par Mathieu Elias – 1702
Offert à la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1702 ;
mentionné dans la nef du côté cloître depuis la porte d’entrée entre 1715 et
1728 ; mentionné sous les bas-côtés de la nef du côté cloître en entrant de
1742 à 1779 ; mentionné dans la chapelle Sainte-Geneviève de 1781 à 1793 ;
restauré en 1781 ; envoyé au musée spécial de l’École française au château de
Versailles en 1798 ; transféré à Notre-Dame de Paris en 1802 ; restauré en 1844
par Capados Pereira ; donné par le chapitre de Notre-Dame de Paris au Musée du
Louvre en 1862 ; mentionné dans les réserves du Musée du Louvre en 1942 ; mis
en dépôt par le Musée du Louvre à la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1963 ;
état général assez satisfaisant, très empoussiéré en 2006, dépoussiérage en
2008).
Pour
aller plus loin, d’autres tableaux de ND de Paris
Un
ensemble de huit grands tableaux illustrant la Vie de la Vierge est commandé au
XVIIIe siècle pour décorer le chœur de Notre-Dame.
La
Visitation peinte par Jean Jouvenet en 1716 est l’œuvre la plus appréciée en
son temps.
La
Visitation par Jouvenet (1716)
Parmi les huit grands tableaux qui ornaient le
chœur, seul celui-ci demeure aujourd’hui à Notre-Dame. Il témoigne avec force
du décor grandiose mis en place au début du XVIIIe siècle.
Signature : J. JOUVENET. DEXTRA PARALYTICUS.
SINISTRA PINXIT 1716
Inaccessible depuis l’incendie
Le
don du chanoine de La Porte
En 1709, le chanoine de La Porte (1627-1710),
instigateur financier du Vœu de Louis XIII et de la refonte du chœur, décide
d’offrir à la cathédrale un ensemble de tableaux sur le thème de la vie de la
Vierge, dont la Visitation. Lorsqu’il décède à 83 ans, en 1710, l’œuvre est
inachevée. Grâce à l’héritage qu’il lègue à Notre- Dame, les huit tableaux sont
finalisés et placés dans le chœur de la cathédrale en 1715. Les thèmes et
artistes retenus sont les suivants :
La Visitation de Jouvenet (1716)
L’Annonciation de Hallé (1717)
(La Nativité et)
l’Adoration des Mages de Charles La Fosse
l’Assomption et Jésus au temple de Coypel
La Fuite en Égypte et la Présentation au Temple de
Boullongne.
Soucieux de sa postérité, le chanoine se fait
représenter à la même époque dans un grand tableau de Jean Jouvenet : La
messe du chanoine de La Porte.
Les
aléas de l’histoire
Lors des saisies révolutionnaires, les peintures
sont transférées au Museum à Versailles. Durant ce transfert, trois toiles
disparaissent. Plus tard, dans le cadre du Concordat, Napoléon Ier accorde la
restitution des cinq toiles subsistantes. Elles retrouvent donc leurs places
dans la cathédrale en 1807, accrochées dans de nouveaux cadres.
Lorsque Eugène Viollet-le-Duc restaure la cathédrale au XIXe siècle, il note dans ses carnets : « à l’occasion du baptême du Prince impérial, le 14 juin 1856, les tableaux ont été descendus et qu’on a pu voir ainsi les avantages qu’il y aurait pour le culte […] à ne pas replacer ces tableaux qui bouchent les arcades des bas-côtés et assombrissent toute cette partie latérale du chœur ». Il ajoute : « cet enlèvement permettrait de restaurer des piliers gravement endommagés et sapés, de manière à compromettre la solidité de l’édifice ».
Dans les années 1860, le musée du Louvre expose les toiles. Seule la Visitation de Jouvenet revient à la cathédrale en 1947.
Le tableau de la Visitation
La
scène illustre la visite de Marie, enceinte du Christ à sa cousine Elisabeth,
enceinte de Jean-Baptiste. Pour cette rencontre, elle voyage depuis Nazareth en
Galilée jusqu’à Hébron en Judée. Marie, accompagnée de Joseph, se place à
droite avec leur âne. Sur la gauche, le prêtre Zacharie, époux d’Élisabeth se
tient en retrait. Cette scène symbolise traditionnellement la prophétie de Jean
Baptiste, en d’autres termes, le lien entre l’ancien monde et le nouveau monde.
