vendredi 27 décembre 2024

Les Mays de ND de Paris et les dons du chanoine de La Porte

 


Les Mays de Notre-Dame sont de grands tableaux commandés par la corporation des orfèvres parisiens en accord avec les chanoines pour les offrir le 1er mai à Notre-Dame. Ils sont réalisés entre 1630 à 1707 par des peintres célèbres à leurs époques.

Le May, offrande de la corporation des orfèvres


Les orfèvres de Paris

Le 1er mai 1449, la corporation des orfèvres parisiens inaugure l’offrande du May à Notre-Dame de Paris. Leur forme évolua : arbre décoré de rubans, tabernacle orné de scènes bibliques de 1482 à 1604, puis de 1606 à 1629, tabernacle de forme triangulaire dans lequel s’insère directement (sur l’une de ses faces) un tableau peint sur bois, appelé « petit may ».

Les actes des apôtres

Avec la Renaissance, la peinture religieuse de grand format apparait dans les églises. A Paris, au XVIIe siècle, de grands retables peints décorent les maîtres-autels. A partir de 1630, de grandes toiles de plus de trois mètres de hauteur, illustrant les actes des apôtres, remplacent les petits Mays. Par ailleurs, le cinquième livre du Nouveau Testament rassemble les récits concernant Les Actes des Apôtres, écrits par saint Luc. Ils relatent l’activité missionnaire des premiers disciples de Jésus.

En définitive, le thème des toiles, choisi en collaboration avec les chanoines de la cathédrale, invite les peintres à soumettre leurs esquisses.

Une opportunité pour les peintres

D’abord placés devant l’autel de la Vierge, les grands Mays, se retrouvent accrochés aux piliers de la nef centrale. Au fur et à mesure que la collection s’agrandit, la localisation des Mays change. Il est possible de les retrouver dans les chapelles, les arcades du chœur ou du déambulatoire. Les artistes choisis sont généralement des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture fondée en 1648. Cependant, la commande d’un May est un honneur convoité. La réalisation appartient souvent aux jeunes peintres, au talent prometteur. A une époque où les musées n’existent pas, l’exposition d’une œuvre dans la cathédrale leur procure l’opportunité d’une exposition publique permanente. De ce fait, ces commandes prennent la forme d’un concours et une véritable émulation anime les peintres. Ils y accordent donc un soin particulier pour parfaire leur réputation. Les collectionneurs cherchent également à en acquérir l’esquisse ou à en commander une seconde version.

Une série de tableaux partiellement conservée

En 1708, la dissolution de la corporation des orfèvres est due à difficultés financières. De fait, les commandes cessent. C’est pourquoi, les révolutionnaires saisissent les grands Mays, comme les autres biens ecclésiastiques, en 1793. Sur soixante-treize tableaux commandés par la confrérie entre 1630 et 1707, seuls cinquante et un se retrouvent encore au musée Petits-Augustins ou au Louvre. Dans l’ensemble, la production picturale à Paris au XVIIe siècle reste emblématique de la l’excellence. Finalement, l’évolution du goût permettent à certaines peintures de prospérer, alors que certaines, négligées par la critique, se font oublier.

Puisqu’au XIXe siècle, le décor est jugé encombrant et désuet, lors des restaurations, Eugène Viollet-le-Duc ne retient que quelques œuvres pour décorer des chapelles de la cathédrale. Les autres tableaux sont répartis ailleurs en France entre des églises, le Musée du Louvre, et les musées des Beaux-Arts en région, où ils sont exposés.


Œuvres présentées dans les chapelles de Notre Dame, avant l’incendie de 2019 :


La Descente du Saint-Esprit par Jacques Blanchard – 1634

Le May de 1634 peint par Jacques Blanchard illustre le thème de la Pentecôte. Dans les textes, cinquante jours après Pâques, l’esprit de Dieu, symbolisé par des langues de feu, souffle sur les apôtres.

Les apôtres sont rassemblés autour de Marie, assise à droite. Ils manifestent leur surprise à la vue des langues de feu qui se posent sur leurs têtes. Une architecture de style grec, garnie de colonnes ioniques, sert de décor. La composition est campée en croix, la variété des attitudes et des émotions rendent la scène dynamique.

Jacques Blanchard a 34 ans lorsqu’il peint cette toile. La critique reconnait en lui le talent d’un peintre prometteur. Blanchard a retenu de son voyage en Italie la leçon des maîtres italiens : il intègre avec subtilité les jeux de lumières sur les différents plans de la composition.


Saint Pierre guérissant les malades de son ombre par Laurent de la Hyre – 1635

Le May de 1635, peint par Laurent de La Hyre caractérise la peinture classique française en vogue à Paris dans les années 1630-1640. Le thème est tiré des « Actes des apôtres ».


