vendredi 11 octobre 2024

Châteaux de St Liébault, st Lupien, St Lyé

 

Château de Saint-Liébault :



Le fief de Saint Liébaud (Estissac), relève de la baronnie de Villemaur. Du XIIIe au début du XVIIe siècle, s’y succèdent forteresses et châteaux. Jusqu'au XVIIIe siècle, le village s'appelle Saint-Liébault.

En 1564, le village fait partie du grand tour de France de Charles IX, sur l'initiative de Catherine de Médicis. Le roi y soupe le 21 mars.

Jacques Vignier, baron de Jully et des Riceys, conseiller du roi, intendant des Finances, acquiert la terre de Villemaure et en devient seigneur de 1615 jusqu’à sa mort en 1631.

Il fait alors bâtir à Saint-Liébaud son nouveau château, sur un vaste plan. Le nom de l’architecte est inconnu, mais les documents graphiques ne laissent aucun doute : Jacques Vignier s’est adressé à un architecte parisien de renom. 

Ce château est bien habité en 1630, si l’on en croit la description manuscrite qu’en fit, cette année là, Jean Chobert, procureur fiscal. Il correspond exactement au dessin conservé aux Archives nationales et exécuté en 1738. Les matériaux utilisés sont toujours la brique et la pierre de Tonnerre.

L’escalier central, surmonté d’un dôme, servait d’axe parfait de symétrie aux 2 pavillons qui l’encadraient de chaque côté. A la mort de son père, ses frères ayant licité, Claude Vignier, intendant de Champagne, devient propriétaire du château et continue les travaux, surtout dans les jardins. Mais, Claude Vignier s’endette, et ses créanciers font vendre la baronnie en 1647.

En 1650, la seigneurie de Saint-Liébault appartient alors au chancelier Pierre Séguier, puis, par l’union de sa fille Marie, à la famille du comte Cambout de Coislin.

Pierre Séguier embellit son nouveau château, et met à contribution de nombreux artistes.

Le château est transmis ensuite à la descendance, Marie-Henriette de Rochefort, en 1732, qui épouse Charles de Roye de la Rochefoucauld, comte de Blansac.

En 1758, Louis Armand de la Rochefoucauld hérite de cette terre et la fait ériger en duché héréditaire sous le nom d’Estissac (du nom de la seigneurie d’Estissac, province d’Aunis, près de La Rochelle).

Le château est reconstruit à la fin du XVe siècle, sur l’emplacement d’un ancien château fort.

Il est complètement détruit en 1793. Au cours de la Révolution française, la commune de Saint-Liébaud porta provisoirement les noms de Lyébault-sur-Vanne et de Val-Libre.

Une communauté protestante relativement nombreuse a existé à Estissac et dans ses environs, sous l’Ancien Régime et au XIXe siècle. La commune d’Estissac était d’ailleurs dotée d’un temple protestant à cette époque.

 

Château de Saint-Lupien


Il a été érigé en fief le 18 mars 1648 pour Charles de Beruryer, seigneur de Bussy-Saint-Georges, par le chapitre de Sens. Il se composait de 105 arpents de terres et une bâtisse carrée. Château avec quatre tours, une cour centrale un colombier... 

Le vieux château était appelé Château des Berruyers. Maison seigneuriale démolie en 1774.


Château des Évêques de Troyes

à Saint Lyé


Romain fonda le monastère de Mantenay et en fut le premier abbé. Lorsqu’il succéda à saint Remi sur le siège épiscopal de Reims en 533, saint Lyé en fut le second abbé.

Saint Lyé, décédé en 545, donna son nom au pays. Situé sur une voie romaine et aux abords de la Seine, le village aura un rôle capital. Les rois de France y font bâtir un château fort. En temps de paix le château se fait accueillant pour recevoir les personnages de marque, les princes, même les rois (Charles VIII en 1486). En temps de guerre, la forteresse sert à protéger la ville de Troyes.

Au XIIe siècle, l’Evêque de Troyes, est le premier des seigneurs de Saint Lyé. Il y possède une résidence rurale, composée : « d'un château clos de murs et de fosse à eaux vives et attenant des fosses une basse-cour en laquelle a deux granges et une maison pour mettre les blés et le bétail ».

Les hameaux de Riancey, Barberey-aux-Moines et Grange l’Evêque seront rattachés à la commune de Saint-Lyé.

Grange l’Evêque existait au XIIe siècle, l’Evêque de Troyes, seigneur de Saint Lyé y possédait un établissement, de là est venu le nom du hameau. Le monastère fut détruit en 959 par les Saxons qui vinrent soutenir à Troyes la cause de l’évêque Anségise.

