Au " point central " de l’oppidum romain d’Augustabona, à quelques pas de la Cathédrale de Troyes, se dresse une construction de pans de bois et torchis, avec un portail monumental Louis XVI, édifié en cintre, avec une pierre d’armories scellée en son tympan, qui fait revivre le motif sculpté figurant autrefois en clé de voûte et que la Révolution a nivelé. Ce sont deux écus accolés timbrés d’une couronne de marquis.
Le premier se blasonne de gueules à trois macles d’argent, le second,
Gironné d’argent et de gueules de 12 pièces.
C’est à ces armes que la vieille demeure doit le nom
qu’elle porte : Hôtel Le Bascle d’Argenteuil, ou plus simplement : Hôtel
d’Argenteuil.
Ce manoir abritait postérieurement une vaste
hôtellerie : l’Hôtel des Carreaux (quarreaulx = trait d’arbalète de forme
carrée). Et sur le plan de la Ville de Troyes de 1769, il est situé n° 2096 de
la rue des Carreaux. La rue devient en 1851, rue Hennequin.
L’ensemble comprend un vaste corps principal de
bâtiments sur 33 m de largeur le long de la rue, deux ailes prennent naissance
à chacune des extrémités de ce corps principal profond de 10 m et 18 m vers la
rue de la Cité.
C’est là qu’au début du XVIe siècle, sont accueillis
les voyageurs et les étrangers.
Les bâtiments sont en 1565, la propriété de l’Abbaye
de Boulancourt, habitation personnelle d’Elion d’Amoncourt, son abbé.
Quelques années plus tard, tous les biens de
l’Abbaye font l’objet d’un partage et l’Hôtel des Carreaux devient la propriété
personnelle de son occupant, Elion d’Amoncourt, nommé en 1573, abbé de
Saint-Martin-ès-Aires et Prieur de Fouchères.
Après son décès en 1582, ses héritiers vendent en
1586, l’Hôtel des Carreaux à Pierre de Beurville et Marguerite de Hault son
épouse.
Au milieu du XVIIe siècle, Jean-Baptiste Dorigny,
Ecuyer, Seigneur de Fouchères et sa femme Marie de Beurville se rendent
acquéreurs de l’Hôtel des Carreaux, et y édifient la monumentale cheminée de
pierre sculptée qui existe encore de nos jours, dans la grande salle du
rez-de-chaussée. C’est alors que commence la période de splendeur de cette
demeure, qui devient pendant plus d’un siècle, le lieu de rendez-vous habituel
de la société troyenne : les de Vienne, les Mauroy, les Hennequin, les Pithou,
les le Pelletier, les Molé, les Angenoust, les Pothérat…
Après le décès de Jean-Baptiste d’Origny, l’hôtel revient à sa fille Jeanne d’Origny, Dame de Fouchères et Rosson, épouse d’Isaac Le Tanneur, Ecuyer, dont une fille , Anne-Elisabeth Le tanneur épousa François La Bascle d’Argenteuil, Chevalier, Conte d’Epineuil, Seigneur d’Argenteuil, Pouy, Launay, Regnault et autres lieux, Lieutenant-Colonel du Régiment, et devient au décès de madame Le Tanneur, sa mère, propriétaire par succession de l’Hôtel des Carreaux dont l’appellation se transforme alors en celle d’ " Hôtel d’Argenteuil ".
Monsieur le Marquis François d’Argenteuil meurt en
1720, et Madame la Marquise d’Argenteuil décède en son hôtel, le 14 juin 1722.
Voici quelques extraits de ses obsèques lus la
presse : " Le 16 juin 1722 a été fait un service solennel et pompe funèbre
pour Madame Anne-Elisabeth Le Tanneur, veuve de Haut et puissant Seigneur
François Le Bascle d’Argenteuil, Chevalier, Comte d’Epineuil. Toute l’église
était tendue de noir depuis le bas jusqu’à la voûte, ornée d’espace en espace
de bandes de velours semés de devises et d’écussons aux armes de ses Seigneur
et Dame comte et comtesse d’Argenteuil. Dans le milieu du cœur se tenait un
catafalque garni de 400 chandeliers d’argent avec autant de cierges. Et sur le haut duquel était posée une couronne
de comte. 60 prêtres ont assisté à cette cérémonie qui s’est faite en présence
de Mgr le Marquis d’Argenteuil, Lieutenant Général pour le Roi des Provinces de
Champagne et Brie, Gouverneur de cette ville de Troyes, son fils et tous les
Corps de ladite Ville se sont trouvés et il fut célébré cent et quelques messes
".