La composition se lit par plans successifs tels que le fil de l’histoire. Au premier plan, un jeune enfant pleure la mort de sa mère qui vient d’expier. Elle apparait blafarde, allongée, la main tout juste abandonné sur son enfant. Au second plan, Pierre, isolé au centre de la composition passe parmi les malades. Il évoque ainsi l’apôtre désigné par le Christ comme « la pierre sur laquelle bâtir l’Église». Son ombre se projette sur un homme au visage bandé qui l’implore à ses pieds. Il incarne alors l’allégorie de l’Église par laquelle les prodiges se réalisent. Au troisième plan, sous la colonnade de Salomon, d’autres malades sont au sol ou soutenus par des femmes.

 Le thème du secours porté aux malades rappelle la charité de l’Église et l’Hôtel-Dieu, à proximité de la cathédrale. En effet, il s’agit d’un lieu d’hospice pour les pauvres et les malades. Le teint blafard de la femme morte, évoque également les épidémies de peste qui sévissent en France vers 1630.

Laurent de la Hyre (1606-1656)

De la Hyre traduit son goût de l’antiquité et de la culture classique par le décor antique de ses œuvres. Sa palette se caractérise par une harmonie de couleurs claires et pures. A Paris, il se présente comme un jeune peintre prometteur lorsque la confrérie lui commande le May de 1635. Finalement, le tableau trouve sa place dans le transept nord de la cathédrale. L’engouement autour de son œuvre lui permet alors d’accéder à une nouvelle commande : l’illustration de La conversion de saint Paul.


La Conversion de saint Paul par Laurent de la Hyre – 1637

Le May de 1637, peint par Laurent de La Hyre, raconte un épisode de la vie de saint Paul. Alors qu’il est un soldat romain qui persécute les chrétiens, il est saisi de la vision du Christ sur la route de Damas.


Pour interpréter la soudaine conversion de Saül, Laurent de la Hyre illustre le moment où le Christ lui apparait dans le ciel et lui dit : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? ». D’abord, le Christ est représenté dans le ciel, en haut à gauche. Renversé au sol, Paul est en tenue de légionnaire romain. Ainsi, il regarde le Christ, ébloui. Un soldat cherche à le relever tandis que la forte lumière aveugle l’escorte. D’autre part, la composition campe solidement entre jeux de spirales et lignes obliques. Les attitudes agitées des personnages offrent une grande dynamique à la scène. Dans l’ensemble, la grande expressivité des émotions met en lumière l’esprit baroque. La lumière éblouissante au milieu d’un ciel orageux accentue l’effet dramatique.


Le Centurion Corneille aux pieds de saint Pierre par Aubin Vouet – 1639

Le May de 1639, représente le moment où Pierre arrive à Césarée à la rencontre de Corneille. Le centurion se prosterne et Pierre lui dit « Lève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi ». Ce tableau est peint par Aubin Vouet.


Le peintre choisit de retenir le dernier verset du récit : « Lève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi. » Au milieu, à droite, l’apôtre Pierre relève le centurion, prosterné. Ainsi, la famille de Corneille se place symboliquement du côté gauche, le côté proscrit. Une femme, tenant un enfant, pointe son doigt vers Pierre. Comme dans le texte, des frères de Jaffa se tiennent près de lui. Par ailleurs, les grandes colonnes du second plan rappellent les piliers de la cathédrale. Il s’agit d’un lien symbolique pour les fidèles entre l’histoire passée et le lieu présent, dans lequel ils se trouvent. Ce tableau illustre l’intérieur de la chapelle Saint-Pierre.

Aubin Vouet (1595-1641)

Aubin Vouet se spécialise dans les grandes peintures mythologiques et religieuses. Quant à son voyage à Rome, il lui apprend la leçon de Caravage : éclairage puissant, palette aux coloris vifs et grands drapés rythmant la scène. Comme son frère Simon Vouet, peintre attitré de Louis XIII, il dessine des compositions où il prête au sujet plus d’emphase, notamment en surélevant les personnages. Tombé dans l’oubli, il bénéficie pourtant à son époque d’une solide réputation. Il est l’un des premiers peintres à recevoir la commande du May de Notre-Dame ; honneur renouvelé à trois reprise en 1632, 1639 et 1640.

 

 

La Prédication de saint Pierre à Jérusalem par Charles Poerson – 1642

Le May de 1642 est un tableau peint par Charles Poërson. Il représente saint Pierre, prédicateur à Jérusalem. D’après saint Luc, dans Les Actes des Apôtres, Pierre proclame : « Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés ».


