Avant l’invention des armes à feu, il y a à Troyes
une compagnie militaire sous le titre d’arbalestriers ou compagnons du serment
de l’arbalète. Depuis l’usage de la poudre à tirer, l’arbalète est négligée et
entièrement abandonnée pour l’arme que l’on appelle Arquebuse-Buttière, et les
membres de la compagnie sont nommés Arquebusiers ou Chevaliers de la Butte.
Pendant le mois d’août 1475, on achève de bâtir et
accommoder l’hôtel et le jardin de l’Arquebusier de Troyes. On nomme ce
bâtiment les Buttes. Il était hors de la ville, et en principe faubourg de
Croncels, où au XVIIIe siècle existait encore le Champ des Arquebusiers. La
maison, négligée pendant les guerres, tomba en ruine. Les maires et échevins
promirent aux Arquebusiers de la rétablir où ils voulaient. Ils indiquèrent une
place sur la Vienne, proche la porte de Croncels (proche Saint-Gilles).
L’acquisition est faite en 1552. Mais cet endroit est humide et marécageux, et
souvent inaccessible, les exercices devant être interrompus. Le duc de Nevers,
gouverneur de la province leur fait bâtir en 1620, à ses frais, un grand corps
de logis, dans l’enceinte des murs, au pied des remparts, terrain où étaient
plusieurs maisons particulières, dont on fit l’acquisition. Ce bâtiment
s’appela Hôtel de l’Arquebuse, qui fut augmenté et embelli successivement. Il
était remarquable par la beauté et l’agrément de sa situation sur le bord d’un
canal de la Seine, et par l’étendue de son jardin qui faisait une promenade
très agréable. Dans la carrière du tirage existait une grande bascule pour la
facilité de montrer l’oiseau qui devait avoir 100 pieds de haut. Il se tirait
ordinairement le dimanche qui suit la foire de septembre. En souvenir du
passage du roi Henri IV à Troyes, en mai 1595, 4 jolies verrières de Linard
Gonthier étaient exposées autrefois dans la salle principale de l’Hôtel des
Arquebusiers, puis dans la grande salle de la bibliothèque de l’ancienne abbaye
Saint-Loup.
En 1483, la ville de Troyes crée une compagnie volontaire d’arquebusiers. Leurs buttes sont aux Prés aux duels. Les chevaliers qui veulent en faire partie doivent prêter serment et jurer d’observer fidèlement les statuts, pratiquer la religion catholique, être de bonnes vies et mœurs et reconnus dignes. Louis XII établit les Arquebusiers en 1501. François 1er leur accorde des lettres-patentes. En 1512, à l’assemblée de la Saint-Barnabé, la population troyenne décide la reconstitution de la compagnie de l’arquebuse, mais elle n’a pas lieu. En 1524, le projet est repris et une organisation s’en suit sous le titre de : « Compagnie des hacquebuttiers ». Les lettres-patentes de François 1er sont confirmées par d’autres lettres en forme de charte, datées de Compiègne au mois de juillet 1557, par le roi Henri II. Ce prince y confirme l’élection de Jean Mauroy, seigneur de Colasverdey, et contrôleur sur le fait des aides et tailles, pour capitaine de la compagnie, « pour jouir des honneurs, autorité, prérogatives, franchises et libertés qui y appartiennent… lequel pourra résigner quand bon lui semblera, et si vacation y advient, lesdits Arquebusiers pourront nommer qui bon leur semblera pour leur capitaine ». Ce prince y détaille les privilèges et exemptions dont doivent jouir le capitaine et le roi de l’oiseau, et permet de faire des règlements, à charge de les faire homologuer par le roi. Les privilèges et prérogatives de l’Arquebuse sont confirmés par les rois suivants. A partir de l’obéissance de Troyes à Henri IV, le nombre des chevaliers augmente. Suite à cet accroissement de la compagnie, sont créés un lieutenant, un sergent, un major et un enseigne, à qui l’on accorde les mêmes privilèges qu’aux autres officiers. Ces compagnies ont toujours été favorisées par les rois, soit lorsqu’elles portaient le titre d’Arbalestriers, soit lorsqu’elles furent connues sous celui d’Arquebusiers. Ils regardèrent ces établissements comme propres à former les jeunes gens à l’exercice des armes, et comme une école militaire à peu près semblable à celle des cadets, pour les rendre capables de servir plus utilement dans les occasions de guerre. Les princes en retirèrent des avantages considérables, et les chevaliers leur donnèrent en tout temps des marques d’un grand attachement à leurs personnes, et d’une fidélité inviolable dans leur service.
