- Château de Bossancourt :
Elevé sur l’emplacement d’une demeure médiévale, le château est l’œuvre de Philippe-Louis, comte de Beauvoir, puis marquis de Chastellux, petit-fils du chancelier d’Aguesseau, qui le fit construire entre 1758, date de l’attribution du domaine à son profit, et 1767, date de sa vente à François Marcel de Bossancourt et Madeleine Jacobé de Vienne.
Devenu vers 1920 propriété de la famille de Touchet, il vient d’être acquis par M. et Mme Gérard Richalley.
Le corps de logis et les pavillons qui l’encadrent, larges, profonds et couverts de combles à pente modérée, présentent de sobres façades en moellons enduits et chaînes de pierre appareillée, donnant sur le parc paysager tracé dans la vallée de l’ Aube.
A proximité du château subsistent de
nombreuses et intéressantes dépendances: pressoir du XVIIIe siècle, écuries,
pigeonnier et lavoir. Moulin à farine présumé remonter au deuxième quart du
XIXe siècle et dépendant anciennement du château de Bossancourt, a été converti
en usine génératrice d'énergie et conserve ses installations, notamment une
turbine hydraulique, le système de levage et l'armoire électrique.
Éléments protégés MH : le portail d'entrée, les
façades et les toitures du château, ainsi que la cheminée de la cuisine, le
pressoir et le pigeonnier, les façades et les toitures du moulin, du lavoir et
des écuries : inscription par arrêté du 19 février 1982.
Aujourd'hui propriété de la commune
- Château de
Breban :
Appartenait
au XIXe siècle à M. Corrard de Breban Le 16 août 1871 s’éteignait à Troyes, honoré
des regrets de tous, « une des personnalités les plus considérables de la cité
: M. Corrard de Breban, président honoraire du tribunal civil de Troyes,
correspondant du Ministère de l’Instruction publique pour les travaux
historiques, membre résident et ancien président de la Société Académique de
l’Aube, ancien membre du Conseil Général du département, officier de la Légion
d’honneur…à l’âge de 79 ans ».
Antoine-Henri-François Corrard de Breban naît à
Troyes, le 18 janvier 1792. Il est le fils de Simon-Henry Corrard de Breban,
ancien conseiller au bailliage de Troyes et de Marie-Antoinette-Charlotte
Lecoq. Son père, Simon-Henri Corrard de Breban était le fils de Jacques Corrard
de Breban, conseiller au bailliage de Troyes. Sa mère, Marie-Antoinette Lecoq,
était fille d’Antoine Lecoq, chirurgien
major au château royal de la Bastille. Elle épousa en secondes noces M. Antoine
Dereims, officier au régiment de la Sarre, qui était le fils de
Nicolas-François Dereims, lieutenant criminel au bailliage de Troyes et maire
de cette ville en 1769.
M. Corrard de Breban fait ses études à Troyes, tant à l’Ecole Centrale qu’à l’Ecole secondaire communale. Son intelligence et ses heureuses dispositions pour le travail, engagent ses parents à lui faire donner une instruction plus solide que celle que pouvait lui offrir sa ville natale. Il entre au Lycée Charlemagne à Paris, où il se signale par ses succès. Il obtient aux concours généraux des lycées, en 1808 et- 1809, plusieurs nominations, et notamment à chacun de ces concours le premier prix de version latine. Fils et petit-fils de magistrat, il ne peut hésiter sur le choix de sa carrière. Il se livre à l’étude du Droit, suit les cours de la Faculté de Paris, obtient son grade de licencié en 1814, et prête immédiatement serment comme avocat, mais préfère la magistrature assise, bien qu’il ait fait son stage judiciaire au parquet de la Cour d’Appel de Paris.
M. Bellart, alors Procureur-Général, y avait distingué le jeune stagiaire. Appréciant ses grandes aptitudes, il le fait nommer en 1816, avec dispense d’âge, juge en titre près le tribunal civil d’Arcis-sur-Aube.
Deux ans après, il est appelé au même titre
au siège de Troyes. En 1836, il est chargé des fonctions de Juge d’instruction
qu’il conserve jusqu’en 1850, époque à laquelle il est nommé Président de
Tribunal civil de Troyes. M. Corrard conservera ses fonctions de président
jusqu’en 1860.