La scène illustre le verset 40, lorsque Pierre interpelle son auditoire en leur disant « Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés ». Le peintre évoque subtilement la « génération tortueuse » par les colonnes antiques tordues, en forme de S, et l’homme craintif de dos qui s’y accroche et se contorsionne. Campé au milieu de la composition, saint Pierre lève les bras. Ainsi vêtu de jaune, il représente l’espérance. D’un côté, il pointe le ciel de sa main gauche. Tandis que de sa main droite il semble bénir la foule d’un geste protecteur. Au premier plan, à droite, une femme étendue au sol retient son nourrisson. Elle semble frappée d’une lumière divine, allégorie de la lumière de Dieu qui protège la mère et l’enfant. Vêtue de bleu, elle symbolise la couleur donnée traditionnellement au vêtement de Marie à cette époque. Le tableau se trouve dans la chapelle Saint-Pierre.

 

Charles Poërson (1609-1667)

Charles Poërson est l’élève de Simon Vouet, peintre du roi Louis XIII et très réputé à Paris vers 1630-1640. Le sens du mouvement, le jeu des mains et les draperies peints par Vouet sont de grandes influences pour Poërson. Les sculptures de Michel Ange inspirent également les torses musclés de ses œuvres, notamment « l’esclave rebelle » (Musée du Louvre). L’œuvre appartient alors aux collections de Richelieu, où Charles Poërson a pu la voir. Michel Ange sculpte ce marbre dans une période de grands troubles politiques à Rome. Ainsi, il interprète cette période dans son œuvre par le maniérisme de l’attitude. Par résonance politique, l’œuvre évoque les troubles politiques subis par Louis XIII et Richelieu à la même époque pour lutter contre le protestantisme et rivalités européennes.

 

Le Crucifiement de saint Pierre par Sébastien Bourdon – 1643

La corporation des orfèvres parisiens commande à Sébastien Bourdon le May de 1643. Il représente le martyr de saint Pierre crucifié la tête en bas selon son souhait.

 


Le peintre place la scène du crucifiement essentiellement au centre du tableau. Les jeux d’obliques de la composition donnent une impression d’agitation pour interpréter le désordre ambiant à Rome à cette époque. De même, la statue antique qui vacille souligne ce désordre, en parallèle à la chute de l’empire romain. Les attitudes et postures des personnages montrent également un certain déséquilibre. L’éclairage puissant centré sur Pierre, et les bourreaux de droite, accentue l’effet théâtral et dramatique de la scène. En bas à gauche, Marcel ou Apulée, disciple de Pierre, se vêt comme les chanoines. Il lui parle et le conforte alors sur la pérennité de son engagement. Du reste, un ange dans le ciel présente une couronne de fleurs. Cette couronne alignée avec le visage de saint Pierre symbolise le lien spirituel de la foi, entre la terre et le ciel.

 

Sébastien Bourdon (1616-1671)

Sébastien Bourdon est un jeune peintre de 27 ans lorsqu’il reçoit la commande du May de Notre Dame. Il est arrivé à Paris à 23 ans après un voyage à Rome où il étudie les grands maîtres de la peinture. Il séduit sa clientèle parisienne grâce à sa palette colorée et à la complexité de ses compositions.

 

Le Crucifiement de saint André par Charles Le Brun – 1647

Premiers disciples de Jésus avec son frère Pierre, le vieil homme est crucifié sur ordre du proconsul Egéas vers l’an 60.


Le peintre représente la scène en deux registres. En haut, le proconsul Égéas, assis à son tribunal, vient d’ordonner la mort d’André, lié sur la croix par les pieds et les mains. Les bourreaux arrachent ses vêtements et le préparent au supplice, tandis que les soldats dispersent la foule qui proteste. André est crucifié sur une croix en forme de X qui porte depuis le Moyen Age le nom de croix de saint André. Ce signe est d’ailleurs bien connu des chrétiens.

Pour identifier facilement l’apôtre, le peintre représente saint André dans une attitude d’exaltation. En d’autres termes, bras et jambes écartés rappelant la forme en X de la croix de son martyr. Le vieil homme invoque alors le ciel où un angelot lui montre les palmes, symboles de gloire, dont les cieux l’honorent. Malgré la profusion des personnages, Le Brun dégage une lecture simple de la scène grâce à une lumière franche posée sur le saint martyr et l’ange.

Charles Le Brun (1619-1690)

Charles Le Brun s’est formé dans l’atelier de Simon Vouet, peintre du May de 1640, La délivrance de saint Pierre. Après quatre années passées à Rome à étudier les grands maîtres, il retourne à Paris en 1646. Nommé dès l’année suivante Peintre et Valet de chambre du Roi. A la même période, il reçoit la commande de ce May de 1647.


