La famille de la Huproye, Hupperoye jusqu’au XVIe
siècle, a appartenu à la vieille bourgeoisie troyenne. Un de la Huproye a été
préposé à l’administration municipale de Troyes, dès le règne de Charles V
(1364-1380).
Un Philippon de La Huproye fait partie des notables
qui prennent part aux délibérations du conseil de ville en 1431-1433.
En 1463, il y a un Philippe de La Huproye, sergent
des chanoines de la cathédrale, et
en 1475-1476, un Philippe de La Huproye est «
mesureur des blés du chapitre ».
Le 30 juin 1506, 3 membres de la famille de La
Huproye : Nicolas, Collinet et Guillaume sont présents à l’assemblée générale
des habitants de Troyes, tenue au couvent des Frères Mineurs, en vue des Etats
Généraux de Tours.
En 1598, un Estienne de La Huproye le jeune est
imprimeur à Troyes, et en 1600, il parait encore comme marguiller de l’église
Saint-Jacques.
D’autres membres
de la famille de La Huproye furent à Troyes marchands courtiers (dont
Nicolas, Antoine), auneurs ou drapiers (dont Louis), chirurgiens (dont Pierre)
ou apothicaires (dont Jacques). Quelques-uns entrèrent dans les ordres.
Plusieurs jouèrent un rôle actif et militant lors des luttes religieuses du
XVIe siècle.
Un descendant de cette même famille, après avoir
servi sous Louis XIV dans la compagnie des Mousquetaires noirs, remplit successivement à Troyes, la charge
d’assesseur au bailliage et celle de garde marteau des Eaux-et-Forêts. Celui-ci
s’appelait Jacques, et signait « de la Huproye de Chanteloup » depuis qu’il
s’était installé vers 1715, dans sa propriété de Sainte-Savine (Chanteloup).
La famille de La Huproye a été deux fois alliée à la famille Hennequin, dont un membre, ancien ambassadeur de France à Venise et procureur général au Grand- Conseil, qui fut disgracié par Louis XV, en 1720, pour s’être opposé au funeste système Law. C’est lui qui, pendant son exil, fit reconstruire, vers 1725, le château de Charmont, que devait habiter un jour Antoine-Edme de La Huproye.
Ce dernier naît à Troyes le 17 juin 1765. Pierre de
La Huproye, son père, était conseiller du roi en l’élection de Troyes. A six
ans et demi, il savait lire et écrire, et, comme il le dira plus tard : «
écrire et lire devaient rester pour
toute ma vie, l’un des besoins de mon cœur et l’une de mes plus douces
jouissances ».
Il est alors confié à son grand oncle maternel, M.
de Maizières, qui possédait le château de Charmont. Ce dernier, véritable père
adoptif, eut une grande et heureuse influence sur lui.
M. de Maizières avait été l’artisan de sa fortune :
une probité incorruptible, un religieux attachement à ses devoirs, une
exactitude rare dans l’exercice de ses fonctions en avaient fait un homme
remarquable. A l’une des époques les plus désastreuses du règne de Louis XV, il
avait émis en circulations des billets à son nom, et grâce à la confiance
qu’inspirait sa parfaite intégrité, ses billets trouvèrent partout bon accueil,
soutinrent et raffermirent le crédit public.
Il refusa le
contrôle général des finances. Il alla au secours des Troyens menacés par la
disette de 1774, contribuant de son propre argent et de ses récoltes à
l’approvisionnement de la ville. En classe de seconde, Antoine-Edme obtient 3
accessits à l’Université de Paris.
Alors qu’une blessure assez grave à la jambe, lors
d’une partie de campagne à Clérey le retient dans sa famille, M. de Mézières
décède, lui laissant par testament la nue-propriété de ses terres de Charmont,
Fontaines et Aubeterre, à charge de l’usufruit au profit de son épouse.