Elisabeth apparait comme une vieille femme. Dans sa composition, le peintre ne
retient pas l’épisode traditionnel de la rencontre de Marie où les deux femmes
dialoguent mais celui, plus rarement traité, du « Magnificat ». Marie,
glorieuse, lève les mains et yeux vers le ciel, auréolée de lumière. Le peintre
accentue l’effet de gloire en plaçant les deux femmes surélevées sur des
marches au centre du tableau, et l’ensemble des personnages disposés en cercle
autour d’elles.
Tout à fait à gauche de la composition, l’artiste s’est représenté à côté du chanoine de La Porte. Le chanoine est déjà mort depuis six ans à la date où Jouvenet peint l’œuvre. Toutefois, il l’a déjà portraituré par deux fois et s’en inspire dans cette reprise. Jouvenet use d’une tradition ancienne dans la peinture religieuse de représenter son commanditaire dans le tableau. Quant à l’au portrait du peintre (mort l’année suivante), il se représente jeune, sous un profil plus idéalisé que réaliste.
Jean Jouvenet (1644-1717)
Jean
Jouvenet entre à 17 ans au sein de l’atelier de Charles Le Brun, premier
peintre de Louis XIV, auquel Notre Dame a commandé deux Mays. Notamment, Le
Crucifiement de saint André (1647) et La lapidation de saint Étienne (1651). Il
travaille pour Versailles et reçoit de nombreuses commandes du roi. De fait, il
devient directeur de l’académie de peinture en 1705.
En 1673, l’artiste n’a que 29 ans lorsque le chapitre de Notre-Dame lui commande un May sur le thème de La guérison du paralytique. Ce thème est une coïncidence fortuite. En effet, lors qu’il peint La Visitation, il est âgé de 72 ans, et souffre depuis trois ans d’une paralysie de la main droite suite à une crise d’apoplexie. Travailleur acharné, il s’habitue à peindre de la main gauche. Il date et signe son tableau sur la première marche: « J. Jouvenet dextra paralyticus sinistra fecit 1716 »., c’est-à-dire « fait de la main gauche car la droite est paralysée ».
Un style à la mode
La
gestuelle de Charles le Brun, lui-même influencé par Rubens, influence le style
de Jouvenet. Il s’intéresse à créer des effets théâtraux dans le mouvement des
drapés tout en gardant une fraîcheur de tonalité. Ainsi, le sujet revêt une
emphase très appréciée par le roi. L’artiste se copie lui-même en reprenant la
modèle de la Vierge qu’il a peint dans La Descente du Saint-Esprit de la
chapelle du château de Versailles. Cette nouvelle représentation de la Vierge
qui plait au roi, plait à la cour et devient à la mode. C’est pourquoi cette
Visitation, connue et admirée par ses contemporains, a été plusieurs fois
copiée au XVIIIe siècle.
Saint Thomas d’Aquin, Fontaine de Sagesse par Antoine Nicolas (1648)
Ce
tableau du XVIIe siècle témoigne de la ferveur des catholiques à l’égard de
saint Thomas d’Aquin. Ce dominicain étudie puis enseigne la théologie à
l’université de Paris au milieu du XIIe siècle. Ses écrits, rédigés à Paris,
sont contemporains de l’ouverture de Notre-Dame.
Épargné lors de l’incendie de ND
Saint
Thomas d’Aquin (1225-1274)
Né en Italie, Thomas d’Aquin entre dans l’ordre
dominicain en 1244. Il vient à deux reprises étudier à l’université de Paris en
1245 et 1252. Il est probable qu’il fréquente Notre-Dame dont le premier
chantier vient toujours juste de s’achever sous le règne de saint Louis. Parti
enseigner la théologie à Rome, il retourne à Paris en 1268 alors que des
querelles morales autour des pensées d’Aristote font rage dans l’Église. Là,
durant quatre ans, il écrit la majorité de son œuvre. Ses propos questionnent
la foi et l’existence de Dieu à travers la nature et la connaissance du monde.
Ainsi, il associe théologie et philosophie. Somme toute, ses écrits portent sur
l’âme, le corps, les passions, la liberté et la béatitude.
Considéré comme père spirituel de l’Église, inhumé à
Toulouse puis canonisé en 1323, il obtient en 1567 le titre de docteur de
l’Église. A cette époque, ses écrits sont contestés par les protestants lors de
la Réforme. Au milieu du XVIIe siècle, l’enseignement de saint Thomas d’Aquin
est largement diffusé par l’Église catholique. Sa renommée s’accroit
lorsqu’Ignace de Loyola le choisit comme maitre spirituel de l’ordre des
jésuites, dont Louis XIII et Louis XIV soutiennent l’enseignement.