Saint Paul rend aveugle le faux prophète Barjesu et convertit le proconsul Sergius 

par Nicolas Loir – 1650


L'épisode est tiré du chapitre XIII des "Actes des apôtres" (versets 8-12). Alors qu'il était à Paphos, sur l'île de Chypre, prêchant la parole de Dieu devant le proconsul Sergius Paulus, saint Paul fut interrompu et contredit par le magicien Barjésus (appelé aussi Élymas) ; il fit appel à l’Esprit Saint et rendit temporairement aveugle le faux prophète. Suite à ce miracle, le proconsul se convertit au christianisme.

 Tableau conservé dans des réserves hors de la cathédrale


La Lapidation de saint Étienne par Charles Le Brun – 1651

Ce May, offert par la corporation des orfèvres à Notre-Dame en 1651 est peint par Charles Le Brun. Il représente le martyr de saint Etienne tel que décrit dans les Actes des Apôtres.


Avant tout, le tableau représente le moment où Étienne est traîné hors de la ville de Jérusalem. Son martyr a supposément lieu à la Porte de Damas. On l’observe, étendu sur le sol, les bras écartés, lapidé par ses bourreaux. Alors qu’un autre groupe, assiste à la scène. Le jeune Saül fait référence à Saül de Tarse convertit sur le chemin de Damas à Jérusalem (cf La Conversion de saint Paul de 1637). Dans le ciel, des anges portent Dieu le Père et le Christ. Le Christ porte ainsi sa croix et tend la main vers le jeune martyr qui le contemple.

Charles Le Brun (1619-1690)

Charles Le Brun a reçu la commande de ce May de 1647. Toutefois, lorsqu’il peint ce tableau en 1651, sa réputation est déjà solide. Grâce à Mazarin, il vient d’entrer au service de Louis XIV après avoir fondé en 1648 l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Le tableau se trouve dans la chapelle saint Éloi, patron des orfèvres, dont la corporation finance les Mays de Notre Dame. De cette manière, ils rendent hommage autant au premier martyr chrétien qu’à l’illustre artiste du roi.

 

La Flagellation de saints Paul et Silas par Louis Testelin – 1655


Tableau conservé dans des réserves hors de la cathédrale


Saint André tressaille de joie à la vue de son supplice par Gabriel Blanchard – 1670


Tableau conservé dans des réserves hors de la cathédrale


Le Prophète Agabus prédisant à saint Paul ses souffrances à Jérusalem par Louis Chéron – 1687

Le May de 1687 illustre le thème de la confiance et de la foi de saint Paul. Face à Agabus, disciple de Jésus, qui prédit sa mort il répond « je suis prêt ». Le tableau est peint par le Louis Chéron.


Agabus, assis au centre de la composition, lève le bras droit vers la colombe, symbole du Saint-Esprit. Il prédit à Paul son futur martyr. Paul se situe à gauche de la composition, au milieu de quatre disciples, dont l’un se lamente à ses pieds. Toutefois, son attitude est paisible, les bras ouverts en signe d’acception. Ce geste interprète le texte de saint Luc « je suis prêt ». D’autre part, il indique de sa main gauche la ceinture liée au pied d’Agabus par laquelle il est prêt à mourir en martyr. A droite, un groupe de femmes exprime leurs émotions à l’annonce de la prédication. La lecture de la composition est claire et lisible. Bien que Agabus soit au centre de la scène, l’artiste rappelle que le principal protagoniste de la scène est saint Paul qu’il vêt de rouge, couleur du rang des cardinaux et du sang des martyrs.

 

Louis Chéron (1660-1725)

Louis Chéron, un peintre parisien, honoré par deux fois du Prix de Rome en peinture. A Rome, il étudie Raphaël et le maniérisme italien. En effet, on retrouve l’influence de Raphaël dans l’architecture classique du fond de la scène et la monumentalité des personnages aux amples drapés, tel qu’il a pu les voir dans les Chambres de Vatican. Le maniérisme s’exprime à travers les couleurs acides et sombres à droite de la composition. Il a vingt-sept ans lorsqu’il livre sa commande. La chapelle Notre-Dame de Guadalupe accueille son May, malgré un succès de courte durée. D’origine protestante, l’exiler à Londres lui est inévitable. En revanche, c’est dans cette ville qu’il gagne sa renommée. Plus tard, son enterrement a lieu l’église Saint-Paul de Covent Garden.