Hatton (1122-1146), évêque de Troyes, fut le premier seigneur de Saint-Lyé. Les dîmes, autrefois perçues par l’abbé, à la disparition de l’abbaye, le furent par l’évêque de Troyes.

Ainsi, Henri de Carinthie (1147-1169), fut nommé comme décimateur de la paroisse de Saint-Lyé en 1169, une bulle du pape Alexandre III en faisant mention.

En 1177, le roi Louis VII, qui « chérissait » notre évêque Mathieu (1169-1180), confirma d’une façon officielle que ce fief appartenait à l’Evêque, et il lui donna beaucoup pour son évêché.

Les autres seigneurs de Saint-Lyé furent les évêques de Troyes : 

Manassès de Pougy (1181-1190), Barthélemy, Haïce de Plancy (1190-1192), Garnier de Traisnel (1193-1205), Hervée (1206-1223), Robert (1223-1233), Nicolas de Brie (1233-1269), Jean de Nanteuil (1269-1297), Guichard (1297-1314), Jean d’Auxois (1314-1316), Guillaume Méchin (1315-1324), Jean d’Aubigny (1324-1341), Jean d’Auxois II (1342-1352), Henri de Poitiers (1352-1370), Jean Bracque (1370-1375), Pierre de Viliers (1375-1377), Pierre d’rcies (1377-1395), Etienne de Givry (1395-1426), Jean Léguisé (1426-1450), Louis Raguier (1450-1483), Jacques Raguier (1483-1518), Guillaume Parvi (1518-1527), Odard Hennequin (1527-1544), Louis de Lorraine (1544-1550), Antoine Caracciole (1550-1561), Claude de Beauffremont (1562-1593), René Benoit (1593-1604), René de Breslay (1604-1641), François Malier (1641-1678), François Bouthillier (1678-1697), Denis François de Bouthillier de Chavigny (1697-1718), Jacques, Bénigme Bossuet (1718-1742), Matthias Poncet de la Rivière (1742-1758), Jean Baptiste Marie Champion de Cicé (1758-1761), Claude Matthias Joseph de Barral (1761-1789).


Seigneurie de Saint-Lyé, plan d’une partie des environs du château. XVIIIe siècle ?
 (Arch. dép. Aube, G 843)


Le château de Saint-Lyé fut bien national à la Révolution. Le sieur Milong, expert, dressa l’inventaire du domaine de Saint-Lyé. C’est ainsi que par les états descriptifs, nous pouvons avoir connaissance de cette propriété :

« une maison seigneuriale, composée de plusieurs appartements très beaux, un accin, une maison servant de logement au garde ou jardinier, les cors, jardin potager et fruitier, parterre, massif et parc, le tout contenant y compris l’emplacement des bâtiments 45 arpents, 78 arpents de pré, une garenne de 28 arpents, 9 remises, la pêche dans la Seine… Du domaine dépend aussi une ferme de 368 arpents de terres labourables, plus des prés… ».

Le tout faisant environ 230 hectares de nos jours. Relégué au rang des châteaux ordinaires, celui de Saint-Lyé aura de nombreux personnages comme propriétaires.

Dès que fut connue la mise en vente du domaine, la commune de Saint-Lyé revendiqua pour elle « l’avenue qui allait du grand chemin à la grille de fer du château, la voie d’Aix, à l’autre extrémité du pays, laquelle conduisait à la grande route. Le Conseil communal estime que ces deux voies d’accès devraient revenir logiquement à la commune qui revendique également, et pour les mêmes raisons, la place près de l’église, voisine de l’entrée du château, ainsi que les arbres qui y sont plantés, une plantation de saules au lieu dit les Banquettes et le terrain où était l’ancien lit de la rivière avant l’ouverture du canal de navigation, enfin les arbres plantés par les évêques sur le bord du fossé qu’un d’eux avait fait creuser dans la réserve de Mantenay pour y faire venir les eaux de la Seine ».

L’administration ne retint pour la commune, que l’avenue du Château. Le château de Saint-Lyé resta propriété de l’Etat, environ 15 mois.

L’adjudication eut lieu le 16 février 1791, et l’acquéreur fut Nicolas Edme Courtat de Troyes pour le prix de 180.400 livres. Lors de l’adjudication, il y eut 31 enchères.

Le 2 août 1856, les héritiers Courtat cèdent le domaine à Louis Isidore Cornet, maire de Saint-Lyé. A son décès le 9 mars 1905, sa nièce, Marie-Estelle Leloup devint sa légataire universelle.