Après ses
études humanitaires, Antoine-Edme fait son droit. En 1786, il se rend à
Versailles sous la conduite de M. le marquis de Vallans, écuyer de la reine,
afin d’assister à la procession des Cordons bleus, à l’occasion de la
décoration du duc d’Enghien.
En août 1787, un office de conseiller au Châtelet se
trouvant vacant, le père d’Antoine-Edme profite de l’exil du Parlement à
Troyes, pour demander au Président cette charge pour son fils. La Grande
Chambre ayant vu à Paris ce jeune candidat, pilier de l’audience à Paris
pendant ses 2 années de stage, sans en manquer une seule, de nombreuses
relations s’étaient vite formées entre les principaux habitants de Troyes et
tous les messieurs du Parlement, dont un logeait chez M. de La Huproye et
n’avait qu’à se louer des égards et des soins dont on l’y entourait. La demande
fut bien accueillie et le 27 décembre 1787, Antoine-Edme de la Huproye était
reçu conseiller au Châtelet.
Les portes de salons parisiens s’ouvrirent devant
notre compatriote qui put étendre ainsi le cercle de ses relations. M. de
Glagny l’emmenait avec lui passer ses vacances avec M. De Sartines, ancien
lieutenant général de police et ministre de la Marine, et il était souvent
l’invité du Président au Parlement…
Il se fit remarquer par son succès en tant que
commissaire instructeur, dans la direction de nombreux procès : affaires
Augard, de l’évêque de Tréguier, du 5 au 6 octobre 1789…, n’écoutant en tout,
que « la voix se sa conscience, les longs débats mettant en évidence le calme
et la fermeté du jeune magistrat… ». Notre troyen du Châtelet n’avait alors
guère plus de 25 ans ! Son ardent amour pour la justice lui avait d’abord
inspiré des vœux pour le succès de la révolution, mais son esprit droit, son
cœur foncièrement honnête ne désiraient pas autre chose que la réforme des
abus. Aucune pensée d’ambition, aucune convoitise égoïste ne pouvait lui faire
approuver les désordres qui troublèrent alors Paris et la France. Il l’avoua
lui-même : « Mon illusion, a été de bien peu de durée », et frémissant
d’horreur à la suite de nombreux massacres (dont son beau-père) : « dès lors,
les vœux dont j’avais entouré les approches d’une révolution, que je supposais
ne devoir nous apporter que des bienfaits, se changèrent en regrets stériles
pour la monarchie qui s’écroulait ».
L’Assemblée Constituante décrète et organise la
dissolution de la magistrature : le Châtelet cesse ses fonctions le 20 janvier
1791. Dès le lendemain, M. le comte de Saint-Priest, ancien ministre fait part
au jeune troyen de son intention de se l’attacher en tant que secrétaire de
l’ambassade de Suède, afin de complaire à son oncle Mgr de Barral, évêque de
Troyes. Puis, ayant refusé d’aller à Stockolm, le comte lui proposa de le faire
accréditer auprès de l’ambassade de Constantinople qu’exerçait alors M. le
comte de Choiseul-Gouffier.
Mais, M. de la Huproye est nommé, avec 2 autres
collègues, comme commissaire, chargé de réprimer, à Saint-Domingue, la
rébellion des bataillons d’Artois et de Normandie. Le Ministre de la Marine
donne à ces 3 délégués mission de réorganiser notre colonie de Saint-Domingue
avec ordre d’y déployer un pouvoir dictatorial.
Le 21 juin 1791, après avoir préparé très
sérieusement sa mission, étudiant tous les documents du ministère, après avoir
eu des rapports journaliers avec les colons de Saint-Domingue et avec le
gouvernement de l’île, ayant envoyé ses effets à Brest, avant d’aller embarquer
sur la frégate « la Galatée », survint la nouvelle de la fuite de Louis XVI et
de son arrestation à Varennes. Rentré dans la vie privée, l’ancien conseiller
du Châtelet s’occupa des affaires de sa famille. Il prit aussi soin de la
fortune et géra les biens de Mme de Maizières. Mais, il ne perdait de vue le
cours des événements, s’intéressant
toujours au bien public.