A aucune époque de sa vie, M. Corrard ne fut un
homme politique. Bien que ses opinions monarchiques aient été profondément
arrêtées chez lui, il se tint constamment éloigné des luttes des partis. Lors
des premières années de l’Empire, il est élu dans le deuxième arrondissement
cantonal de Troyes, où il apporte ses lumières de jurisconsulte dans l’examen
de toute question.
Le 12 mars 1822, M. Corrard se marie à Troyes avec
Mlle Baebe-Françoise Huez, appartenant elle-même à une des familles les plus
considérables de la cité et qui y avait occupé des fonctions importantes dans
la magistrature. Mlle Huez était fille de M. Nicolas Huez de Pouilly, ancien
conseiller maître à la Chambre des Comptes de Paris et juge près le tribunal
civil de Troyes. Son père était lui-même fils de Bonaventure-Nicolas Huez,
seigneur de Vermoise, Pouilly, Villebarot, La Charme…. Par ce mariage, M.
Corrard était devenu le petit-neveu de Claude Huez, de ce courageux magistrat
que ses vertus avaient, en 1789, désigné comme première victime aux fureurs de
la Révolution à Troyes. Par ce mariage encore, il était devenu
l’arrière-petit-neveu de Grosley, notre spirituel et savant historien.
Le commencement de sa vie littéraire date de 1822,
au jour où il est admis membre résident de la Société d’Agriculture, Sciences
et Arts du département de l’Aube. C’est principalement à son intelligence et à
son dévouement que cette société est arrivée jusqu’à nos jours.
Dans les
Mémoires » de la Société, il publie un travail intitulé « Liste de quelques
plantes observées aux environs de Troyes ». Aux connaissances acquises en
littérature et en histoire, notre académicien joignait celle de la botanique,
faisant de longues promenades avec son épouse autour de Breban, Château
dépendant de la commune de Saint-Germain-près-Troyes, appartenant à la famille
Corrard depuis plus de 200 ans.
C’est en 1830, sous la présidence de Corrard qu’à
l’ancien titre de la Société : « Société d’Agriculture, Sciences et Arts », on
substitua un nouveau titre : « Société d’Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres ».
C’est en 1831 qu’il publie son premier travail
historique d’une certaine importance : « Dissertation sur l’emplacement de
l’Agendicum, ancienne ville du peuple Senonnais ». En 1832, il publie une «
Notice sur les monuments celtiques qui existent dans le département de l’Aube
», où, selon lui, les divers monuments druidiques reconnus comme tels : «
Monticules, mottes tumuli, pierres brutes, dolmens, pierres levées ou menhirs,
pierres couvertes, hautes bornes… ».
On lui doit a création du Musée. En 1829, on avait
placé dans une des salles de la Préfecture des échantillons de minéralogie et
de la géologie et quelques objets d’histoire naturelle. Ces collections
devenues plus importantes furent, en 1831, transportées dans les salles du
rez-de-chaussée de l’ancienne abbaye de Saint-Loup. Elles furent divisées en
sections ; « Beaux-Arts, Antiquités ou Archéologie, Histoire naturelle ou
Zoologie, Minéralogie, Géologie, Botanique », qui furent les premiers éléments
de notre Musée.
M. Corrard a consacré une grande partie de son
existence à ce Musée, avec de très nombreux travaux sur ces objets, publiés
sous le titre d’ « Archéologie départementale ». En 1833, il publie : « Notice
de l’œuvre de François Girardon de Troyes, sculpteur ordinaire du Roi, avec un
précis de sa vie et des notes historiques et critiques », puis « Souvenirs
d’une visite aux ruines d’Alise et au château de Bussy-Rabutin ».
Après 1834, ses travaux sont publiés dans l’ « Annuaire administratif du
département de l’Aube », sur « Les sculptures, tableaux et objets d’art qui
existent dans les églises de Troyes ». Dans les « Mémoires académiques » de
1836, il publie « Deuxième supplément des plantes observées dans notre
département ».
En 1839, il publie « Recherches sur l’établissement
et l’exercice de l’imprimerie à Troyes », contenant la nomenclature des
imprimeurs de cette ville depuis la fin du XV° siècle jusqu’en 1789, et des
notions sur leurs productions. En 1849, Corrard écrit « Tribulations de
Grosley, à l’occasion des bustes dont il a doté la ville de Troyes ». En 1854,
il publie « Mémoire sur les diverses enceintes de la ville de Troyes », en 1857
: « Les rues de Troyes anciennes et modernes… avec un plan », en 1857, 1858 et
1860, des études sur les « Inscriptions gauloises et romaines du département »,
en 1861 « Les Abbesses du Paraclet », présentées dans l’ordre chronologique
avec notes, en 1864, « Recherches sur quelques œuvres de Jacques Carrey »,
peintre troyen », en 1868 sur « Les graveurs troyens, recherches sur leur vie
et leurs œuvres ».
