Le comte voue cette
institution aux pauvres, malades, femmes en couche, enfants trouvés,
incurables, blessés et prisonniers de guerre, et y affecte des biens et des
revenus. Il établit deux communautés de Saint-Augustin, une de religieux pour
la célébration de l’office et l’administration des sacrements, une de
religieuses pour le secours des infirmes. Les malades femmes sont conduites aux
sœurs et les hommes aux frères.
Si un frère ou une sœur dit des injures ou
fait des reproches aux malades, il est mis au pain et à l’eau pendant trois
jours. Lorsqu’un malade entre, on doit le confesser, le faire communier, puis
lui laver les pieds et le corps.
Si à la mort d’un frère
ou d’une sœur, on trouve en sa possession quelque argent ou autre chose de
prix, il n’est fait pour lui ni mémoire ni service; on ne l’enterre pas, on
doit " le jeter aux champs comme un chien pourri ". Les statuts de
ces religieux édictent aussi des peines contre les frères et sœurs, à l’égard
de l’ivrognerie, de la fornication et même à l’occasion de repas, pris en
ville, ou de " l’entrée dans des lieux connus suspects ".
Au Moyen-Age, les
hôtels-Dieu ont une double destination : offrir un abri aux pauvres voyageurs,
et recueillir et soigner les personnes, atteintes de maladies, soit mortelles,
soit guérissables.
D'après un règlement de 1263, l'hôpital ne reçoit pas les lépreux, les mutilés, les estropiés, les manchots ni les aveugles, leurs infirmités ne constituant pas des maladies guérissables. Les enfants trouvés ne sont pas non plus admis :" Si nous les recevions, dit le règlement, il en viendrait une telle quantité que les biens de la maison n'y suffiraient pas; ce n'est pas à nous, mais aux églises paroissiales que revient cette charge". On y reçoit les femmes en couches, mais autant que possible après leur accouchement, pour éviter les scènes de cris et de gémissements qui se produisent à ce moment-là. Elles y restent jusqu'à leurs relevailles.
Au début du XIIIe
siècle, l’Hôtel Dieu voit augmenter considérablement ses revenus, et reçoit des
biens de toute nature : par exemple, Isabelle de Raiz, donne Dodon le
charpentier, son homme de corps et sa famille; Hugues de Villemoyenne fait don
d’un Aubert le pêcheur, de sa famille , de tout ce qu’il possède en meubles et immeubles,
avec droit de pêche, dans la Seine; un chanoine de Saint Etienne veut que huit
poules soient distribuées, le jour des morts, aux malades les plus souffrants;
Guillaume de Putemonnoie, un chevalier, veut qu’il soit distribué aux pauvres,
chaque année, trois robes, valant ensemble 13 sous, et six paires de
souliers...
Les papes Célestin III,
Honorius III, Jean XXII et Urbain IV prennent cet hôpital sous leur protection.
Au XVe siècle, des
plaintes se manifestent de toutes parts contre les vices et les abus de
l’administration des établissements charitables par les religieux.
Les réclamations sont plus vives au siècle suivant. En 1527, le conseil de ville de Troyes signale le désordre et l’incurie qui règne à l’Hôtel-Dieu-le-Comte. Un édit du roi de 1534 donne satisfaction à ces plaintes. La direction spirituelle et les soins hospitaliers sont laissés aux religieux et religieuses, mais l’administration des biens, des revenus et des dépenses est confiée à quatre bourgeois élus par les habitants. Le contrôle n’est pas inutile : en 1538, la pitance journalière de cinq religieux est de 12 sous 6 deniers par jour, et celle des 30 à 40 pauvres que nourrit alors l’hôpital, est de 15 à 17 sous !
Au XVIe siècle, les chirurgiens barbiers font les opérations les plus graves, ils coupent les jambes, qui sont remplacées par des jambes de bois exécutées par des charrons. Dans certains cas, on appelle des empiriques pour les seconder.
En 1550, " on
creuse seulement 104 fosses, pour 17.454 pauvres entrés à l’Hôtel-Dieu ".
Pour remédier au
déficit, on transporte les reliques de St Barthélemy et de Ste Marguerite,
contenues dans deux bustes en bois sculpté polychromé et doré, avec une fente sur le
dessus, pour les aumônes (elles peuvent être admirées à la pharmacie de
l’Hôtel-Dieu). On a aussi recours aux quêtes dans les églises de la ville et de
la campagne, et les sœurs vont quêter dans les villages, du chanvre et des
œufs. La sagesse avec laquelle sont administrés les biens de l’Hôtel-Dieu plus
tard, permet de renoncer à ces quêtes.