 

 Les fils de Sceva battus par le démon par Mathieu Elias – 1702


Offert à la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1702 ; mentionné dans la nef du côté cloître depuis la porte d’entrée entre 1715 et 1728 ; mentionné sous les bas-côtés de la nef du côté cloître en entrant de 1742 à 1779 ; mentionné dans la chapelle Sainte-Geneviève de 1781 à 1793 ; restauré en 1781 ; envoyé au musée spécial de l’École française au château de Versailles en 1798 ; transféré à Notre-Dame de Paris en 1802 ; restauré en 1844 par Capados Pereira ; donné par le chapitre de Notre-Dame de Paris au Musée du Louvre en 1862 ; mentionné dans les réserves du Musée du Louvre en 1942 ; mis en dépôt par le Musée du Louvre à la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1963 ; état général assez satisfaisant, très empoussiéré en 2006, dépoussiérage en 2008).


Pour aller plus loin, d’autres tableaux de ND de Paris

 

Un ensemble de huit grands tableaux illustrant la Vie de la Vierge est commandé au XVIIIe siècle pour décorer le chœur de Notre-Dame.

La Visitation peinte par Jean Jouvenet en 1716 est l’œuvre la plus appréciée en son temps.

 

La Visitation par Jouvenet (1716)


Parmi les huit grands tableaux qui ornaient le chœur, seul celui-ci demeure aujourd’hui à Notre-Dame. Il témoigne avec force du décor grandiose mis en place au début du XVIIIe siècle.

Signature : J. JOUVENET. DEXTRA PARALYTICUS. SINISTRA PINXIT 1716

Inaccessible depuis l’incendie


Le don du chanoine de La Porte

En 1709, le chanoine de La Porte (1627-1710), instigateur financier du Vœu de Louis XIII et de la refonte du chœur, décide d’offrir à la cathédrale un ensemble de tableaux sur le thème de la vie de la Vierge, dont la Visitation. Lorsqu’il décède à 83 ans, en 1710, l’œuvre est inachevée. Grâce à l’héritage qu’il lègue à Notre- Dame, les huit tableaux sont finalisés et placés dans le chœur de la cathédrale en 1715. Les thèmes et artistes retenus sont les suivants :

La Visitation de Jouvenet (1716)

L’Annonciation de Hallé (1717)

(La Nativité et)  l’Adoration des Mages de Charles La Fosse

l’Assomption et Jésus au temple de Coypel

La Fuite en Égypte et la Présentation au Temple de Boullongne.

 

Soucieux de sa postérité, le chanoine se fait représenter à la même époque dans un grand tableau de Jean Jouvenet : La messe du chanoine de La Porte.


La messe du chanoine Antoine de La Porte vers 1710 
par Jean Jouvenet, INV 5502 ; MR 1861
Musée du Louvre


Les aléas de l’histoire

Lors des saisies révolutionnaires, les peintures sont transférées au Museum à Versailles. Durant ce transfert, trois toiles disparaissent. Plus tard, dans le cadre du Concordat, Napoléon Ier accorde la restitution des cinq toiles subsistantes. Elles retrouvent donc leurs places dans la cathédrale en 1807, accrochées dans de nouveaux cadres.

Lorsque Eugène Viollet-le-Duc restaure la cathédrale au XIXe siècle, il note dans ses carnets : « à l’occasion du baptême du Prince impérial, le 14 juin 1856, les tableaux ont été descendus et qu’on a pu voir ainsi les avantages qu’il y aurait pour le culte […] à ne pas replacer ces tableaux qui bouchent les arcades des bas-côtés et assombrissent toute cette partie latérale du chœur ». Il ajoute : « cet enlèvement permettrait de restaurer des piliers gravement endommagés et sapés, de manière à compromettre la solidité de l’édifice ».

 Dans les années 1860, le musée du Louvre expose les toiles. Seule la Visitation de Jouvenet revient à la cathédrale en 1947.


Le tableau de la Visitation

La scène illustre la visite de Marie, enceinte du Christ à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean-Baptiste. Pour cette rencontre, elle voyage depuis Nazareth en Galilée jusqu’à Hébron en Judée. Marie, accompagnée de Joseph, se place à droite avec leur âne. Sur la gauche, le prêtre Zacharie, époux d’Élisabeth se tient en retrait. Cette scène symbolise traditionnellement la prophétie de Jean Baptiste, en d’autres termes, le lien entre l’ancien monde et le nouveau monde. Elisabeth apparait comme une vieille femme. Dans sa composition, le peintre ne retient pas l’épisode traditionnel de la rencontre de Marie où les deux femmes dialoguent mais celui, plus rarement traité, du « Magnificat ». Marie, glorieuse, lève les mains et yeux vers le ciel, auréolée de lumière. Le peintre accentue l’effet de gloire en plaçant les deux femmes surélevées sur des marches au centre du tableau, et l’ensemble des personnages disposés en cercle autour d’elles.

