Il
y a 180 ans, était démolie l’église Saint-Aventin. D’après le
chanoine-trésorier de la collégiale de Saint-Urbain, " c’était sans
contredit, la plus ancienne, remontant au VI° siècle ".
Saint
Aventin nait sur la fin du V° siècle, avant le règne de Clovis, 1er roi
des chrétiens. Il entend parler de saint Loup, évêque de
Troyes, de sa science profonde, de son éminente sainteté. Son ambition est
d’être compté au nombre de ses disciples. Le désir d'une vie parfaite conduisit
le jeune Aventin à Troyes.
Saint
Camélien* succède sur le
trône épiscopal de Troyes, au décès de saint Loup. Il connut bientôt le mérite
et la vertu d'Aventin, le mit au nombre de ses clercs et le fit économe de ses
revenus. Le pieux religieux s'acquitte de son emploi avec tant de prudence et
de sagesse, qu'il nourrissait non seulement le clergé de la cathédrale qui
vivait alors en commun, mais encore les pauvres, les veuves et les orphelins.
" Les actes de la vie rapportent même que Dieu opéra des miracles pour faire
éclater sa fidélité et sa charité, et que plus il dépensait pour les pauvres et
les infirmes, plus les biens croissaient entre ses mains ".
La
réputation de sa sainteté s'étant répandue, Aventin craignit que le démon ne se
glissât dans son cœur. Il prit la résolution de fuir le monde et de se retirer
dans la solitude pour y vivre sous les yeux de Dieu seul. Il en demanda la
permission à l'évêque, qui d'abord lui refusa pour le retenir auprès de lui,
afin d'édifier son peuple. Aventin, persévérant dans son dessein, réitéra
ses demandes, et obtint enfin la permission qu'il désirait. Il se retira sous
les murs de la ville auprès d'une chapelle déserte ou peu visitée, et y bâtit
une chaumière où il vécut en anachorète. Cette retraite ne fit qu'augmenter sa
renommée. Les hommes qu'il fuyait allaient l'y retrouver pour jouir de sa
conversation et recevoir des instructions sur l'affaire de leur salut. Tant de
visites lui firent connaître qu'il n'avait pas encore rempli son objet et qu'il
n'était pas assez éloigné du commerce du monde. Il choisit une retraite plus
éloignée, où est aujourd'hui la paroisse de Saint-Aventin. Là, il fut appelé
aux saints ordres, l'évêque lui conféra le diaconat et enfin la prêtrise.
Ministre fidèle, il s'adonna à la prière, à l'étude des saintes écritures et à
la méditation de la science des saints. Il montrait la piété la plus profonde
dans la célébration des saints mystères. La plus sévère austérité était son
occupation, la haire était son vêtement, le pain d'orge, les racines et un peu
d'eau étaient toute sa nourriture vers le milieu de la semaine, après 3 jours
de jeûne continuels. Enfin, il n'avait pour lit que des planches couvertes de
peau. Un ours furieux et poussant des cris épouvantables se présenta dans la
chaumière du saint pendant la nuit. Aventin, effrayé, se mit en prière et
s'abandonna aux soins de la Providence. A la pointe du jour il ouvrit sa porte,
et l'ours doux et abattu de langueur, le lécha et lui présenta une de ses
pattes où était enfoncée une épine, comme pour le prier de la lui arracher.
L'homme de Dieu lui rend ce service, lave la plaie, la frotte avec un peu
d'huile et l'enveloppe d'une petite peau. L'animal devint familier, et,
lorsqu'il fut guéri, il se retira dans les bois. Une autre fois, une biche poursuivie
par des chasseurs, se retira aussi dans la chaumière du saint, qui la mit sous
sa protection et lui sauva la vie. Saint Aventin avait avec lui un religieux
qui le servait "en ses besoins, et apprenait de lui à marcher dans les
voies de la justice". Un jour, ce religieux ayant pêché quelques petits
poissons, les porta à son maître, encore vivants. Le saint les prit et les
rejeta dans l'eau, en disant : "allez, petites créatures, retournez dans
votre élément et y vivez, pour moi, Jésus Christ est mon élément et ma
nourriture, c'est en lui que je veux vivre". Saint Aventin a fait encore
plusieurs autres prodiges : il guérissait les malades par ses prières et il
chassait les démons suivant la parole de
Jésus-Christ.
Le bruit de ses
vertus et de ses dons lui attira une foule de visiteurs.
Il
décède le 4 février 537. L’évêque de Troyes, saint Vincent, frappé
des miracles qui s’opèrent sur son tombeau, le fait reconnaître comme
saint, et fait ériger en 540, une église en son honneur. Il va souvent
s’agenouiller sur le tombeau du saint, et demande à être inhumé dans cette
église (son tombeau a été détruit lors de la Révolution de 1789).
En
1219, la châsse de saint Aventin est ouverte. Le corps est trouvé en bon état.