En novembre 1561, François II de Clèves fait son entrée solennelle à Troyes, en qualité de gouverneur. Il fait publier une ordonnance prescrivant le dépôt, de toutes les armes qui seront trouvées chez les habitants. Il ordonne à tous les arquebusiers de venir déclarer la quantité d’armes qu’ils fabriquent ou vendent. Il défend à tous hôteliers de loger des gens armés d’arquebuses, sous peine de prison et de 20 livres d’amende.
En 1562 des hordes attaquent des châteaux. Le maire
se fait donner pour sa sûreté personnelle, une garde de 4 arquebusiers.
En 1567, il y a 200 arquebusiers à cheval. En 1571,
le capitaine des arquebusiers peut convoquer sa compagnie, au son du tambourin,
le jour où cette compagnie tire l’oiseau, et le guet de la ville et la garde
des portes se feront conformément aux anciens règlements.
En 1576, la Champagne et la Brie étant remplies de
voleurs, des arquebusiers sont placés aux barrières de Troyes. En 1585, « douze
milliers de poudre » sont distribués à 6.000 arquebusiers habitant la ville.
En 1587, Troyes est en péril, le duc de Guise marche
sur Bar avec 3.000 arquebusiers, pour défendre les passages de l’Aube. Le duc
veut se loger avec 1.000 arquebusiers et 300 chevaux, dans l’abbaye de
Clairvaux, dont les reitres veulent s’emparer. Ceux-ci reculent et repassent la
rivière l’Aube, poursuivis par l’armée du duc. En septembre, les étrangers
marchent sur Châtillon où sont enfermés le duc de guise avec 300 chevaux et
3.000 arquebusiers, mais la ville n’est pas attaquée.
En 1607, la
compagnie de l’arquebuse se rend à Reims, pour « y tirer le prix, avec d’autres
compagnies de la province). En 1620, les arquebusiers sont autorisés par le roi
pour un tir général. La ville se prépare pour accorder l’hospitalité aux
arquebusiers des provinces voisines, mais les événements empêchent la réunion,
qui ne peut se faire qu’en 1624. La convocation s’étend alors à
l’Ile-de-France, à la Champagne, à la Brie, à la Picardie et à la Bourgogne. 74
villes promettent de se faire représenter à cette solennité, qui a pour cause
l’inauguration du nouvel hôtel de l’Arquebuse situé rue Planche-Clément, bâti
par la ville et aussi par les deniers du duc de Nevers, gouverneur. On fait de
grands préparatifs pour recevoir les étrangers : sur les remparts, on établit
des loges désignées par le nom de la ville de ceux qui les occupent. Le 17
août, commencent à arriver les arquebusiers auxquels les chevaliers de Troyes
font les honneurs, en allant les attendre aux portes de Croncels et de
Saint-Jacques, alors les seules ouvertes. Les villes de Reims, Châlons,
Château-Thierry, Melun, Chaumont, Meaux, Auxerre, Sainte-Menehould, Senlis,
Mézières, Nevers... y sont représentées, en tout, 34 villes. Il y a un grand
service religieux et procession générale, à laquelle assistent toutes les
confraternités des paroisses. La ville compte alors 5 compagnies qui se
distinguent par les couleurs de leurs habits de satin, de taffetas, de gros de
Naples : l’une porte couleur de rose séchée, une autre un pourpoint blanc et un
haut de chausse rouge, une a pris le gris, une la couleur cuivrine, et la 5°,
couleur de musc. L’ensemble forme environ 600 hommes. Le prix général est de
7.840 livres, plus 2 sous par livre, pour couvrir les frais. Le mardi, à 9 h du
matin, le bailli tire le coup du roi, auquel répondent les trompettes et
l’artillerie placée sur les remparts. Aussitôt commence le tir qui dure 3
jours. Les vins d’honneur et le jambon sont offerts aux honorables chevaliers
et arquebusiers venus pour cette fête, la seule de ce genre donnée par la ville
de Troyes, depuis l’année 1388.