 Tout à fait à gauche de la composition, l’artiste s’est représenté à côté du chanoine de La Porte. Le chanoine est déjà mort depuis six ans à la date où Jouvenet peint l’œuvre. Toutefois, il l’a déjà portraituré par deux fois et s’en inspire dans cette reprise. Jouvenet use d’une tradition ancienne dans la peinture religieuse de représenter son commanditaire dans le tableau. Quant à l’au portrait du peintre (mort l’année suivante), il se représente jeune, sous un profil plus idéalisé que réaliste.

 Jean Jouvenet (1644-1717)

Jean Jouvenet entre à 17 ans au sein de l’atelier de Charles Le Brun, premier peintre de Louis XIV, auquel Notre Dame a commandé deux Mays. Notamment, Le Crucifiement de saint André (1647) et La lapidation de saint Étienne (1651). Il travaille pour Versailles et reçoit de nombreuses commandes du roi. De fait, il devient directeur de l’académie de peinture en 1705.

 En 1673, l’artiste n’a que 29 ans lorsque le chapitre de Notre-Dame lui commande un May sur le thème de La guérison du paralytique. Ce thème est une coïncidence fortuite. En effet, lors qu’il peint La Visitation, il est âgé de 72 ans, et souffre depuis trois ans d’une paralysie de la main droite suite à une crise d’apoplexie. Travailleur acharné, il s’habitue à peindre de la main gauche. Il date et signe son tableau sur la première marche: « J. Jouvenet dextra paralyticus sinistra fecit 1716 »., c’est-à-dire « fait de la main gauche car la droite est paralysée ».

 Un style à la mode

La gestuelle de Charles le Brun, lui-même influencé par Rubens, influence le style de Jouvenet. Il s’intéresse à créer des effets théâtraux dans le mouvement des drapés tout en gardant une fraîcheur de tonalité. Ainsi, le sujet revêt une emphase très appréciée par le roi. L’artiste se copie lui-même en reprenant la modèle de la Vierge qu’il a peint dans La Descente du Saint-Esprit de la chapelle du château de Versailles. Cette nouvelle représentation de la Vierge qui plait au roi, plait à la cour et devient à la mode. C’est pourquoi cette Visitation, connue et admirée par ses contemporains, a été plusieurs fois copiée au XVIIIe siècle.


 Saint Thomas d’Aquin, Fontaine de Sagesse par Antoine Nicolas (1648)

Ce tableau du XVIIe siècle témoigne de la ferveur des catholiques à l’égard de saint Thomas d’Aquin. Ce dominicain étudie puis enseigne la théologie à l’université de Paris au milieu du XIIe siècle. Ses écrits, rédigés à Paris, sont contemporains de l’ouverture de Notre-Dame.


Épargné lors de l’incendie de ND


Saint Thomas d’Aquin (1225-1274)

Né en Italie, Thomas d’Aquin entre dans l’ordre dominicain en 1244. Il vient à deux reprises étudier à l’université de Paris en 1245 et 1252. Il est probable qu’il fréquente Notre-Dame dont le premier chantier vient toujours juste de s’achever sous le règne de saint Louis. Parti enseigner la théologie à Rome, il retourne à Paris en 1268 alors que des querelles morales autour des pensées d’Aristote font rage dans l’Église. Là, durant quatre ans, il écrit la majorité de son œuvre. Ses propos questionnent la foi et l’existence de Dieu à travers la nature et la connaissance du monde. Ainsi, il associe théologie et philosophie. Somme toute, ses écrits portent sur l’âme, le corps, les passions, la liberté et la béatitude.

Considéré comme père spirituel de l’Église, inhumé à Toulouse puis canonisé en 1323, il obtient en 1567 le titre de docteur de l’Église. A cette époque, ses écrits sont contestés par les protestants lors de la Réforme. Au milieu du XVIIe siècle, l’enseignement de saint Thomas d’Aquin est largement diffusé par l’Église catholique. Sa renommée s’accroit lorsqu’Ignace de Loyola le choisit comme maitre spirituel de l’ordre des jésuites, dont Louis XIII et Louis XIV soutiennent l’enseignement.

Le tableau

Identifiable par son titre de doctor angelicus, inscrit sur le piédestal, saint Thomas d’Aquin s’illustre assis au centre, vêtu de l’habit dominicain. Il tient un crucifix de la main droite, et un livre ouvert de la main gauche. Il porte également une parure composée d’un soleil d’or sur une chaine et une chape étoilée. C’est avec ces ornements qu’il apparait en vision au dominicain Albert de Brescia au XIIIe siècle. Saint Augustin explique que son enseignement a éclairé l’Église comme ce soleil sur sa poitrine. Par conséquent, soleil et chaîne dorée deviennent les attributs iconographiques de saint Thomas d’Aquin.

