L’histoire de la Garde d’Honneur de Troyes sous le second Empire, tient tout entière dans le récit du séjour que firent successivement en cette ville, au mois d’avril 1805, L’Empereur et l’Impératrice des Français, puis le Souverain Pontife. La ville de Troyes fut choisie comme première étape du voyage que Napoléon 1er et Joséphine devaient entreprendre dès le 2 avril 1805 pour se rendre à Milan et y être sacrés Roi et Reine d’Italie.
Les Autorités municipales prévenues tardivement de
l’arrivée de leurs Majestés Impériales organisèrent aussitôt, conformément à
l’invitation du Préfet du département de l’Aube, une Garde d’honneur qui fut
recrutée en faisant appel au dévouement des habitants. Ceux-ci ne se firent pas
prier. La Garde, dont le commandement fut confié au général de division en
retraite Charles Morard de Labayette de Galles, comprenait une compagnie à pied
forte de 71 officiers, sous-officiers, caporaux et fusiliers, et une compagnie
à cheval de 3 officiers, 2 maréchaux-des-logis, 2 brigadiers, 33 chasseurs et 1
trompette. Cette formation ayant eu une existence circonstancielle et très
éphémère, les descendants de ces aubois ignorent que l’un de ceux-ci eut
l’honneur de faire escorte à l’Empereur et à l’Impératrice des Français, ainsi
qu’au Souverain Pontife en germinal de l’an 13.
La Garde d’Honneur de Troyes présente, quant à sa
composition, les caractéristiques communes à ce genre de formation : éléments
variés, dévoués au gouvernement impérial, où l’on rencontre à la fois des
propriétaires, des fonctionnaires, des industriels, des négociants, des
artisans, des employés issus tantôt de l’ancienne noblesse, tantôt du peuple,
mais uniformément épris de l’ordre nouveau. Parmi ces citoyens de Troyes
habituellement penchés sur leurs pacifiques travaux professionnels ou vivant de
leurs rentes, maints servirent et combattirent dans les armées royales ou
républicaines et d’aucuns prirent part plus tard à la Grande Epopée. A ces «
civils », se mêlent des officiers et sous-officiers en retraite ou en activité
de service bénéficiaires d’un congé alors que l’Empereur et l’Impératrice
passent dans leur ville. Ils sont de tous les âges, depuis le vieux général
Morard de Labayette de Galles qui, en la circonstance, « a déployé tout le zèle
et l’activité de la jeunesse », jusqu’au jeune Nicolas de Mauroy dont les 15
années en font déjà un homme arrivé au seuil du métier des armes et du
sacrifice. Ainsi, tout concourt à donner à la Garde d’honneur de Troyes (qui
n’a aucun rattachement statutaire ou administratif avec l’Armée), une âme et un
cœur militaires sous l’éblouissant panache à une époque où « servir » n’était
pas une « humiliation » mais une fierté.
L’uniforme des Gardes d’Honneur de Troyes était
splendide, le plus flatteur en vérité parmi ceux des Gardes des villes : habit
rouge à longues basques doublées de blanc, à retroussis, revers, collet et
parements de velours bleu céleste. Les boutons sont à l’Aigle, comme dans la
Garde Impériale. Le gilet et la culotte sont faits de casimir blanc, les
guêtres montent jusqu’aux genoux. Le Garde d'Honneur est coiffé d’un chapeau
tricorne à ganse d’or avec cocarde tricolore et plumet blanc. S’il était sous
les armes, il porterait la giberne avec la buffleterie blanche, le briquet et
le fusil. L’ensemble de sa tenue évoque les couleurs nationales. Le chasseur de
la compagnie à cheval a un uniforme éclatant : habit blanc avec collet,
parements et brandebourgs verts, boutons champignons, pantalon vert collant à
la hongroise, chapeau tricorne à ganse d’argent, cocarde nationale et plumet
blanc, petites bottes à cœur et gland d’argent. Sous les armes, il porte le
sabre courbe : à cheval il repose sur une schabraque de drap vert ornée dans
ses angles d’un N d’argent couronné. Le vert et le blanc : les couleurs de
l’Empire et de la Champagne. Le trompette major de la Ville et de la Garde
d’Honneur possède une flamme luxueuse qui orne sa trompette en cuivre argenté.