En octobre
1663, un banquet est offert à l’hôtel des Arquebusiers (repas de poissons), aux
ambassadeurs des cantons suisses, lors de leur passage à Troyes.
Malgré la faveur et la protection accordées aux
compagnies d’Arquebusiers, celles de la milice bourgeoise ont souvent essayé de
les empêcher de jouir de leurs prérogatives. Souvent elles ont occasionné des
troubles dans les cérémonies publiques, sous prétexte qu’étant la milice de la
ville, elles doivent avoir la préséance sur l’Arquebuse. Louis XIV, par une
ordonnance du 26 janvier 1715, confirme la compagnie de l’Arquebuse dans la
préséance sur la milice bourgeoise, et ordonne que celle-ci laisse entre elle
et l’Arquebuse, un intervalle de 6 pas de distance. Ce qui fut expliqué et
ordonné en 1728, par le prince de Rohan, gouverneur de la province. Il déclare
que, dans toutes les assemblées générales et particulières, soit à l’hôtel de
ville pour y recevoir communication des ordres du roi, soit à l’église pour
processions et autres cérémonies publiques et particulières, les officiers de
la milice bourgeoise seront obligés de céder aux officiers de l’Arquebuse la
préséance et les postes d’honneur.
Les arquebusiers prennent part aux prix du tir, à
Laon en 1700, à Meaux en 1717, à Provins en 1724, à Saint-Quentin en 1774 et
1783. La compagnie des Arquebusiers disparaît par décret de juillet 1791, qui prescrit la dissolution de tous les corps
privilégiés et leur incorporation dans la garde nationale.
L’hôtel de l’Arquebuse était propriété de la ville,
elle avait pour colonel, le gouverneur de la province, et le gouverneur de la
ville pour lieutenant-colonel, et le maire pour capitaine en chef et honoraire.
L’Hôtel de l’Arquebuse est vendu comme bien national
en 1793.
En 1829, rue du Cloître Saint-Etienne, sont ouverts
les Grands Bains Meusy (hydrothérapie, bains de vapeur et d’air chaud, douches
en jet, écossaise, pluie, cercles, bains de siège, douches vaginales,
hémorroïdales, dorsales…), qui deviennent en 1847, les Bains de l’Arquebuse. En
1856, l’Hôtel de l’Arquebuse est une maison d’accouchement, en 1866, le tout
est transformé en appartements, et la Ville l’achète en 1989. En 1998, l’Hôtel
est revendu à un promoteur immobilier troyen qui y aménage des studios et
appartements.
L’uniforme de
la compagnie de Troyes a plusieurs fois varié. Au XVIIe siècle, les chevaliers
portaient une bandoulière blanche garnie d’un cordon blanc et d’une cocarde de même
couleur. Le dernier uniforme est un habit rouge, parements et collet noirs,
épaulette en or, veste et culotte jaunes, boutons jaunes empreints de 2
arquebuses en sautoir, couronnées, entrelacées de 2 branches d’olivier,
auxquelles est suspendue une bourse, bas blancs et chapeau uni à plumer.
La devise des arquebusiers de Troyes était :
« La
bourse de Troyes » et le dicton : « Les bons camarades ».
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