Le 28 juillet 1906, elle revendit le domaine à Maître Jules, Paul Bouclier, ancien notaire, demeurant à Troyes.

Le 9 février 1920, Mademoiselle Emilie, Isabelle, Suzanne Havequez, dite Dantès, artiste dramatique, demeurant à Paris, se porta acquéreur du château et de ses dépendances pour 60.000 F.

M. Dulot, journaliste, acheta la propriété pour sa fille Simone, le 11 février 1926.     

Au IXe siècle, Sainte Maure allait fréquemment en pèlerinage à Saint-Lyé.

Un événement particulièrement important eut lieu au château : le 3 août 1315, Louis X le Hutin épousa en secondes noces Clémence, fille de Charles Martel, roi de Hongrie.

Avant la guerre 1939-1945, est venu plusieurs fois se reposer au château, Edouard Daladier, Président du Conseil.

De la place de l’église, on aperçoit la silhouette du colombier, à 2 étages, et 1 puits enfoncé dans l’épaisseur des murs de fondation, seuls vestiges de l’ancien château des évêques de Troyes. Ce colombier en forme de tour cylindrique, est timbré aux armes du seigneur Odard Hennequin, évêque de Troyes. Il est le dernier témoin de la magnificence de l’épiscopat français au XVIe siècle.

 Propriété privée

 ARCHIVES


Compte temporel de la terre et appartenances de l’évêque de Troyes à Saint-Lyé, 1391 
(Arch. dép. Aube G 413, fol. 46v-47)


C'est ainsi que nous apprenons que : 

Charpentiers : noms et salaire journalier

Jean de Barberey                   3 sous 4 deniers

Henri le Bessel           Charpentier     3 sous 4 deniers

Jean le Bessel  Fils d’Henri le Bessel 3 sous 4 deniers

Nicolas Marreglier                 3 sous 4 deniers

Aubert de Brienne                 3 sous 4 deniers

Jaquinot le Coleçon               3 sous

Colinet des Vignes                3 sous

Jean de Vaudes                     3 sous

Jean Michau    Valet d’Henri le Bessel          2 sous 6 deniers

Félisot Peot     Neveu et valet de Jean de Barberey  2 sous 6 deniers

Regnault         Valet de Jean de Barberey     18 deniers

Regnault le Coleçon   Frère de Jaquinot le Coleçon et valet de Jean de Barberey  18 deniers


Ouvriers de bras : Nom      Salaire journalier

Regnault Raoul                     2 sous 1 denier

Colin Lamie               2 sous 1 denier

Perrin Thévenin                     2 sous 1 denier

Jean de Dijon  Minier 2 sous 1 denier

Colin Laune               2 sous 1 denier

Robinet le Vion                     20 deniers

Jean Raoul                 20 deniers

Jaquin le Varleteux                20 deniers

Sançonnot Brissant               20 deniers


La réfection à neuf du pont levis

 Une partie du budget annuel est ainsi dédié à l’entretien et à la réparation des bâtiments appartenant à l’évêque. Le registre présenté dans l’exposition était ouvert au folio dédié à la réparation du pont levis du château en 1391. Sa reconstruction totale a occupé sept ouvriers pendant six jours au mois de janvier.

Le premier charpentier, qualifié de maître, Jean de Barberey, travaille régulièrement pour l’évêque. Son salaire journalier est fixé à 3 sous 4 deniers. Les six journées qu’il passe à restaurer le pont levis lui rapporte donc un salaire de 20 sous. Il est aidé de son neveu Félisot Peot et de Regnault le Coleçon.

La restauration complète de la charpente du pont du pré nouveau

 Déjà en 1385, la somme importante de 14 livres 2 sous 5 deniers avait été engagée pour restaurer un autre pont, celui menant au pré nouveau – ce pré d’une superficie de 16 arpents se situant derrière le château. Jean de Barberey est déjà présent sur ce chantier. À cette occasion, il est rétribué 2 gros par jour, l’équivalent de 3 sous 4 deniers. C’est lors de ce travail que l’on découvre les noms d’autres ouvriers, tous charpentiers mais avec des compétences différentes. Nous pouvons dresser un organigramme des qualifications de chacun en étudiant leur salaire journalier : Jean Gilot est rétribué 5 blancs, probablement estimée à 2 sous 1 denier ; la rémunération de Morel est fixée à 2 sous et Jaquinot est payé 16 deniers par jour. Félisot le Gras et Petit Thomas les rejoignent occasionnellement.