La fonction de Gouverneur de Troyes comportait le
droit à un logement dû par la Ville, mais auquel pouvait se substituer une
indemnité de 300 livres. Le Marquis d’Argenteuil, trop attaché à son vieil
hôtel familial en fait sa résidence de Gouverneur de Troyes.
En 1772, il fait cession de cette demeure à M. et
Mme Furey-Moreau de la Jonchère, Directeur des aides à Troyes, qui le revend en
1791 à M. Jean-Louis Bourgoin dont la veuve l’aliène au profit d’Henry Charles
de Bossancourt, Officier supérieur des Gardes du Roi.
En 1840, l’hôtel est cédé à Jean Baptiste-Edme
Vaudé, architecte à Troyes et en 1905, il revient à son petit gendre Patrice de
Riencourt. Mais ce dernier préfère se fixer au château de Charmont, qui répond
mieux à ses goûts d’ailleurs assez originaux et il laisse son vieil hôtel à
Monseigneur Monnier évêque de Troyes (dont la résidence épiscopale a été
ravagée par un incendie), puis à M. Francis Doë, Conservateur des Eaux et Forêts,
qui l’occupe jusqu’en 1936. Patrice de Riencourt décède au château de Charmont
en 1938, léguant la propriété de la rue Hennequin à la Société des Nations, qui
en fin de compte refuse le legs.
L’hôtel devient la propriété de André de Riencourt
oncle du défunt, et aux trois enfants du Général de Riencourt son second oncle,
qui, en 1939, le cèdent à M. et Mme Joseph Honnet ses cousins, qui l’occupent
jusqu’en 1953.
C’est ensuite M. Michel Voix qui y habite jusqu’en
1968, et d’autres se succèdent jusqu’en 1994, date à laquelle un promoteur
immobilier transforme l’hôtel particulier en une copropriété, en ajoutant dans
le fond de la cour, à la place des anciens communs, un bâtiment moderne.
Blanche-Joséphine
Le Bascle d'Argenteuil est née du mariage en 1779 de
Jean-Louis-Marie Le Bascle, marquis d'Argenteuil (1749-1794) et de Catherine
Barjot de Roncée.
Jean-Louis-Marie Le Bascle d'Argenteuil et sa sœur
Marie-Louise-Victoire Le Bascle d'Argenteuil sont les deux premiers enfants nés
du mariage célébré le 17 avril 1748 entre Jean-Louis-Nicolas
Le Bascle d'Argenteuil (né le 19 octobre 1714, gouverneur de Troyes en 1745)
et Marie Angélique Le Veneur (1720-1773).
Sa tante Marie-Louise-Victoire Le Bascle
d'Argenteuil (1751-1829) épousera le 15 avril 1788 Charles Joseph Fortuné,
Marquis d'Herbouville (1756-1829).
Elle émigre avec ses parents et ses deux sœurs à
Hambourg où mourront ses parents et sa sœur cadette. En 1797 elle est ramenée
en France par son oncle le marquis d'Herbouville qui l'élève et l'établit à
Paris en 1809.
Elle épousa le 2 janvier 1811 Charles de Maillé de
La Tour-Landry (1770-1837), 2e duc de Maillé1. Ils eurent deux fils :
Jacquelin (1815-1874), 3e duc de Maillé, qui épousa
Jeanne d'Osmond ;
Armand (1816-1903), qui épousa Jeanne Lebrun de
Plaisance.
Elle fut première dame d'honneur de la duchesse de
Berry sous la Restauration.
Elle meurt accidentellement, brûlée vive par son
bougeoir en montant dans sa chambre au château de La Roche-Guyon chez les La
Rochefoucauld.
Légitimiste, elle a laissé de très intéressants
mémoires, desquels ressort la finesse de son analyse politique.
Œuvres
Souvenirs des deux Restaurations. Journal inédit,
présenté par Xavier de La Fournière, 1984
Mémoires. 1832-1851, 1989 (réédition Paris, Lacurne,
2012 (ISBN 9782356030108). Préface et notes de Frédéric d'Agay).
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