Cette flamme est à double face : sur l’une d’elles en soie blanche sont brodées
les armes de la ville de Troyes surmontées de la couronne des comtes de
Champagne, et sur l’autre face en soie verte, sont représentées les armes
impériales. Quelle magnificence ! Mais il faut savoir c’est que c’est une
épreuve pour les économies personnelles ou pour la bourse paternelle, car les
Gardes d’Honneur de Troyes s’habillent et s’équipent à leurs frais, les
cavaliers apportant en plus leur monture.
Rôle de la Garde d’Honneur de Troyes dans son rôle
d’escorte de Leurs Majesté Impériales du 2 au 6 avril 1805, puis de Sa Majesté
Pie VII, du 6 au 8 avril de la même année : la Garde d’Honneur montée,
accompagnée d’un détachement de grenadiers à cheval de la garde Impériale
stationné à Troyes depuis 6 semaines, et de plusieurs brigades de gendarmerie
se rend au-devant de l’Empereur et de l’Impératrice jusqu’à 2 lieues de la
ville. Pendant ce temps la Garde d’Honneur à pied ainsi que la Garde Nationale
et la Compagnie de vétérans soldés se rangent en ordre de bataille le long de
la route, là où commence le territoire de la commune. A l’arrivée de Napoléon
et Joséphine, les cloches des églises sonnent à toute volée et le canon tonne.
Les Gardes d’Honneur à cheval, dans leur uniforme de féérie, conduisent le
cortège jusqu’au palais épiscopal. Le lendemain 3 avril, dès 6 h, Napoléon
accompagné du Préfet et d’une escorte forte d’un détachement de Grenadiers de
la Garde Impériale et de 15 Gardes d’Honneur de la compagnie montée, part à
cheval pour reconnaître le cours de la Seine. Ce jour là, la Garde d’Honneur,
toute entière, est reçue aux côtés des Autorités départementales et
municipales, et les Souverains sortent de la ville. Le 4 avril, après dîner,
les augustes Souverains précédés de la Garde d’Honneur à cheval se rendent au
bal donné à leur intention à la mairie. Sur le perron de l’édifice, ils sont
accueillis par la Préfecture et la Municipalité, tandis que la Compagnie à pied
de la Garde d’Honneur fait la haie. Le 5 avril à 6 h, le couple impérial
assiste dans la cathédrale à une messe dite par l’Archevêque en présence des
autorités et d’une foule de gens de toutes conditions. Après la messe, les
Souverains sortent de la ville, précédés du Préfet et de la Garde d’Honneur. A
quelque distance de Troyes, sur la route qui mène à Bar-sur-Seine, L’Empereur
remercie le Préfet et la Garde d’Honneur.
A peine quelques heures se sont écoulées que la
Garde d’Honneur se rassemble à nouveau pour faire escorte au Souverain Pontife.
Le 6 avril, la Garde d’Honneur à cheval se porte en avant de la ville, à la
rencontre de l’Auguste voyageur, accompagné de plusieurs cardinaux, archevêques
et évêques. Le 7 avril, dans la cathédrale, le Saint-Père bénit les drapeaux de
la Garde d’Honneur. Le lendemain, le Pape quitte Troyes, accompagné par le
Maire et la Garde d’Honneur de Troyes. Par la suite, cette formation n’eut plus
eu l’occasion de se réunir. Son existence fut brève, elle ne dura que 7 jours !
Mais elle fut la seule des troupes de
France pouvant s’enorgueillir d’avoir accompagné les 2 Souverains qui
comptent parmi les plus puissants du monde : Sa Majesté l’Empereur des
Français, Roi d’Italie, et Sa Sainteté le Souverain Pontife.
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