A son décès, il y avait des manuscrits concernant
notamment : « Grosley », « Les dernières éditions des lettres de Mme de Sévigné
», « L’ancien collège de Troyes avant la Révolution », les « Généalogies de
plusieurs familles de Troyes »…
Corrard de Breban a publié des écrits dont la valeur
encore aujourd’hui ne saurait être contestée, d’abord par les écrits qu’il a
publiés, par l’action qu’il a exercée sur ses contemporains, par la
restauration à Troyes, des études littéraires, pour assurer à son pays, par le
culte des Belles-Lettres et des Beaux-Arts, l’instruction, l’illustration, et
par suite l’honneur de l’esprit humain, couronnement de toute civilisation,
sans lequel une réelle et complète prospérité ne saurait exister pour une cité.
La pensée suprême de M. Corrard fut la réalisation de cette pensée, née du plus
pur patriotisme, qu’il a dévoué pendant 50 années de sa vie, lors des loisirs
que lui avaient laissé ses fonctions de magistrat.
Corrard de Breban eut beaucoup d’épreuves : en 1852,
sa fille aînée décède, en 1864 c’est au tour du mari de son autre fille et son
épouse en 1866. Ce dernier coup le brisa tout entier au souvenir du passé, « sa
plume s’échappa de ses mains, laissant inachevés plusieurs travaux commencés ».
Il avait aussi beaucoup souffert pendant l’invasion
de voir « sa patrie bien-aimée vaincue, humiliée, démembrée et mise en rançon !
».
Il décède le 16 août 1871. Il fut nommé chevalier,
puis officier de la Légion d’Honneur.
Par délibération du Conseil Municipal de Troyes, du
14 avril 1982, une rue porte son nom (quartier de la Moline).
- Château de
Brantigny
En 1349, elle appartient à Bernard de Brion, écuyer,
prévôt de Troyes.
En 1576, elle est inclue dans les terres du duché de
Piney.
En 1621, le château appartient à Charles de la
Vieuville, lieutenant général en Champagne, futur surintendant des finances et
duc de la Vieuville.
En 1654 elle passe dans les mains de Claude Molé,
puis en 1656 dans celles de Nicolas Dauvet comte des Marets, grand fauconnier
de France et en 1658, à René de Réaulx, seigneur de Coclois, maréchal de camp. Un
de ses fils, Louis, dont le père fait entreprendre la reconstruction du
château, reçoit en 1690, de Louis XIV, un titre de marquis, en reconnaissance
du sacrifice de ses 4 frères aînés, tués à son service. François, le plus jeune
et unique survivant des 6 frères hérite du château.
François des Réaulx interrompt sa formation
ecclésiastique, fait en 1697, un brillant mariage avec Marie-Geneviève de
Turmenyes, et acquiert une charge de conseiller au Parlement de Paris. Après son
décès, son fils aîné René, marquis des Réaulx et baron de Lirey, seigneur de
Brantigny, Ortillon et Grisy, épouse Marguerite de Meuves, fille d’un opulent
financier et fait achever la reconstruction du château entre 1742 et 1751, date
de son décès, sans postérité.
Le château de Brantigny revient alors à son frère
Louis II, comte des Réaulx.
Son fils aîné François-Louis, marquis des Réaulx, a
mené une belle carrière militaire et s’intéresse de la terre de Coclois. En
1793, son épouse Anne-Françoise de Mesgrigny réussit à se faire adjuger à bail,
grâce à un prête-nom, le château et le parc de Brantigny, mis sous séquestre. François-Louis
meurt sur l’échafaud en 1794. Son épouse ne peut empêcher la vente des terres,
puis celle du château, prononcée en 1798 au profit de Nicolas Gayot et de
Jean-Baptiste Tarin, son régisseur officieux, qui acceptent de les lui
rétrocéder.
Retirée à Coclois, elle laisse Brantigny à
Anne-Maximilien des Réaulx, l’aîné de ses fils, ancien lieutenant-colonel.