Le
tableau
Identifiable par son titre de doctor angelicus,
inscrit sur le piédestal, saint Thomas d’Aquin s’illustre assis au centre, vêtu
de l’habit dominicain. Il tient un crucifix de la main droite, et un livre
ouvert de la main gauche. Il porte également une parure composée d’un soleil
d’or sur une chaine et une chape étoilée. C’est avec ces ornements qu’il
apparait en vision au dominicain Albert de Brescia au XIIIe siècle. Saint
Augustin explique que son enseignement a éclairé l’Église comme ce soleil sur
sa poitrine. Par conséquent, soleil et chaîne dorée deviennent les attributs
iconographiques de saint Thomas d’Aquin.
De part et d’autre du saint, des personnages tendent
des écuelles pour boire à la source jaillissante. Une inscription au bas de la
toile indique Hi puros promunt divino e
fontes liquores qu’on peut traduire
par Eux tirent de pures liqueurs de la
fontaine divine. Sa théologie se compare à une
liqueur spirituelle qui abreuve
les âmes qui ont soif de connaître Dieu. Les religieux autour de saint Thomas
d’Aquin appartiennent à divers ordres religieux : dominicain, carmélite,
franciscain, capucin. Parmi eux, figure un roi (le jeune Louis XIV ?) paré de
l’hermine. Deux jeunes gens au premier plan ont également accès à la source.
Antoine Nicolas
Antoine Nicolas, originaire de Langres, peint se
tableau en 1648, l’époque de la Régence. A cette période, Louis XIV est un
jeune roi mais ne gouverne pas encore. On ignore donc l’origine de cette
commande. La communauté des Dominicaines de Saint-Maur-des-Faussés conserve le
tableau avant de le donner au couvent dominicain de l’Annonciation du faubourg
Saint-Honoré à Paris vers 1950. Le couvent en fait don à Notre-Dame de Paris à
l’occasion du 700e anniversaire de la mort de saint Thomas d’Aquin en 1974.
L’Annonciation
de Hallé
Chacun des tableaux a été payé 2500 livres. Ils
furent accrochés au-dessus des stalles du chœur entre 1715 et 1717.
La toile initialement commandée à Claude Guy Hallé
fut mise en place en 1715 mais remplacée dès 1717, probablement pour des
raisons d’iconographie religieuse, par la peinture aujourd’hui conservée au
Louvre. Elle a été gravée par Jacques François Blondel pour
"L’Architecture française" de Mariette (1727), sans doute d’après un
dessin exécuté en 1716, et vendue par Claude Guy Hallé lui-même en 1735
(Willk-Brocard, 1995 ; Marandet, 2017). La version conservée au musée du Louvre
a été gravée par Nicolas Henri Tardieu.
Paris, cathédrale Notre-Dame de Paris ; saisi à la
Révolution, 1793 ; Paris, dépôt des Petits-Augustins ; Paris, Muséum des arts,
1794 ; Paris, cathédrale Notre-Dame, 1802 ; don du chapitre de la cathédrale
Notre-Dame de Paris au musée du Louvre, 1862.
La
Nativité et l’Adoration des Mages de Charles La Fosse
Charles de La Fosse, l’infatigable peintre novateur
et le décorateur le plus admiré de la fin du XVIIe siècle, est tombé dans
l’oubli comme nombre de ses contemporains. Il a pâti du qualificatif
dépréciatif d’artiste « de transition » qui établit le lien entre deux génies,
Charles Le Brun et Antoine Watteau.
Exact contemporain de Louis XIV (1638-1715), il fut
pourtant le seul artiste de sa génération à participer à tous les chantiers
royaux. Des Tuileries à l’abside de la chapelle royale de Versailles, il décora
le salon d’Apollon dans les Grands Appartements puis participa à la commande du
Grand Trianon en 1688. Après le château de Marly, il fut sollicité pour le
château de Meudon et pour l’église des Invalides dont il décora le dôme. Les
mécènes les plus puissants comme la Grande Mademoiselle ou lord Montagu ne lui
manquèrent jamais. Sa carrière fut brillante et ce jusqu’à sa mort à
quatre-vingts ans. Il effectua comme il se devait son apprentissage auprès de
Charles Le Brun. En 1658, il gagna l’Italie, Rome, puis Venise où il séjourna de
1660 à 1663, tournant décisif dans l’évolution de son art qui fera de lui l’un
des « coloristes » les plus influents dans la querelle les opposant aux
poussinistes. Dès 1681, avec Le Sacrifice d’Iphigénie dans le salon de Diane au
château de Versailles, il adopta les leçons de Rubens pour ne plus les quitter.
