dimanche 26 janvier 2025

Le très riche XIIIe de Troyes - 2ème partie

 

LA BASILIQUE SAINT-URBAIN IV


pour rappel : 1ère partie




C’est dans cette collégiale, fondée en 1261 par Jacques Pantaléon devenu  le pape Urbain IV, fils d’un savetier troyen, plus que dans la cathédrale, que se concentrent les innovations de ce milieu du XIIIe siècle, dans l’architecture comme dans le vitrail.

L’édifice s’élève de 1261 à 1266 sur l’emplacement même de l’échoppe du père d’Urbain IV, dans le domaine juridictionnel de l’abbaye Notre-Dame-aux-Nonnains (actuelle préfecture de Troyes). A la mort du pape, en 1264, son neveu, le cardinal Ancher, reprend l’entreprise de son oncle, mais, en 1266, deux graves incidents interrompent les travaux, alors que le chœur et le transept sont achevés : les religieuses de Notre-Dame-aux-Nonnains, jalouses de cette fondation papale qui échappe à leur pouvoir, font saccager l’édifice et, un peu plus tard, un grave incendie ravage la charpente du chœur et endommage les maçonneries. Ensuite, les fonds disponibles serviront à la réparation plus qu’à l’accroissement de l’édifice : les parties basses de la nef ne seront achevées qu’à la fin du XIVe et les partie hautes à la fin du XIXe siècle.

Cependant, pour les travaux de vitrerie, il semble que, dès 1277, date à laquelle on célébrait le culte dans le chœur, les vitraux de celui-ci étaient en place. Intimement liés à l’architecture, ils ont suivi de très près la construction.

L’originalité de l’architecture ne tient pas à son plan, mais à son élévation intérieure et aux détails de sa modénature. Contrairement à celle de la cathédrale, l’élévation se réduit ici à deux niveaux de baies : au-dessus d’un soubassement plein, une claire-voie basse très élancée et, au-dessus,  des fenêtres hautes de trois ou quatre lancettes qui ajourent complètement la travée : celle-ci devient une paroi de verre. Devant les baies vitrées de la claire-voie se développe une véritable dentelle de pierre : le dédoublement et l’évidement du mur, qu’annonçait déjà le triforium ajouré de la cathédrale, trouve ici son expression la plus poussée. A l’extérieur, cet allégement se retrouve au niveau des fenêtres hautes au-devant desquelles viennent se placer, à leur sommet, des gâbles aux écoinçons ajourés. Toute cette légèreté est épaulée par de minces arcs-boutants aux fortes culées, surmontées de pinacles très élancés, conférant au volume extérieur l’aspect d’une châsse d’orfèvrerie. Tout dans cette belle construction précoce, hardie, annonce l’évolution ultérieure de l’architecture gothique.

Dans ses vitraux, l’église Saint-Urbain, sans innover absolument, illustre de façon précoce également une tendance qui ira en se développant à la fin du XIIIe siècle et au XIVe. Le principe général de composition de ces fenêtres est identique pour l’ensemble de l’édifice : comme le mur a été découpé au maximum pour  laisser passer la lumière, les vitraux eux-mêmes sont allégés en couleur pour donner le meilleur éclairage. Ainsi, sur une vitrerie claire à dessin géométrique et décor floral peint, relevée de points de couleur, dite « grisaille », se détachent des panneaux figuratifs colorés.

Les fenêtres hautes du chœur et du transept, encadrées de riches bordures armoriées, comportent de grandes figures sous des dais architecturés : ce sont les Prophètes et Patriarches de l’Ancien Testament qui accompagnent la Crucifixion de la fenêtre d’axe. [ La Crucifixion a été refaite au XVIe s. puis au XIXe. Celle du XVIe existe encore dans le bras Nord du transept]. Moins hiératiques que les grandes figures de la cathédrale, ces personnages se présentent de face, de trois-quarts ou de profil, dans une position plus souple et naturelle.



Vitraux du chœur, vers 1270, abside, dans la partie basse,
 on remarquera la claire-voie qui vient enjoliver les vitraux du premier niveau et qui éclaire l’édifice.


détail de la Crucifixion


Saints Pierre, Paul et André



Nef côté Nord ; saints et saintes locaux XIXe


Les fenêtres de la claire-voie basse se composent de petits panneaux rectangulaires sur fond de grisaille, qui illustrent des scènes de la Passion et de la Vie Glorieuse du Christ. On a souvent remarqué la qualité de la composition, très pleine, et de la peinture des visages aux traits ronds encadrés d’une abondante chevelure, proches de l’art de la miniature de la fin du XIIIe siècle.

Siège d’une activité commerciale de portée internationale, Troyes et un carrefour de marchands, d’artistes et d’artisans favorisés par le pouvoir politique et religieux : il est bien naturel que s’y retrouvent dans une grande qualité d’exécution, les tendances majeures de l’évolution de l’art gothique, tout au long du XIIIe siècle. Un tel essor ne se renouvellera pas avant le XVIe siècle, deuxième époque de prospérité de la Champagne méridionale.

dans le chœur, côté sud, Piscine liturgique datée 1265,
 à gauche le pape Urbain IV présentant le chœur de la collégiale,
au centre, le couronnement de la vierge,
 à droite, le cardinal Ancher portant le transept sans sa couverture.
 Cette œuvre permet de dater la partie de l’édifice où elle est située


Les statues ont été décapitées à la Révolution
La partie haute de la piscine, avec ses quatre dais crénelés, simule une ville attaquée.
Les soldats armés et casqués repoussent un assaut imaginaire.

 


 L’entrée à Jérusalem XIIIe



Personnages des Évangiles - vers 1270

Partie haute du XVIe -
 Partie basse : vitraux en grisaille créés en 1892 par Édouard Didron 



Verrière de la façade (1900-1903). 
De gauche à droite: Saint Valérien, Saint Louis, Saint Urbain 1er, Urbain IV (qui a fait construire cette basilique entre 1262 et 1286 car il était originaire de Troyes), Saint Thomas d'Aquin, 
Sainte Cécile.


intérieur de l'édifice




Côté Sud et ses nombreux pinacles



Voir : Basilique Urbain IV

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