Revenu d’émigration en 1800, il s’installe à Brantigny,
où il décède en 1806. Son fils Adolphe, officier aux gardes du corps,
accompagne Louis XVIII à Gand, et quitte le service en 1819, pour se fixer à
Brantigny.
En 1859, il laisse le domaine à son fils René, et il
appartient ensuite à sa petite fille Mathilde, épouse du marquis Bardon de
Ségonzac.
Cette dernière, loue le château, en mauvais état au
marquis de Rougé, qui l’occupera jusqu’en 1915.
Vendu en 1950 à un marchand de bois, qui le revend
aussitôt, il abrite alors jusqu’en 1965 un institut médico-pédagogique.
Le château est enfin acquis par MM. Prodhomme et
Collignon, dont la famille le possède toujours.
L’imposante demeure en pierre claire et tendre, est
développée de 11 travées ordonnées, avec une allure classique et régulière.
Prolongé par des ailes basses, le corps de logis est accompagné d’un long corps
de dépendances, rejoignant un logis plus élevé. Il existe toujours d’importants
bâtiments agricoles datant du XVIIIe siècle, dominés par un colombier en pans
de bois.
Aujourd’hui, la deuxième génération a transformé le
château en gîte sous le label des « gites de France» et l’on peut louer
chambres et suites…
Une grande dame : la
Vicomtesse Victoire Des Réaulx.
Victoire
est la fille de la jeune veuve de Monsieur de Lagarigue de Savigny de Rocourt,
officier dans les armées navales. Elle a « un caractère », aussi boude-t-elle les partis
qu’on lui présente et qui ne répondent pas au type de mari idéal qu’elle
cherche.
Ce
n’est qu’à l’âge de vingt-trois ans, en 1780, qu’elle se décide à épouser
le Vicomte des Réaulx. Il est riche, attentif et chevaleresque. Ils
partagent leur existence dans un cadre luxueux entre Paris et Brantigny.
Rappelons
que Brantigny était un domaine gallo-romain possédé par Brantinius avant le IIIe siècle. Ce
village dépendait pendant l'Ancien régime de l'élection de Troyes.
La Révolution éclate.
À Paris, elle trouve sa
mère épouvantée par les mouvements de la rue, et lui dit qu’il est temps
d’abandonner son hôtel, qu’il leur faut désormais se diriger vers la
frontière.Bien lui prend, l’aïeule, Marie de Meuves comtesse des Réaulx,
octogénaire, sera arrêtée et mourra en prison de la petite vérole. Le
« Grand marquis », seigneur de Bucey, après quelque temps à
Londres revient en France, est arrêté à Fleurigny, conduit à Paris, et guillotiné douze
jours avant Robespierre. Donc, Victoire, sa mère, sa tante et deux enfants se
dirigent vers la frontière allemande. Elle retrouve son mari à Coblence,
engagé dans l’armée des Princes. C’est là que, comprenant alors que
l’émigration ne serait point l’affaire de quelques semaines, elle décide
de se fixer à Londres. Elle ouvre sa maison à ceux de ses compatriotes qui ne savent où
être hébergés. « L’énergie de son caractère, son inépuisable gaieté, la
sûreté de son jugement, lui créent de nombreux protecteurs et de nombreux
obligés ».
Elle
participe à des travaux de broderie, recrute les petits talents. C’est ainsi
que, dans son entourage, chaque émigré devenait artisan, ce qui lui
permettait d’alimenter une sorte d’entrepôt, patronné par la marquise de
Buckingham, où étaient vendus les objets fabriqués. Le séjour londonien
dura douze années.
Un
trait de son énergie : des aristocrates anglais auraient voulu alléger sa tâche
en adoptant son fils Adolphe, afin de lui donner une éducation analogue à celle
de leurs propres enfants. Elle décline l’offre : « Je vous remercie, mais
jamais je ne me séparerai de mon fils. Chez vous, il aura dix laquais
pour le servir, chez moi, il cire lui-même ses souliers. Qui me dit qu’une
fois rentrés en France nous ne trouverons point la misère, et que, sortant
de vos demeures somptueuses, il n’aura point l’affligeante obligation
de reprendre ses brosses et son cirage ? ».