La partie basse de ces sculptures en bois peint est recouverte de plaques d’argent et de cuire doré à la feuille d’or. Au sommet des crânes, une ouverture permettait d’accéder à la relique, aujourd’hui disparue. Originellement datés du XVe siècle, ces bustes sont parfois rattachés, par leur style, aux créations champenoises du début du XVIe siècle
En 1566, l’Hôtel-Dieu-le-Comte reçoit les malades, les femmes en couches et les enfants trouvés. Par arrêt lettres patentes de 1631, les six hôpitaux troyens sont réunis sous la seule administration de l’Hôtel-Dieu le Comte. C’est l’honneur de la civilisation chrétienne d’avoir suscité des efforts désintéressés pour remédier aux maux de l’humanité ou pour les combattre.
Par un arrêt de 1662,
le nombre de religieux est fixé à 10 et celui des religieuses à 14. En 1667,
les religieux ne se mêlent plus du spirituel, employés uniquement comme
soignants.
Lors de l'épidémie de
variole, plusieurs hospitalisés pour d'autres cas, ont contracté cette maladie,
en surplus. Ils venaient à l'hôpital pour être guéris et ils y attrapaient la
rougeole, la scarlatine ou l'érysipèle. C'était un comble, et l'on doutait des
progrès accomplis, depuis les lits de paille de la salle des Quarante-heures,
au temps miséreux du comte Henri.
La dégradation des bâtiments nécessite la reconstruction de l’hospice en 1733 le corps principal, puis l’aile droite. La chapelle actuelle est érigée en 1758.
La superbe grille en
fer forgé classée Monument Historique, date de 1760, et figure comme
chef-d’œuvre européen en serrurerie, à côté de l’ensemble de la place Stanislas
de Nancy. Le cadran solaire est posé en 1764.
L’ensemble est classé
monument historique en 1885. L’Hôtel-Dieu est transféré aux Hauts-Clos en 1957.
L’apothicairerie comprend deux pièces : la grande salle, restée dans son état du XVIIIe siècle, où sont conservés les produits et plantes destinés à l’élaboration des remèdes et l’officine servant à leur préparation. Originellement gérée par les sœurs augustines, l’apothicairerie est petit à petit administrée par un apothicaire qui travaille exclusivement pour les médecins de l’Hôtel-Dieu. Elle reste en fonction jusqu’en 1962, date à laquelle un hôpital moderne s’élève à l’extérieur du centre historique. Les sols et façades du bâtiment font l’objet de classement aux monuments historiques en 1964. En 1975, le centre hospitalier de Troyes, propriétaire des locaux, transfère la gestion des collections à la Ville de Troyes avec l’objectif d’en faire un musée. Aujourd’hui, outre l’apothicairerie, l’ancien Hôtel-Dieu-le-Comte abrite des locaux universitaires ainsi que des salles d’expositions dédiées à la valorisation patrimoniale du territoire et enfin, la Cité du Vitrail gérée par le Département de l’Aube.
Restée en l’état depuis
1725, la salle principale est un chef-d’œuvre à elle seule. Les boiseries d’époque
Louis XV servent d’écrins aux collections de boîtes et de faïences, datant
principalement du XVIe au XVIIIe siècle, également classées MH, respectivement en
1958 et 1984. Trésor parmi les trésors, les 319 boîtes en bois peint font
l’originalité de la collection et forment un ensemble unique en France. Ces
boîtes réparties sur six rayonnages, couvrant l’ensemble des murs, conservaient
les produits de base des remèdes, d’origine végétale, animale et minérale. Chacune
d’entre elles porte le nom du produit contenu, accompagné d’une illustration à
l’intérieur d’un cartouche. On y trouve des ingrédients d’origine locale ou de lointaine
provenance, d’Asie ou d’Amérique.
On y croise ainsi l’ipécacuanha, la mandragore, un pied de momie, des pierres précieuses, un crâne humain, un bernard-l’ermite… Les représentations peintes des produits sont majoritairement issues de l’ouvrage illustré de gravures et rédigé en 1695 par le marchand droguiste Pierre Pomet, L’histoire générale des drogues, dont un exemplaire est conservé dans le fonds patrimonial de la médiathèque JacquesChirac de Troyes.
Outre les collections de pharmacie et les éléments du trésor de la chapelle déposés par le Centre hospitalier de Troyes (1976), le musée conserve des objets issus de diverses donations. Parmi eux se trouve un magnifique ensemble d’anciens pots de pharmacie (albarelli, chevrettes, pots-canon, fontaines…) datant du XVIIe au XIXe siècle offert à la Ville de Troyes dans les années 1980 par le pharmacien et collectionneur Jean-Marie Denis.
En 1992, l’antenne délocalisée de l’Université de Reims ouvre ses portes à l’Hôtel Dieu, avec comme formations : Lettres et Sciences Humaines, Droit et Science Politique, Sciences Economiques et Gestion : deug d’Anglais et d’Histoire, certificat de capacité en droit, deug d’Administration Economique et Sociale, formation de qualité de niveau Bac + 2, +3, +4. Le bâtiment ancien abrite la Bibliothèque Universitaire. Le bâtiment neuf de 5.000 m² comporte 3 amphithéâtres de 1.000 places, qui sont dotés des derniers équipements technologiques de pointe.
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