Il s’associa en octobre 1792 aux efforts que
donnèrent quelques hommes de cœur, pour rétablir l’accord du peuple avec
l’autorité royale. Dans toute la France, des initiatives sont prises. Il en est
question pour seconder ce mouvement à Troyes et dans toute la région.
De La Huproye venait de regagner sa ville natale,
quand arriva la journée du 10 août 1792, avec la déchéance et la captivité de
Louis XVI qui firent évanouir tout espoir de ramener l’ordre et la paix
sociale.
Les Prussiens entrèrent en France fin août et M. de
La Huproye s’engagea avec son frère Victor début septembre, dans les compagnies
de volontaires de l’Aube. Mais la victoire de Valmy obligeant les Prussiens à
la retraite, les volontaires furent licenciés.
C’est à Troyes, au sein de sa famille qu’il apprit
la condamnation du roi le 19 janvier 1793, et que cette nuit là même, notre
magistrat troyen composa son « Appel au Peuple », un opuscule de 8 pages qu’il
signa « Fortis, ami des lois », et fut distribué avant même la mort du roi, et
qui eut un tel succès, que 60.000 livres
furent offert comme récompense à quiconque en découvrirait l’auteur. Ce
fut pour lui, une sentence de bannissement.
L’exil s’imposait et M. de La Huproye prit le chemin
de la Suisse. Son père fut assigné devant le parlement révolutionnaire pour
être condamné à la peine de mort, mais un avocat réussit à faire commuer la
peine en déportation à la Guyane française. Antoine-Edme parcourut ensuite
l’Allemagne, alla à Anvers, puis à Berg op Zoom, où il rencontra l’Archevêque
de Bordeaux qui y était réfugié et le garda une semaine, l’amenant chaque soir chez
le Gouverneur, où le prélat français devenait l’âme et l’ornement de la société
la plus distinguée de la ville. Le jeune émigré troyen s’installe alors à
Anvers, puis se rend en février 1794, en Angleterre, où il donne des leçons de
français dans différentes écoles publiques, puis dans une école royale fondée
par Edouard VI.
En 1797, on parle du retour des émigrés. Il quitte
l’Angleterre, mais, arrivé à Cologne, c’est la révolution de fructidor an V (4
septembre), qui lui ferme l’entrée en France. Au printemps 1798, il se retire à
Berlin avec son frère. Là, il est mis en relation avec M. le prince de Broglie,
doyen du chapitre de Posen, puis plus tard, archevêque de Gand, et par ce
dignitaire, il entre dans les bonnes grâces de M. le comte Mycielski, l’un des
plus grands seigneurs de l’ancienne Pologne. Admis à toutes les réceptions du
noble Polonais, notre émigré troyen y connut différents généraux et
personnalités.
Le 9 septembre 1799, Bonaparte vient prendre les
rênes du gouvernement. L’aubois général de Riel, plus tard comte de
Beurnonville qui a pris part à la journée du 18 brumaire, est nommé ministre
plénipotentiaire à Berlin. M. de la Huproye (dont les familles se connaissent)
lui demande la possibilité de rentrer en France. Il se rend à Berlin où Beurnonville
le garde à l’ambassade, et où il rencontre les ministres de Prusse, et obtient
sa radiation. Il rentre à Paris le 8 août 1800. Le 14 il est à Troyes.
De tous les biens que lui avaient laissés Mme de
Maizières, M. de La Huproye avait déjà perdu les terres de Fontaines et
d’Aubeterre, et même une partie de celles de Charmont, qui avaient été vendues
comme biens d’émigrés. Quant au château de Charmont et ses dépendances, notre
Arcisien le fameux Danton ayant projeté de s’en faire une maison de campagne,
avait fait cesser la vente du domaine. Puis, sa chute étant survenue (5 avril
1794), les choses étaient restées en l’état jusqu’au retour du propriétaire.