En
1605, le curé et les habitants de Creney demandent au Chapitre de Saint-Etienne
" une portion quelconque du saint solitaire sous l’invocation duquel ils
ont placé leur église paroissiale ". Le 7 novembre une côte de saint
Aventin est mise au trésor, et le 29, ils en prennent possession avec
transport solennel dans leur commune.
En
1641, on détache des restes vénérés, un os de la cuisse " long
de 2 palmes (environ 45 cm), pour être donné à sa demande, à la reine de
France, pour être placé dans l’église des Religieuses de Paris ".
En
1725, notre évêque Bossuet, permet que " l’on tire un os de
l’avant-bras, pour mettre dans la chapelle bâtie à Rome, sur le mont Aventin
". Bossuet en profite pour prendre pour lui, la clavicule, qu’il
remet en 1729 à la paroisse auboise de Saint-Aventin-sous-Verrières.
En
1760, les chanoines de la Collégiale Saint-Etienne font faire une nouvelle
châsse, pour y placer en 1764 le reste des reliques de saint Aventin "
avec plusieurs autres ". Avant de sceller la châsse, on accorde au curé de
Saint-Aventin, " une portion d’une fausse côte et une vertèbre des
lombes " du saint qui fut donnée à l’évêque de Castres, pour son
église.
Que
sont devenus les restes précieux de saint Aventin, richement enchâssés dans
l’or et la soie ? Jetés au vent en 1794 par le pouvoir révolutionnaire,
et la châsse broyée sur ordre de la Convention. Il ne reste aujourd’hui
que quelques parcelles de ces reliques.
L’église
était d’assez grande dimension, possédait un orgue, une tour-clocher avec de
grosses cloches, elle était voûtée. Il y avait 4 autels, dédiés à saint Roch,
saint Barnabé, saint Aventin et saint Sébastien.
Lorsque
la liberté des cultes fut proclamée sous Louis XVI, elle servit d’asile à
l’église réformée, mais elle fut fermée pendant la Terreur, puis vendue
comme bien national.
Elle
servit successivement de magasin de bois et charbon, et d’atelier de
charronage. En 1833, elle est démolie.
L’abbé
Fardeau, dernier curé de Saint-Aventin, est la seconde victime des fureurs
révolutionnaires, après le maire de Troyes, Claude Huez.
Il
passe le 20 août 1792, sur le pont du moulin de la Tour. Des femmes au lavoir
le reconnaîssent et font des huées et le signalent comme prêtre à des
soldats. Pris au collet, ils veulent lui faire dire : Vive la
Nation ! L’abbé s’y refuse.
Alors
ils l’accablent de coups, " et l’un d’eux lui tranche la tête, qu’ils
placent au bout d’une pique et parcourent tous les quartiers de la ville
avec ce sanglant trophée de leur barbarie ".
Ses
assassins ne furent jamais recherchés.
C’est
ainsi que finirent les destinées de la paroisse de Saint-Aventin.
*Saint
Camélien est celui qui s’échappe du nombre des clercs
envoyés par saint Loup vers Attila, près de Saint-Mesmin. Echappé aux coups des
soldats, il se cache dans un petit bosquet, revient à Troyes, et rapporte ce
qui s’est passé dans le massacre de ses compagnons.
Saint Loup, près de mourir, le désigne en 479, pour
son successeur dans le siège épiscopal de Troyes. Les citoyens, connaissant son
mérite, se rendent avec joie aux vœux du pontife, et acceptent Camélien pour
évêque. Il marche sur les traces de son prédécesseur, et mérite, par ses
vertus, le titre d’homme apostolique.
Afin de vaquer à ses fonctions avec plus de zèle et
de ferveur, il choisit saint Aventin pour être l’économe de son temporel, et
s’aperçoit que plus il dépense pour les pauvres et les infirmes, plus les biens
croissent entre ses mains. Pour l’éprouver, saint Camélien marque un tonneau de
vin, et s’aperçoit que ce vin ne diminue pas quand Aventin en fait la
distribution. Il donne cette charge à d’autres, et cette fontaine miraculeuse
cesse, et le tonneau est bientôt vide.
Sous son épiscopat, la ville de Troyes tombe sous la
puissance de Clovis, et fait partie de la monarchie française. Quoique ce
prince soit encore idolâtre, ce changement n’affaiblit pas la religion chez les
Tricasses. Clovis protège les chrétiens, loin de les détruire.
Camélien voit le prince venir recevoir sa future épouse Clotilde à Villery, et il reçoit aussi sainte Geneviève qui vient à Troyes chercher des secours pour aider Paris désolé par la famine.
En 511, il assiste à la sixième place, lors du
concile qu’assemble Clovis, devenu catholique, à Orléans, avec 32 autres
évêques.
Saint Camélien décède en 536, après un épiscopat de
57 ans ! Ses reliques sont dans l’église de saint Loup. Sa fête se célèbre le
28 juillet.
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