L’année 1699, qui marque l’apogée de sa carrière, voit en effet son ami Jules
Hardouin-Mansart devenir surintendant des Bâtiments du roi et sa propre
nomination à la tête de l’Académie royale de peinture et de sculpture, tandis
que Roger de Piles, le plus tenace défenseur du parti coloriste, intègre cette
institution avec le rang de conseiller. Au tournant du siècle, il adopta un ton
gracieux dans ses tableaux de chevalet, comme dans le célèbre Moïse sauvé des
eaux du musée du Louvre, avec des reflets scintillants sur les draperies et les
arbres floconneux qui préfigurent l’esthétique rococo et ouvrent la voie à la
peinture du XVIIIe siècle. À la fin de sa vie, le soutien qu’il apporta à
Antoine Watteau avec qui il cohabita chez Pierre Crozat explique en grande
partie sa redécouverte récente par le marché international. Ce dernier
s’inspira en effet de la technique graphique de La Fosse, celle des trois
crayons où le relief des formes se marie avec bonheur à la délicatesse des
épidermes. Alain Mérot juge que « La Fosse, ce “maître des Modernes”, a
accompagné – et finalement réalisé – la recomposition du grand art français à
la fin du règne de Louis XIV ». L’hommage qui lui est rendu en 2015 au château
de Versailles lui a restitué son rang, celui du peintre le plus influent de la
seconde partie du règne de Louis XIV.
Charles de la Fosse à Versailles : ici
La Fuite en Égypte de Boullongne
Paris, cathédrale Notre-Dame ; saisi à la Révolution
; Paris, dépôt des Petits-Augustins, 1793 ; Paris, Muséum des arts, 1794 ;
Paris, cathédrale Notre-Dame ; don du chapitre de la cathédrale Notre-Dame au
musée du Louvre, 1862,
Tout étant possible :
NANTES BELLE
VENTE MOBILIERE le samedi 26 novembre 2022
Louis II de BOULLOGNE (Paris 1654 - 1733), dit le jeune - Le repos pendant la Fuite en Egypte. Toile. Cadre : en chêne mouluré et doré d'époque Louis XV. Hauteur : 55 cm, Largeur : 65 cm (Soulèvements) Notre toile est à rapprocher du grand format commandé par le chanoine Antoine de La Porte (1627-1710) pour décorer le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, avec sept autres tableaux en tout, sur le thème de la vie de la Vierge. Ils ont été demandés à cinq artistes (Louis de Boullogne, Antoine Coypel, Claude-Guy Hallé, Jean Jouvenet et Charles de La Fosse) et furent accrochés au-dessus des stalles entre 1715 et 1717. Chacune fut payée 2500 livres. Le tableau final du "Le repos pendant la Fuite en Egypte", qui mesure 4,25 x 4,31 mètres, est aujourd'hui conservé au musée des Beaux-Arts d'Arras (dépôt du musée du Louvre).
Concernant l'autre composition de Louis de Boullogne pour ce cycle, la Présentation au Temple (musée du Louvre), l'esquisse, ou plutôt le modello de présentation, a été acquise par le musée d'Art Roger-Quillot de Clermont-Ferrand en 2018. C'est une toile au même dimension que la nôtre.
Bibliographie récente
en rapport : catalogue de l'exposition "Les couleurs du ciel Peintures des
églises de Paris au XVIIe siècle", Paris, musée Carnavalet, 2012-2013, p.352
- 353. Expert : Cabinet Turquin.
Tableaux anciens (avant l’impressionnisme 1870)
Prix d’adjudication hors frais : 18800 €
La
Présentation au Temple de Boullongne
Paris, cathédrale Notre-Dame de Paris ; saisi à la
Révolution, 1793 ; Paris, dépôt des Petits-Augustins ; Paris, Muséum des arts,
1794 ; envoyé au musée spécial de l’école française à Versailles, 1797 ; Paris,
musée Napoléon, 1806 ; Paris, cathédrale Notre-Dame, 1807 ; don du chapitre de
la cathédrale Notre-Dame de Paris au musée du Louvre, 1862.
Une mise à jour sera faite après mon prochain passage à ND de Paris
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