En
1802 les Réaulx retrouvent la France. C’est à ce moment que se produit une rencontre qui illustre
bien le caractère de Victoire des Réaulx. Descendue dans un modeste
logis de la rue Garancière, elle reçoit la visite d’une cousine comme
elle, originaire des îles, mariée à un aristocrate, perdue de vue depuis longtemps. Il s’agit
de Joséphine Tascher de la Pagerie. Mariée à François
de Beauharnais, elle a été
emprisonnée et son mari guillotiné. Après Thermidor, en 1796, Joséphine de Beauharnais
a épousé Bonaparte. La jeune veuve voit aussitôt s’ouvrir les portes des salons à la
mode. Victoire a devant elle Madame Bonaparte et sa fille Hortense. Joséphine
peut tout. Elle le laisse entendre à sa cousine, mais Victoire ne veut
rien devoir à celui qu’elle considère comme l’usurpateur. Les relations
qu’elle consentit à reprendre avec la future impératrice ne revêtirent
donc d’autres formes que celles de la plus simple intimité.
À
quelque temps de là, Victoire des Réaulx et son mari se retirent en
Champagne, dans leur domaine de Brantigny, à peu de distance de Coclois où
vit toujours la mère de Monsieur des Réaulx, âgée de 92 ans. La famille renoue
avec les Brienne qui donnent le ton dans la
contrée. Victoire continue avec eux ses anciennes relations, mais
comme elle dit : « en place de mes carrosses, je n’avais conservé
qu’une simple vinaigrette (ancienne voiture à deux roues, dotée de
ressorts, analogue à la chaise à porteurs) et c’est dans cette méchante voiture que je les allais visiter sans vergogne ».
Veuve
en 1806, elle va vivre dans une retraite consacrée aux bonnes œuvres.
En
1814, au soir de la
bataille de Brienne elle
reçoit la visite de l’un de ses parents, rallié à l’Empire, Monsieur de
Mesgrigny, chambellan de Napoléon, qui lui dit le péril dans
lequel elle se trouve. Il raconte la bataille et lui annonce que
l’Empereur veut se replier sur Brantigny et prendre ses quartiers chez elle.
« C’est
un imbécile ! répond aussitôt Madame des Réaulx. Brantigny est un bas-fonds
dans lequel toutes les forces ennemies tomberont sur lui. Je suis royaliste
mais je ne veux pas être responsable d’un pareil désastre ».
Le
temps passa, les Bourbons étaient revenus, Louis-Phippe leur succéda, puis
encore une République, la seconde, et un Second Empire.
Combien
de régimes aura-t-elle connus, toujours fidèle au souvenir de Louis XVI ?
Elle
demeurait tour à tour à Brantigny ou à Troyes, où elle prenait ses quartiers
d’hiver.
Fragile
dans son enfance, elle était toujours boiteuse et contrefaite, mais d’un
heureux caractère, d’une santé florissante. À l’égard de ses
petits-enfants, elle avait conservé le ton d’autorité de l’Ancien Régime
et ne tolérait aucune infraction à l’étiquette. La conversation des
douairières troyennes ne la passionnait pas : « Par ma foi, mes
contemporaines tombent chez moi aux premiers jours de beau temps comme les
mouches aux premiers rayons du soleil. Lâche m’en une ici, deux au plus, disait-elle
à son valet de chambre, et ferme la porte aux autres… ».
Impatiente,
elle n’avait pas supporté qu’un prédicateur troyen évoquât sa piété et sa bonté
lors d’un sermon et l’avait vivement rabroué.
La vicomtesse Victoire des Réaulx, une grande dame du XVIIIe siècle, mourut dans sa quatre-vingt-dix-septième année, en 1853, sous le règne de Napoléon III.
J’ai retrouvé le
sceau ci-contre : un lion léopardé à figure humaine, dans un écu soutenu par des sauvages,
surmonté d’une couronne de marquis et de la devise HUMANUS UT FORTIS.
Il s’agit du sceau
de François-Louis des Réaulx, le beau-père de Victoire seigneur
de Bucey-en-Othe, en procès interminable avec les habitants à propos de l’usage des bois.
Les Réaulx étaient alliés à la famille de Marolles,
dès le début du XVIIe siècle, et à la puissante famille des Mesgrigny qui
possédait Bucey-en-Othe.