De part et d’autre du saint, des personnages tendent des écuelles pour boire à la source jaillissante. Une inscription au bas de la toile indique  Hi puros promunt divino e fontes liquores  qu’on peut traduire par  Eux tirent de pures liqueurs de la fontaine divine. Sa théologie se compare à une  liqueur  spirituelle qui abreuve les âmes qui ont soif de connaître Dieu. Les religieux autour de saint Thomas d’Aquin appartiennent à divers ordres religieux : dominicain, carmélite, franciscain, capucin. Parmi eux, figure un roi (le jeune Louis XIV ?) paré de l’hermine. Deux jeunes gens au premier plan ont également accès à la source.

 Antoine Nicolas

Antoine Nicolas, originaire de Langres, peint se tableau en 1648, l’époque de la Régence. A cette période, Louis XIV est un jeune roi mais ne gouverne pas encore. On ignore donc l’origine de cette commande. La communauté des Dominicaines de Saint-Maur-des-Faussés conserve le tableau avant de le donner au couvent dominicain de l’Annonciation du faubourg Saint-Honoré à Paris vers 1950. Le couvent en fait don à Notre-Dame de Paris à l’occasion du 700e anniversaire de la mort de saint Thomas d’Aquin en 1974.


L’Annonciation de Hallé

l'Annonciation 1717 Hallé, Claude-Guy France inv. MI 311 Musée du Louvre

Commandé entre 1715 et 1717 pour remplacer une première toile commandée vers 1710 grâce à la générosité du chanoine Antoine de La Porte (1627-1710), pour orner le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, avec sept autres tableaux par Louis de Boullongne, "Le Repos pendant la fuite en Egypte", M.I. 305 (déposé à Arras, musée des Beaux-Arts, 1938), et "La Présentation au temple", M.I. 306, Antoine Coypel, "L'Assomption de la Vierge" (disparu) et "Jésus au temple" (Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), chapelle des Pénitents Blancs), Jean Jouvenet, "La Visitation", M.I. 314 (déposé à Paris, cathédrale Notre-Dame, 1949), et Charles de La Fosse, "La Nativité", INV. 3562, et "L'Adoration des Mages", M.I. 316.

Chacun des tableaux a été payé 2500 livres. Ils furent accrochés au-dessus des stalles du chœur entre 1715 et 1717.

La toile initialement commandée à Claude Guy Hallé fut mise en place en 1715 mais remplacée dès 1717, probablement pour des raisons d’iconographie religieuse, par la peinture aujourd’hui conservée au Louvre. Elle a été gravée par Jacques François Blondel pour "L’Architecture française" de Mariette (1727), sans doute d’après un dessin exécuté en 1716, et vendue par Claude Guy Hallé lui-même en 1735 (Willk-Brocard, 1995 ; Marandet, 2017). La version conservée au musée du Louvre a été gravée par Nicolas Henri Tardieu.

Paris, cathédrale Notre-Dame de Paris ; saisi à la Révolution, 1793 ; Paris, dépôt des Petits-Augustins ; Paris, Muséum des arts, 1794 ; Paris, cathédrale Notre-Dame, 1802 ; don du chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Paris au musée du Louvre, 1862.


La Nativité et l’Adoration des Mages de Charles La Fosse

l'Adoration des Mages  1715  Charles de La Fosse, inv. MI 316 Musée du Louvre


Charles de La Fosse, l’infatigable peintre novateur et le décorateur le plus admiré de la fin du XVIIe siècle, est tombé dans l’oubli comme nombre de ses contemporains. Il a pâti du qualificatif dépréciatif d’artiste « de transition » qui établit le lien entre deux génies, Charles Le Brun et Antoine Watteau.

