Le
comte d’Artois (futur Charles X) dans l’Aube en 1814
« Monsieur est parti de Paris le 8 septembre, à 6 h,
pour visiter l’Aube qui a le plus souffert des malheurs de la guerre, y porter
pour consolation première le bienfait de sa présence, sonder des plaies encore
récentes, et se rendre auprès des victimes des derniers évènements l’organe des
intentions bienfaisantes de Sa Majesté, l’interprète de ses dispositions
réparatrices… ».
Le frère du Roi, Son Altesse Royale Monsieur, à son
arrivée à la limite du département de l’Aube, est accueilli par le Préfet à
l’entrée du Mériot, près des ruines du village : « Puissent les impressions
douloureuses qu’éprouvera Votre Altesse Royale en voyant tant de villes et de
villages ruinés, tant de familles réduites à la mendicité par le pillage et
l’incendie, être au moins adoucies par l’impression de la joie qu’elle verra se
répandre à son aspect sur tous les visages naguère baignés de larmes… Au
bienfait de votre présence, nous osons vous supplier, Monseigneur, d’ajouter
celui d’être l’interprète de nos sentiments auprès du meilleur des rois.
Daignez lui dire que si ses enfants du Département de l’Aube ont le plus
remarquablement souffert des maux de la guerre dont leur pays fut constamment
le théâtre, ils ne méritent pas moins aussi d’être distingués par leur amour et
leur dévouement pour la race chérie des Bourbons».
Son Altesse passe la première sur le pont de
Nogent-sur-Seine détruit et qui vient d’être reconstruit en bois. Elle est
reçue à Nogent au milieu des acclamations publiques, sous des arcs de triomphe
de simple verdure. Cette ville, ruinée par la guerre, avec l’incendie de 130
maisons et le pillage des autres, ne peut témoigner que par des cris de joie
son bonheur de recevoir dans son sein le frère de son Roi…
La journée du lendemain fait éprouver au cœur de Son
Altesse des émotions encore plus douloureuses. Elle parcourt 39 lieues de poste
sur la ligne la plus dévastée, en passant par Méry, Arcis-sur-Aube, Lesmont,
Brienne, Dienville, La Rothière, Trannes, Arsonval, le Pont de Dolancourt,
Bar-sur-Aube, Vendeuvre (dont pas une maison n’a été exempte de pillage et
d’incendie, et où le tiers de la population est mort de la maladie qui a régné
à la suite de la guerre dans tout le département), Lusigny et Troyes. Sur cette
route, pas un village qui ne soit éprouvé des incendies, plusieurs sont
entièrement réduits en cendres.
« Son Altesse a bien voulu descendre à l’entrée de
Méry, où il ne reste que 26 maisons. Son Altesse, entourée de la foule des
malheureux à qui elle adresse les paroles les plus touchantes, est entré dans
une maison où une soixantaine d’habitants sont entassés sur la paille avec
leurs familles. Le reste s’est réfugié dans les caves des maisons brûlées ou
dans les villages voisins un peu plus épargnés. Quel spectacle que celui du
frère de notre Roi fondant en larmes, au milieu des plaintes et des
bénédictions de ces malheureux, et leur promettant une intercession auprès du
Roi et un secours sur sa propre cassette, qu’il a réalisé à son arrivée à
Troyes ».
A la porte de Troyes, accueilli par le Maire M. de
Courcelles, il traverse la ville, tapissée dans toute sa longueur, à la lueur
des illuminations et au milieu des cris de joie qui lui prouvent que les
malheurs de tout genre n’ont pas éteint dans le cœur des Troyens les sentiments
d’attachement à la race royale dont ils ont donné des preuves à diverses
époques de l’histoire. Le lendemain, après une messe à la cathédrale, Son
Altesse passe en revue les troupes et reçoit les députations. Elle accorde une
partie des secours proposés et promet ses bons offices auprès de Sa Majesté,
pour obtenir un dégrèvement considérable d’impôts. Elle donne au nom du Roi et
pour 2 ans, 60.000 solives par année, à prendre dans les coupes ordinaires, elle annonce un prêt de 150.000 francs pour 3
ans, pour achat de vaches en remplacement… Enfin, elle a la générosité de
donner sur sa propre cassette 36.000 francs pour les incendies… Bien qu’ayant
été prévenue à trouver dans le département des traces du ravage et de
l’incendie, la réalité a surpassé l’idée qu’elle s’en était faite.
Monsieur a daigné accorder des croix de la Légion
d’honneur à différents fonctionnaires et militaires.
Le 11, Son Altesse continue sa route « au milieu de
l’ivresse publique. Il n’est pas de village où elle ne se soit arrêtée pour
écouter les habitants et leur adresser des paroles de consolation ».
A Bar-sur-Seine, s’adressant aux habitants qui
obstruent toutes les avenues, Monsieur les assure que S.M. ne pense qu’au
bonheur de ses peuples et de les soulager après ces temps de guerre. Ces
paroles sont couvertes des cris de joie « mille fois répétés de Vive le Roi,
Vive Monsieur, Vivent les Bourbons ».
Sept mois plus tard, les populations accueillent le
rétablissement de l’Empire avec le même enthousiasme qu’elles ont témoigné aux
Bourbons. «Les municipalités prêteront serment à l’Usurpateur dans les mêmes
termes qu’elles faisaient au Roi un an auparavant ».
L’opposition n’apparaîtra dans l’Aube, qu’un an plus
tard, à la fin de 1815.
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