Tout était à refaire, tout avait disparu de la cave
au grenier, les bâtiments tombaient en ruine. Il fallut 20 mois pour la
restauration et l’ameublement.
Le 1er juin 1802, le mariage de M. Edme de La
Huproye avec Mlle Lemuet y fut célébré. Le 1er juillet, il était nommé juge au
tribunal d’Arcis, en janvier 1803, puis président de l’Assemblée cantonale, en
1807, il devint président du tribunal d’Arcis, puis président du tribunal de
Troyes en 1811 et membre du Conseil général de l’Aube. Président du collège
électoral d’Arcis, il fut, sous la Restauration, nommé à la Cour royale de Paris,
et membre de la Chambre des Députés en 1815.
Pendant 15 ans, Antoine-Edme remplit ses fonctions à
la Cour royale de Paris et fut chargé du rapport de plusieurs affaires
importantes et mêlé à la discussion de toutes les causes politiques. S’étant
intéressé aux questions d’économie politique, il fit présenter en 1817, un Plan
de finances, puis en 1821, il rédige sur le système électoral, un plan tout
nouveau. Le 2 janvier 1830, il alla avec la Cour présenter ses hommages à
Charles X et à la famille royale. Il est seigneur de Charmont, de fontaine et d'Aubeterre. Il prend sa retraite en 1831, et dirige
l'exploitation de ses terres de Charmont. En août 1835, il rédigea ses
souvenirs et les sentiments de toute sa vie. Il dénonce aux siens, pour les en
préserver, l’esprit de secte et de parti, et il leur recommande principalement
l’union qui fait le charme de la vie : « c’est, dit-il, la recommandation de
l’Esprit-Saint ».
Le 2 juin 1839, à l’âge de 74 ans, il décède. Ses
funérailles furent célébrées le 4 juin, en l’église de Charmont, devenue trop
étroite pour contenir la nombreuse assistance. Les prêtres des villages voisins
et beaucoup de personnes étrangères vinrent aussi. Dans le cimetière de
Charmont, adossé au mur de l’église, se trouve le monument élevé en sa mémoire.
Sur la pierre est gravée une épitaphe qui résume en quelques mots toute sa vie
: « Ici repose, dans l’attente de la résurrection éternelle, noble homme
Antoine-Edme de La Huproye, conseiller à la cour royale de Paris, chevalier de la Légion d’honneur et de France
et d’Autriche, député par ses contemporains au Corps législatif. A l’âge de 74
ans, il mourut le 2 juin 1839, pleuré de sa femme et de ses enfants. Fidèle aux
devoirs de la piété et la pratique de la vertu, remarquable par la simplicité
et la douceur de son caractère, magistrat distingué, agriculteur expérimenté,
il a bien mérité de la religion et des lettres, et tous ses concitoyens le
regrettent ».
En 1814, la croix de la Légion d’honneur d’Autriche
lui avait été remise lors d’un passage de l’empereur. Un mois plus tard, le
comte d’Artois, qui fut plus tard Charles X, vint à Troyes pour visiter la
ville au nom du roi Louis XVIII, son frère, il invita à dîner M. de La Huproye
et lui remit les insignes de l’ordre royal de France.
Il est enterré dans le cimetière de Charmont
ROSEROT (Alphonse) —Dictionnaire
historique de Troyes.
D'ARBOIS de JUBAINVILLE —Répertoire
archéologique.
ROSEROT DE MELIN (Mgr Joseph) —Le
diocèse de Troyes, des origines à nos jours.
BONNARD (Mgr J. Dieudonné)-
archives personnelles
BEAUCHAMP (Louis A. Marquis de) mon
aïeul – archives familiales
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