Exact contemporain de Louis XIV (1638-1715), il fut pourtant le seul artiste de sa génération à participer à tous les chantiers royaux. Des Tuileries à l’abside de la chapelle royale de Versailles, il décora le salon d’Apollon dans les Grands Appartements puis participa à la commande du Grand Trianon en 1688. Après le château de Marly, il fut sollicité pour le château de Meudon et pour l’église des Invalides dont il décora le dôme. Les mécènes les plus puissants comme la Grande Mademoiselle ou lord Montagu ne lui manquèrent jamais. Sa carrière fut brillante et ce jusqu’à sa mort à quatre-vingts ans. Il effectua comme il se devait son apprentissage auprès de Charles Le Brun. En 1658, il gagna l’Italie, Rome, puis Venise où il séjourna de 1660 à 1663, tournant décisif dans l’évolution de son art qui fera de lui l’un des « coloristes » les plus influents dans la querelle les opposant aux poussinistes. Dès 1681, avec Le Sacrifice d’Iphigénie dans le salon de Diane au château de Versailles, il adopta les leçons de Rubens pour ne plus les quitter. L’année 1699, qui marque l’apogée de sa carrière, voit en effet son ami Jules Hardouin-Mansart devenir surintendant des Bâtiments du roi et sa propre nomination à la tête de l’Académie royale de peinture et de sculpture, tandis que Roger de Piles, le plus tenace défenseur du parti coloriste, intègre cette institution avec le rang de conseiller. Au tournant du siècle, il adopta un ton gracieux dans ses tableaux de chevalet, comme dans le célèbre Moïse sauvé des eaux du musée du Louvre, avec des reflets scintillants sur les draperies et les arbres floconneux qui préfigurent l’esthétique rococo et ouvrent la voie à la peinture du XVIIIe siècle. À la fin de sa vie, le soutien qu’il apporta à Antoine Watteau avec qui il cohabita chez Pierre Crozat explique en grande partie sa redécouverte récente par le marché international. Ce dernier s’inspira en effet de la technique graphique de La Fosse, celle des trois crayons où le relief des formes se marie avec bonheur à la délicatesse des épidermes. Alain Mérot juge que « La Fosse, ce “maître des Modernes”, a accompagné – et finalement réalisé – la recomposition du grand art français à la fin du règne de Louis XIV ». L’hommage qui lui est rendu en 2015 au château de Versailles lui a restitué son rang, celui du peintre le plus influent de la seconde partie du règne de Louis XIV.

Charles de la Fosse à Versailles : ici


La Fuite en Égypte de Boullongne


Le repos pendant la fuite en Egypte ; 1715
Boullogne, Louis II de, dit Le Jeune (Paris, 1654 - Paris, 1733)
inv : MI 305 ; D 938 16 – musée du Louvre
Signé, daté en bas à gauche : L. DE BOULLONGNE FIC. 1715

Paris, cathédrale Notre-Dame ; saisi à la Révolution ; Paris, dépôt des Petits-Augustins, 1793 ; Paris, Muséum des arts, 1794 ; Paris, cathédrale Notre-Dame ; don du chapitre de la cathédrale Notre-Dame au musée du Louvre, 1862, Dépositaire : Musée des Beaux-arts, Arras


Tout étant possible : 

Le repos pendant la Fuite en Égypte
Louis II de BOULLOGNE (Paris 1654 - 1733), dit le jeune 

NANTES  BELLE VENTE MOBILIERE le samedi 26 novembre 2022

Louis II de BOULLOGNE (Paris 1654 - 1733), dit le jeune - Le repos pendant la Fuite en Egypte. Toile. Cadre : en chêne mouluré et doré d'époque Louis XV. Hauteur : 55 cm, Largeur : 65 cm (Soulèvements) Notre toile est à rapprocher du grand format commandé par le chanoine Antoine de La Porte (1627-1710) pour décorer le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, avec sept autres tableaux en tout, sur le thème de la vie de la Vierge. Ils ont été demandés à cinq artistes (Louis de Boullogne, Antoine Coypel, Claude-Guy Hallé, Jean Jouvenet et Charles de La Fosse) et furent accrochés au-dessus des stalles entre 1715 et 1717. Chacune fut payée 2500 livres. Le tableau final du "Le repos pendant la Fuite en Egypte", qui mesure 4,25 x 4,31 mètres, est aujourd'hui conservé au musée des Beaux-Arts d'Arras (dépôt du musée du Louvre). 

Concernant l'autre composition de Louis de Boullogne pour ce cycle, la Présentation au Temple (musée du Louvre), l'esquisse, ou plutôt le modello de présentation, a été acquise par le musée d'Art Roger-Quillot de Clermont-Ferrand en 2018. C'est une toile au même dimension que la nôtre. 

Bibliographie récente en rapport : catalogue de l'exposition "Les couleurs du ciel Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle", Paris, musée Carnavalet, 2012-2013, p.352 - 353. Expert : Cabinet Turquin.

Tableaux anciens (avant l’impressionnisme 1870)

Prix d’adjudication hors frais : 18800 €



La Présentation au Temple de Boullongne


La Présentation au Temple ; 1715 ; Boullogne, Louis II de, dit Le Jeune 
inv. MI 306 - musée du Louvre

Paris, cathédrale Notre-Dame de Paris ; saisi à la Révolution, 1793 ; Paris, dépôt des Petits-Augustins ; Paris, Muséum des arts, 1794 ; envoyé au musée spécial de l’école française à Versailles, 1797 ; Paris, musée Napoléon, 1806 ; Paris, cathédrale Notre-Dame, 1807 ; don du chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Paris au musée du Louvre, 1862.



Une mise à jour sera faite après mon prochain passage à ND de Paris



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