Château de Bucey-en-Othe :
Dans son carnet, Pierre-Louis-Célestin Douge, curé
de Fontvannes, écrit vers 1865 :
« Le château présente une espèce de carré parfait,
entouré de murs, flanqué d’une tour à chaque angle, dont deux sont rondes et
deux sont carrées, avec des fossés creusés au pied extérieur des murs et
remplis d’eaux vives. Une des portes principales d’entrée est voûtée en plein
cintre, à plusieurs compartiments séparés de distance à distance par des
arceaux non parallèles, de manière que l’un rentre d’un côté, tandis que
l’autre est en saillie, le tout fait dans le goût de l’architecture du Moyen
Âge. On voit la place où la herse descendait, et, en dehors, les deux
tourillons en fer, où tournait le pont-levis jeté sur le fossé et que l’on
relevait à l’aide de grosses chaînes. Des fenêtres faites « à la moderne », ont
été pour donner du jour, ouvertes dans l’épaisseur des murs de défense et dans
les tours, mais cela n’empêche pas de reconnaître la destination primitive de
ces vieilles constructions féodales, aux meurtrières encore béantes, que l’on
voit apparaître de place en place, surtout dans les murs des tours.
S’agissait-il
d’un château, d’un manoir, d’une maison forte ?
Il avait sans doute une double destination :
habitation seigneuriale et bâtiment à vocation agricole.
Les seigneurs de Bucey furent : Garnier, Manassès de Bucey en 1173, Lige de Villemaur en 1180, Milet en 1217, en 1230 Gui de Bucey, Lige du comte de Champagne, Ithier de Bucey, Isabelle de Mailly, Henri du Plessy, Jacquette de Bucey, Alise ou Adélaïde de Villemaur en 1242, Jean de Bucey en 1243, Jean-Abraham et Pierre-Abraham en 1378 et 1382, Marguerite d’Anglure, Dale de Chennegy en 1396.
La famille des Fontenays, seigneurs de Saint-Liébaut au XVe siècle : Jean de Die, Louise de Madeil, mariée à Odard de Rossey puis à Adérale de la Rouere, dont on voit l’épitaphe avec celle de son épouse dans l’église de Bucey.
Cette terre a passé ensuite dans la famille de le Courtois anoblie par Charles VI. En 1396, cette famille, originaire de Bourgogne, s’établit à Troyes, où elle a occupé les premières charges. Mademoiselle Le Courtois, fille de Pierre, conseiller au parlement, a porté la terre de Bucey dans la maison de Mesgrigny, par son mariage avec M. le comte de Villebertain, qui l’a remise à son gendre, M. le Marquis des Réault.
Dernier seigneur de Bucey, il la céda en 1829, à M. Fleurigny du Yheil qui la revend à M. Costel, notaire à Estissac. Son fils, Président du Tribunal Civil de Troyes, la transmet à son cousin Charles Douyne, de Bucey qui en hérita et exploita le domaine.
Aujourd’hui, il est la propriété
de M. et Mme Vicquerie.
Le chapitre de Saint-Etienne peut être compté parmi
les seigneurs de Bucey, car il y possédait des biens, et l’église paroissiale
est sur un fonds qui lui appartenait.
Dans les années 1920, c’était une exploitation
modèle que visitaient les élèves de l’école d’Agriculture d’Hiver.
Deux anecdotes : au XIIIe siècle, les hommes et les
femmes étaient souvent vendus, échangés et donnés, à titre gratuit ou onéreux,
par leurs seigneurs laïcs ou ecclésiastiques. Ainsi, en 1230, Gauthier de
Bucey, écuyer, vend à Thibaud IV le chansonnier, une femme de Mérey, le fils et
la fille de cette femme, leurs enfants et leurs biens, moyennant seize livres !
En 1616, un seigneur de Bucey et celui des Chaast,
en contestation pour des droits honorifiques, se donnèrent un cartel au sortir
de la messe. Il se présenta un ruisseau à passer sur une planche. Dispute de
politesse. Celui qui passa le premier se sentit tout-à-coup blessé dans le dos,
mais se retournant, il eut encore assez de force pour « enfiler son agresseur,
et ils se tuèrent ainsi l’un l’autre ».
Longtemps délaissé, le château fait depuis plusieurs
années l’objet d’une restauration attentive. Les façades et les toitures des
bâtiments ainsi que le fossé avec son arrivée d’eau sont inscrits à
l’inventaire des monuments historiques depuis le 12 janvier 2005. Location de Chambres d'hôtes.
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