Jean Jeubert, un autre charpentier qualifié est aussi présent sur ce chantier avec son valet « le fils Godot ». Même si ces deux ouvriers semblent moins qualifiés que le personnel qui compose l’équipe de Jean de Barberey, leur présence s’avère indispensable. En effet, le scribe du compte estime nécessaire de préciser qu’ils refont « le bout du pont devers les prés ».

Plan du domaine


L’entretien du moulin et des fausses vannes

 Le moulin de la ville fait aussi l’objet d’un entretien rigoureux. En 1385, l’ensemble s’affaisse et il faut refaire cet ouvrage d’art. Oudin le Polet et Cothin le minier sont chargés de creuser les remparts des fausses vannes du côté du château dans le but de resserrer les lames de bois entre elles et rendre le tout à nouveau étanche, travail qui les occupe cinq journées entières. Ils sont aidés de cinq autres charpentiers tous aussi qualifiés qu’eux. Jean le Mercier transporte de la nouvelle terre et des pierres qui serviront à Oudin le Polet, Robinet et le fils de Coleçon pour stabiliser le sol. Quant à Arnoul, fils de Jean le Mercier, c’est pendant deux journées qu’il les aide à cette entreprise.

Les ouvriers restaurent les fausses vannes la même année, travail qui coûte 9 livres 4 sous 7 deniers à l’évêque. Jean de Barberey semble être le maître charpentier responsable du chantier car il est le seul à être présent chaque semaine du mois que dure cette opération. C’est lui qui réalise la première étape avec son valet Jaquinot la semaine de la saint Clément consistant à mettre une pièce de bois pour bloquer la descente des fausses vannes. Et c’est plusieurs mois après, au printemps, qu’il continue cette mission. Toute son équipe le rejoint : Morel, Jaquinot, Félisot le Gras, Petit Thomas, mais aussi Jean Gilot, Oudin le Polet et Coleçon le talementier. Au total, la réfection des fausses vannes aura duré six semaines complètes étalées sur six mois et mobilisé 93 journées de neuf professionnels. Le bois utilisé pour refaire ces fausses vannes appartient à l’évêque puisqu’il provient de ses forêts d’Aix-en-Othe.

Six ans plus tard, en août 1391, le moulin et les fausses vannes sont encore au cœur des restaurations. Cette fois-ci, le maître charpentier est Jean le Mercier, chargé de refaire les fausses vannes pendant trois journées avec Morel et Jean de Dijon, un ouvrier de bras. Son salaire journalier étant de 3 sous 4 deniers, il est possible d’en déduire qu’il a la même qualification que Jean de Barberey. Les charpentiers Jaquinot le Coleçon et Henri le Bessel se chargent de remettre deux bras neufs à la roue du moulin ; le premier faisant en plus un palier pour le fer du moulin dont les planches sont issues d’un arbre qu’il a lui-même coupé dans la garenne attenante au château.

L’année 1391 est aussi l’occasion de façonner une deuxième roue, neuve, pour le moulin banal. Une digue est creusée pour l’installer. Félisot Peot et Regnault le Coleçon, valets de Jean de Barberey, fabriquent les aubes de la roue tandis que leur maître taille une roue d’engrenage. Le chantier se termine la semaine de l’Ascension suivante grâce à Jaquinot le Coleçon qui pose le plancher sur les vannes du moulin.

La réfection à neuf des coulis des vannes occasionnent la plus grosse dépense : 219 livres 14 sous et 1 denier obole alors que le bois n’est pas acheté puisqu’il provient des forêts de l’évêque et les ouvriers non nourris sur place : « Pour la despence en deniers faicte pour le dit couliz de la quelle despense les parties sont escriptes en un quantiesme a tachié en la fin de ce compte, non compté le merrien pris en lostel de monseigneur a Troyes de ses garnisons, ne le merrien et trappans amenez daiz, ne aussin les soignemens des charpentiers présent il ont ouvert pour le dit couliz en lostel de mon dit seigneur a Troyes ».

 

Compte temporel de la terre et appartenances de l’évêque de Troyes à Saint-Lyé, 1385 
(Arch. dép. Aube G 412, fol. 21)

Au-delà d’un simple registre comptable, les comptes temporels des évêques de Troyes abondent d’informations sur la société médiévale. Ils nous permettent de retracer une carrière, dresser une généalogie familiale, prendre connaissance des coûts de la vie, des matériaux et de la masse salariale mais, aussi et surtout, de suivre l’évolution des bâtiments au gré des années et des aléas.

Section Archives par Aurélie Gauthier







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